lundi 24 octobre 2022

Des champignons

Ils poussent sur différents blogs, suédois comme français, comme des champignons.

NB - Bohuslän

On parle aussi de leur monde et de leurs lois, étranges, difficiles à catégoriser. Et ils pointent leur tête en différents domaines, qui se rejoignent, se séparent, plus ou moins, de la littérature à la science, en passant par la philosophie, pour ne pas parler de… théologie ?

Ils ont poussé, pour commencer, dans l’édition suédoise, avec de fort jolis livres, aux titres évocateurs (forcément…)


Ainsi, de Merlin Sheldrake (c’est une traduction de l’anglais), Ett sammanvävt liv – Hur svamparna förenar vår värld, förändrar våra sinnen och formar vår framtid / Une vie entrelacée – Comment les champignons unissent notre monde, changent nos esprits et façonnent notre avenir.

Des entrelacs, on en revient presque au tissage (tisser – väva en suédois).
Nous unissent, façonnent notre avenir ? Nous voilà sous la domination des United-Swamps…


Ou encore, d’Anders Dahlberg et Anna Froster : Svamparnas förunderliga liv – Vad en svampplockare behöver veta om underjorden / La merveilleuse vie des champignons – Tout ce qu’un cueilleur de champignons doit savoir sur la vie souterraine.

Voilà un titre, pourrait-on dire, entre André Dhôtel et Jules Verne !

Un article de Petra Dokken, dans le Göteborgs Posten note, à propos du premier livre :

« Biologen Merlin Sheldrakes bok ”Ett sammanvävt liv” skapar ett före och ett efter. Han förmedlar kunskap om svampläder och mykotektur inom radikal mykologi, mycelmedvetande och levande labyrinter. Och om hur det känns att vara svamp, om individualitet och intelligens. Nästa gång du plockar svamp, eller rättare sagt svampens fruktkropp som är vad som syns ovan jord, kommer inget att vara sig likt. »

« Le livre du biologiste Merlin Sheldrake, Une vie entrelacée, crée un avant et un après. Il transmet des connaissances sur la peau, la structure des champignons, dans le cadre d’une mycologie radicale, conscience du mycélium et labyrinthe vivant. Qu’est-ce que ça fait d’être un champignon ; de là on passe à l’individualité et l’intelligence. La prochaine fois que tu ramasseras des champignons, ou plus précisément le corps-fruit qui apparaît au-dessus de la terre, ce ne sera plus comme avant. »

Elsa Beskow

Voilà qui est dit.
On en reparlera, est parue récemment une réédition, chez Kliencksick, du Vrai mystère des champignons, d’André Dhôtel. Il y est question de démon, et dans sa préface, Patrick Reumaux parle à propos de l’auteur de « vagabond ensorcelé ».
C'est qu’il semble que le monde des champignons soit si déconcertant qu’il pousse à étudier les voies parmi les plus obscures, indépendamment du caractère vénéneux de nombre d’entre eux.

Un site français, cette fois, que l’on a déjà évoqué, Fonge et florule, parle régulièrement ces temps-ci de champignons. Là, le 17 octobre dernier, sont relevés les noms de champignons qui évoquent des serpents – des couleuvres il est vrai. Mais la semaine précédente, il était question du bolet Satan.
Diable ! Et dans le blog suédois Rapsodi, on parla le 12 septembre dernier de « Diablerie dans la forêt des champignons – Djävulskap i svampskogen ».
Ça se passe dans le Nord de la Suède. Lui aussi parle de bolets Satan (djävulsopp), et d’expliquer par ailleurs :

« De senaste veckornas regn har vattnat markerna så pass att förhoppningarna om höstsvampen trots sommarens torka tett sig alltmer realistiska. Jag har alltså gått i väntans tider, beredd. Även om det hittills i år inte kryllat av svamp visar det sig nu i alla fall möjligt för den som söker att finna - solitärer snarare än grupper och överflöd. »

« La pluie des dernières semaines a trempé les terrains si bien que les espoirs d’une bonne cueillette d’automne, malgré l’été sec, apparaissait de plus en plus réaliste. Je suis ainsi parti au petit bonheur la chance. Même si cette année, jusqu’à présent, ça ne grouille pas de champignons, il s’avère au moins possible maintenant pour celui qui cherche d’en trouver – mais des solitaires, plus que des groupes ou des foules. »

Comme les électeurs ?

