lundi 27 novembre 2023

Des requins aux bains de mer / Peintres suédois

Je reprends le fil de billets déjà (...) un peu anciens.  Icilà...
Quant aux bains de mer, on y revient, toujours avec Kristin Lagerkvist qui en parle régulièrement dans son blog, à toutes saisons… Ou avec deux autres blogs d’intérêt récemment découverts : Julia Eriksson et Ulrika Nettelblad – en som skriver.

Gerda Roosval-Kallstenius - Capture d'écran

La première écrit le 7 novembre, au début d’un long article intitulé : « Novembers djupa andetag » – « La profonde inspiration de novembre » :

« Kalendern visar november. Årets elfte månad, den långa och gråa, men också det djupa andetaget innan. Före högtider och glitter, decembers hysteri.
(...)
En fördel med det stilla, gråa är det ännu inte blivit för kallt för att ses på bryggan på onsdagsmorgnarna för ett dopp. Kylan biter förvisso hårdare och stunden i vattnet blir kortare, men ruset efteråt finns fortfarande där. När kroppen skjutsar runt blodet och det liksom pirrar i bröstkorgen av energi och extas. »

« Novembre au calendrier. Le onzième mois, long et gris, mais aussi la profonde inspiration avant la suite. Avant les fêtes et les lumières, l’hystérie de décembre.
(...)
Un avantage avec ce calme, ce gris, est qu’il ne fait pas encore trop froid pour qu’on ne puisse se retrouver au ponton les mercredis matins pour un petit plongeon. Il fait froid cependant et le bain en est raccourci, mais l’ivresse, après, est bien là. Quand le corps propulse le sang en lui et qu’il y a comme ce picotement dans la cage thoracique – énergie et extase. »

Anders Zorn - Capture d'écran

Cela est entremêlé de photos de Stockholm, du bain, où je retrouve mes lumières et ambiances de cette ville – à l’époque, Anne-Marie Berglund vivait toujours (souvent à Stockholm) et je l’ignorais totalement (on en reparlera…) J’avais d’autres chats à fouetter il est vrai.

Plus loin, elle affiche sa lecture d’Isabelle Ståhl (qui faillit remporter le prix du journal de Borås en 2018 ; et Wera von Essen l’a remporté en 2019…), un roman intitulé Eden. Or j’ai eu beaucoup affaire à la notion de paradis au cours de recherches et lectures récentes ; quelque chose qui me poursuit, sur quoi je n’arrive pas à mettre précisément le doigt.

Birger Simonson (école des coloristes de Göteborg) - Capture d'écran

La seconde écrit d’Åland – photos en noir et blanc ; textes prisés ; et on en reparlera… ; dans un article du 27 septembre, on lit :

« En septemberkväll packar vi (…), åker till stranden och har vårt lördagsmys där. Det är indiansommar. Kvällen är ljum, men den kommer att svalna snart. Snart skymmer det. Vi simmar i havet. Säsongens sista bad. Jag har känt obehag för kallt vatten så länge nu, trots att jag förr älskade att bada. Som om stress och sorg tunnat ut huden. Som om minsta obehag, minsta motstånd inte gått att genomleva för belöningen som kommer strax därefter.
Men nu simmar jag mot vågorna, det doftar salt mot mitt ansikte, jag sänker mig under ytan, allt är svalt. »

« Un après-midi de septembre, on a fait nos sacs (…), puis on est allé à la plage pour notre détente du samedi. C’est l’été indien. La soirée est douce, mais il va bientôt faire plus frais. La nuit va commencer de tomber. Nous nageons dans la mer. Le dernier bain de la saison. Ça fait si longtemps que je n’aime plus l’eau froide, lors que j’adorais autrefois me baigner. Impression que le stress, la peine, s’exhalent de la peau. Comme si le moindre désagrément, la moindre contrariété ne pourraient survivre à la récompense, juste après.
Or maintenant je nage vers les vagues ; ça sent le sel sur mon visage ; je me laisse aller en profondeur, tout est fraîcheur. »

Fraîcheur, froid… Mais en même temps, quel plaisir d’entrer dans l’eau d’huile, noire d’un fjord et rencontrer quelque pingouin, plongeon… (je n’ai pu déterminer, cette fois-là, l’espèce exacte). Entrer comme en un autre monde, comme entrer dans une autre lumière.

