mardi 31 octobre 2023

1950/1951 – Sites en lien

 J'en ai déjà parlé ici peut-être, pour des raisons complètement extérieures aux thématiques… habituelles de ce blog, je m’intéresse aux livres édités en France en 1950-1951.

1984, version française de 1950, traduction d’Amélie Audiberti












Or voilà que Thomas Nydahl, le 10 septembre dernier, évoque Theodor W. Adorno, dans un livre publié en Suède en… 1951 (par Lars Bjurman).
On voit des photographies du philosophe attablé dans un fast-food, ou jouant au saxophone…
Et quelques citations d’Adorno (en suédois), dont celle-ci :

« Det bästa förhållningssättet i den här situationen tycks än så länge vara ett oförsvuret avvaktande: att leva sitt privata liv, så länge samhällsordningen och ens egna behov inget annat medger, men inte lägga vikt vid (…) Det hör till moralen att inte känna sig hemma hos sig själv. »

« Le mieux qu’on puisse faire dans cette situation semble pour l’instant d’observer un franc attentisme : vivre sa vie privée, tant que l'ordre social et ses propres besoins s’y prêtent, mais ne pas lui donner trop de poids (…) La morale fait qu’on ne se sent pas chez soi dans sa propre maison. »

NB

Et sur le site Vagant (via Nordic Voices in translation, en lien de ce blog), un article de Mats O. Svensson, du 21/8/2023, s’intitule « Sommaren 2023 markerar ett epokskifte – Världen är i obalans. Klimatkrisen eskalerar. Vad som utgör det goda livet måste omdefinieras » (« L’été 2023 marque un changement d’époque – le monde est en dédéquilibre, la crise climatique s’accélère. Il faut redéfinir ce qui fonde la bonne vie. »

On ne peut plus philosophique ; et de là à une conception morale des choses, il n’y a qu’un pas.

Puis dès les premières lignes de l’article, il est question d’une césure qui aurait eu lieu en… 1950 :

« Ingen annan plats illustrerar starten på antropocen så väl som Crawford Lake. Det anser i alla fall Anthropocene Working Group (AWG), en grupp geologer som i flera år har arbetat med att samla prover från hela världen och beslutat sig för att just denna kanadensiska sjö borde tjäna som global referenspunkt för antropocen. Starten för den nya geologiska perioden ska enligt arbetsgruppen dateras till just 1950 – början för det som brukas kallas för den stora accelerationen. » 

« Nul autre endroit n’illustre aussi bien que Crawford Lake l’anthropocène. Ce, en tout cas, d’après Anthropocene Working Group (AWG), un groupe de géologues qui travaille depuis plusieurs années dans différentes parties du Monde et a promu précisément ce lac canadien comme le point de référence de l’anthropocène. D’après eux, le début de cette nouvelle ère géologique commencerait précisément en 1950 – ce serait le début de ce qu’on appelle la grande accélération. »

NB - Sculpture Eva Blanchard

Une chose assez troublante, aussi, dans cet article de Mats O. Svensson : une allusion à Michel Houellebecq, auquel je songeai moi aussi en introduction de ma colère contre d’étranges verbalisateurs en uniforme (mais non policiers) de Kungälv… L’article dans Vagant date du 21 août (2023), et je fus quant à moi verbalisé le… 21 août 2023. Eh !

Quant à ce qui concerne Michel Houellebecq :

« På en mikronivå kan en sådan försvagning av liberala samhällsstrukturer leda till en ny biedermeier-tid, en epok av tillbakagång till husets fyra väggar. Kanske är det just det den profetiska Michel Houellebecq visar oss i sin senaste roman Förinta (2022). Där Paul Raison, en högt uppsatt tjänsteman i Frankrikes finansministerium, drar sig tillbaka från sin post för att vårda sin sjuka pappa samtidigt som en serie terrorattacker på handelsskepp, spermabanker och flyktingbåtar av en grupp satanistiska ekofascister hotar att föra republiken till avgrunden. Förintelsen av den moderna ordningen är inget Paul verkligen beklagar, det riktiga livet hade ändå alltid försiggått inom familjen. »

