Croisé il n’y a pas très longtemps avec grand plaisir l’éditeur de cette maison dont il a déjà été question ici : Sous le Sceau du Tabellion, Alain Chassagneux. Cette maison d’édition, associative, a (ré)édité récemment, entre autres, Héloïse Combes, André Dhôtel, Patrick Reumaux !
Du coup, j’ai commencé de lire Biogriffures, de Patrick Corneau, qui lui-même a parlé non sans intérêt d’Héloïse Combes… J’en reparlerai peut-être, mais je voudrais m’arrêter sur le passage suivant (page 30 – il y est question d’un Frédéric…) :
« Il lui serait désagréable d’apprendre qu’il se rattache aux habitus de classe de la néobourgeoisie semi-intellectuelle française du début du XXIe siècle, dite bobo. (…) Pour Frédéric, les bobos ce sont les autres, sous-entendu ceux qui ont un peu plus d’argent, qui peuvent prétendre à l’atelier sur cour, la petite maison charmante dans une impasse privatisée, le loft avec vue sur le Sacré- Cœur, etc. Le bobo c’est toujours l’autre, celui qui vous ressemble mais en mieux, que vous dénigrez tout en l’enviant secrètement. »
Pourquoi pas. Sans vouloir empiéter sur les plate-bandes des sociologues – leurs semis sont déjà bien capricieux ! –, je me permettrai néanmoins de donner ici une définition simple et me semble-t-il assez complète du mot bobo, en cinq points. Sans doute la trouvera-t-on sujette à caution, mais elle aura le mérite d’exister.
1) Le bobo habite généralement le centre de certaines villes moyennes – grandes.
2) (En lien avec les points précédant et suivant), le bobo est aisé (matériellement), voire très aisé.
3) Le bobo est « branché », plutôt cultures underground, si possible locales.
4) Le bobo est de gauche (rarement communiste, entre LFI et un certain spectre de l’écologie et du centre-gauche).
5) (J'ai tendance à l’oublier, celle-ci), le bobo est assez niais.
Quant à l’Arbre vengeur – on en a parlé du fait de la belle réédition de David – ils ont parfois des soldes dans leur impressionnant catalogue. Gare alors, au porte-monnaie peut-être, aussi à l’espace jalousement préservé pour caser encore quelques livres ici ou là. En vrac : Franz Bartelt, Robert Louis Stevenson, Mark Twain, Remy de Gourmont, D. H. Lawrence…
J'hésite en l’occurrence un peu à me faire plaisir : sait-on jamais, quelque fâcheux – j’entrevois bien à l’heure où l’écris ces lignes quelques personnes particulièrement obtuses et ignares – pourrait me rendre le service de me décider à changer, enfin, de métier ; il me faudrait alors vraisemblablement déménager… et la difficulté serait alors précisément de transporter mes livres et leur trouver une place quelque part…
Ou rester indifférent à l’instar d’un David ?
Indifférent ; refuser l’influence du temps qui passe ? Jusqu’à prendre langue avec la mort ?
Je fais là allusion à un article d’André Murcie (mais on en reparlera…), qui évoque dans le dernier Cahier (n° 22, 2024) de la Route inconnue « Une mauvaise lecture d’André Dhôtel » :
« Les interstices dhôteliens changent le regard sur le sens profond de cette œuvre : pourquoi les amoureux de Dhôtel mettent-ils tant de temps à se retrouver ? Parce qu’ils ne sont pas situés sur la même rive, l’un se tient sur la rive du monde des vivants et l’autre sur celle de la mort. Ne poussez pas des cris d’orfraie (…) »
La thèse est troublante, même si elle généralise peut-être… Puis on pourrait penser aussi que Dhôtel a besoin simplement de temps pour raconter son histoire, « dérouler son tapis » (Paulhan).
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Illustration de Julie Faure-Brac, tirée du Pays où l’on arrive un jour, Éditions Invenit |
Ce jour au Mont-de-Jeux : présence de Julie Faure-Brac, Dominique Tourte (entre autres…) Ce dernier est l’éditeur d’Invenit, qui a confectionné le livre Le pays où l’on arrive un jour.
Le titre est résolument (par rapport à Dhôtel), contradictoire ; son objet a quelque chose de surprenant aussi (par rapport à Dhôtel, encore) : c’est qu’il a quelque chose, aussi, du guide de voyage, voire de randonnée. Dhôtel randonneur ? Dhôtel guidé ? Il se laissait plutôt guider par le hasard.
« Science subtile de l’égarement. »
Nils Blanchard
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