Ivar Kamke - Capture d'écran

Henri Thomas – que l’on rerouve bien sûr dans l’article de Bernard Baillaud sur 84, dans La Revue des revues – avait un grand goût pour les bains de mer. Cela se passait en Corse, en Bretagne… Il y avait les bains de sa « vie  réelle », ceux de ses romans. Ainsi dans La vie ensemble (Gallimard, 1945), il se baigne à plusieurs reprises – enfin, Souvrault – et notamment du côté de Porquerolles, vers la fin de ce roman riche et étrange ; une sorte de Paris-Méditerranée de guerre, sans guerre, ou…

Pendant l’Occupation, il fut privé de plage par le blocage des côtes par les Allemands. Se souvenait-on de ce genre de détail ? Où le diable se glisse…
Et voilà : retour à l’enfer ; du coup, retour au paradis.


Nils Blanchard


P..-S. : - Je parlais de feuilleton sur France Culture. En ce moment : Un ennemi du peuple, d’Ibsen.
C'est le soir à 20h30, en semaine.

- En lien de lien de ce blog, via Alluvions, le site de Jérôme Leroy: Feu sur le quartier général... Là, un très court texte, avec une photographie qui parlera aux promeneurs... Il y est question, entre autres, d'André Dhôtel, Jean-Claude Pirotte... Que demande le peuple?

jeudi 23 novembre 2023

Autres maisons / lectures

Ce titre est peut-être mal choisi, tant il est vrai que pour parler d’« autres maisons », il faudrait commencer par habiter une première. Ce n’est pas mon cas.


 En revanche, des maisons « secondaires » plus ou moins accessibles, ou des lieux plus généralement : il y a là un sujet quasiment infini. (Voir aussi ceci.)
Avec cette étrange loi qui les rend inaccessibles (du fait d’emplois du temps professionnels, parfois en lien avec des gens médiocres avec lesquels on voudrait justement prendre un peu de distance), au moment où on aspire beaucoup à y être.


C'est ce que rend très bien le billet de Kristin Lagerqvist du 19 novembre 2023. De belles photos montrent une maison du sud de la France au décor intemporel et étrangement ordinaire (on n’a pas le kitch d’une demeure de Suédois super-ikea au milieu des oliviers et entourée d’une piscine…) Non, un petit jardin, des fenêtres qui donnent sur des maisons en face où l’on devine des gens relativement ordinaires
Et il y a la lumière (ça ne peut être seulement les photos), la trace de vacances passées, de lectures même, peut-être, dont on devine les effluves s’échappant de piles de volumes çà et là.

Souvenir soudain de lectures de Simenon, dans une de ces maisons.
Lectures de Mankell, de Nabokov aussi, dans une autre.


Hasard qui fait bien les choses ; un passage en revue des couvertures de Simenon en suédois, sur le net, montre beaucoup de maisons, en ville, à la campagne.
Là : « Maigret et la fille en colère » ; titre original : Félicie est là. Je ne crois pas avoir lu celui-ci.

En l’occurrence, c’est moi qui ne décolère pas ; je parlais de gens médiocres… À ce que j’évoquais au dernier billet des petites misères de K, il faut rajouter presque une enquête du Château par jour, auxquelles on incite fortement les professeurs à répondre… Enquêtes… anonymes ! Alors, là, pardon, mais je vais me permettre d’être ici un peu familier. Aux gens qui demandent à des adultes, responsables, de donner un avis (quelque soit le sujet) sans le signer, je me propose de leur renvoyer ladite bafouille en version suppositoire.

Quant à l’anonymat, je préfère de loin celui de Paris – en soi un peu une vaste maison (même si les charges en sont de plus en plus élevées).
Balcon : les Quais ; chambre à coucher : le Luxembourg. Et cetera.
Discussion de chambrée : avec des inconnus dans la file d’attente d’un cinéma du quartier latin ou du boulevard Montparnasse.



