dimanche 31 mars 2024

Mars ; inquiétudes et étrangetés 2

On entend çà et là que « tout est possible », plutôt vers le pire. Thomas Nydahl par exemple, le 29 mars, d’asséner : « Djupt i mig rör sig dock en tanke: om inte dårskapen på plats snart upphör rör vi oss farligt nära den totala katastrofen. » / « Il y a cette pensée ancrée profondément en moi : si la folie ambiante ne s’arrête pas, on pourrait s’approcher d’une catastrophe totale. »

NB - mars 2024

On pourrait aussi citer Lennart Erling (Den långsamma bloggen), au début du mois :

« På teve menar Staffan Heimerson att vi i Europa befinner oss i samma läge som 1943, innan Hitler mötte ett samlat motstånd från demokratierna. Historien upprepar sig aldrig, sägs det. »

« À la télé, Staffan Heimerson de considérer que l’on se trouve dans la même situation qu’en 1943, avant qu’Hitler rencontre une opposition unie des démocraties. Il est vrai qu’on dit que l’histoire ne se répète pas. »

Bon. 43 sonne étrangement : d’abord, c’est aussi l’URSS (Stalingrad), qui n’était pas précisément une démocratie, qui a contré le nazisme. Certes, en 1943, les États-Unis étaient entrés en guerre depuis plus d’un an, mais on oublie un peu vite que le Royaume-Uni était en guerre depuis 1939, à peu près seul (indépendant) face à Hitler de juin 1940 à juin 1941 (Barbarossa).

Le nouveau président finlandais, aussi, Alexander Stubb, prenant ses fonctions il y a à peu près un mois, d’asséner : « Vi lever i en tid av oro och oordning » « Nous vivons un temps d’inquiétude et de désordre »...

NB - mars 2024

Et un an après la Finlande, la Suède est entrée à son tour dans l’OTAN, après de longues périodes de neutralités – certes plus ou moins compromises çà et là – depuis Bernadotte, voire avant encore.
Au moins deux articles de ce blog évoquent déjà le sujet : dans ces parages. Encore une fois, un monde, ou un continent (quasiment) totalement divisé en deux camps ne laisse guère de place à une négociation, une simple communication possible. On me rétorquera qu’on ne peut guère communiquer avec V. Poutine. Mais le pouvoir de ce monsieur, aussi long ait-il été, n’est pas éternel…
Aussi, si quelqu’un comme Trump devait revenir au pouvoir aux États-Unis, l’utilité de l’OTAN pour la Suède serait de toute façon amplement diminuée.

Capture d'écran

Peu importe, il semble que le gouvernement d’Ulf Kristersson (soutenu par l’extrême droite) profite dans les sondages de la popularité de cette entrée dans l’OTAN (initiée, assez bizarrement d’ailleurs, par les sociaux-démocrates). Du coup, on lit ce genre d’article étrange, dans le Göteborgs Posten (le 11 mars), d’Alex Vårstrand, où il est question de la « protection de notre héritage culturel qui est une partie de notre défense nationale ». Et l’auteur précise :

« Regeringen har beslutat att inrätta ett kulturskyddsråd. Rådets syfte är att ta fram en effektiv beredskapsplanering för kultursamlingar, byggnader och miljöer. Rådet, bestående av Riksantikvarieämbetet, Riksarkivet, Kungliga biblioteket, MSB, länsstyrelserna, museerna och Svenska kyrkan, kommer att avgöra vad som ska skyddas och hur. »

« Le gouvernement a décidé d’instaurer un Conseil de défense de la culture. Le but de ce conseil est de mettre en place un plan d’alerte efficace concernant les collections, bâtiments et milieux culturels. Le conseil, constitué des autorités suédoises du patrimoine, des archives nationales, de la Bibliothèque royale, du MSB (administration pour les situations de crise), des autorités régionales, musées, de l’Église suédoise, qui va décider ce qui devra être protégé, et comment. »

NB - mars 2024

Encore une fois, l’extrême droite soutient ce gouvernement ; quelle idée peut-elle avoir d’un quelconque héritage culturel ?