NB - Bohuslän

Rajout : De l’importance du vote.

Thomas Nydahl (20/10) a certes l’honnêteté de la citer, mais lui et d’autres auraient été voter contre les candidats d’extrême droite, peut-être y en aurait-il eu moins d’élus, et éviterions-nous ce genre de glauques lapalissades :

« Men kylan blir också mindre kall vilket gör att det är väsentligt färre som dör av kyla i dag, på totalen, om man kan prata i de ordalagen, så är det någonting positivt som har hänt. – Mais il fait aussi moins froid, ce qui entraîne surtout une diminution, au total, des gens qui meurent de froid ; si on peut parler en termes généraux, c’est donc quelque chose de positif, qui arrive. » (Elsa Widding, nouvelle élue SD, citée dans le Svenska Dagbladet du 19/10/2022.)

Du « au total (…) quelque chose de positif » au « bilan globalement positif » évoqué par G. Marchais il y a quelques décennies…
Tous ces gens, qui plus est, s’étant plus ou moins alignés sur Moscou...


Nils Blanchard


NB - Bohuslän


P.-S.: Bon, mais ce blog va faire une pause de quelques jours, car je vais m’éloigner des écrans pour reposer un peu mes yeux.
(Les écrans… ce n’est évidemment pas l’endroit pour le dire… qui font trop souvent écran avec la vie.)
Profitez-en pour butiner, si l’envie vous en prend, dans les billets précédents qui s’entassent, plus de cinquante, dans je ne sais quel cloud de ce blog… 


mercredi 19 octobre 2022

Histoire courte sur ce qui entoure

On parle de « mémoire courte ». Peut-on aussi avoir l’histoire courte ? (Oui… Nombreux exemples, à bien des époques…) Réflexion de l’instant, rien à voir avec ce qui suit.

NB - Gare de Strasbourg, 10/2022

On comprend d’où vient le titre, même si l’image n’est pas impeccable. Un distributeur d’histoires courtes en gare de Strasbourg où je déambulais entre deux retards de trains, samedi 16 octobre, cherchant une solution pour aller à Paris puis Angers…
C'est une gare de ville « européenne ». En effet, il y a là des côtés praguois, kafkaïens.

K, appelons-moi K., puisqu’il faudrait que tout soit anonyme, cherchais donc une solution de remplacement à je ne sais quel train en retard et, entre deux retards aussi, un lieu où me poser. Las, pas grand-chose. Une petite brasserie de couloir, où on peut boire quelque chose au zinc. Sinon, une chaîne de hamburgers que je ne nommerai pas… Ou alors, il faut traverser la place minérale, immense, devant l’espèce de verrière qui recouvre – pourquoi ? – l’ancienne gare allemande… On aperçoit, là-bas au loin, de vagues enseignes. Mais on n’entendra plus alors les appels d’information sur les trains… Or un train de rechange pourrait surgir.
Pas envie.

NB - Gare de Strasbourg, 10/2022

Je râle, bien sûr. Et c’est le moins ! En même temps, les rares employés que l’on rencontre sont très aimables et efficaces, que ce soit au hall d’information (même Kafka, là, je crois, n’aurait trouvé mieux), ou devant un train en panne, des contrôleurs très sympathiques et serviables.

Le hall. Plus de guichets : prenez-vous en main, mon bon monsieur, si, si, c’est écrit… À voir cette première photo, on peut se demander si K. n’est pas comparé à du vague gel hydroalcoolique (anonyme)…

NB - Gare de Strasbourg, 10/2022

Des sortes de machines à sous souhaitent la bienvenue aux courageux. Une sorte de casino des horaires…

NB - Gare de Strasbourg, 10/2022

On hasarde même d’étranges jeux de maux pour dérider K. Les commandes…

NB - Gare de Strasbourg, 10/2022

J'insiste : employés très biens. Prendre bien soin de ne pas tomber, comme le font quelques voyageurs énervés, sur les gens qui sont là et qui travaillent.
C'est ce qu’il y a autour qui est très énervant. Autour des gens qui agissent. Ces machines imaginées par on ne sait quel hère, voulant remplacer des guichets.
Le caparaçon de verre autour de l’ancienne gare.

