vendredi 30 mai 2025

Divers points – éditeurs, bobos (pas la même chose)

Croisé il n’y a pas très longtemps avec grand plaisir l’éditeur de cette maison dont il a déjà été question ici : Sous le Sceau du Tabellion, Alain Chassagneux. Cette maison d’édition, associative, a (ré)édité récemment, entre autres, Héloïse Combes, André Dhôtel, Patrick Reumaux !


Du coup, j’ai commencé de lire Biogriffures, de Patrick Corneau, qui lui-même a parlé non sans intérêt d’Héloïse Combes… J’en reparlerai peut-être, mais je voudrais m’arrêter sur le passage suivant (page 30 – il y est question d’un Frédéric…) :

« Il lui serait désagréable d’apprendre qu’il se rattache aux habitus de classe de la néobourgeoisie semi-intellectuelle française du début du XXIe siècle, dite bobo. (…) Pour Frédéric, les bobos ce sont les autres, sous-entendu ceux qui ont un peu plus d’argent, qui peuvent prétendre à l’atelier sur cour, la petite maison charmante dans une impasse privatisée, le loft avec vue sur le Sacré- Cœur, etc. Le bobo c’est toujours l’autre, celui qui vous ressemble mais en mieux, que vous dénigrez tout en l’enviant secrètement. »

Pourquoi pas. Sans vouloir empiéter sur les plate-bandes des sociologues – leurs semis sont déjà bien capricieux ! –, je me permettrai néanmoins de donner ici une définition simple et me semble-t-il assez complète du mot bobo, en cinq points. Sans doute la trouvera-t-on sujette à caution, mais elle aura le mérite d’exister.

1) Le bobo habite généralement le centre de certaines villes moyennes – grandes.

2) (En lien avec les points précédant et suivant), le bobo est aisé (matériellement), voire très aisé.

3) Le bobo est « branché », plutôt cultures underground, si possible locales.

4) Le bobo est de gauche (rarement communiste, entre LFI et un certain spectre de l’écologie et du centre-gauche).

5) (J'ai tendance à l’oublier, celle-ci), le bobo est assez niais.




Quant à l’Arbre vengeur – on en a parlé du fait de la belle réédition de David – ils ont parfois des soldes dans leur impressionnant catalogue. Gare alors, au porte-monnaie peut-être, aussi à l’espace jalousement préservé pour caser encore quelques livres ici ou là. En vrac : Franz Bartelt, Robert Louis Stevenson, Mark Twain, Remy de Gourmont, D. H. Lawrence…
J'hésite en l’occurrence un peu à me faire plaisir : sait-on jamais, quelque fâcheux – j’entrevois bien à l’heure où l’écris ces lignes quelques personnes particulièrement obtuses et ignares – pourrait me rendre le service de me décider à changer, enfin, de métier ; il me faudrait alors vraisemblablement déménager… et la difficulté serait alors précisément de transporter mes livres et leur trouver une place quelque part…

Ou rester indifférent à l’instar d’un David ?
Indifférent ; refuser l’influence du temps qui passe ? Jusqu’à prendre langue avec la mort ?
Je fais là allusion à un article d’André Murcie (mais on en reparlera…), qui évoque dans le dernier Cahier (n° 22, 2024) de la Route inconnue « Une mauvaise lecture d’André Dhôtel » :

« Les interstices dhôteliens changent le regard sur le sens profond de cette œuvre : pourquoi les amoureux de Dhôtel mettent-ils tant de temps à se retrouver ? Parce qu’ils ne sont pas situés sur la même rive, l’un se tient sur la rive du monde des vivants et l’autre sur celle de la mort. Ne poussez pas des cris d’orfraie (…) »

La thèse est troublante, même si elle généralise peut-être… Puis on pourrait penser aussi que Dhôtel a besoin simplement de temps pour raconter son histoire, « dérouler son tapis » (Paulhan).


Illustration de Julie Faure-Brac, tirée du
P
ays où l’on arrive un jour, Éditions Invenit


Ce jour au Mont-de-Jeux : présence de Julie Faure-Brac, Dominique Tourte (entre autres…) Ce dernier est l’éditeur d’Invenit, qui a confectionné le livre Le pays où l’on arrive un jour.
Le titre est résolument (par rapport à Dhôtel), contradictoire ; son objet a quelque chose de surprenant aussi (par rapport à Dhôtel, encore) : c’est qu’il a quelque chose, aussi, du guide de voyage, voire de randonnée. Dhôtel randonneur ? Dhôtel guidé ? Il se laissait plutôt guider par le hasard.