Voilà qui rappelle en tout cas les collections du Louvre déménagées pendant la guerre, les vitraux de la cathédrale de Chartres…

NB - Vitrail de René-Louis Petit, abbatiale de Montier-en-Der, mars 2024

Face à cette « conjoncture » pour le moins déstabilisante, Lennart Erling poursuit son article du « blog ennuyeux », sans transition :

« Att vandra i skogen, längs stigar och vägar som vi känner till sedan länge. Ändå samma glädje att kunna röra sig i naturen, andas in skogsluften, iaktta de första tecknen på vårens ankomst. Äta lunchmackor i en solig backe, i lä för vinden. Samtala, eller vara tysta. »

« Se promener en forêt [la forêt est, d’abord, ce qui est en dehors…], suivre des pistes, des chemins que l’on connaît depuis longtemps. Et cependant la même joie toujours d’évoluer dans la nature, respirer l’air de la forêt, observer les premiers signes de l’arrivée du printemps. Manger des sandwichs sur un promontoire ensoleillé, à l’abri du vent. Parler, ou rester silencieux. »


Nils Blanchard 

mercredi 27 mars 2024

De Gaulle, Mitterrand

La dernière fois que j’ai entendu Frédéric Mitterrand, c’était lors de la nomination de Rachida Dati comme ministre de la culture. De remarquer que les artistes sont contre le pouvoir, généralement. (Enfin, je crois me souvenir que c’est à peu près ce qu’il a dit.)

NB - Mars 2024

Herregud, ce que Philippe de Gaulle pouvait ressembler, plus jeune, à son père – à se demander s’il n’y a pas une erreur de photo. (Mais (C.) de Gaulle n’a jamais porté une telle casquette…) Il était né la même année qu’Elmar Krusman, en 1921 (en décembre ; Elmar Krusman en février). Ils sont morts tous les deux en mars ; Elmar Krusman en 1945.

Philippe de Gaulle - Wikipedia

Ils ont eu un même ennemi : le nazisme, la barbarie.
Que je sache, Elmar Krusman n’a pas laissé d’écrit, de message expliquant sa vision de la vie, de sa situation…
À propos de Philippe de Gaulle, il a été question de la notion de devoir.
« Tu n’as aucun droit ; tu n’as que des devoirs ! », me disait ma bien regrettée grand-mère.
Allez dire ça aujourd’hui, vous vous retrouvez devant un jury de psychologues de bazar…

Charles de Gaulle, narra Daniel Cordier, d’accueillir ainsi les jeunes volontaires fraîchement arrivés à l’Olympia Hall, au début juillet 1940 : « Messieurs, vous êtes venus et je ne vous félicite pas ; vous n’avez fait que votre devoir ! »
Allez dire ça…

NB - Mars 2024


Frédéric Mitterrand a dirigé, pas très longtemps, la villa Médicis. En cela, il était un successeur de Balthus.
J'avais été voir, en train, l’exposition Balthus il y a qunze ans à Martigny, en Suisse. C’était l’hiver.
Bon. J’avais du mal à marcher car je m’étais déchiré, peu de temps avant, un muscle au niveau du ventre. D’ailleurs, juste avant de partir pour l’exposition, j’avais vu Le bal des vampires, fantastique opus de Polanski que je voyais pour la première fois… Problème, je rigolais et ça me faisait mal. Mais en même temps, je voulais aller jusqu’à la fin du film. Dilemme.

Bon. Mais j’ai trouvé un discours de Frédéric Mitterrand, prononcé devant le couple royal de Suède en septembre 2011 à l’occasion d’une exposition ; on a l’impression d’entendre son phrasé :

« De l'amitié très ancienne entre la France et la Suède, on a coutume de dire qu'elle a connu son apogée à l'époque des Lumières. En effet, ce fut le temps où Voltaire traça de Charles XII un inoubliable portrait, celui où l'illustre Linné adressait ses travaux à notre Académie des Sciences et recueillait l'admiration de Jean-Jacques Rousseau, celui où le roi Gustave III correspondait en français avec Beaumarchais. Nos liens ont été plus resserrés encore par l'accession au trône de Jean-Baptiste Bernadotte, devenu Charles XIV Jean de Suède. »

Frédéric Mitterrand - Wikipedia 

  
Je pense à ça en songeant à Frédéric Mitterrand. Et à (P.) de Gaulle. Associations d’idées décousues ; artistes contre le pouvoir, devoir. Balthus. Rire douloureux avant de partir voir ses toiles à Martigny.

