vendredi 26 août 2022

(19)42

 C’est le numéro (aussi), de cette revue Nordique, de Caen, déjà évoquée. J’ai dit que j’en reparlerais, et j’en reparlerai encore…

NB - Laholm

Mais, au début de son interview par Harri Veivo, cette réponse de Susanna 

Alakoski (auteure suédo-finlandaise – traduction de Harri Veivo et Yohann

Aucante), qui me ramène à mes LONGING, à mes tissages… mais aussi à la

langue et à la migration…


« Bomullsänglen peut bien être analysé comme cette broderie qui tiendrait

ensemble plusieurs mondes parallèles, mais qui parfois ne communiquent 

qu’à travers les pensées et les sentiments des protagonistes. Je considère la

migration un peu de cette façon, dans le sens où nous nous trouvons dans 

plusieurs pays en même temps, et peut-être sommes-nous « étrangers » dans

notre propre esprit chaque jour par le fait de changer de langue sans même 

que les autres s’en aperçoivent. »


Edith Södergran ? (Jag.)


« Jag är främmande i detta land, / som ligger djupt under det tryckande 

havet, / solen blickar in med ringlande strålar / och luften flyter mellan mina

händer. / Man sade mig att jag är född i fångenskap – (…) »


« Je suis étrangère en ce pays, / qui gît en profondeur, sous la mer

oppressante, / Les regards du soleil ondoient là, rayonnants / et l’air s’écoule 

entre mes mains. / On me disait que j’étais née en captivité – (…) »


Elle était entre Finlande, Suède, Russie… et d’autres langues encore.


NB - Laholm


Roger Dale (image de couverture de mon livre) a récemment donné un 

« Grand entretien » au Magazine de la Faculté des Arts plastiques de

l’Université de Strasbourg (ce printemps).

Il parle d’une autre forme de migration, liée à la guerre ; il explique en effet

dans cet entretien (page 6 – attention, si vous consultez cet entretien sur la 

toile, il y a deux pages 6…) :


« Ce lien avec la guerre, je le tiens de mon père. Parce qu’il était pilote dans la

Royal Air Force, à bord des bombardiers qui ont pilonné Stuttgart, Dresde ou

encore Francfort, à la fin de la guerre. Il disait que l’avion commençait à

chauffer en s’approchant de Dresde, tellement la ville était enflammée. Après 

la guerre, il a voulu fuir l’Angleterre et cette mémoire et il nous a emmené au

Canada, à l’abri de l’Europe. À l’abri de la guerre. »


                                                            *

                                                           * *

Sur un blog aujourd’hui disparu, j’avais copié-collé un article sur une photo, 

sans référence, mais présentée de 1942, d’août 1942. Il y aurait exactement

80 ans. Le commentaire :


I love this vintage photograph...

It tells a story...

Happiness, love and friendship....

Two American boys?

What was their fate? Did they go to war? Did they come back from war?

I love the mood of this photograph...

Summer memories...


La photo :





Tout d’abord, je trouve la coupe des garçons, voire leur attitude, un peu 

modernes pour 1942.

Autre chose : s’ils sont, peut-être, américains, le paysage (vieux bâtiment 

agricole au loin, plutôt en pierre, bocage), semble plus appartenir à l’Europe ;

mettons à l’Ouest de la France ou à l’Angleterre.


Last, but not least : en août 1942, Elmar Krusman, alors âgé de 21 ans (ça

« colle »…) avait été arrêté depuis un an et était alors détenu dans un « AEL » 

en Estonie (par la Sipo), avant un parcours concentrationnaire qui allait le

conduire de Stutthof (Danzig) à un camp annexe du Struthof.


Bref, on ne sait pas dans quel temps on est, ni où, ni avec qui. (À moins de

considérer que la photo soit a priori bien légendée.)


What was their fate ? Méfiez-vous mes petits amis (ça, c’est une expression 

de Jules Roy ; lui, 1942… Bombardier ; une autre histoire encore…), pour peu

qu’une pièce de puzzle vous tombe sous le nez, vous risquez d’y passer 

quelques mois, quelques années de recherche…

Why not ?