Quant aux Inconnus dans la maison...   


Nils Blanchard


Triche : Je rajoute des étiquettes trop nombreuses pour le précédent billet : Octave Mirbeau, August Strindberg, Carl Zachrison, Florence Gould, Suède, Norvège.

samedi 18 novembre 2023

Trois points, plus ou moins en rapport avec la justice

Trois points sur des actualités ou parution récentes. Pour le deuxième, aussi, autour du KL Natzweiler et du bourreau Ehrmanntraut – qu’Elmar Krusman côtoie d’après un témoignage très singulier (voir mon petit livre).
Pas de lien à faire (hormis ce thème de la justice) entre les trois points.
 
Karl Hoffer, Sybille - capture d'écran

¤ Michel Ciment, disparu très récemment, avait fait une mise au point très juste sur une certaine chasse aux sorcières, qui piétine (et s’en vante parfois) la présomption d’innocence qui est pourtant une des bases de toute bonne justice et, derrière, de l’état de droit.
 C'était dans l’émission de France inter « Le Masque et la plume », de Jérôme Garcin, le 24 septembre 2023 :
 

« Moi, ça me gêne beaucoup, ces enquêtes, pseudo-enquêtes, sans preuve véritable, sans jugement (…) J’attends que la justice donne un verdict après une enquête approfondie. (…) Je suis gêné par cette chasse aux sorcières. »

 

Karl Hofer, Mutter und Tochter - capture d'écran

¤ Deuxième point : il y a sur le site de l’ancien camp du Struthof (site au titre étrange : « Mémorial Struthof »…) des documents fort intéressants, régulièrement publiés notamment dans une chronique « L’archive du mois ».

(Appris incidemment par ailleurs que Michaël Landolt, dont il est question notamment ici et , a été nommé récemment à la tête du CERD (Centre européen du Résistant Déporté).)

Le document commenté en ce mois de novembre est la déposition du déporté NN Roger Leroy en mars 1949, pour le procès de Metz.

Il y est question du traitement effroyable du kommando de NN français, chargés de faire des travaux de gros œuvre de ce qu’on appellera la « cave à pommes de terre », sous la direction de Franz Ehrmanntraut.

« Par tous ses aspects, la Kartoffelkeller est devenue le symbole de l’oppression, de l’épuisement, de l’avilissement des déportés par le travail et les coups ; de la volonté ultime des nazis d’anéantir toute résistance et tout espoir. »

Karl Hofer, Les prisonniers, 1933 - Capture d'écran

Maintenant, on me demandera ce que vient faire Karl Hofer en ce billet ?

J'ai simplement découvert très récemment ce peintre, allemand (1978-1955), proche des expressionnistes, considéré comme « dégénéré » sous le régime nazi.

¤ Troisième point, que je ne développerai pas beaucoup car il n’a pas grand intérêt : eu maille à partir à nouveau avec le Château. Notamment, voilà K mis en cause ; on l’accuse (sans l’accuser directement bien sûr – c’est pourquoi je dis que ce sujet a un intérêt limité : la sous-klamminette locale à qui j’ai affaire semblant par trop médiocre) d’avoir simulé la maladie pour manquer une journée de travail. (Est-il besoin de signaler que K est très rarement absent?)

Mais le lien avec la justice, plus exactement avec le droit, est le brouillard de règlements qui lévite autour de la sous-klamminette en question, à donner le tournis. Sans doute pourrait-on en trouver, de ces règlements, qui iraient dans le sens des arguments de K (si K, bien sûr, les avait développés ; il a préféré sortir son portefeuille, cela prenant bien moins de temps ; K se ressent toujours d’un gros rhume, et il a bien autre chose à faire que d’aller farfouiller là-dedans. Et que de discuter avec une sous-klamminette).


Nils Blanchard


P.-S.: – Ajout. Je suis un peu de mauvaise humeur en fignolant ce billet, pour diverses raisons – on le voit avec ce qui précède. Bon, mais m’agace aussi le fait d’avoir loupé une conférence qui m’aurait vraisemblablement intéressé : « Déporté à Obernai ? », de Sandrine Gaume, le 30 octobre à Obernai. Je n’en avais nulle part vu mention, avant de la voir – on était déjà en novembre – sur le site internet de l’ancien camp du Struthof que je consulte pourtant régulièrement.

