vendredi 11 juillet 2025

Revue de revue de revues de…

Peut-être vais-je finir par devenir un homme de revues ; un « moitié fou » dit (je cite de mémoire, ça ne doit pas être exactement ça) Morand (ou Chardonne?) à propos de Léautaud et de son travail au Mercure de France.
Il y a mes travaux sur 84 (je ne vais pas vous enserrer de liens ; allez voir, l’index, version ordinateur…), textes dans La Route inconnue…

NB - Tallinn, 2018

Et voilà qu’un travail sur un étrange hebdomadaire, Sovjet-Estland, suite à un colloque auquel j’ai participé à l’INALCO en 2021 (déjà…) vient de paraître dans la revue numérique Nordiques (elle aussi en lien de ce blog…)

En voici le résumé : Sovjet-Estland, une revue soviétique pour les Suédois d’Estonie.

« Sovjet-Estland, édité à Tallinn d’octobre 1940 à août 1941, est un hebdomadaire en langue suédoise, à destination des Suédois d’Estonie (environ 8000 habitants) qui paraît pendant la première annexion de l’Estonie par l’URSS, jusqu’à l’arrivée des troupes allemandes du plan Barbarossa. Organe du parti communiste local (Läänemaa), il est particulier d’abord parce qu’il s’adresse à une petite minorité, et parce que cette minorité est a priori peu à même d’épouser son communisme militant. L’hebdomadaire doit donc s’adapter aux caractéristiques des Esto-Suédois, en reprenant en partie la tradition de leur revue précédente qu’était Kustbon, tout en menant une opération de communication politique, au long de ses 43 numéros. Sovjet-Estland pointe ainsi les efforts du gouvernement soviétique à destination des Esto-Suédois et tâche de les convaincre de renoncer à l’idée d’émigrer vers la Suède. En même temps, Sovjet-Estland peut apparaître comme une tribune pour développer l’image d’un contre-modèle à destination de l’Occident. »

NB - Tallinn, 2018, vers l'ancienne prison Patarei 

Il se trouve que peu avant a paru le numéro 73 de La revue des revues (en lien de ce blog, cela aussi, en lien…) Celui-ci, je me le suis procuré (maintenant, je suis abonné…) à cause d’un de ses titres (je parlais récemment de mes dispersions… de Jules Roy aussi…) : « Henri Bosco, Aguedal ».
Pour être plus précis, c’est un article de Guy Dugas, « Henri Bosco au Maroc (1931-1955) et l’aventure d’Aguedal ». Seize pages (avec illustrations) sur un sujet (qui m’intéresse…) sur lequel on trouve peu de choses sur le net et ailleurs…
Résumé ? Résumé…

« C'est chose peu connue : l’écrivain provençal Henri Bosco (1888-1976) a passé près de 25 années au Maroc, entre 1931 et 1955. Outre la publication de plusieurs ouvrages importants, notamment Le Mas Théotime (éd. Charlot, 1945) prix Renaudot, il y dirigea durant cette période très compliquée la revue Aguedal (une vingtaine de numéros avec une suspension au début de la guerre, et quelques tirés-à-part).
Par sa longévité comme par la richesse de ses sommaires, son ancrage en milieu arabe et berbère sans équivalent parmi les revues nord-africaines de la période coloniale, Aguedal représente un élément majeur de l’histoire littéraire au Maghreb. Elle a été le creuset d’une réflexion, contrariée par la guerre, sur une « métaphysique orientale » inspirée de la Doctrine guénonienne qui irriguera une partie de la littérature marocaine contemporaine, de langue arabe ou française, grâce à des intellectuels tels que Mohamed-Aziz Lahbabi ou Ahmed Sefrioui. » (Guy Dugas.)



Jules Roy et Henri Bosco ont entretenu une correspondance pendant la guerre. Jules Roy reçut les lettres d’abord en Afrique du Nord, puis en Angleterre, où il servait sur un équipage de bombardier – il en a parlé (notamment encore) dans La Vallée heureuse. Ou, voyez-vous ça, dans un livre évoqué récemment par Argoul, Le navigateur.– Puis à Paris…
Les lettres de Henri Bosco (1942 à 1969, mais en fait surtout jusqu’à 1946) ont été gardées par Jules Roy et publiées par l’Amitié Henri Bosco, dans le vingt-cinquième de leurs Cahiers Henri Bosco (1985).
Comme Jules Roy le note dans un texte introductif, l’amitié des deux hommes fut de quelques années, et semble-t-il surtout épistolaire. Il semble que ce soit Jules Roy qui écrivit d’abord à son aîné ; il se souvient : « Son âme sensible avait compris à quel point j’étais coincé entre mes devoirs et mes affections et combien j’avais peu d’espoir de m’en sortir. Durant cette longue période de nuit semée de feux et de terreur, il veilla sur moi. » (Cahiers Henri Bosco, 25, 1985, pages 89-90.)