Nils Blanchard




samedi 20 août 2022

(19)41

 Un article dans Le Monde, sans rapport avec le monde nordique, revient à la surface de mon désordre…


NB - Laholm

Il s’agit de d’un papier de Juliette Heinzlef, « L’exil, en poète et en 

philosophe », sur Carlos Pereda et son livre Apprentissages de l’exil (Los

aprendizajes del exilio).

Question d’exil, donc, qui démarre dans les années 70 avec la dictature en

Uruguay.

Juliette Heinzlef termine son article ainsi :


« Carlos Pereda cite le philosophe grec Aristippe de Cyrène (v. 435-355 av. J.-

C.) : Je ne me soumets à aucun Etat. Je suis étranger de partout. 

Apprendre à s’émanciper de la cité, savoir qu’on ne lui appartient jamais

totalement, que quelque chose en soi relève d’un ailleurs et demeure 

étranger : telle est en définitive la leçon de l’exil. Elle ne vaut pas seulement

pour les millions de gens qui ont dû tout quitter et partir sur les routes. Elle est,

aussi, une leçon qu’ils adressent à ceux qui sont restés chez eux. »


Je me souviens de ma logeuse, et amie, au États-Unis (Cambridge, MD) –

psychologue – , qui m’avait proposé d’assister (dans un lycée je crois, je ne 

sais plus où) à une de ses conférences, justement sur l’exil, où elle évoqua

la manière de se débattre, en exil – ou en long voyage – de ses démons 

extérieurs.

(Du reste, dans ce pays si étranger à moi qu’étaient les États-Unis – voitures

-panzers, etc., qui sont maintenant presque la norme en France –, je me suis

senti chez moi comme rarement. Question de rencontres, aussi… Ellen, Bob...)


Mais alors, bien sûr, Edith Södergran ? (Jag) : « Jag är främmande i detta land

(…) » « Je suis étrangère en ce pays (…) »



NB - Laholm

Bon. Pourquoi 1941 ?

Elmar Krusman a été arrêté par les Allemands à l’été 1941 ; il commence alors

son parcours pénitentiaire et concentrationnaire. Un exil forcé qui va l’éloigner 

comme un aimant de son point d’origine, inclus comme on le sait à partir d’un

certain moment dans le monde soviétique. 


Et j’ai justement eu récemment de nouvelles informations sur lui. Peut-être en

sera-t-il fait état ici assez vite.


Demeure l’aporie de sa nationalité, lors de son parcours concentrationnaire

(KL Stutthof et KL Natzweiler). « Suédois » sur certaines listes des camps ; à

l’initiative d’un SS, d’un Lagerschreiber (prisonnier en charge de la tenue des

listes) ? A-t-il eu – on s’est déjà posé la question dans ce blog –, Elmar

Krusman, son mot à dire ?


Je pense soudain à ce poème d’Edith Södergran : De främmande länderna – 

Les pays étrangers.


« Min själ älskar så de främmande länderna, / som hade den intet hemland. 

(…) »

« Mon âme aime tant les pays étrangers, / c’est comme si elle n’avait pas 

de patrie. (…) » 


On peut revenir à la littérature, qu’on a évoquée, récemment. Léautaud : « Ma 

patrie, c’est la langue française. » (Journal littéraire.) Jacques Brenner : « (…)

il est bien certain que ma langue est ma patrie. C’est même en ce seul sens 

que je suis patriote. » (Les familles littéraires françaises.) Jules Roy : « Pays

natal. – Il n’existe de pays natal, de terre natale, qu’à condition de les croire

perdus, d’une façon ou d’une autre. Sans quoi ils ne compteraient pas tant.

Qu’était pour moi l’Algérie avant la guerre et tant que Camus vivait ? » 

(Journal des Chevaux du soleil.)


Peut-être ai-je raté une interprétation du « choix » de nationalité d’Elmar 

Krusman sur les listes des camps. Peut-être a-t-il dit qu’il était suédois sans

référence au pays alors libre (et neutre), en se définissant simplement comme 

les siens s’étaient toujours définis, vers les rivages du nord de l’Estonie.


