J'évoquais une amitié autrefois ratée en raison de vague théosophie. D'un ésotérisme à la gomme…
C'était aussi une amitié moins… exclusive que celle de Montaigne vis-à-vis de La Boétie.
Et les copains de Brassens, là ?
Dans sa chanson qui est peut-être la plus connue (accompagnant en 1965 le film Les copains d’Yves Robert, d’après Jules Romain…) « Les copains d’abord », Brassens évoque précisément Montaigne et La Boétie. Il tranche : « C’étaient pas des amis choisis / Par Montaigne et La Boéti’, / Sur le ventre ils se tapaient fort, / Les copains d’abord. ».
Et il poursuit : « C’étaient pas des anges non plus, / L’Évangile, ils l’avaient pas lu, / Mais ils s’aimaient tout’s voil’s dehors, / Toutes voil’s dehors, (...) »
Lors que Montaigne évoque deux amis selon son goût qui « S’estans parfaittement commis l’un à l’autre, ils tenoient parfaittement les renes de l’inclination l’un de l’autre ; et faictes guider cet harnois par la vertu et conduitte de la raison (comme aussi est-il du tout impossible de l’atteler sans cela) (…) Si leurs actions se demancharent, ils n’estoient ny amis selon ma mesure l’un de l’autre, ny amis à eux mesmes. » (Je souligne.)
Il y a une communion d’intelligence, rationnelle, d’honnêteté aussi (et on retrouve l’expression « honnête homme », au sens plus large que ce qu’on en pourrait comprendre aujourd’hui…) même si on a noté au billet précédent une contradiction intrinsèque à la définition de l’amitié chez Montaigne.
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Les copains (Yves Robert) – Capture d’écran |
Cette contradiction, on la retrouve chez les copains de Brassens, gens peut-être mal dégrossis, pas parfaitement honnêtes… simplement anarchistes au fond, mais capables de fidélité jusqu’à la mort.
Enfin, plus exactement, en cas de problème, « (…) leurs bras lançaient des S.O.S. / On aurait dit des sémaphores, / Les copains d’abord. »
Mais, dans cette chanson aux métaphores marines… on n’est pas en guerre, pas en camp (je reviens, pardon, à mon dernier billet). On est sur une « grand mare des canards ». Vaguement la Méditerranée au large de Sète, peut-être ? Mais on ne passera pas le détroit de Gibraltar (Gibraltar, un des amis les plus… solides de Brassens…)
La contradiction, on la retrouve aussi, peut-être, dans le « d’abord ». Et c’est la contradiction fondamentale de la notion d’amitié. Il y a ce choix, cette exclusivité (on y revient), mais quid de la générosité gratuite, pour l’inconnu, pour l’étranger ?
Quid des dons et sourires de l’Auvergnat d’une autre chanson ?
Mais les visites gratuites en pays étranger ne se passent pas toujours bien, chez Brassens ; voyez « La visite » (1982) : « On venait pour se présenter, / On venait pour les fréquenter, / Pour qu’ils nous plébiscitent, / Dans l’espérance d’être admis / Et naturalisés amis, / On venait en visite. »
Je souligne, et Brassens termine à la strophe suivante : « Par malchance ils n’ont pas voulu / De notre amitié superflue / Que rien ne nécessite. / Et l’on a refermé nos mains, / Et l’on a rebroussé chemin, / Suspendu la visite. »
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Sempé, Le petit Nicolas - Capture d'écran |
Des tentatives d’amitiés peuvent finir en inimitié (en indifférence à tout le moins). L’inverse n’est pas rare non plus. Et l’inimitié, est-ce tellement un autre sujet ?
Nils Blanchard
Ajout d'étiquettes de l'article précédent : Walbourg, Gabis annex.
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