« Au niveau des individus, petites sociétés, un tel affaiblissement des structures sociales libérales pourrait conduire à une nouvelle ère Biedermeier, une ère de repli sur les quatre murs de la maison. C'est peut-être précisément ce que nous montre le prophétique Michel Houellebecq dans son dernier roman Anéantir (2022). Là, Paul Raison, haut fonctionnaire au ministère des finances en France, prend sa retraite pour s'occuper de son père malade, tandis qu'une série d'attaques terroristes contre des navires marchands, banques de sperme et bateaux de réfugiés, perpétrées par un groupe d'écofascistes sataniques, menace de faire basculer la République. La destruction de l'ordre moderne n'est pas quelque chose que Paul regrette vraiment, la vraie vie ayant de toute façon toujours été celle de la famille. »


Attention, à Kungälv, dans les villes « sécurisées » par des sociétés internationales privées, il n’est pas très bon de se promener dans les rues avec un père malade…


Nils Blanchard

mardi 24 octobre 2023

Les colonnes d’Hercule, un peu plus loin

 Le billet intitulé "Les colonnes d'Hercule" est celui, de ce blog, qui a été le plus consulté. Cette « suite » n’a pas pour visée de profiter de ce succès ; il se trouve simplement que j’ai eu à nouveau affaire à elles, dans le cadre d’une visite passionnante du site archéologique de la carrière de l’ancien camp central de Natzweiler (Struthof), organisée par l’APHG et menée par l’archéologue Juliette Brangé, le 7 octobre 2023.

NB - Struthof, 7 octobre 2023

Je transmets mes notes (PDF) sur cette conférence (indépendantes de ce billet) à qui le demande ; il suffit de me contacter par courriel (voir mon « profil » sur ce blog).

Je signale aussi que – en tout cas dans sa version pour ordinateur – on peut accéder sur ce blog à diverses mentions du système concentrationnaire au cours de différents billets, notamment en cliquant sur les noms des anciens camps de concentration principaux ou secondaires, et aussi sur le nom d’Elmar Krusman, le déporté sur le destin duquel je me suis penché. Pour les camps principaux : Auschwitz, Natzweiler Struthof, KL Bergen-Belsen, KL Buchenwald, KL Dachau, KL Flossenbürg, KL Ravensbrück, Stutthof Dantzig et Treblinka.
Les camps secondaires évoqués en ce blog sont quasi exclusivement (pour l’instant) ceux du KL Natzweiler (voir les étiquettes « Bisingen » – le camp où est passé Elmar Krusman –, Haslach, Obernai, Schwindratzheim et Vaihingen).

Des billets rendent compte aussi de conférences, ainsi 

- de celle de Robert Steegmann à Haguenau à l’automne 2022 sur les camps annexes du Struthof

- de celles de février 2023 à Strasbourg, organisées en lien au Mémorial de la Shoah

- enfin de celle du 10 mai 2023, à Metz, de Michaël Landolt sur l’archéologie des camps en France.

NB - Struthof, 7 octobre 2023

C'était une belle après-midi ensoleillée, assez chaude – on était dans cette première partie d’octobre comme déconnectée de l’automne. Juliette Brangé, jeune archéologue passionnée, passionnante, connaissant très bien le sujet de sa future thèse, a entraîné un groupe constitué bien sûr surtout de professeurs d’histoire sur le site de l’ancienne carrière du Struthof.
Au fil de différentes haltes, elle a dévidé l’histoire du lieu et de ses fouilles – régulièrement, l’été par des étudiants en archéologie de tous horizons et quelques professionnels.

Quelques jalons : l’exploitation du granite rose sur le Mont Louise commence en 1941, et avec elle la construction du camp (d’abord en bas, autour de l’ancienne auberge et de la chambre à gaz). Pour les travaux les plus spécialisés, ce sont des civils qui sont à la manœuvre. Il y a donc interaction entre civils et déportés, sur toute la durée d’existence du camp.