« Science subtile de l’égarement. »


Nils Blanchard

lundi 26 mai 2025

La guerre sans fin / Dix, vingt ans après

On parla de Trump, homme des reculs. (Mais on espéra aussi que, des vibrations de l’éléphant dans un magasin de porcelaine – même de robuste qualité soviétique – on pût obtenir quelque issue heureuse.  La fin de la guerre, quitte à remettre à plus tard certaines questions…) Sans surprise, récemment en Turquie (le 16 mai), c’est Poutine qui a reculé semble-t-il devant la paix. 



Ça amène à ce titre d’un petit livre édité par Ariel Förlag l’année dernière, et traduit par Mikael Nydahl (qui n’est autre que le fils de Thomas, dont le blog est en lien indirect de celui-ci, via l’onglet « Nordic Voices in Translation » – un peu vers le haut, à droite ; il suffit de cliquer… C’est un petit livre d’une quarantaine de pages, constitué d’une conversation de Sergej Lebedev avec la journaliste Lana Estemirova (il y a aussi une postface de Joanna Kurosz) : Kriget som aldrig tar slut / (La guerre qui n’en finit jamais).

Dès la page 6, Lana Estemirova s’étonne que d’aucuns se soient autant étonnés de l’agression du 24 février 2022 :

« Hur kommer det sig att folk hela tiden upptäcker vilken våldspotential den ryska staten och dess institutioner besitter som om det var för första gången ? »

« Comment se fait-il que les gens découvrent, à chaque fois, le potentiel de violence contenu dans l’État et les institutions russes, comme si c’était la première fois ? »

À l'heure où, chez nous en France, d’aucuns dénoncent une « culture de l’excuse », Lana Estemirova pointe à l’inverse un manque de recul, en Russie, vis-à-vis des guerres de Tchétchénie (page 13) :

« Sedan de ryska trupperna gick in i Tjetjenien 1994 har det gått mer än en kvartssekel. Det är en lång tid, tillräckligt lång, kunde man tycka, för att den ryska kulturen skulle ha hunnit bearbeta händelserna. Och ändå har jag en känsla av att den ryska kulturen föredrar att överhuvudtaget inte se åt det hållet. Vi har inte ens en historia över de två krigen som är värd namnet. »

« Depuis que les troupes russes sont entrées en Tchétchénie en 1994, il s’est écoulé plus d’un quart de siècle. C’est long, suffisamment, aurait-on pu penser, pour que la culture russe puisse affronter ces événements. Mais pourtant j’ai le sentiment que cette culture russe préfère avant tout ne pas regarder de ce côté. Nous n’avons pas même une histoire des deux guerres dont il est question. »

Eugen Kron, capture d’écran


On n’est pas loin de Marie Mendras, qui a publié, l’année dernière aussi, aux éditions Calmann-Lévy La guerre permanente : ultime stratégie du Kremlin.
Ça fait quelques années que je m’intéresse à la question quant à moi, et j’ai retrouvé un article de cette même Marie Mendras, du Monde (15-16 octobre 2006), que j’avais archivé. Elle évoquait (interrogée par Sophie Gherardi) l’assassinat d’Anna Politkovskaïa, et remarquait :

« Tout est lié, en Russie. Il n’y a pas que la Tchétchénie, qui serait une petite planète à part. Anna a pu montrer à travers ses nombreuses enquêtes dans tout le pays que la guerre et sa brutalité avaient fini par imprégner l’ensemble de la société. »

Plus loin : 

« Les Russes sont certes responsables de leur apathie, mais ils sont victimes d’une politique de l’information véritablement autoritaire. »

Plus loin encore, on n’est là qu’en 2006 :

« (Sophie Gherardi.) Mais peut-on encore exercer le métier de journaliste en Russie ?

– (Marie Mendras.) La réponse est complexe. (…) »


R. Wynne Nevinson, Returning to the Trenches, 1916 – Capture d’écran


En 2024, Lana Estemirova revient sur le rapport de la Russie à l’information, puis sur une certaine manière de vivre, de penser, en dictature (p. 24) :

« (...) och människor som lever under diktaturen uppfattar mycket på ett annat sätt. Man befinner sig i ett tillstånd av permanent överlevnad. Det är fruktansvärt att se denna allmena förnedring, denna totala förnedring. »

« (...) et les gens qui vivent en dictature appréhendent beaucoup de choses différemment. On se trouve en état incessant de lutte pour la survie. C’est effroyable de voir ce déni général, total. »

Près de dix ans après l’article de Marie Mendras, dans Le Monde toujours, un texte collectif (15-16 mars 2015) s’étonnait que « La droite française [soit] devenue l’agent d’influence de Poutine ». Le terme « poutinolâtrie » est utilisé… Cet article aurait presque pu être écrit le 23 février 2022, en changeant quelques noms qui sont un peu dépassés (et dont je n’encombrerai pas les étiquettes de ce blog).
Alors – 2006, 2015 –, comme aujourd’hui (bombardements incessants ; voyez, en lien de ce blog, le site « Föreningen Svenskbyborna », qui peut être lu aussi en anglais), le pouvoir russe faisait montre d’une brutalité absurde, au détriment de la protection même de ceux qu’elle prétendait protéger contre des attentats.