Bonsoir !

Traversée de la Suisse en hiver.


Nils Blanchard


P.-S.: Ent'revues d’évoquer le cahier philosophie de l’association des Amis d’André Dhôtel. Un texte qui m’est cher, là, celui de Reiner Rumohr, sur le zen, que l’on peut voir… transparaître dans les textes de l’auteur des Rues dans l’aurore.

vendredi 22 mars 2024

La passion de la vie était plus grande…

 Roland Frankart évoque Patrick Reumaux écrivant, à un auteur à qui il refusait un entretien, qu’ « en vieillissant j’ai de plus en plus tendance à me prendre pour le chat qui s’en va tout seul ».
C'est dans un texte disponible ici, et sur quoi il n’y a guère à redire.

NB - février 2024

Mais il se trouve que j’ai revu récemment un chat de rue auquel je suis passablement attaché, et que je croyais disparu. Je le surnomme la panthère, à cause de sa démarche élancée. Je ne l’avais plus revu depuis mon retour des vacances de Noël – via Fontevraud et d’ailleurs de ça aussi on reparlera…

NB - février 2024

Il est là – timide, aux aguets, même ronronnant sous les caresses… – depuis que je me suis installé à cet endroit et, sans être superstitieux, songeant à aller un jour peut être proche ailleurs, je me disais, bien malgré moi, que sa disparition serait un signe… Non. Je l’ai aperçu à nouveau en rentrant à la nuit, déboulant d’un bosquet.

ouverture du bulletin de la Route inconnue

André Dhôtel (signant un livre) et Patrick Reumaux


Bon, mais les dates de Patrick Reumaux seront donc : 1942-2024 ; inversion des deux couples de derniers chiffres.
Je me faisais cette réflexion anodine, et me disais qu’il y avait le même type d’inversion avec 1948 et 1984, ou 48 et 84 – on y reviendra –, la revue, sur laquelle j’ai un peu travaillé récemment encore (chut… Je n’avais pas le temps), et dont il a été un peu question dans ce blog. (L’index… toujours l’index, à droite, version ordinateur : il suffit de cliquer sur les mots qui ont été « étiquetés » sur ce blog…)

Et voilà que farfouillant vaguement sur le net, je tombe sur cette trace de rediffusion sur France culture d’un texte de Patrick Reumaux, précisément. « Trois morts annoncées » (bigre!) (Réalisation : Laure Egoroff, conseillère littéraire : Laurence Courtois.) Et c’est présenté ainsi :

« "N'y a-t-il pas deux catégories d’écrivains, écrivait Charlotte Brontë en 1848, l’auteur et le faiseur de livres ? Et le dernier n’est-il pas plus prolifique ? N’est-il pas, en vérité, merveilleusement fécond ? Mais le public, et même l’éditeur, font-ils grand cas de ses productions ? Ne s’en lassent-il pas, tous les deux, avec le temps ?"
On entendra ici les voix des Brontë à l’instant le plus présent de la vie celui de la mort. Branwell, remontant pour la dernière fois vers le Presbytère, titubant et braillant une chanson à boire, Emily détournant à contrecœur ses yeux mourants de la lumière du soleil, Anne, la benjamine, se faisant transporter jusqu’à Scarborough pour s’éteindre devant la mer. (…) »

NB - février 2024

1848, donc.
(Bon, par contre, l’émission n’est plus disponible à la réécoute. Sous le Sceau du Tabellion, à nouveau, on trouve en revanche une traduction, par Patrick Reumaux, d’Emily Brontë.)