L'activité sur le site de la carrière mute à partir de 1943, avec l’utilisation du lieu pour des ateliers de réparation (et surtout tri de pièces) de moteurs d’avions. Du coup, toute une série de bâtiments sont construits du début 1943 jusqu’à l’été 1943, dont on a encore la trace aujourd’hui.

En septembre 1944, c’est l’évacuation du camp ; et à partir de novembre, le Struthof devient un camp d’internement administratif, avec des gens d’âge, genre... différents ; dont femme enceinte.
Là, un petit groupe a travaillé à la carrière. On a très peu d’informations là-dessus.

Enfin à partir de novembre 1945 est installé sur le site du Struthof un ensemble pénitentiaire pour jeunes garçons / jeunes hommes, avec ce qu’on pourrait appeler un centre de formation, en vue de la réinsertion future des personnes incarcérées. Et dans ce cadre, la carrière a servi d’atelier.
Du coup, sur le plan archéologique : on trouve des époques mélangées dans des mêmes couches…

NB - Struthof, 7 octobre 2023

Dans la lignée de recherches et travaux récents, un certain nombre de points ont été rappelés.

– D'abord, ces contacts entre civils et déportés sont passionnants. Ils démontent le mythe du « on ne savait rien », notamment au niveau local, vu que ces civils venaient des communes avoisinantes pour la plupart. Ils remettent en question aussi une certaine tradition orale, basée sur les témoignages. En l’occurrence, les témoins – directs ou indirects ; il a été question aussi par exemple de leurs descendants –, volontairement, ou parfois sans doute, en partie en tout cas, involontairement, pouvaient occulter un passé gênant, mal compris, douloureux.
En se transmettant au cours des décennies, les témoignages ont pris figure de documents historiques, ce qu’ils ne peuvent être que sous couvert d’une critique historique pertinente et compétente.
L'histoire – elle est en cela scientifique – se nourrit aussi d’erreurs. Dans ce cas cependant, on sait que les révisionnistes utilisent, dans la masse gigantesque des informations dont nous disposons, des erreurs que leurs esprits erratiques et faibles arrivent à extirper çà et là de différentes sources et études.

– Ce problème rejoint celui de la mémoire plus généralement, son évolution dans le temps.
(Cela n’a pas été beaucoup remarqué, j’avais construit mon livre – Elmar Krusman, un Suédois d’Estonie au camp de concentration du Struthof – en partie en tout cas, sur des strates de témoignages et de mémoire, à travers cinq « auteurs témoins » des camps Wüste et du Neckar, écrivant (ou publiant) en 1945, 1972, 1982, 1995 et 2000.)

– Une piste d’étude a été soulignée par Juliette Brangé : les témoignages des déportés de l’Est, soviétiques et polonais, qui ont formé une grande part des détenus qui ont travaillé à la carrière.
Cette mémoire-là a été très peu étudiée par la force des choses (éloignement, langue, rideau de fer à une certaine époque…)
D'une certaine manière (mais ce n’était pas un prisonnier de guerre), Elmar Krusman peut être considéré comme Soviétique, vu qu’il a été arrêté par les nazis en Estonie en 1941.

– Enfin, l’archéologie contemporaine apparaît en ce cadre comme un « nouvel » outil (voir à ce propos la conférence de Michaël Landolt) très prometteur.


Nils Blanchard

mardi 17 octobre 2023

Champignons, renards

Au hasard de recherches sur le net, j’ai été interpellé par deux affiches aux couleurs et motifs assez semblables ; elles viennent de deux villes de taille vaguement comparables : Charleville-Mézières (plus grande quand même) et Haguenau.


 Or il se trouve que j’ai de vagues attaches dans l’une et dans l’autre.