Kriget som aldrig tar slut, page 27 :

« Ofta ser jag att det tjentjenska kriget i Ryssland skildras som ett krig mot terroristerna. Öga för öga. Som om de tio- och hundratusentals människor som dödades i Tjetjenien var ett rättmätigt offer för de tusentals människor som dödats i terrordåd inuti Ryssland.
Våld föder våld. Krig föder vidunder. (…) »

« Je le vois souvent : on présente la guerre de Tchétchénie en Russie comme une guerre contre le terrorisme. Œil pour œil. Comme si les dizaines et centaines de milliers de tués en Tchétchénie pouvaient être un juste sacrifice pour les milliers de tués au cours d’attaques terroristes sur le sol russe.
De la violence naît la violence. Et celles de la guerre sont monstrueuses. »

On le voit aussi actuellement dans la fuite en avant d’un Benjamin Netanyahou en Palestine.


Nils Blanchard

mardi 20 mai 2025

Lieux, réels et numériques – cinématographiques ? De Wera von Essen à Thomas Nydahl

Pour un dhôtelien un peu patenté, s’interroger sur les lieux, dans la littérature, relève à la fois de la porte ouverte et – clin d’œil à Héloïse Combes – de la porte fermée sur laquelle quelque distrait peut venir donner de son corps.

NB - 2025


C'est à propos de cinéma, brésilien, et de Recife, du Nordeste, que Wera von essen s’interroge dans un article récent de FLM (21 mars 2025) : Vad berättar en plats ? (Qu’est-ce qu’un lieu raconte?)
Elle interroge, et on en revient tout de suite à Dhôtel – que n’a-t-on pas dit qu’il avait sans cesse réécrit le même roman ? – :

« Man brukar fråga sig ifall en författare skriver samma verk hela livet. Men berättar en plats samma historia om och om igen? Berättelsen om människor i nordöstra Brasilien är en central del av landets filmtradition (…) »

« Il est de coutume de se demander si un écrivain écrit toute sa vie la même œuvre. Mais un endroit raconte-t-il quant à lui la même histoire, encore et encore ? Les récits sur les gens du Nordeste sont centraux dans la tradition filmographique du Brésil (…) »

NB - 2025


Le 16 août 2024, Thomas Nydahl parlait en son blog d’un quartier de Malmö où il avait passé son enfance. Il le voit en passant par le bus ; n’y revient pas. « Vad skulle jag där att göra? » (« Qu’est-ce que je pourrais bien y faire ? »
Cet attachement que l’on peut avoir pour certains lieux. Ou cette mémoire, un peu comme une réminiscence olfactive, mais c’est plus profond encore… plus généralisé. Tenez, je pourrais retourner en tel lieu près de Paris, où je n’ai pas mis les pieds depuis plus de vingt ans (ou, une fois, quand même ; j’ai dû passer pas loin…) Où je n’ai pas trop de raison de revenir.
Il y avait cette fille…
Une autre fille, en Suède, d’origine danoise comme Thomas Nydahl si j’ai bien compris.

Récemment, je suis passé par l’Université catholique à Angers... Terrain de jeu d’une certaine enfance.
Mais je m’égare.

NB - 2025


Plus près de nous – de maintenant –, annonçant pour la énième fois que son blog va peut-être s’arrêter, Thomas Nydahl (le 18 mai 2025), dans un article intitulé : « Grön står skogen och nu dör snart bloggen » « Il y a la forêt, verte, et bientôt ce blog va mourir » parle de son rapport aux blogs et réseaux sociaux.
Cela commence ainsi :

« När jag kommer hit andas jag ut.
Det betyder helt enkelt att jag uppfylls av ensamhetens frihet.
Så har det varit hela mitt vuxna liv.
Men nu handlar det om avslutningen av ett mångårigt och plikttroget deltagande i sociala medier.
Jag var mycket tidigt med i bloggvärlden.
(...) »