Il a été consacré trois billets en ce blog à ce camp. (Cliquer dans les mots clé, à droite, version ordinateur...)


– Lien à l’article précédent. Dans cette édition de La faim, de Knut Hamsun (Archipoche, 2023), il y a un avant-propos d’Octave Mirbeau, de 1895 (date de naissance de mon grand-père, de Florence Gould…) O. Mirbeau n’aime pas Strindberg, mais défend Hamsun ; à l’époque, la Norvège était liée encore à la Suède.

L'avant-propos est suivi d'une courte « préface » d'André Gide. Elle, date de 1950; elle a été publiée d'abord dans le numéro 15 de... la revue 84

Détail d'E. Munch en illustration


mercredi 15 novembre 2023

Indifférence ?

Étrange titre que celui que donne Bernard Baillaud à son texte sur 84, dans La revue des revues n° 70, de septembre 2023 : « 84, revue indifférente ».


La notion d’indifférence me mène d’emblée à une chanson de Charlélie Couture : « indifférence ». C’est dans l’album Victoria Spirit, de 1991 :

« Elle écoutait la pluie tomber au fond du puits de sa mémoire, elle jouait son dernier rôle celui de la statue qui s’affole ; ses yeux un peu perdus, sentiments confondus
(...)
Hey je suis venu près de toi / me protéger tu vois / je n’ai pas peur de la fée qui danse autour de toi / celle qu’on appelle : Indifférence
(...)
je voulais te dire / tout le mal que peut faire / la fée qui danse autour de toi / celle qu’on appelle : Indifférence. »




L'indifférence est à double-tranchant, puis « tout est relatif » pourra-t-on dire.
Une notion sur laquelle on reviendra sans doute.
Mais j’attendais avec une certaine impatience ce numéro de la Revue des revues : Bernard Baillaud avait annoncé en effet qu’il reviendrait sur le sujet de 84, alors qu’il avait évoqué le Cahier André Dhôtel n° 19, 84, Vie et littérature ; on a déjà parlé de cela aussi.

Qui plus est, indifférente aux étiquettes, La revue des revues, s’intéressant à toute sorte de revues, annonçait dans son sommaire, entre autres, après l’article sur 84, un texte de Harri Veivo : « La géopolitique des avant-gardes et l’objectivité de la revue. Exemples nordiques. »
Là, pour le compte, on s’approche de la thématique centrale de ce blog, et il est étrange (pp. 85-86) de voir se succéder, d’une page à l’autre, la dernière page du dernier numéro de 84 (clôturant bien sûr l’article de B. Baillaud) et une illustration du numéro 1 de la revue suédoise Spektrum (1931).
Cette image, du reste, a quelque chose d’inquiétant ; on y voit un joli quartier de petits immeubles remplacé par des barres assez sinistres… On songe vaguement à ces nouveaux quartiers de Kungälv (et d’ailleurs) qui dévorent la vi(e)/lle.
On pourrait évoquer certains anciens quartiers soviétiques de Tallinn, où je déambulai vaguement sur des traces d’Elmar Krusman.

Voyez vous-mêmes :


Ill. Spektrum La Revue des revues, n° 70, p. 86.

NB - Tallinn

Harri Veivo est un universitaire ; il enseigne les études nordiques à l’Université de Caen Normandie. Ça nous fait un lien, même si de mon côté c’est très fragile et provisoire. Il est probable en effet que je ne devienne pas un universitaire, parce que je n’arrive pas à « prioriser » un centre d’intérêt ; ce blog le montre suffisamment !


Nils Blanchard

lundi 13 novembre 2023

Concomitances, III ; 1923, Laclos, cinéma de l’Est

On a parlé de 1921, 1922, 23… Là, 1923 : le tableau ci-dessous est de cette année-là. Comment arrive-t-il (elle) en ce blog ? C’est que Henri Lebasque est né à Champigné, où je suis passé très récemment.