130 ans plus tard, dans une émission donnée à la radio suisse de 1978, donc, André Dhôtel :

« (…) Il était impossible de dire, si vous voulez, que ce garçon [c’est de Patrick Reumaux qu’il est question] pouvait être écrivain mais je l’ai compris parce que justement il s’intéressait plus au sujet dont il parlait qu’à ce qu’il écrivait. Il s’intéressait lui-même au bois, à la chasse, au piégeage et évidemment aux jeunes filles mais on sentait que la passion de la vie, si vous voulez, était plus grande que celle de l’écriture. C’est ce qu’on oublie toujours. »

Bon (il faut que j’arrête avec ces « Bon... », faux-bonds…), mais je parlai en cours à l’université (eh : je ne dirai sûrement pas si souvent « Je parlai en cours à l’université » – du reste, Patrick Reumaux, évoquant sa carrière de maître de conférence : « Quel gâchis »…) des Pays-Bas qu’on pouvait, par certains aspects – mais pas tous… – inclure dans les pays nordiques… Et dans Maison noire, Patrick Reumaux évoque, entre autres, entre autres, la reine Christine, pas gentille avec Descartes. Et un personnage ne veut « pas voir de Hollandais dans la rue du Coq », non.
C'est dans une pièce étrange, à la fin du livre. Avant cela (pages 124-127),

« Pierre Moënne-Loccoz, qui fut un illustrateur hors-classe, n’écrira plus imprudemment : C’est Patrick Reumaux, sur sa petite moto rouge lancée à fond, qui part à l’assaut des moulins à vent scandinaves. »


Nils Blanchard

dimanche 17 mars 2024

Mars ; inquiétudes encore, et étrangetés

Promenade au bord de la Maine en crue, non loin d’Angers. Reflets d’arbres dans les eaux – arbres-têtards pour certains ; odeur de vie un peu boueuse de la rivière. Vagues songeries de Henri Bosco. Mais, odeur ?

NB, mars 2024

 Les odeurs, senteurs, sont de plus en plus rares – je vieillis peut-être simplement – ; elles demandent presque des ruses pour être soudain débusquées.
Itou, en Suède, ou ailleurs au bord de la mer, je ressens moins les embruns, algues… Or les odeurs sont je crois ce qui relie le plus fidèlement à la mémoire.

Puis, là, au bord de la Maine, je lève les yeux : l’arbre au-dessus de moi est parsemé de plastique.

NB, mars 2024

Ça me fait penser que j’ai écrit trop vite mon petit avant-propos au Tableau de Savery. J’évoque un lieu, en Suède, où « je reviens de temps en temps me promener, travailler, me baigner dans une mer étrangement préservée des plastiques de notre époque »… Las, l’été dernier, voyez à quoi ressemblait une des plages.

NB - août 2023


NB - août 2023

Cette coupure d’un certain passé à travers certaines odeurs qu’on retrouve peu, ce plastique, ça me ramène à mes inquiétudes de fin d’hiver. Plus exactement : l’actualité s’en charge.

Mars, mois du dieu de la guerre bien sûr. Mais qu’est-ce que la guerre depuis le vingtième siècle ? Non que les guerres des siècles d’avant fussent nobles, même si elles étaient parfois par eux pratiquées, mais ces tranchées, exécutions industrielles, champignons nucléaires…

Ce vingtième siècle se convulse d’ailleurs comme un nœud de vipères dans les événements actuels à l’Est de l’Europe. Des observateurs remarquent que les opérations militaires (guerre de position) en Ukraine ressemblent à certaines phases de la Première Guerre mondiale. Dans le même temps, les rodomontades et violations de traités du président russe, les débats que ses actions entraînent en Europe ramènent aux années trente. La glaciation politique dans une partie de l’ancien bloc soviétique et en Chine ramène à la guerre froide…

Odessa - Photo du blog d'Argloul (argoul.com) - détail -, 31-3-2014

On a évoqué – et on y reviendra – une série d’articles d’Argoul sur des voyages en Russie.
Parmi eux, Odessa. Le 2 mars dernier – il y a déjà quinze jours –, on lisait dans le Göteborgs Posten :

« Flera civila har dödats i ryska drönarattacker i Odessa och Charkivregionen natten till lördagen, uppger ukrainsk räddningstjänst.
(...)
I hamnstaden Odessa i söder dödades fyra människor, bland dem ett treårigt barn, enligt ukrainska myndigheter. »

