mardi 6 mai 2025

Moisson de saint Nicolas – printemps et bavardages en divers sens

Énième traversée de la France, sens Ouest – Est en l’occurrence, ce qui m’a permis de continuer de visiter diverses églises en Aube. Dans chacune (celles de Blaincourt, Mathaux, Radonvilliers, Brienne-la-Vieille), tableaux de saint Nicolas, plus ou moins abîmés, qui me ramènent à cette marche faite il y a justement un an, en bonne compagnie (il était question d’amitié à l’article précédent…)

NB - Église Saint-Quentin, Mathaux

Cette représentation, du XVIIIème a quelque chose de curieux de naïveté. Est-ce lié à sa restauration récente ? Ou à une facture relativement moyenne d’un travail en chaîne de l’époque ?
Le tableau n’est pas moche, ce n’est pas ce que je dis ; son palmier peut-il évoquer la Lycie qui serait l’origine du saint (des saints, devrait-on dire) ? Je lui trouve donc un faux air de naïveté, qui peut ramener au Douanier Rousseau.
Or il se trouve que je rentrais justement de Mayenne, département d’origine du peintre.
Gainsbourg (Lemon Incest), avec Charlotte… (Musique d’après Chopin.) : « Naïve comme une toile du Nierdoua Sseaurou / Tes baisers sont si doux... »
Allez, couleur annoncée, si l’on peut dire, on « tombe » dans un certain érotisme, mais problématique. Inceste, pédérastie ?

Ou simplement fertilité.
Tous ces saint Nicolas, faisant réapparaître de jeunes enfants, n’avaient-ils pas valeur aussi, dans ces églises de l’Est, d’incantation à la fertilité ?

NB - Église Saint-Loup, Blaincourt


(Là, un Saint-Nicolas non restauré, pour le coup !)

Hasards, hasards,  une église en Mayenne; là, une représentation du saint Suaire (linceul de Turin).

Mais où nous mène-t-il, ce blogueur ? Demandera-t-on… A-t-il bu, une nouvelle fois, trop de cidre ?
Je « revenais » (pour autant que je revienne jamais de quelque part) vers l’Est, disais-je, et il y avait une émission à la radio (quand on traverse ainsi la France et ses étranges décentralisations, on est obligé de jouer sur les fréquences, passer d’une radio à une autre, entre les gouttes crasses de certaines crottes « musicales »…) ; j’étais alors sur RCF, et il était question de la sainte tunique d’Argenteuil, puis par là-même des textiles liés à la Passion… (tunique, donc, et suaire d’Oviedo et linceul de Turin).

Groupe sanguin – et vraisemblablement même sang – pour les trois textiles… Mais là n’est pas la question.

À cette émission, un prêtre, le père Guy-Emmanuel Cariot, auteur d’un livre sur la tunique d’Argenteuil, Revêtir le Christ (éditions Mame), d’expliquer que ces trois reliques ayant en commun d’être des tissus, du textile, donnent à l’habillement (quoique tâché de sang) une valeur singulière de pureté, de blancheur… (Je cite, et réinterprète sans doute, de mémoire.) C’est que le textile nous touche au plus intime… et ramène en l’occurrence à l’« intimité » du Christ. D’où le titre de son livre…

NB - Notre-Dame-de-l’Assomption à Radonvilliers


(Encore non restauré...)