On peut penser peut-être, même s’il semble que les drones ont remplacé en grande partie les bombardiers, à certains combattants d’Ukraine.


Nils Blanchard


Triche. Ajout d'étiquette du dernier billet : Garçon au poisson. 

jeudi 3 juillet 2025

Lieux, réels et numériques – manuels, mémoire, « réseaux »

Je reprends là une série de billets qui sont censés s’interroger sur la nécessité de poursuivre ce blog, sur son intérêt. Ce n’était peut-être pas très évident – c’est que c’est un peu l’ADN de ce blog que de tourbillonner en digressions, parenthèses…

Juhan Raudsepp, 1935 - Capture d’écran


Au départ : articles de Thomas Nydahl, s’interrogeant sur son âge, sa maladie, sur la pertinence, dans ces conditions, de poursuivre son blog… Plusieurs fois, il a annoncé qu’il l’arrêtait, s’y est remis. Au moins, si j’ai bien compris, a-t-il quitté « Facebook » et autres « réseaux » « sociaux »…

Il écrivait le 3 septembre 2024 (début et fin de son article) :

« Det digitala livet kan vi varken fördriva eller bortse ifrån.
(...)
Digital på deltid som jag är, är sannerligen inget alternativ. Det är en form av koketteri mitt i pensionsynkedomen. »

« La vie numérique, nous ne pouvons ni la mettre de côté, ni l’ignorer.
(...)
Être connecté à mi-temps, comme moi, ce n’est vraisemblablement pas une alternative.C’est une forme de coquetterie de retraité. »

Juhan Raudsepp, Chapelle de Kasmu - Capture d’écran

 
Plus sérieusement, peut-être, je m’interroge sur l’exercice même du blog. Évidemment, toutes les informations que je partage ont des sources précises et sérieuses ; mes opinions m’engagent et je les signe – je me permets d’en émettre après avoir publié aussi des travaux sur certains sujets. Ainsi (pour rappel), un article sur une revue de propagande (!) soviétique en 1940-1941, mon livre bien sûr sur le déporté Elmar Krusman. Différents textes, aussi, sur le monde littéraire d’après-guerre, notamment sur 84… Je ne cite pas tout cela pour me justifier de quoi que ce soit, c’est simplement qu’en voyant les errements dans lesquels tombent certaines personnes, groupes, aux manettes de sites internet plus ou moins glorieux… je ne peux m’empêcher de craindre de leur ressembler de près ou de loin…

Ainsi, tout récemment de ces gens (sur le site internet « malgre-nous.eu »), se vautrant en répliques d’uniformes de la Wehrmacht (un « article » du 23 juin 2025), pour « jouer le rôle » de résistants d’une photo localement célèbre…
Je songeais à eux car leur site que j’ai consulté parfois a fait état plusieurs fois de la nécessité de corriger selon leurs volontés les manuels d’histoire du secondaire.

Or je lisais dans le Göteborgs Posten – et on retrouve là étrangement des thèmes de Sovjet-Estland ! – un article sur un certain retour en grâce de la mémoire de Staline dans la Russie poutinienne, article dans lequel on parle, précisément, de manuels d’histoire corrigés…

« Parallellt har andra viktiga minnesmärken och museer försvunnit eller tagits bort, skriver SVT. Exempelvis fick Gulagmuseet i Moskva stänga ned i fjol när man hänvisade till säkerhetsskäl.
Förutom statyer och minnesmärken har studieböcker omarbetats och Stalins brott har tonats ned. Medförfattaren till de nya historieböckerna som används i ryska skolor är Vladimir Mdinskij, som även arbetar som president Putins rådgivare, enligt DW. »