On connaît ça aussi dans l’éducation nationale. (Et du coup, les gens de tomber allégrement sur les « profs », souvent leurs derniers interlocuteurs… le Château ne répondant plus.
J'en profite pour remercier les deux derniers parents indélicats auxquels j’ai eu affaire, qui me confortent dans mon envie d’en sortir au plus vite, malgré l’absence de réponse du… Château.)


Seconde partie : Une histoire-tour sur ce que l’on encourt...

Bon, mais tout ça n’a guère de rapport avec mes sujets habituels. Alors je me sauve : je vais sur le blog Alluvions et « tombe » sur le dernier article, « Le cri de la dernière reine », 18 octobre.
Il est là question, entre autres, de Munch, de Van Gogh avec, au détour d’un paragraphe, Antonin Artaud, pour son « suicidé de la société ».

Il y a eu en 2015 une exposition comparant les deux peintres, contemporains dans l’exercice de leur art, à Amsterdam, Oslo…

Artaud, il est assez présent dans 84, vie et littérature, que la Route inconnue édita l’année passée et qui est commenté au dernier numéro de la Revue des revues, par Bernard Baillaud.

Munch, lui, apparaît dans la traduction d’un livre que je suis en train de terminer (ça va lentement…) Une épouse d’un ancien ministre des affaires étrangères de la Norvège est allée le voir. A été reçue bizarrement…
Eh ! Mais je ne vais pas spoiler la chose… (comme les jeunes militantes écologistes ont spoilé la vitre (uniquement la vitre, heureusement quand même), d’un tableau de Van Gogh…

Mais pour le reste, ce livre traduit (du suédois, comme de juste), parle plus du peintre flamand du tout début du XVIIe siècle : Roelant Savery.

NB - R. Savery, Orphée charmant des animaux
(détail); Musée du château de Kassel 

Dans son article, Patrick Bléron évoque le dernier roman graphique de Jean-Yves Rochette. Et de citer un personnage, à la fin de l’album : « J'ai perdu celle que j'aimais, dit-il, le seul endroit où je pouvais apaiser ma douleur était au fond des bois, mais vous avez tout détruit. Le loup a disparu, l'ours a disparu, l'aigle a disparu, et tout le reste suivra (…) »

Savery affectionnait les scènes, que ce soit Orphée, ou Adam et Eve au centre, avec beaucoup d’animaux.


Nils Blanchard


P.-S. - L’album de Mademoiselle K est sorti récemment. On en reparlera… Et il y est question de trains.

- Nouveau gouvernement en Suède, au 18 octobre. Tripotée de Schüssel et Millon… Un des personnages là peut-être les plus étranges : Ebba Busch, cheffe du parti chrétien démocrate, qui a beaucoup œuvré à une alliance de la droite avec le parti d’extrême droite. Comment, chrétienne, démocrate, peut-on côtoyer une Rebecka Fallenkvist, utilisant les termes « sedeslös. Kåtheten själv »" – ce qu’on peut traduire par « immorale. L’excitation même. » à propos d’Anne Frank… (sur les « réseaux sociaux » il est vrai, et après avoir tout de même fait l’effort, visiblement méritoire pour elle, d’en lire 50 pages...) ?Qu'un Thomas Nydahl -- que je cite çà et là avec plaisir, et par le blog duquel, du reste, je tiens cette information... -- ait voté plutôt que s'abstenir, pour contrer une telle "lectrice"...


NB


lundi 17 octobre 2022

Des orties / Et petite balade dans des blogs suédophones

Cela fait longtemps que je me suis fait piquer par des orties. Chat échaudé craint l’eau froide ; reste-t-on chat échaudé toute sa vie ? Il est bien d’autres choses dont je me défie ; certaines grandes bouches qui répètent inlassablement certaines bêtises... Mais là n’est pas le propos.

NB - octobre 2022

Il y a quelques jours, au premier plan… des orties bien sûr.
Passé la première appréhension, elles semblent défendre tout un autre monde (dirait Dhôtel).
On en parle dans un blog, sur les plantes, fruits et la cuisine, mais passablement en sommeil : d’une Heidi, qui a le mérite de donner une recette de soupe d’orties (nässelsoppa).

Temps de restrictions plus ou moins sévères, qui peuvent donner envie de prolonger des balades en utilisant ce qu’on a pu y glaner.
Ce, sans forcément aller jusqu’en Suède. Héloïse Combes, entre Berry et Cévennes, a parlé quelque part des vertus des orties.