« Dans la nuit de samedi, plusieurs civils ont été tués dans des attaques de drones russes dans la ville portuaire d’Odessa et la région de Charkiv, d’après les services de secours ukrainiens.
(...)
Dans le sud de la ville, quatre personnes ont été tuées, parmi lesquelles un enfant de trois ans, d’après les autorités ukrainiennes. »

Citation anodine, peut-être.
Argoul, le 31 mars 2014 – en mars, encore –, parle d’Odessa, de ses voyages passés…

« Une autre statue de bronze fait recette, celle d’un couple du temps des tsars disant adieu aux voyageurs. La femme en crinoline et chapeau est tournée vers le large, elle tient debout sur le parapet l’enfant qui tend le bras droit vers la mer et le ciel, tout comme le jeune Tadzio dans la dernière séquence du film de Visconti, Mort à Venise. Adieu au père parti au loin, geste d’orphelin ou d’espoir, c’est selon»

Puis quand il revient sur le sujet, le 17 mars… 2023 :

« Tous ceux que j’ai vus il y a 17 ans sont peut-être au front, peut-être déjà tués… »

Eh, citation anodine. Mais c’est que les gens qui vivent / vivaient en cette ville, airs libérés devant les grues de radoub – les ports sont des lieux formidables, disait à peu près la semaine dernière Renzo Piano sur France culture ; et ces grues-là me rappellent celles qui ont survécu à Göteborg ne sont pas de métal.


Nils Blanchard


Triche : étiquettes rajoutées de l'article précédent: Dante, Marie-Madeleine, social-démocratie.

lundi 11 mars 2024

Sculpture, temps – figés ?

Il a été question d'un trajet de l’Anjou à l’Alsace, avec arrêt à Fontevraud, au tout début de cette année. Là m’intéressait notamment une exposition sur le temps.

NB - Exposition Georges Jeanblanc à Fontevraud

C'est qu’au fil de mes préparations de cours pour l’université, notamment concernant la Suède de la fin du XVIIIème (et on pourrait sans doute remonter encore un peu dans le temps) à nos jours, m’est venue à plusieurs reprises cette… impression, constatation ? qu’un certain modèle, une certaine social-démocratie par exemple, ressortait d’un temps plus long qu’on pourrait croire à première vue.


Pour l’exposition sur le temps (il est vrai que je n’avais pas beaucoup de temps…), ce qui ressort de cette succession d’objets, de documents, en rapport avec la vision du temps dans l’histoire, c’est un certain sentiment de cafard, un peu comme si tout ce qui se frottait au temps, de cette manière, vieillissait de manière plus profonde. Usés, des exemplaires de livres d’H.G. Wells (dont Bernur parle le 8 janvier dernier, à propos d’une nouvelle traduction – en suédois – de Christian Ekvall, chez Bakhåll). Poussiéreuses, racornies, les anciennes montres. Même la voix de Brassens – Saturne – : comme d’outre-tombe.


Bon, mais ça et là, dans différents sites de l’ancienne abbaye, des souvenirs d’anciennes visites remontent à la surface. Ah, c’était ici, ça… c’est vrai… Comme des récifs de la mémoire.
Par exemple : les peintures murales de la passion du Christ, dans la salle du chapitre.
Et à l’entrée, ce bas-relief sculpté dans le tuffeau – un carré parmi d’autres – représentant Adam et Eve chassés du Paradis. Et en l’occurrence, un autre passé, plus récent, a surgi, celui de cette série d’articles, dans le blog Alluvions, autour de Marie-Madeleine, Dante… la nudité d’Adam et Eve.