Haguenau, je m’y promène assez fréquemment ; dans sa forêt itou – mais je n’y ai pas vu beaucoup de champignons je dois dire.
Un jour : un renard. J’ai vu une forme approcher à peut-être deux cents ou trois cents mètres, du bout d’une sente. Je me suis figé, m’efforçant de ne pas faire un seul mouvement. Ce que j’ai vite reconnu comme un renard – une bête qui m’est très sympathique – s’est approché, approché.
Jusqu’à environ trente mètre ? Là, arrêt. Ai-je cillé ? M’a-t-il senti ? Je l’ai vu comme hésiter. Puis, subitement, rapide comme l’éclair, il a disparu dans les fourrés sur le côté.
J'ai eu l’étrange impression qu’il y eut une expression de déception, de désapprobation, dans son regard, juste avant qu’il s’en aille. Comme s’il s’était senti trahi par mon immobilité. Sans doute ne pouvait-il que subodorer que je voulusse lui tendre un piège.
Bien sûr ce n’était pas le cas ; je voulais juste le regarder ; le voir.



Charleville-Mézières, c’est parce qu’on est dans les Ardennes dhôteliennes (même si le vrai Dhôtelland – un non-sens, ce Dhôtelland, dira Patrick Reumaux, et j’aurais tendance, avec une pointe d’agacement, à lui donner, encore une fois, raison… – est plus au sud).

Mais André Dhôtel a écrit un poème magnifique sur la chute d’un arbre (je crois l’avoir déjà cité quelque part, car il a été illustré par… Camille Claus – et on se rapproche là de Haguenau) :

« (...)

Un soir l’arbre mourut

s’abattit et devint

plus grand qu’il fût jamais

sur la terre étonnée,

et le renard pleura. »



(Ah, et Patrick Reumaux, bien sûr : un spécialiste des champignons… Entre autres.)

NB - Bohuslän, août 2023

D'après le blog Fonge et florule, on n’en serait en cette saison qu’au début des champignons en France. Aux avant-postes, un bolet radicant, non comestible.
En Suède, en août, il y eut des champignons comme rarement ; saison exceptionnelle (si, là encore, j’ai bien compris), liée peut-être à un début d’été très humide après un printemps très sec ?

Bon, mais on a déjà vu des champignons en ce blog... Et, ces derniers temps, j’ai été amené à parler çà et là de forêt (et on en reparlera…) Or, comme l’écrit un auteur présent à Haguenau pour les « mycofolies », Hubert Voiry (Actes Sud, 2022) : Pas de forêt sans champignons.


Nils Blanchard


Ajout, 21/10/2023 : 

Je n'avais pas si mal compris que ça : la saison des champignons était bien mémorable, en Suède. C'est ce qu'écrit hier Einar Jacobsson dans son blog Rapsodi, en lien d'en lien de ce blog (via Bernur, lui-même en lien de Nordic Voices in Translation...) 

Et qui plus est, il évoque Peter Handke, grand amateur... d'André Dhôtel !

L'article commence ainsi: 

« I vintras utkom några nya prosaverk av Peter Handke på det förträffliga förlaget Faethon. Det med titeln "Försök om svampdåren. En berättelse för sig" (översatt av Jesper Festin) sparade jag till svampsäsongen, som den här hösten ju visat sig särskilt minnesvärd som sådan. »

« Cet hiver sont parues de nouvelles œuvres en prose de Peter Handke chez l'excellent éditeur Faethon. Celle intitulée Essai sur le fou de champignons. Une histoire en soi (traduction de Jesper Festin), je l'ai gardée pour la saison des champignons, qui cet automne s'est révélée particulièrement mémorable. » 

Dans la revue Etudes, Yves Auclair avait écrit : 

« André Dhôtel avait écrit une merveilleuse fable sur Le vrai mystère des champignons. On ressent ici un même absolu mystère, mais d'une autre manière : une impression faite d'étrangeté, de plus en plus insidieuse, et de malaise finement pointé d'humour, envahit le lecteur devant l'existence de ce chasseur fou de champignons, de ce mari, père de famille et avocat pourtant bien comme il faut. Dans son pays où il n'arrive jamais, mais finira par « arriver » (un peu), sa passion fabuleuse déraille en addiction infernale et contamine jusqu'à la phrase de son témoin écrivain, lui aussi chasseur improbable de ce qui fait le sens d'une vie. »  


NB

samedi 14 octobre 2023

Public/privé, 1823/1923, bibliothèques

On a parlé récemment à plusieurs reprises des problèmes engendrés, en Suède et ailleurs, par la sous-traitance au privé de certains services.