NB - octobre 2022

Mais les couleurs ne mentent pas ; on avance dans l’automne. Je pensais vaguement écrire un ouvrage qui s’appellerait L’automne est une saison comme une autre… Et voilà que je tombe sur ce blog : Linders plantskola.
Peter Linder y écrit le 16 septembre (2022) :

« Jag älskar hösten! Som en stor utandning av naturen. Härligt med alla mustiga färger och jättebra planteringsväder. »

« J'aime beaucoup l’automne ! Comme une grande expiration de la nature. Magnifique avec ces savoureuses couleurs ; puis c’est un temps parfait pour les plantations. »

Or d’habitude, moi aussi, j’aime plutôt bien l’automne.
Qu’y a-t-il de particulier, cette année ? J’ai vu dans plusieurs blogs des plaintes de gens qui regrettaient l’été.
Est-ce du fait que c’est le monde entier qui serait entré en automne, avec cette guerre en Ukraine qui se prolonge – et Poutine qui dévide ses menaces les unes après les autres ?
Est-ce parce qu’on se rend bien compte que, quelque part, le monde se ferme ? Les putschs se multiplient en Afrique Occidentale ; on a l’impression que l’on n’ose même plus évoquer ce qui se passe dans la corne de l’Afrique.
La Corée du Nord continue de lancer ses missiles.

L'Amérique ne se défait pas des Trump et Bolsonaro, ou difficilement, provisoirement, peut-être.

Quelques lueurs, ici et là, parmi les feuilles qui tombent : la Chine s’en tient semble-t-il à une certaine rationalité, une évolution, peut-être, en Iran…

NB – sculpture de François Cacheux, au jardin des plantes à Angers, l’ÉTÉ dernier…

(On aura l'occasion bien vraisemblablement de reparler, aussi, de François Cacheux...)
Sur le blog Krickelins, de Kristin Lagerkvist, pas en sommeil du tout lui, ces remarques le 3 octobre dernier, au milieu de belles photos toujours :

« Lev nu! Det skriver jag i de böcker jag signerar. (…) För man vet inte vad som händer imorgon. Det kan vända så snabbt i det lilla liv vi lever här på jorden.
Men lever jag själv som jag lär?
Jag har funderat mycket på det nu om morgnarna när jag inte kan sova. »

« Vis, maintenant ! C’est ce que j’écris dans mes livres. (…) Car on ne sait pas ce qui arrivera demain. Les choses peuvent changer si vite, dans notre petite vie ici sur terre.
Mais est-ce que moi-même je vis comme je le prétends ?
J'ai beaucoup pensé à ça, en ces aurores où je ne peux dormir. »

Manque de sommeil, tout simplement ? Changement de saison…
Orties...


Nils Blanchard


mercredi 12 octobre 2022

Expositions / Réalité – imagination

Dans cet étrange « été britannique » – sorte de prolongation d’octobre d’été indien pour les Suédophones –, été voir l’exposition Face au nazisme – Le cas alsacien à la Bibliothèque Nationale Universitaire de Strasbourg.

Elle est remarquable. (Et ce n’est pas si courant sur ce thème, dans cette région.) Elle évite notamment l’écueil de s’enfermer dans une vision passionnée ou revendicative. L’histoire commence ?
Ainsi prend-elle en compte, et sérieusement, toute la période du nazisme, et pas « seulement » celle de la guerre.

Grand nombre d’affiches magnifiquement conservées, livres, objets… au fil des salles qui s’enchaînent chronologiquement.
Documents sur les milieux autonomistes, étrangement mâtinés de pacifisme, qui versèrent volontiers dans la sympathie envers le national-socialisme de l’autre côté du Rhin.
Cette histoire est complexe ; on doit y éviter – comme pour d’autres périodes de l’histoire de l’Alsace, ou d’autres régions d’ailleurs –, les raccourcis, les chiffres brandis, copiés, et recopiés-collés, sans critique ni capacité de compréhension…

NB- Exposition à la BNU, Strasbourg


Au passage, qui me ramène au sujet initiateur de ce blog, cette affiche (« Das Neue Europa ist unschlagbar – La nouvelle Europe est imbattable ») À cette époque, Elmar Krusman est vraisemblablement à la prison de Vasalemma (AEL), au sud-ouest de Tallinn (Reval sur la carte). Si l’on en croyait cette carte, les progrès de la « nouvelle Europe » semblait irrépressible…

NB - Exposition à la BNU, Strasbourg

Au passage encore, l’autoportrait de Camille Claus, plusieurs fois présent en ces lignes (ici par exemple).