Henri Lebasque, Nu exotique, 1923 - Capture d'écran

Et… On se souvient que Champigné – un château de Champigné – est le lieu d’origine du héros de Messalina, de Hillevi Norburg, dont le blog Stasimon est en lien de celui-ci et dont il a été question par là....

Et… Il y avait ces soirs passés sur France culture une lecture très bonne d’un des plus beaux textes de la langue française, Les liaisons dangereuses. Or il se trouve qu’on en parla aussi, vaguement en lien à Hillevi Norburg.

Lundi 6 novembre dernier, lecture notamment de la lettre XCVI de Valmont à la marquise de Merteuil, concernant Cécile de Volanges. 
Ce tableau-ci ?

Henri Lebasque, Femme endormie - Capture d'écran

Dans l’un des billets évoqués plus haut, j’évoquai un village (français) à partir d’un autre (suédois) ; apparaissaient en parallèle des allusions aux Liaisons dangereuses… en lien un peu improbable à un article du blog Gabi annex (en lien de celui-ci).

Hasard complet ? Mais têtu, alors. 
Toujours dans ce blog Gabis Annex (de Gabrielle Björnstrandt), il y a quelque temps (près d’un an, cependant) a paru un article sur le cinéma tchécoslovaque.
Et là, mention d’un film, que je vis quand il sortit en France : Mon cher petit village, de Jiří Menzel, dont j’ai gardé un bon souvenir.

Le mur n’était pas encore tombé à cette époque (autour de 1985). L’Est caparaçonné de soviétisme fournissait (ou avait fourni) çà et là des cinéastes parmi les plus talentueux du temps. (En Pologne aussi, Kiéslowski, Polanski…)
Parmi les Tchèques, aussi : Milos Forman. Là (mais dans sa période occidentale), on retombe naturellement aux Liaisons dangereuses.

« Hermia Says », blog en sommeil depuis quatre ou cinq ans d’une bibliothécaire de Gävle, que j’évoquai incidemment ici, a consacré en 2013 un article à des représentations cinématographiques et théâtrales des Liaisons dangereusesFarliga förbindelser, représentation qu’on trouve jusque dans le cinéma sud-coréen de Je-Yong Lee.



Nils Blanchard

jeudi 9 novembre 2023

De l'écrit, des marquages

On m’embête çà et là, jusqu’à des gens censément très proches, parce que je n’utilise (quasiment) pas de smartphone. Qui plus est, je me tiens à l’écart de toute forme de « réseaux » dits « sociaux ». 

NB - Marstrand, août 2023

En fait (et je vais bien parler de faits), au départ ce qui me gêne dans ces ustensiles, c’est l’anonymat dont ils couvrent certaines personnes.
À vrai dire, l’anonymat… Cela a toujours existé ; je veux dire, des gens usant de pseudonymes, de « noms de plume ». Mais je parle là – pardon d’avance, on m’accusera peut-être de snobisme – de l’anonymat des médiocres, de ces gens qui déversent sans réfléchir la tiédeur de leurs réflexions dans la masse informe de « discussions » et de concours d’anathèmes. Pas mal de siècles après les jeux du cirque, pouces levés et baissés ont été paraît-il, un temps, remis au (dé)goût des jours.

J'aime l’écrit direct, simple – j’espère que mes bavardages sont à peu près compréhensibles… – De là l’évocation, çà et là, d’un Paul Léautaud.
De là, aussi, mon goût pour Laclos. Cette leçon d’écriture de la marquise de Merteuil à Cécile Volanges (lettre CV) :

« Voyez donc à soigner davantage votre style. Vous écrivez toujours comme un enfant. Je vois bien d’où cela vient ; c’est que vous dites tout ce que vous pensez, et rien de ce que vous ne pensez pas. (…) Vous voyez bien que, quand vous écrivez à quelqu’un, c’est pour lui et non pas pour vous : vous devez donc moins chercher à lui dire ce que vous pensez, que ce qui lui plaît davantage. »
 
Tant il est vrai que certains écrivains peuvent charmer par ce qu'ils dévoilent d'eux-mêmes – Léautaud prônait l’écriture au fil de la plume, la vérité…

Capture d'écran; ill. des Liaisons dangereuses de George Barbier,
édition Le Vasseur de 1934

J'aime néanmoins les relations simples ; de là une certaine méfiance pour les démocraties trop indirectes, ou compliquées.
Je me refuse aussi à participer à des élections où l’on passe par une « machine » pour s’exprimer et non seulement par un bulletin simplement préparé dans une urne.