« Je souffle quand je viens en ces parages.
Je veux dire simplement que je suis pris de liberté, liberté de solitude.
Il en a été ainsi de toute ma vie d’adulte.
Mais maintenant il s’agit de la fin d’un long, minutieux engagement dans ls réseaux sociaux.
J'ai été très précoce dans la blogosphère.
(...) » 

Je ne peux tout citer, mais d’un côté Thomas Nydahl annonce qu’il va (peut-être…) arrêter son blog, de l’autre qu’il a quitté « Facebook » (qu’y faisait-il, grand Dieu?) Ce n’est pas tout à fait la même chose…
Et de constater un peu amèrement qu’il n’a plus autant de lecteurs sur son blog depuis qu’il a quitté les réseaux sociaux.
Eh ! Évidemment, on a moins de lecteurs si on ne se compromet pas sur les « réseaux sociaux », parmi les anonymes criards. (Et même si l’on n’y est pas anonyme soi-même…)
Thomas Nydahl est intéressant comme blogueur – je le « suis » depuis quelques années. Il est peut-être d’autant plus intéressant pour quelqu’un comme moi qu’il me donne une fenêtre à un monde (littéraire, culturel) suédophone dont je suis quand même un peu éloigné – dont j’ai été plus éloigné encore par le passé. On ne doit donc pas être très nombreux dans ses parages.

André Dhôtel sur un tournage, années 1980, source, La Route inconnue

Plus loin dans son article (FLM), Wera von Essen évoque un entretien qu’elle a eu avec l’auteur et réalisateur J.P. Cuenca. Retour au Nordeste ; là, fiction, réalité – la place du passé, dans tout ça ? – ; J.P. Cuenca :

« Det är därför jag bara är intresserad av projekt som filmats på plats, med vanliga människor istället för skådespelare. Fiktion eller ej, det som intresserar mig är att processen blir något verkligt levande och oförutsägbart. »

« C'est pourquoi seuls les projets filmés sur place m’intéressent, avec des gens ordinaires au lieu de comédiens. Fiction ou pas, ce qui m’intéresse est que le tout devienne vivant et imprévisible. »

On en revient à Dhôtel, voire même au tournage de certain téléfilm tiré d’un de ses romans.


Nils Blanchard

jeudi 15 mai 2025

De l’amitié – Brassens

C'était aussi une amitié moins… exclusive que celle de Montaigne vis-à-vis de La Boétie.
Et les copains de Brassens, là ?



Dans sa chanson qui est peut-être la plus connue (accompagnant en 1965 le film Les copains d’Yves Robert, d’après Jules Romain…) « Les copains d’abord », Brassens évoque précisément Montaigne et La Boétie. Il tranche : « C’étaient pas des amis choisis / Par Montaigne et La Boéti’, / Sur le ventre ils se tapaient fort, / Les copains d’abord. ».

Et il poursuit : « C’étaient pas des anges non plus, / L’Évangile, ils l’avaient pas lu, / Mais ils s’aimaient tout’s voil’s dehors, / Toutes voil’s dehors, (...) »

Lors que Montaigne évoque deux amis selon son goût qui « S’estans parfaittement commis l’un à l’autre, ils tenoient parfaittement les renes de l’inclination l’un de l’autre ; et faictes guider cet harnois par la vertu et conduitte de la raison (comme aussi est-il du tout impossible de l’atteler sans cela) (…) Si leurs actions se demancharent, ils n’estoient ny amis selon ma mesure l’un de l’autre, ny amis à eux mesmes. » (Je souligne.)
Il y a une communion d’intelligence, rationnelle, d’honnêteté aussi (et on retrouve l’expression « honnête homme », au sens plus large que ce qu’on en pourrait comprendre aujourd’hui…) même si on a noté au billet précédent une contradiction intrinsèque à la définition de l’amitié chez Montaigne.

Les copains (Yves Robert) – Capture d’écran

Cette contradiction, on la retrouve chez les copains de Brassens, gens peut-être mal dégrossis, pas parfaitement honnêtes… simplement anarchistes au fond, mais capables de fidélité jusqu’à la mort.
Enfin, plus exactement, en cas de problème, « (…) leurs bras lançaient des S.O.S. / On aurait dit des sémaphores, / Les copains d’abord. »

Mais, dans cette chanson aux métaphores marines… on n’est pas en guerre, pas en camp (je reviens, pardon, à mon dernier billet). On est sur une « grand mare des canards ». Vaguement la Méditerranée au large de Sète, peut-être ? Mais on ne passera pas le détroit de Gibraltar (Gibraltar, un des amis les plus… solides de Brassens…)

La contradiction, on la retrouve aussi, peut-être, dans le « d’abord ». Et c’est la contradiction fondamentale de la notion d’amitié. Il y a ce choix, cette exclusivité (on y revient), mais quid de la générosité gratuite, pour l’inconnu, pour l’étranger ?
Quid des dons et sourires de l’Auvergnat d’une autre chanson ?