NB

Du reste, ne pourrait-on parfois se retourner contre l’État – je n’aime pas ça… – pour complicité d’atteinte à l’article 433.12 du code pénal ?

« Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, par toute personne agissant sans titre, de s'immiscer dans l'exercice d'une fonction publique en accomplissant l'un des actes réservés au titulaire de cette fonction. »

Bon ; qu’est-ce qu’une fonction publique ?
Qu’est-ce qu’avoir titre à l’exercice d’une fonction publique ?

Mais ceci est une simple digression ; revenons à nos moutons, si je puis dire. Avançant dans la préparation de cours et recherches, je me rends compte que ce problème de la sous-traitance est ancien.
Ainsi, en 1823, une loi en Suède cède des forêts domaniales à des propriétaires privés. Cela, forcément, « déclenche une orgie de coupes que l’État ne peut empêcher sur le moment. » (M. Carrez & J.-M. Olivier, Histoire des pays nordiques – XIXe-XXIe siècle, Armand Colin, 2023.)

NB

Je note pour ma part dans mon livre (pages 14-15) : « Le temps de l'occupation suédoise du nord de l'Estonie, paradoxalement, n'a pas été sans crises pour les habitants suédois d'Estonie. (…)
     [Outre diverses guerres dramatiques pour les populations civiles, si] les paysans suédois étaient en théorie officiellement attachés à la couronne (et jouissaient donc d'une liberté non négligeable), dès le début du XVIIe siècle, cette couronne suédoise a cédé une partie importante de ses terres de l'autre côté de la Baltique à des nobles, pour renflouer le trésor de l'État. Dès lors, il y a eu des disputes constantes entre les grands propriétaires terriens et les paysans défendant statut et droit à la terre. La situation s'est certes un peu améliorée dans les années 1680, avec notamment des appels au roi, parfois couronnés de succès. »

C'est décidément une manie !

Voilà pour 1823.

Quant au public, au privé, il y a cet étrange rapport que d’aucuns (dont je fais partie) entretiennent avec leurs bibliothèques.
Lieux d’universalité, de partage, de communication avec les autres ; lieux publics par excellence dans un sens, les bibliothèques sont souvent le domaine d’une personne, parfois (c’est un peu mon cas) jaloux du bon état de ses livres, ayant peu d’occasion – ou de volonté ? – de les prêter et partager. Bref, les bibliothèques ont quelque chose de privé. Elles ont un côté privé (vie privée) du reste ; et on voit des ouvrages, çà et là (ou des magazines), retirés, cachés, derrière une rangée d’une étagère en hauteur et quasi hors d’atteinte…
Bon, mais je pensais à ça, parce que Thomas Nydahl, le 2 octobre dernier entre autres, donne à voir une partie de sa bibliothèque, devant envisager un déménagement forcément problématique.
(Moi-même suis sédentarisé plus que je ne devrais notamment par ma bibliothèque…)

Ou Lennart Erling (Den långsamma bloggen), titrant sur L’Étranger, (Främlingen) à propos du cauchemar actuellement en Israël et Palestine, donne à voir quelques ouvrages de et sur Camus dans sa bibliothèque.

Ou Kristin Lagerqvist, le 7 octobre, invite à pénétrer dans sa bibliothèque.
Bon, et à côté d’ouvrages de Kazuo Ishiguro, Haruki Murakami, on trouve beaucoup de livres de Virginia C. Andrews, née en 1923.
Voilà pour 1923.