NB - Exposition à la BNU, Strasbourg 

En janvier 1944, il était à Dresde, relativement miraculeusement, et temporairement, protégé du front.

NB - Exposition à la BNU, Strasbourg

Autre sujet ? (On peut repenser à ce Bonheur fragile d’Alfred Kern, essayant un peu maladroitement de créer une histoire à partir de biographies croisées et à peu près respectées (dans leur réalité…), celle d’Alfred Kern lui-même après la guerre, autour de certains personnages notamment du groupe 84, celle de Camille Claus à la fin de la guerre (captivité au Tambov puis retour en France).)
Autre sujet, donc : les relations que peuvent avoir, dans le roman notamment, la réalité historique et l’imagination, le rêve ou encore la faculté simplement de s’extirper du carcan du passé…

C'est que je suivais quelques remarques en Suède autour de l’attribution du dernier prix Nobel de littérature, et ai relu du coup cet ancien article de la critique littéraire Mikaela Blomqvist, dans le Göteborgs Posten du 20 avril 2022 :

« Enligt henne [Parul Sehgal] har idén om trauma på senare år kommit att dominera litteraturen och filmen. Utmärkande för en berättelse där en svår händelse i det förflutna tjänar som grund för intrigen är enligt Sehgal att det blir ensidiga och platta. Narrativet sträcker sig bakåt i tiden, mot det så kallade traumat, och traumat ger i sin tur en fullständig förklaring till allt som sker i nuet: historiens kretslopp.

(...) Trauma har (…) blivit ett flitigt förekommande ord i svenskt vardagstal. (Trots att det borde reserveras för erfarenheter av krig och av våldsamma situationer där man varit hotad till livet.) Och precis som den medicinska diskursen tror sig veta och kunna förklara allt har vi fått en fiktion som tenderar att göra detsamma.

Men ingen beskrivning av det förflutna är fullkomlig och orsakerna till att ett liv blir som det blir är närmast oändliga. »

« D'après elle [Parul Sehgal], l’idée de trauma, ces dernières années, en est venue à dominer littérature et cinéma. Ce qui est remarquable pour un récit où un événement difficile du passé sert de base à l’intrigue, est, d’après Parul Sehgal, que ça le rend partiel, plat. La narration s’étend dans le temps vers ce « trauma », qui lui, de son côté, livre une explication complète à tout ce qui se passe dans le présent : un cycle historique.

(...) Trauma est devenu (…) un mot redondant dans le suédois de tous les jours. (Alors même qu’il devrait être réservé pour les expériences de guerre ou les situations violentes où il y a eu menace vitale.) Et exactement de la même manière qu’un discours médical se croit omniscient et capable de tout expliquer, nous avons une fiction qui tend à faire de même.

Mais aucune description du passé n’est parfaite, et les causes du cours pris par une vie sont quasi infinies. »

On y reviendra, très certainement.

Une autre exposition : Roger Dale, Nancy.


Nils Blanchard


P.-S. Triche. Je rajoute quelques étiquettes impossibles à placer au billet précédent : Annie Ernaux, Peter Handke, Patrick Modiano, Mikaela Blomqvist, Bernur.


dimanche 9 octobre 2022

On y revient toujours, à ce pays

 Il est des moments où des thèmes, différents les uns des autres, peuvent se rencontrer. Ce blog en use, en abuse peut-être ?

                     R. Savery, Paysage de montagne avec animaux, Museum of Fine Arts

                                  Boston, image tirée de Märtas tavla de Martin Fahlén


Un peu avant de partir marcher dans les Cévennes en juillet dernier, je 

songeais à ce tableau du livre de Martin Fahlén (dont il faut que je m’occupe

de finaliser la traduction… Éditeurs, dernier appel ; après, tant pis pour 

vous…)

N’y a-t-il pas là quelque chose du « grand pays » de Dhôtel ? Rien à voir bien

sûr (aurait pu écrire précisément André Dhôtel), et pourtant, quelque chose 

d’un paradis perdu ; retrouvé.