NB - Fontevraud

Le 17 novembre dernier, dans le blog Alluvions donc, Patrick Bléron remarque que chez Jean Duvet, Jean Fouquet ou Masaccio, « la nudité ne pose pas problème à l'époque [quinzième, seizième siècles], les sexes y sont représentés sans feuille de vigne superfétatoire ». C’est moins le cas chez le Flamand Hugo Van der Goes.
On est étrangement loin d’une certaine pudibonderie actuelle (forcément hypocrite, on le sait – porno et compagnie – ou, plus exactement, passablement schizophrène…)


NB - Exposition Georges Jeanblanc à Fontevraud

Puis dans le chœur de l’église abbatiale, passé les gisants, la statuaire de Georges Jeanclos, qui rappelle un peu Claude Justamon (voir dans l’index…), qui rappelle aussi une ancienne série de timbres. C’était lui, aussi ? Oui, Georges Jeanclos. On y reviendra.




Nils Blanchard

jeudi 7 mars 2024

Réminiscences, Solna – Barcelone, en parlant de Lisbonne

J'ai évoqué déjà le fait que s’accumulent notes et références, quelque part, sur le monde lusophone, en rapport avec tel ou tel auteur suédois.

NB - Stockholm

 Et à la suite de la lecture d’un texte, récemment (republié je crois, peu importe), de Thomas Nydahl à propos de Pessoa, où il était mentionné que tel café de Lisbonne ne pouvait plus décemment se visiter à cause de la masse de touristes qui y afflue en permanence, j’avais en tête ce sujet : pourquoi aller dans des lieux ultra touristiques lors qu’il y a tant de magnificences sur terre ?

Et faisant ce que j’appelle une petite « promenade chien » – vague souvenir des temps des confinements, j’y reviendrai peut-être – à travers divers blogs, ayant préalablement en tête ce thème du tourisme…, je musarde dans un nouvel article de Julia Eriksson (du 3 mars 2024). Elle raconte une virée dans un bar, après le travail :

« Tyvärr ligger den i Mall of Scandinavia, en plats med väldigt lite själ och väldigt många flimrande videoskärmar, färgglada lampor och fredagströtta barnfamiljer, men vem bryr sig om trivsamma miljöer nu. »

« Malheureusement, [ce bar se situe] sur le Mall of Scandinavia, un endroit dénué d’âme mais bourré de d’écrans clignotants, de spots colorés et de familles du vendredi fatiguées, mais qui se soucie de l’agrément des lieux de nos jours ? »

Bon. Mais ce Mall of Scandinavia… Je me demandais… Où est-ce à Stockholm ? Je me renseigne… C’est à Solna. Et il me semble bien que j’ai dormi tout près de là une des dernières fois que j’ai été dans cette ville. J’y étais arrivé le soir, beaucoup de choses étaient fermées. J’avais été frappé par l’inhumanité du lieu ; on passait d’un couloir de galeries à un autre à travers des portes lourdes qui semblaient comme vouloir vous empêcher de passer, vous retenir dans… cette étrange civilisation.
Je me souviens, même, de la mine éberluée d’une femme d’origine étrangère, à qui j’avais tenu une de ces portes.

NB - Stockholm

Puis je tombe par hasard sur le titre d’un nouvel article de Jean-Jacques Birgé, du 4 mars (2024) : « Le palais Fronteira et Lisbonne ». Allons donc : clic…
Quasiment dès les premières lignes : « L'endroit [le palais Fronteira], relativement et étonnamment peu fréquenté, est un des musts à visiter lors d'un séjour à Lisbonne. Ailleurs les queues de touristes sont plutôt dissuasives. »
Je retiens le conseil ; l’article donne envie en effet…

Je ne suis jamais allé à Lisbonne.

Ça pourrait être le premier vers d’un poème.
J'allais de temps en temps, dans une autre vie, en Espagne. Je me souviens avoir fui coudes aux côtes le site de la Sagrada Familia à Barcelone du fait de la foule compacte de touristes qui s’annonçait déjà à plusieurs rues de là.
Et n’ai jamais poussé donc jusqu’au Portugal. Pas le temps, ou l’argent, ou l’idée, je ne sais plus.

NB - Stockholm

Furieuse envie soudain de retrouver la lumière mordorée de Stockholm.
Quelque chose y est comme incrusté.