Mais les visites gratuites en pays étranger ne se passent pas toujours bien, chez Brassens ; voyez « La visite » (1982) : « On venait pour se présenter, / On venait pour les fréquenter, / Pour qu’ils nous plébiscitent, / Dans l’espérance d’être admis / Et naturalisés amis, / On venait en visite. »

Je souligne, et Brassens termine à la strophe suivante : « Par malchance ils n’ont pas voulu / De notre amitié superflue / Que rien ne nécessite. / Et l’on a refermé nos mains, / Et l’on a rebroussé chemin, / Suspendu la visite. »

Sempé, Le petit Nicolas - Capture d'écran 


Des tentatives d’amitiés peuvent finir en inimitié (en indifférence à tout le moins). L’inverse n’est pas rare non plus. Et l’inimitié, est-ce tellement un autre sujet ?


Nils Blanchard


Ajout d'étiquettes de l'article précédent : Walbourg, Gabis annex

dimanche 11 mai 2025

Plus d’un an après / Inquiétudes de mai

Une certaine actualité, la guerre en Ukraine, certains désastres environnementaux – parmi tant d’autres sujets ! – suivent ce blog comme une ombre.

NB, Walbourg, mai 2025

Le 14 février 2024, il fut question ici de l’A 69, à propos de laquelle récemment (encore…) il y a eu une décision du 27 février (2025) du tribunal administratif de Toulouse, un peu plus d’un an plus tard. Elle a annulé les autorisations « environnementales » et entraîné la suspension du chantier.
Les arguments pour le chantier (faisons-nous avocat du diable) ; il y en a un de taille : l’état de droit ; le fait qu’à un moment donné, des instances élues aient donné leur accord à la chose.
Bon. 

Pour les arguments contre, au-delà de ce qui a été dit à plusieurs reprises ici, ailleurs : ne doit-on pas avoir pour principe, sauf cas vraiment exceptionnel, d’arrêter d’artificialiser des espaces ?
J'ajouterais qu’il faudrait rendre à la nature ou à l’agriculture des lieux artificiels dépassés. Arrêter de construire des routes rapides, où vont s’ébaudir des panzers qui, même s’ils sont à la mode, sont d’un temps absolument révolu.

Allez, Épicure : “Celui qui ne sait pas se contenter de peu ne sera jamais content de rien.” Son école : le Jardin.

NB, Walbourg, mai 2025


L'article suivant (le 16 février 2024 ; Rhin, La nuit du chasseur, toutes sortes de choses…), évoquait un article d’Adam Cwejman : « Kriget som väst helst vill glömma » – « La guerre que l’Occident s’efforce d’oublier », où on lisait : « Putin sitter och väntar på att USA och Europa ska glömma av Ukraina. » / « Poutine, sur son trône, attend que les États-Unis et l’Europe oublient l’Ukraine. »

Si vraiment Poutine espérait que la guerre en Ukraine passerait à l’arrière-plan, puis serait oubliée, il semble qu’il se soit trompé.
Mais ce n’est pas fini… malgré le pschitt des « 24 heures » de l’homme des reculs, Donald Trump. Si États-Unis, Ukraine, et peut-être derrière un peu certains pays européens parviennent à des projets d’accord de paix, rien ne nous permet de dire que la Russie de Poutine y souscrira rapidement.

C'est qu’il y a un terme qu’on peut apposer à ces gens – Poutine, Trump –, comme le fait Gabrielle Björnstrand (Gabis annex) le 21 février (2025), c’est « girighet », autrement dit : la cupidité. Ne peut-on étendre ça à l’envie, au dépit ?

« Makt och girighet hör förstås ihop (Masha Gessen har berättat att girighet alltid var Putins främsta egenskap). Plus de enorma komplexen - Trumps ständiga gliringar till både Biden, Harris och Zelenskuyij och alla möjliga andra inom politik och film som är mer begåvade än han själv. Putin har ett enormt Europa-komplex (…) »

« Pouvoir et cupidité vont bien sûr de pair (et Masha Gessen a raconté que la cupidité était le principal trait de Poutine). Il faut ajouter à cela d’énormes complexes – les fixettes incessantes de trump envers Biden, Harris et Zelensky – et envers tous ceux en politique, show-business, qui sont plus talentueux que lui. Poutine a quant à lui un énorme complexe vis-à-vis de l’Europe (…) »