NB

Et, lors de cette marche d’été déjà évoquée, vu à un moment, entre d’autres

chevaux, un cheval pie. Je ne pensais pas du tout alors au Pays où l’on

n’arrive jamais (1955), même si j’avais peut-être quand même, déjà, quelque 

part derrière la tête une conférence que je devrai faire en janvier prochain sur

le sujet.


J’ai relu récemment Le pays (dans une édition – Société Nouvelle des Éditions

G. P., 1963) que j’achetai il y a quelques année pour les illustrations de Guy

Michel.




Au passage, serait-il permis aujourd’hui à un auteur de doter l’un de ses 

personnages de la manie de collectionner les… moustaches  de chats (et de

félins en général) ?


Je suis chaque fois étonné (et étonné d’être étonné), en lisant (relisant

souvent aussi) des romans ou nouvelles de Dhôtel, de la présence de la 

guerre, surtout la Seconde Guerre mondiale, dans les intrigues. Étrangement,

à la fois discrète et essentielle.

Là, l’héroïne du roman, derrière laquelle court Gaspard, le personnage 

principal, et différents autres originaux, est « adoptée » enfançonne par un

homme riche, M. Drapeur, qui, malgré lui, dans les circonstances de l’Exode,

sépare la petite fille de sa mère considérée comme mourante. Page 136 :


« C’était pendant la guerre, à cette époque où les gens fuyaient devant 

l’invasion. M. Drapeur se trouvait à Sedan au moment où l’ennemi arrivait sur

la Meuse. Il fila dans sa voiture par les crêtes qui bordent le canal des 

Ardennes, et il eut l’occasion de s’arrêter dans un village perdu, pour

demander son chemin. C’était le village de Stonne, situé sur une colline 

couverte de forêts. »


Du coup, mère et enfant séparés ; l’enfant, à partir du peu de souvenirs qu’elle

a de sa mère, n’a plus de cesse que de la retrouver, elle et un mystérieux 

« grand pays ».




Bon. Mais je pensais en relisant tout ça à un autre Esto-Suédois, inscrit dans 

les camps (celui du KL Stutthof notamment), comme « Suédois », comme

Elmar Krusman : Arno Lundre. Je l’évoque dans mon livre pages 46-47 ; il est

mort à Buchenwald en novembre 1944. Après avril 1944, une de ses filles, qui

avait alors 16 ans, n’a plus entendu parler de lui, jusqu’à ce que Andrzej 

Olkiewicz ne retrouve sa trace au début des années 2000.


Là, père et fille séparés, donc. Pas vraiment de grand pays retrouvé – ou un

« grand pays » dont les souvenirs, braudéliens, auraient remonté à plusieurs

siècles – ; la fille d’Arno Lundre a migré en Suède avec la grande majorité des

Esto-Suédois.


                                              Dernière édition, à ma connaissance, du Pays



Dans le roman, place à une recherche, une enquête étrangement sylvestre, 

dans les Ardennes aux confins de la Belgique. Page 156 :


« Se serait-elle sauvée pour d’autres raisons que la guerre ? Pourquoi aurait-

elle gagné la France au lieu de se réfugier dans l’ouest du pays ? [La 

Belgique.] On se posait ces questions. On en discutait avec les gens des

villages, les fournisseurs et les concierges des châteaux. On ne parvenait à 

aucun résultat, mais rien que d’agiter ces questions redonnait de l’espoir (...) »


De l’espoir, pourquoi pas ?



Nils Blanchard



P.-S. : Annie Ernaux, prix Nobel de littérature le 6 octobre ; le dernier prix 

français était celui de Patrick Modiano (qui cite çà et là, soit dit en passant,

André Dhôtel…) De Peter Handke (préfacier de Dhôtel en Allemagne…), qui a

reçu le prix en 2019, il sera assez vite question en ces lignes.


Pour ce qui est des critiques littéraires que je « suis » un peu en Suède,

l’accueil d’Annie Ernaux est mitigé, que ce soit de la part de Mikaela Blomqvist

(critique au GP notamment, ou le tenancier du blog Bernur.


Bon… Mais moi je vais devoir à nouveau tricher avec mes « étiquettes »...



Gris Mitterrand

Il a été évoqué dans ces liens le « gris Mitterrand » , à propos de l’architecture. On peut en parler aussi, dans un autre sens, à propos de...