Quant à Icare dont on parlait dans un précédent article, ne peut-on considérer que ce qui suit est la suite logique de sa chute ? (Pour peu qu’il soit tombé dans un lac ou une mer, comme le peint Bruegel…)



(Mais quant au livre ci-dessus, qui n’est pas dans ma bibliothèque, je ne sais pas grand-chose d’autre que cette couverture.)


Nils Blanchard

lundi 9 octobre 2023

Miscellanées, Auvergne et Paradis. Et autres (et autres blogs), 3

 Je disais donc au billet du 1er octobre : « M’y (re)poser, après, aussi, toute sorte de querelles et d’incompréhensions »…

NB - Auvergne, printemps 2023

Puis, ce métier d’enseignant que je ne goûte guère, des cours d’université que je m’efforce de donner au mieux (cela, pour quelques mois), peut-être même mon lieu de vie principal qui m’agace – j’ai encore récemment été empêché de sortir de chez moi (en auto) par un livreur de société privée (décidément…), tout cela…

Souvenons-nous; Kafka...

À propos de Kafka ; il y a un auteur qui cite étrangement ensemble les noms de Kafka et Dhôtel, Wajdi Mouawad. C'est dans un (relativement) vieil Express, du 5 octobre 2014 ; propos recueillis par Laurence Liban :

« Grands-pères: André Dhôtel et Franz Kafka.
Le premier est insouciance, amour et paysages. Le second travaille sur l'oppression et le comique. Je suis traversé par ces vents contraires. »

NB - Auvergne, printemps 2023

Bon, mais ces agacements, mésaventures – diminution d’un certain sentiment diplomatique ? – serait-ce une question d’âge, comme l’évoque Kristin Lagerqvist le 29 septembre dernier ?

« Jag ska gå en promenad med min hund, åka till jobbet och styla om butiken, träna, handla, jobba och bara vara med mig själv. För mycket social stimulans får mig att tappa lusten på allt vad livet innebär – en känsla av att livet runnit ifrån mig (…)
Det blir så mer och mer. Jag vet inte vad det kommer från eller om det alltid har varit så men det är inte förrän jag blev över fyrtio jag började känna efter att jag faktiskt inte orkar. (…) Just nu vill jag bara ta det lugnt och ha noll saker på min agenda. En bastu. Ett bad. »

« Je vais aller me promener avec mon chien, puis au travail refaire un peu la boutique, faire du sport aussi, des courses, travailler donc et me retrouver simplement avec moi-même. Trop d’interactions sociales me font perdre le goût de tout ce qu’offre la vie – ce sentiment que la vie m’échappe (…)
Et il en est de plus en plus ainsi. Je ne sais d’où ça vient, si ça a toujours été là mais ce n’est en tout cas pas avant la quarantaine que j’ai commencé à me rendre compte que je n’y arrivais pas. (…) Et juste maintenant, je veux simplement être tranquille, avec rien sur mon agenda. Un sauna. Un bain. »

Eh ! La quarantaine, Jean-Louis Curtis. On revient à Florence Gould.


Lorsque j’avais voulu quitter mon travail dans les règles, il y a… quelque temps, j’eus affaire à une dame morveuse dans un bureau administratif, qui outre ses microbes – je fus ensuite malade une semaine – me passa un coup de blues assez vache. « C’est votre âge, monsieur, c’est simplement votre âge. Vous verrez... »

NB - Auvergne, printemps 2023

Bien. Mais pour en revenir à ce que dit Wajdi Mouawad de Dhôtel : la notion d'insouciance... Vraiment?
Pourquoi pas. 


Nils Blanchard


P-S : La Norvège à l’honneur, avec pour commencer Jon Fosse (qui écrit en nynorsk), prix Nobel de littérature. Je me permets d’ajouter qu’il a un faux air de Bill Murray. Patrice Chéreau mit en scène autrefois une de ses pièces, Rêve d’automne. Et l’automne va finir par vraiment commencer en nos contrées…

Le prix Nobel de la paix (remis par la Norvège) – une fois n’est pas coutume, pas erratique –, attribué lui à l'Iranienne Narges Mohammadi.