NB, Walbourg, mai 2025


Dans un troisième article de février 2024 (le 26, de cette série « Inquiétudes de février ») : évocation de la mort d’Alexeï Navalny, du réarmement en préparation de l’Europe, alors même que les poutinolâtres progressaient çà et là aux élections de divers lieux du continent…

Difficile de ne pas soutenir ce réarmement. On a vu comment Poutine est prêt à sacrifier sans ciller des centaines de milliers (vraisemblablement) de ses jeunes compatriotes pour soulager ses pulsions…
Mais qu’est-ce qu’il est rageant de voir le monde dépenser tant d’argent dans l’armement lors que l’on a tant d’autres besoins. J’enfonce une porte ouverte, me dira-t-on ? Au moins est-ce une ouverture...


Nils Blanchard


Ajout d’étiquettes du dernier billet : Peer de Smit, Blaincourt, Mathaux, Radonvilliers, Brienne-la-Vieille, Frédéric Chopin.

mardi 6 mai 2025

Moisson de saint Nicolas – printemps et bavardages en divers sens

Énième traversée de la France, sens Ouest – Est en l’occurrence, ce qui m’a permis de continuer de visiter diverses églises en Aube. Dans chacune (celles de Blaincourt, Mathaux, Radonvilliers, Brienne-la-Vieille), tableaux de saint Nicolas, plus ou moins abîmés, qui me ramènent à cette marche faite il y a justement un an, en bonne compagnie (il était question d’amitié à l’article précédent…)

NB - Église Saint-Quentin, Mathaux

Cette représentation, du XVIIIème a quelque chose de curieux de naïveté. Est-ce lié à sa restauration récente ? Ou à une facture relativement moyenne d’un travail en chaîne de l’époque ?
Le tableau n’est pas moche, ce n’est pas ce que je dis ; son palmier peut-il évoquer la Lycie qui serait l’origine du saint (des saints, devrait-on dire) ? Je lui trouve donc un faux air de naïveté, qui peut ramener au Douanier Rousseau.
Or il se trouve que je rentrais justement de Mayenne, département d’origine du peintre.
Gainsbourg (Lemon Incest), avec Charlotte… (Musique d’après Chopin.) : « Naïve comme une toile du Nierdoua Sseaurou / Tes baisers sont si doux... »
Allez, couleur annoncée, si l’on peut dire, on « tombe » dans un certain érotisme, mais problématique. Inceste, pédérastie ?

Ou simplement fertilité.
Tous ces saint Nicolas, faisant réapparaître de jeunes enfants, n’avaient-ils pas valeur aussi, dans ces églises de l’Est, d’incantation à la fertilité ?

NB - Église Saint-Loup, Blaincourt


(Là, un Saint-Nicolas non restauré, pour le coup !)

Hasards, hasards,  une église en Mayenne; là, une représentation du saint Suaire (linceul de Turin).

Mais où nous mène-t-il, ce blogueur ? Demandera-t-on… A-t-il bu, une nouvelle fois, trop de cidre ?
Je « revenais » (pour autant que je revienne jamais de quelque part) vers l’Est, disais-je, et il y avait une émission à la radio (quand on traverse ainsi la France et ses étranges décentralisations, on est obligé de jouer sur les fréquences, passer d’une radio à une autre, entre les gouttes crasses de certaines crottes « musicales »…) ; j’étais alors sur RCF, et il était question de la sainte tunique d’Argenteuil, puis par là-même des textiles liés à la Passion… (tunique, donc, et suaire d’Oviedo et linceul de Turin).

Groupe sanguin – et vraisemblablement même sang – pour les trois textiles… Mais là n’est pas la question.

À cette émission, un prêtre, le père Guy-Emmanuel Cariot, auteur d’un livre sur la tunique d’Argenteuil, Revêtir le Christ (éditions Mame), d’expliquer que ces trois reliques ayant en commun d’être des tissus, du textile, donnent à l’habillement (quoique tâché de sang) une valeur singulière de pureté, de blancheur… (Je cite, et réinterprète sans doute, de mémoire.) C’est que le textile nous touche au plus intime… et ramène en l’occurrence à l’« intimité » du Christ. D’où le titre de son livre…

NB - Notre-Dame-de-l’Assomption à Radonvilliers


(Encore non restauré...)