De là à attribuer à la nudité (de manière bien contradictoire, somme toute – contradiction est vie, etc.…), quelque chose d’impur, voire de démoniaque ?
Dans le blog Alluvions (décidément…), le 12 avril, Patrick Bléron (par un détour (décidément encore) par Venise et Jean-Paul Kauffmann, de mentionner la cathédrale de Bourges, avec image (Wikipedia) de sa façade principale.
Or, je peux là me citer moi-même, le 22 décembre 2023, dans un billet – j’y citais déjà Alluvions… – qui s’intitulait « Retour sur l’enfance » – et l’enfance, et la Mayenne… – : « On y reviendra... Les murs du paradis de l’enfance (le paradis est d’abord un espace clos, me faisait remarquer Peer de Smit) sont cimentés de rêves, contes, naïveté (peut-être), illusions… Mais ils ne sont pas étanches, correspondant avec ce qu’il y a derrière, séculaire pour ainsi dire. Toujours est-il que, dehors, il faut être habillé. À l’intérieur, non. Adam et Eve, quand ils sortent du paradis, sont nus. (…)
Bon mais au Moyen Age, cependant, les choses étaient plus complexes : les morts sont nus au moment de la résurrection (premier étage du tympan ci-dessous), puis ils s’habillent pour aller au paradis (deuxième étage, gauche), restent nus s’ils sont jetés en enfer (droite). (…)
Les anges aussi sont habillés de longues tuniques. Le Christ, lui, est torse-nu. »
Et il y avait là bien sûr une image du tympan de Bourges.

On n’imagine pas la pudibonderie crasse de la génération à qui je montre parfois en cours ledit tympan (génération post-verlan, post-post Gainsbourg...) ; or ce n’est pas la nudité qui les fait se récrier ou rire bêtement – contrairement à leurs aînés, la plupart d’entre eux passent sans doute des heures devant du porno – ; quoi, alors ? La différence, la surprise. Le fait qu’une œuvre présente une personne nue sans l’annoncer, sans que ce soit dans le cadre d’un rituel (on en revient aux films porno). Ces jeunes gens sont terriblement ritualisés.

NB - Église Saint-Pierre-ès-liens, Brienne-la-Vieille


Bon, mais plus tard, autre émission de radio (je ne sais plus trop où), il est question de Lucrèce et d’amour physique.
Pour lui, la meilleure position pour enfanter est celle des autres mammifères, qui permet (je cite de mémoire à nouveau) d’entrer au mieux dans la matrice, et d’y éjaculer dans le cadre d’accueil le plus idoine… Dans cette position, la femme met à disposition de manière simple – humblement ? – ses reins, penchée en avant, lors que d’autres positions et trémoussements auraient d’autres fins.

NB - église de Saint-Céneré (Mayenne)


Allez, un peu de latin (qui changera du suédois) – citation de l’article de Julie Giovacchini, « Venus-uoluptas, Vénus vagabonde et Vénus conjugale : plaisir sexuel et désillusion dans le De rerum natura », Aitia, 10, 2020 :

« Nec molles opus sunt motus uxoribus hilum.
Nam mulier prohibet se concipere atque repugnat […]
Idque sua causa consuerunt scorta moveri,
Ne complerentur crebro gravidaeque iacerent,
Et simul ipsa viris Venus ut concinnior esset ;
coniugibus quod nil nostris opus esse videtur. »

« Et les mouvements lascifs ne servent à rien aux épouses.
Car la femme s’empêche <ainsi> de concevoir et y fait obstacle […]
Et si les prostituées usent de ces mouvements
c'est que leur intérêt est d’éviter de subir le fardeau de grossesses fréquentes,
et aussi que Vénus elle-même soit plus adaptée aux hommes ;
il semble que ça ne serve en rien à nos femmes. »

Il faudrait saupoudrer ici un amas de précisions sur ce qu’on entend par amour de Vénus, d’Eros…
On ne peut pas tout faire…

NB - Église Saint-Pierre-ès-liens, Brienne-la-Vieille


(Là encore, dans un vilain état !)

Mais on pense à ces générations de couples (certaines époques du Moyen Age et de la modernité) qui copulèrent « à travers », si l’on peut dire, divers vêtements maintenant la pudeur.
Et n’y revient-on pas étrangement aujourd’hui, en tout cas dans certaines fictions filmées ?


Nils Blanchard

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

(Dé) Colonisation

Titre un peu étrange, peut-être ; c’est que j’ai dans l’esprit un autre billet sur le thème de la colonisation. Mais là, article de Bernur (...