P.-S. 2 : À la carrière de l'ancien camp de Natzweiler (Struthof), samedi 7 octobre, visite guidée passionnante de Juliette Brangé, doctorante en archéologie et histoire contemporaine. C'était organisé par l'APHG (Association des Professeurs d'Histoire et Géographie). 
J'en reparlerai... quand j'aurai mis à jour mes notes.

mercredi 4 octobre 2023

Fermer la maison

J'y passe peut-être plus de temps que je ne devrais. Mais le matin, en finissant mon café, il m’arrive de faire une tournée de quelques blogs que je « suis » plus ou moins. Moins, ou plus. L’un ne nécessite qu’un regard ; rien n’a changé ou le sujet ne m’intéresse pas. Un autre…
 
NB - Bohuslän

Cette rapidité, ce « zapping » a quelque chose de problématique en soi vraisemblablement ; mais c’est l’« exercice ».

Et de temps en temps, on tombe sur quelque chose de plus… profond, charmant… parlant ; parfois, étrangement, au milieu d’autres billets pouvant paraître bien superficiels.

Il en a été ainsi récemment du blog de Kristin Lagerqvist – j'y vais irrégulièrement, souvent peu de temps. Mais j'y vais.
Elle parle fréquemment d’une maison secondaire du sud de la France, qu’elle et sa famille ont en partie refaite – bien joliment d’après les photos. Là, le 25 septembre, article sur le moment du départ, le moment où on quitte une maison – un lieu – « seconde », sans savoir s’il ne faut pas lui donner la première place.
J'en ai parlé je crois déjà : sa situation est un peu l’inverse de la mienne, sa résidence principale étant en Suède.

NB - Bohuslän

Il y a peut-être quelque chose d’un peu masochiste là-dedans ; de s’imposer ça – sans parler des complications techniques relatives à certaines habitations : fermer l’eau pour l’hiver, s’assurer qu’il n’y a pas de fuite ici ou là…
Pourquoi ne pas rester à un endroit simplement ?
Sans compter qu’on peut avoir plusieurs lieux « secondaires », lesquels pourraient prétendre à la primauté…
Indécision maladive ?
Manie d’enfant gâté ?

NB - France

Elle raconte, en tout cas, ce 25 septembre donc, très belles photos à l’« appui » – d’abord celle d’une chambre avec un lit défait. Dernier matin, on le devine, avec des nuits de début d’automne qui rallongent.

Puis il est question – photos à l’appui, toujours – de denrées vidées du frigo (beaucoup plus grand que les frigidaires de « mes » différentes habitations), d’une sorte de terrasse couverte vers un jardin dont il est souvent question dans les articles.

« Det är något visst med att stänga huset och åka hem. Det är vemodigt och jag går ut på terassen för att fånga soluppgången på näsan. Höst i luften även här. Krispigt och kyligt. »

« Il y a quelque chose de spécial à fermer la maison et rentrer. Mélancolie ; je sors sur la terrasse pour goûter sur mon visage le lever du soleil. Même ici l’automne est dans l’air. Vif et frais. »

NB - France

Et puis, et puis… La dernière nuit a été mauvaise (non!?), peuplée de cauchemars. Il y a eu une réception avec des amis qui sera refaite peut-être l’année suivante…

Eh ! Ces petites notes, en tête ou dans un carnet : « La fois prochaine, il faudra faire ci, réparer ça, voir untel... »

Les volets sont difficiles à fermer ; les fermetures anciennes.

Et pour finir, une porte close.


Nils Blanchard


Triche : je rajoute les étiquettes trop nombreuses pour le précédent billet : Ambazac, Soufflenheim, Albert Camus, Germaine Blanchard, Jean Dubuffet, La Route inconnue, David, Florence Gould.

dimanche 1 octobre 2023

Miscellanées, Auvergne et Paradis. Et autres (et autres blogs), 2

Je me détourne de bien des ondes (snobisme ? Intellectualisme?) France info et inter me rebutent de plus en plus ; on y entend trop de musique que j’assimilerais plus à de la pollution sonore qu’à autre chose. Septembre, souvenez-vous... Il faut aller sur le Gabrielles blog (en lien de celui-ci), pour entendre, en français, quelque chose d'audible...