De là à attribuer à la nudité (de manière bien contradictoire, somme toute – contradiction est vie, etc.…), quelque chose d’impur, voire de démoniaque ?
Dans le blog Alluvions (décidément…), le 12 avril, Patrick Bléron (par un détour (décidément encore) par Venise et Jean-Paul Kauffmann, de mentionner la cathédrale de Bourges, avec image (Wikipedia) de sa façade principale.
Or, je peux là me citer moi-même, le 22 décembre 2023, dans un billet – j’y citais déjà Alluvions… – qui s’intitulait « Retour sur l’enfance » – et l’enfance, et la Mayenne… – : « On y reviendra... Les murs du paradis de l’enfance (le paradis est d’abord un espace clos, me faisait remarquer Peer de Smit) sont cimentés de rêves, contes, naïveté (peut-être), illusions… Mais ils ne sont pas étanches, correspondant avec ce qu’il y a derrière, séculaire pour ainsi dire. Toujours est-il que, dehors, il faut être habillé. À l’intérieur, non. Adam et Eve, quand ils sortent du paradis, sont nus. (…)
Bon mais au Moyen Age, cependant, les choses étaient plus complexes : les morts sont nus au moment de la résurrection (premier étage du tympan ci-dessous), puis ils s’habillent pour aller au paradis (deuxième étage, gauche), restent nus s’ils sont jetés en enfer (droite). (…)
Les anges aussi sont habillés de longues tuniques. Le Christ, lui, est torse-nu. »
Et il y avait là bien sûr une image du tympan de Bourges.

On n’imagine pas la pudibonderie crasse de la génération à qui je montre parfois en cours ledit tympan (génération post-verlan, post-post Gainsbourg...) ; or ce n’est pas la nudité qui les fait se récrier ou rire bêtement – contrairement à leurs aînés, la plupart d’entre eux passent sans doute des heures devant du porno – ; quoi, alors ? La différence, la surprise. Le fait qu’une œuvre présente une personne nue sans l’annoncer, sans que ce soit dans le cadre d’un rituel (on en revient aux films porno). Ces jeunes gens sont terriblement ritualisés.

NB - Église Saint-Pierre-ès-liens, Brienne-la-Vieille


Bon, mais plus tard, autre émission de radio (je ne sais plus trop où), il est question de Lucrèce et d’amour physique.
Pour lui, la meilleure position pour enfanter est celle des autres mammifères, qui permet (je cite de mémoire à nouveau) d’entrer au mieux dans la matrice, et d’y éjaculer dans le cadre d’accueil le plus idoine… Dans cette position, la femme met à disposition de manière simple – humblement ? – ses reins, penchée en avant, lors que d’autres positions et trémoussements auraient d’autres fins.

NB - église de Saint-Céneré (Mayenne)


Allez, un peu de latin (qui changera du suédois) – citation de l’article de Julie Giovacchini, « Venus-uoluptas, Vénus vagabonde et Vénus conjugale : plaisir sexuel et désillusion dans le De rerum natura », Aitia, 10, 2020 :

« Nec molles opus sunt motus uxoribus hilum.
Nam mulier prohibet se concipere atque repugnat […]
Idque sua causa consuerunt scorta moveri,
Ne complerentur crebro gravidaeque iacerent,
Et simul ipsa viris Venus ut concinnior esset ;
coniugibus quod nil nostris opus esse videtur. »

« Et les mouvements lascifs ne servent à rien aux épouses.
Car la femme s’empêche <ainsi> de concevoir et y fait obstacle […]
Et si les prostituées usent de ces mouvements
c'est que leur intérêt est d’éviter de subir le fardeau de grossesses fréquentes,
et aussi que Vénus elle-même soit plus adaptée aux hommes ;
il semble que ça ne serve en rien à nos femmes. »

Il faudrait saupoudrer ici un amas de précisions sur ce qu’on entend par amour de Vénus, d’Eros…
On ne peut pas tout faire…

NB - Église Saint-Pierre-ès-liens, Brienne-la-Vieille


(Là encore, dans un vilain état !)

Mais on pense à ces générations de couples (certaines époques du Moyen Age et de la modernité) qui copulèrent « à travers », si l’on peut dire, divers vêtements maintenant la pudeur.
Et n’y revient-on pas étrangement aujourd’hui, en tout cas dans certaines fictions filmées ?


Nils Blanchard

jeudi 1 mai 2025

Titre bizarre – étiquettes

Me voici à nouveau dépassé par les étiquettes de mes derniers billets, d’où celui-ci. Et j’en profite pour évoquer un livre que je viens de terminer, que j’ai lu par hasard complètement. Et dont le titre est un peu problématique.