Pardon pour cette digression ; elle me vient de ce ticket de ferry pour l’île de Marstrand. Le flashcode y occupe près de deux fois plus d’espace que les quelques lignes d’écriture du billet.
Forme d’écriture cryptée, elle donne ou non droit de passage. On arguera que c’est très pratique ; quelque chose me gêne, là-dedans.
Quelque chose à voir avec ces pièces qu’on posait sur les yeux des morts, à l’intention du passeur ? – On voit que je reste aussi dans la thématique du dernier billet…


Itou me gêne cette nouvelle – annoncée depuis longtemps déjà – de la disparition, cet automne, des carnets de tickets de métro dans le métro (et de bus et tramway) de Paris ; et les tickets à l’unité devraient disparaître aussi dans quelques mois.
Profitera de cette disparition, de ce simple moyen de transport d’honnêtes gens, qu’ils habitassent ou non Paris, ce monde d’étiquettes – à défaut de noms – : on sera j’imagine estampillé « touriste » si on n’a pas la carte de réduction des résidents d’Île de France.
Je ne suis pas un touriste à Paris. Paris est une fête, et le vrai Paris emmerde les étiquettes.

Capture d'écran; ill. de George Barbier

Profitera aussi de cette disparition le « smartphone », ou une carte qu’il faudra recharger et faire biper sur je ne sais quel ustensile, pour rejoindre le troupeau dûment flashcodé et bippé
J'aime beaucoup les vaches, et j’en reparlerai. Mais je n’ai guère de goût pour les étiquettes qu’on leur met parfois sur les oreilles.


Nils Blanchard

– Ajout : J'évite en ce blog, pour diverses raisons, les opinions politiques, les réactions « à chaud » sur l’actualité… Cependant, le 7 novembre au matin sur France info : interview de Dominique de Villepin.
Dans la lignée de Joe Biden, il a rapproché 2023 et 2003.
2003, c’est la rage revancharde d’un G. Bush, à laquelle s’opposa, avec l’Allemagne (et contre l’ensemble du reste de l’UE) la France, dont le ministre des affaires étrangères était Dominique de Villepin ; il fut alors, quand il s’exprima notamment à la tribune de l’ONU, le vrai ami des Américains, en leur conseillant la bonne voie (en l’occurrence, renoncer au mensonge sur les prétendus sites d’armements irakiens) ; de même, lui – mais il ne représente plus la France – est un vrai ami d’Israël quand il lui conseille de ne pas céder aux sirènes de la revanche aveugle.

J'avais participé au début d'une manifestation en 2003 contre la guerre en Irak, à Lille. Mais j’avais quitté la manifestation caviardée par des pseudo « anti-sionistes » (où était le rapport ?) que j’avais jugé alors, avec raison me semble-t-il, être simplement antisémites.
Étrange souvenir ; étrange écho.

– Triche, je rajoute à ce billet ces étiquettes qui auraient dû figurer au précédent : André Dhôtel, André Lhote, Kerstin Ekman.

NB

lundi 6 novembre 2023

1921, 23 – Du débat, de la prise au monde

Elmar Krusman – sur le destin duquel j’ai consacré un livre, diverses recherches ensuite, autour de lui…. – était né en 1921. Ma marraine (angevine), toujours de ce monde, somme toute… pour autant que je ne dise pas de bêtise : en 1922.