Nils Blanchard

dimanche 3 mars 2024

Primavérile / électrosensibilité

Le 24 février dernier, on pouvait lire dans TraMeZzinimag des considérations sur des giboulées de mars, légèrement en avance, amenées par une tempête Pia. Pia…
Et l’emploi de cet adjectif par Toulet, emprunté de l’italien : primavérile

NB - février 2024

Trois jours plus tard à peine (et ça devient un peu traditionnel en ce blog, qui entre avec ce mois de la guerre, oui, dans sa troisième année d’existence) premiers arbres en fleurs de l’année (pour moi) au cours d’une petite balade aux confins de la petite ville.
Tout, petit.
Bon, mais peut-être y en eut-il avant (des arbres en fleurs) : j’émergeais d’un gros rhume, mal soigné dans un contexte de stakhanovisme étroit que subissent, entre autres, les professeurs, avec cette antienne répétée au-delà de l’usure : il y aurait énormément d’heures de cours non remplacées… et les élèves malades envoyés, par une sorte de mode incompréhensible, en cours.

Quelques jours avant, le 19 février, un blog suédois évoquait l’électrosensibilité : Iniskogen. On peut traduire le titre de ce blog par « Dans la forêt » et son sous-titre : « En halvdan tanke från Stockholmstrakten », « Une pensée, de bric et de broc, des environs de Stockholm ».

NB - mars 2024

La blogueuse, ancienne (ou toujours?) travailleuse sociale, se souvient, dans les années 80, d’un cas d’électrosensibilité, une jeune femme, dans les 35 ans, qui s’était retirée dans une une cabane loin dans une forêt, appelant à l’aide en pleurant d’une cabine téléphonique.

« Vad gör man? Hon var febrig, alldeles tydligt kroppsligt sjuk, jag var villrådig. Det var kallt, fuktigt och rörigt i stugan. Jag satt fyr på spisen, tände ljus, bredde mackor, kokade te. Vi satt tysta ett bra tag. Mera te. Sedan undrade hon om jag tyckte hon var tokig.

Jag tyckte inte det. »


« Qu’est-ce qu’on fait ? Elle était fiévreuse, manifestement malade physiquement, il fallait que je fasse quelque chose. Il faisait froid, la cabane était humide et désordonnée. J’ai fait du feu dans l’âtre, ai allumé des bougies, fait des tartines, mis du thé à chauffer. On est resté assises un bon moment. Encore du thé. Puis elle m’a demandé si je pensais qu’elle était folle.
Je n'en croyais rien. »

La jeune femme a fini par trouver un travail, le soir, quand il n’y avait pas trop de machines en route, puis elle a réussi à se rapprocher à nouveau de la civilisation électrifiée. 



Ça m’a étrangement ramené à ma lecture du moment, un polar déjà ancien – de 2007 – de Mats Ahlstedt : Den röda damcykeln (Kabusa Pocket). Une personnage, la plus importante peut-être, poursuivie, s’est réfugiée dans une cabane abandonnée dans la forêt. Pages 186-187 :

« Det var bitande kallt och hon frös så att hon skakade. Hon hade hämtat varmare kläder (…)
Den råkalla luften trängde in i varje skrymsle i huset. Som tur var fanns det en öppen spis. Även om skorstenspipan var sprucken och det förmodligen skulle ryka in rätt ordentligt skulle hon kunna hålla värmen hjälpligt genom att elda. (…)
Här skulle hon kunna leva ett tag, men inte hur länge som helst. »

« Le froid était mordant, elle en tremblait. Elle avait apporté des vêtements plus chauds (…)
Les courants d’air froid pénétraient dans les moindres recoins de la cabane. Heureusement, il y avait une cheminée. Et même si le conduit devait être défectueux, qu’il y allait sûrement y avoir pas mal de fumée, elle allait bénéficier d’une chaleur bénéfique. (…)
Elle allait pouvoir se poser là un moment – mais pas éternellement. »

Je pense à Héloïse bien sûr (voir l’article en lien de page, en haut à droite, version ordinateur…)
Et on est en mars, tout de même, primavérile.


Nils Blanchard

April. Mais…

Dates, qui reviennent en ce blog. J’ouvre The Waste Land  ; évidemment : 1921-1922. «  A pril is the cruellest month, breeding / Lilacs out ...