Je me suis arrêté récemment dans une vieille maison du passé – par hasard, un peu, là encore.
Vieille, intemporelle…
Il y avait là un livre de poche des années soixante, que je me suis mis à livre, puis que j’ai apporté avec moi pour le finir : Les louves, de Boileau-Narcejac (Denoël, 1955), dont les pages ont gardé en elles le parfum de la maison.

C'est que c’est une histoire assez prenante. Un film en a été tiré en 1957 (puis au moins un téléfilm). Toute l’histoire se passe à Lyon ou aux environs, où arrivent – ça se passe pendant l’Occupation – par train deux prisonniers qui se sont échappés d’un stalag.

Le titre donc : Les louves… Sans tomber dans du Me too de prisunic, il est un peu injuste. Il y a trois femmes dans le roman ; on peut imaginer que les trois – ou deux des trois comme sur l’affiche du film ? – se seraient comportées comme des « louves » envers le personnage principal. En fait, les trois personnages féminins deviennent louves successivement, puis ne le sont plus pour les deux premières. Et quant à la troisième, la fin est incertaine.
C'est aussi une histoire d’erreur ; le personnage principal ne cesse, au fond, de se tromper.
Or une seule me paraît réellement malintentionnée. (Et celle-ci – on le devine, ce n’est pas sûr cependant – a prévu depuis le départ de tuer le personnage principal à petits feux…)
Mais le personnage principal, justement, pourrait aussi être intégré dans la meute sauvage : il n’a pas été particulièrement sympathique avec sa première épouse, et il est infâme envers sa fausse sœur Julia, quels que soient les torts de cette dernière.
Bon, bien sûr, on devine que l’homme a eu à souffrir d’une mère peut-être possessive…



Difficile de donner un nom au personnage principal, vu qu’il usurpe – sans penser à mal, il faut le reconnaître, et avec la bénédiction de l’usurpé – l’identité d’un autre.
Au fond, cela ne devrait pas être très important, vu que cette identité, il s’en sert auprès de gens qu’il ne connaît pas au départ.
Il pourrait y avoir un nouveau départ, précisément. Mais c’est qu’on est en temps de guerre, ça complique les choses. Et on est dans un roman policier où une personne au moins – pas toutes les femmes, donc – est foncièrement malintentionnée, même si, à la fin du livre, le personnage principal lui cherche des excuses.
Syndrome de Stockholm ? On est dans des situations successives qui ressemblent à des prises d’otage, claustrations.

(Identité, internement ; de très loin, ça me ramène un peu à Elmar Krusman : cette question non résolue ; pourquoi a-t-il été inscrit au camp de Natzweiler comme Suédois?)


Il y a un autre thème dans le roman, celui de la relation, de la rivalité entre (demi) sœurs. L’une (Agnès) est clairement désignée comme fautive et jalouse de l’autre. Elle termine pourtant somme toute comme victime.
Ça me ramène à divers sujets, ceux notamment de l’amitié, inimitié, auquel je me plais parfois à joindre le mythe d’Osiris.
Dans ce mythe, Seth est désigné d’office comme le frère jaloux ; Osiris le roi spolié. Mais pourquoi Osiris a été roi au commencement ?

Oscar Reutersvärd - Capture d'écran

Aussi, les deux évadés d’un stalag du début du roman – l’un meurt vite, par accident, l’autre usurpe l’identité du premier – sont amis. Mais l’amitié du premier (Bernard) est comme possessive. Le second (Gervais) a un caractère plus solitaire et indépendant mais n’arrive pas à se défaire de l’influence de Bernard, le suit malgré lui. Il en arrive même à certains moments à haïr son ami. Ce dernier, pourtant, en agonisant, lui offre tout : son nom, sa fortune, un refuge immédiat (qui n’est pas rien en temps d’occupation quand on est un évadé), sa marraine de guerre envisagée comme une future épouse.
Cette amitié a quelque chose, en somme, de ces « objets impossibles » d’Oscar Reutersvärd, que je connais d’abord par les timbres suédois de mon enfance…



Puis, recherchant de plus près qui était ce peintre, je suis tombé sur une série de dessins érotiques en lien (grand Dieu pourquoi ?) à l’Egypte (voir plus haut). Ça me permet d’une certaine manière une nouvelle fois de retomber sur mes pattes… 


Nils Blanchard


Rajout d’étiquettes, donc, du dernier billet : Maurice Carrez, Göte Brunberg, Thierry Maricourt, Helene Schjerfbeck, SVT, Gabrielle Roland Waldén, Gabrielles blogg, François, Alexander Stubb, Alar Karis.

(Dé) Colonisation

Titre un peu étrange, peut-être ; c’est que j’ai dans l’esprit un autre billet sur le thème de la colonisation. Mais là, article de Bernur (...