Owe Zerge, Victoria Mortis, 1921

1921, c’est aussi l’année où le tableau ci-dessus a été peint (et où Owe Zerge a débuté au salon de Paris).
Drôle de peintre, suédois (1894-1983, de Kristianstad), il était spécialiste des jeunes garçons/hommes, avec quelques bouquets comme des memento mori et quelques paysages. Une série de ces garçons peints en habits d’enfants de chœur.
Ultra-réalisme, avec ces expressions comme semblant dire : « Oui, je sais que le temps passe. »
Par ailleurs, Owe Zerge est passé par l’atelier d’André Lhote (qu’André Dhôtel a connu)…

Ma marraine, je disais : « toujours de ce monde, somme toute » ; c’est que la dernière fois que je l’ai vue, elle ne m’a pas reconnu. Mais elle semblait avoir étrangement rajeuni physiquement, retombée comme avant l’enfance.

Retirée du monde, dans un sens. À quoi fait étrangement écho celui de Philippe Sollers, dans Agent secret : « Il nous faut nous désactualiser d’urgence. » Philippe Sollers qui est mort en 2023.

Voilà pour 21, pour 23…

Je le lisais quelquefois, autrefois, dans Le Journal du dimanche. Journal devenu bien difficile à lire aujourd’hui.
Acheté récemment le numéro 1 de La Tribune dimanche.

La Tribune Dimanche, 8 octobre 2023

Là, une chronique d’Edgar Morin – lui, aussi : 1921 ! –, page 23 – 23 ; bordel ! – : « Restaurons les conditions d’un débat intelligent ».
Je pensais justement à la chose quelques jours plus tôt, je ne sais plus dans quel cadre – discussion ? –. Il faudrait arriver à retrouver de l’intelligence, des idées dans les discussions, notamment publiques ; cela allant avec un certain travail, aussi. Pas seulement « parler la bouche ouverte » (expression angevine, je crois) dans des « débats ». On lit :

« Hélas, nous constatons un dépérissement du dialogue politique, qui va de pair avec un affaiblissement de la démocratie, dont l’existence même est menacée.
(...) [Le débat] doit favoriser l’échange d’arguments, se fonder sur des faits incontestables, cultiver la nuance – indissociable de la complexité.
Débattre, c’est souvent critiquer. Mais la critique ne doit jamais discréditer le contradicteur ni sombrer dans l’invective ou l’imprécation. »

Et tenez, il y a ce « débat » sur l’euthanasie… qui entraîne cette publicité dans Le Monde :


Illustration, Le septième sceau bien sûr, d'Ingmar Bergman,
avec là Bengt Ekerot et Max von Sydow. 

 
On en revient au thème du joueur d’échec, dans l’art suédois…

« Vem är du ?

– Jag är Döden.

– Kommer du och hämta mig ? »


« Qui es-tu ?

– Je suis la Mort.

– Tu viens pour m’emmener ? »


Et la mort réplique : « Är du beredd ? » (« Es-tu prêt ? »)

Question fallacieuse me semble-t-il. D’ailleurs, elle triche aux échecs, contre le personnage joué par Max von Sydow (Suédois d’ailleurs, en quelque sorte, qui avait pris la nationalité française à la fin de sa vie).

Owe Zerge - Capture d'écran

Et quant aux « débats », entre autres sur le sujet de l’euthanasie (débats qui « secouent » – comme on dit étrangement – aussi la Suède), j'arrive (étrangement?) à un éditorial de Jeanne Emmanuelle Hutin (Ouest-France, 1er novembre 2019) ; il commence ainsi :

« Dans notre monde si bruyant, le silence est considéré comme un hôte indésirable. On le fuit, on l’étouffe de mille manières. (…)
Le silence effraye car on semble voir en lui l’ombre de la mort portée sur nos vie. Mort que l’on relègue aussi aux périphéries de nos existences. Mais un jour, elle frappe. Faute de pouvoir l’éviter, certains pensent que la liberté résiderait dans le fait d’en choisir le moment. (…) » 


Nils Blanchard


P.-S.; Sur le site, en lien de ce blog, de l'Institut Suédois : une rencontre est prévue rue Payenne (Paris), sur le rapport sacré au monde sauvage, le 28 novembre. Et ça tourne autour... de Kerstin Ekman, dont il a été question, dont il sera encore question en ce blog...

April. Mais…

Dates, qui reviennent en ce blog. J’ouvre The Waste Land  ; évidemment : 1921-1922. «  A pril is the cruellest month, breeding / Lilacs out ...