NB - Laholm


Allez, Edith Södergran, à nouveau : Det underliga havet / L’étrange mer :


« Sällsamma fiskar glida i djupen, / okända blommor lysa på stranden ; / jag

har sett rött och gult och alla andra färger, – / Men det granna, granna havet är

farligast att se, / det gör en törstig och vaken för väntande äventyr : / vad som

har hänt i sagan, skall hända även mig ! »


« Des poissons singuliers glissent aux profondeurs / et des fleurs inconnues

brillent sur le rivage ; / J’ai vu du rouge, du jaune et toutes les autres couleurs,

– / Mais l’immense, immense mer est ce qu’il y a de plus dangereux à voir, /

ça vous assoiffe d’aventures à venir : / si c’est arrivé dans le conte, pourquoi 

n’y aurais-je pas droit ! »



Nils Blanchard



samedi 13 août 2022

Sculptures en Cévennes, Paulhan, écho à LONGING

 Ce trajet dans les Cévennes, que j’ai évoqué à des billets précédents, a été marqué par la statuaire – l’art religieux, on l’a vu, mais aussi des artistes plus modernes – et, à la fin, par Jean Paulhan.

NB-Cévennes

À Saint-Germain de Calberte, d’abord, la statue de cet homme au travail, 

œuvre de l’Iranienne Shirine Afrouz (site Shirine Afrouz à voir ! The Reader,

Friendship...)


                            NB – statue de Shirine Afrouz à Saint-Germain de Calberte


Autre sculptrice, découverte à la lecture d’un journal local, L’Écho de la 

Montagne Ardéchoise (été 2022) : Claude Justamon, installée à Sainte-

Eulalie. Œuvres (très) étrangement androgynes ; plus exactement : 

asexuées, sans parties génitales. Site : Claude Justamon.



Capture d’écran sur un site d’art

Mais pour me ramener un peu vers la Suède, intérieur de l’église (romane et

magnifique, encore une fois), de Chasseradès, ces reflets de vitraux, comme

des échos à LONGING, cette exposition déjà évoquée à des articles 

précédents de l’Institut Suédois rue Payenne.



NB – église de Chasseradès




NB – Lumières de vitraux

NB – Lumières de vitraux

À un billet récent, aussi, évocation d’un article d’Alluvions sur entre autres 

l’échelle de Jacob. Là, cette citation de poème, de Louise Glück (prix Nobel

2020) :


THE JACOB'S LADDER


Trapped in the earth,


wouldn't you 
too want to go


to heaven ? I live

in a lady's garden. Forgive me, lady ;

 
longing has taken my grace (...)


Longing, encore et toujours.


Rien à voir ? Une autre artiste m’accueille devant l’Espace Jean Paulhan, à

Saint-Jean-du-Gard. Nous étions allés voir ce que c’était, par curiosité.

Elle nous parle du Niger ; d’une cascade quelque part pas loin où l’on peut –

pouvait ? – se baigner.

Son exposition avait déjà disparu des affichages, alors qu’elle en était, alors, à 

son dernier jour.



NB – Espace JP à Saint-Jean-du-Gard



Je me souvenais que Jean Paulhan venait de la région ; né à Nîmes, milieu

protestant (comme Gide…) Et je me suis dit – mais n’étais-je pas influencé par

l’Espace ? –, qu’il y avait quelque chose de paulhanien dans cette petite ville, 

en ce sens que tout paraissait étrangement et magnifiquement possible.


Cette autre artiste : Dominique Lambert. Aquarelles sur le Niger. Des 

paysages bien maîtrisés, des gazelles aussi, à partir, a-t-elle expliqué, de

gravures préhistoriques…



NB – Affiche de l’exposition



Impression que Jean Paulhan était là, quelque part avec nous, songeant peut-

être, devant ces vues du Sahel, à une publication prochaine de Stig

Dagerman, à une réédition d’écrits de Madagascar…

Allons, allons… « Mettons que je n’aie rien dit. »


Nils Blanchard



En Mayenne – quelque part vers la civilisation

Rencontres avec des étrangers, qui parfois peuvent donner l’impression que l’on est très proche du premier inconnu venu. Puis, la plupart du...