NB - Volvic, printemps 2023

  Oui, je suis encore – on est encore en septembre au moment où j’écris cela – d’humeur un peu irritable.

Mais, sur France culture, la semaine passée – la dernière ? Celle d’avant ? –, série d’entretiens de Pauline Maucort « À voix nue », avec l’écrivaine Marie-Hélène Lafon.
Intéressé, bien sûr ; très intéressé par cette auteure que je n’avais jusqu’alors pas lue.

J'y repensais, essayais de retrouver son nom, quand je tombe sur l’article du 29 septembre de Thomas Nydahl sur une traduction en suédois de l’écrivaine : Källorna (traductrice : Anna Säflund-Orstadius), aux éditions Elisabeth Grate.


Il s’agit des Sources, Buchet-Chastel, 2023.
Ce sont ces mêmes éditions qui, au passage, ont édité le mémorable (pour moi en tout cas) Chafouine, d’Alain Galan (2018), qui commence avec une citation de Buffon, comme un écho à Linné. Ce roman-là, il met en scène un certain André Delhot (entre autres) derrière le nom transparaît… André Dhôtel. C’est Jean-Claude Lebrun qui a débusqué (pour moi) cette correspondance, dans L’Humanité du 15 février 2018 :

« Depuis 1979, l’auteur a fait paraître une vingtaine de titres. Fréquemment centrés sur sa région, le Limousin, ils en explorent les lisières et les revers, en une manière de pendant français au réalisme magique de Belgique. Ce n’est donc certainement pas un hasard si son récit met en scène un certain André Delhot, anagramme transparente de l’Ardennais André Dhôtel, connu du grand public par Le pays où l’on n’arrive jamais (prix Femina 1955), qui, jusqu’à sa mort en 1991, s’illustra comme arpenteur infatigable de la nature et spectateur du merveilleux qui s’y tapit. »

Or, donc : le Limousin. Pas si loin de l’Auvergne. Qui plus est, une part de mes ancêtres en vient ; ma grand-mère paternelle était d’Ambazac. Jumelée avec Soufflenheim… Voyez-vous ça. Où j’ai enseigné un an au collège Albert-Camus ; voyez-vous ça encore… Décidément. Mais je vous ai perdus peut-être.

NB

Reçu il y a peu le dernier bulletin de la Route inconnue.
Un adhérent de l’association y a publié une dédicace de Dhôtel à Jean Dubuffet. Elle vient de son édition (Minuit) de David, réédité récemment (ils en sont à leur deuxième tirage) par les éditions de
Dans cette dédicace, Dhôtel écrit, à la fois simplement et mystérieusement (enfin, plus ou moins), après l’adresse « classique » (« Pour Jean Dubuffet, bien amicalement / André Dhôtel »), cette citation, qui se rapporte à l’édition de minuit : « Le montage des panneaux lui donna plus de mal (p. 208) ». Dans la version de l’Arbre vengeur, cette citation se situe page 195.
On peut imaginer que Dhôtel fait là allusion au montage d’une exposition de « portraits » de Dubuffet, à laquelle il aurait assisté…

On reconnaît un des portraits de Dhôtel en bas à droite.

Cela m’a donné envie de me replonger dans mes travaux sur le monde littéraire gravitant autour de Florence Gould, dont j’ai été détourné ces derniers temps du fait d’autres occupations. Revenir aux fondamentaux, en quelque sorte.
M'y (re)poser, après, aussi, toute sorte de querelles et d’incompréhensions.

À suivre.
Ah : et je vais tricher dans les étiquettes ; il y en a trop… On en rajoutera au prochain billet...


Nils Blanchard


April. Mais…

Dates, qui reviennent en ce blog. J’ouvre The Waste Land  ; évidemment : 1921-1922. «  A pril is the cruellest month, breeding / Lilacs out ...