« En parallèle [à la fièvre stalinienne], des repères mémoriels et des musées ont disparu ou ont été enlevés, écrit SVT [la télévision suédoise]. Par exemple, le Musée du Goulag à Moscou a fermé l’année dernière pour raisons de sécurité…
Outre les statues, les repères de mémoire, ce sont les livres scolaires qui ont été refaits, avec une atténuation des crimes du stalinisme. L’un des co-auteurs des nouveaux livres d’histoire utilisés dans les écoles russes est Vladimir Medinski, qui est aussi un conseiller du président Poutine, d’après DW [Deutsche Welle]. »


Pour en revenir à quitter tel ou tel média, renoncer à telle ou telle façon de s’exprimer, toujours dans le Göteborgs Posten, Joel Arvidsson a écrit le 3 mars (2025) un article intitulé : « Efter bråket i Ovala rummet – många svenskar vill bojkotta varor från USA. » (« Après l’altercation dans le salon ovale – beaucoup de Suédois veulent boycotter des biens des États-Unis. »

« Allt fler svenskar vill bojkotta varor från USA. Sedan bråket mellan presidenterna Trump och Zelenskyj har en bojkottgrupp på Facebook lockat till sig över 33 000 medlemmar. »

« De plus en plus de Suédois veulent boycotter des biens des États-Unis. Depuis l’altercation entre les présidents Trump et Zelensky, un groupe favorable au boycott s’est créé sur Facebook et a dépassé les 33 000 membres. »

Sovjet-Estland, peut-on considérer qu’il a été boycotté par les lecteurs esto-suédois ? C’est peut-être un peu plus compliqué ; il est à peu près certain en tout cas que l’hebdomadaire ne fut quasiment pas lu. (Mais les gens « lisent »-ils vraiment des choses sur les « réseaux » « sociaux » ?
Bon, ces gens (de l’article de Joel Arvidsson) sont sans doute très bien intentionnés… Mais n’est-ce pas précisément par « Facebook », sur quoi ils fondent leur groupe, qu’il faudrait commencer ?


Nils Blanchard


P.-S. : Juhan Raudsepp est le sculpteur du garçon au poisson, emblème de ce blog (statue qui se trouve à Hapsal, sur la place de l’ancien marché suédois).

P.-S. 2 : J’avais à peu près la matière de ce petit billet quand je suis tombé sur ce texte de Terrestres (en lien indirect de ce blog, via Alluvions, ou ce lien…) « Quittons tous les réseaux sociaux ! », du 25 juin 2025. (Eh ! Et déjà : n’y entrons pas…) On y reviendra vraisemblablement.

Triche : ajout d’étiquettes d’un dernier billet : Julien Grainebis, Macintosh.

samedi 28 juin 2025

Des temps et des oiseaux de fer

À cette journée au Mont-de-Jeux fin mai (Ardennes) consacrée à André Dhôtel, dont il a déjà été fait mention ici, une troupe amateur, le Théâtre de la Grande Oreille, a donné une représentation d’une partie de l’adaptation radiophonique de L’Île aux oiseaux de fer.

NB - Mont-de-Jeux, baraquement d’André Dhôtel

 
J'ai déjà parlé de ce livre ; il a une actualité étrange et dramatique. Son épitomé : Julien Grainebis, le héros des contes du même nom, est repris de l’envie de voyager, quitte Bermont et embarque du Havre sur le Tourterelle où il est engagé comme steward avec Daniel, personnage hâbleur et vaguement maléfique, qui pousse Julien à l’eau en pleine mer, quelque part dans le Pacifique à proximité d’une étrange île. Julien Grainebis rejoint l’île à la nage et est tout de suite accueilli – et peut-être sauvé de requins – par ceux qui donnent son nom au roman : les oiseaux de fer. Ce sont des sortes de drones – on ne devait pas employer le mot en 1956 –, qui servent de police, notamment morale et politique, à un gouvernement sans tête de l’endroit, dictatorial, totalitaire pour mieux dire. Le gouvernement – ses manifestations en tout cas – y est une hydre déconcertante d’intelligence artificielle et de psychologie.
Julien Grainebis est intégré tant mien que mal aux travailleurs de l’endroit – on a quelque chose de Kallocain (La Kallocaïne) de Karin Boye –, mais parviendra, aussi logiquement qu’invraisemblablement à faire « buguer » (ce terme non plus n’existait pas en 1956) les oiseaux de fer, mais aussi à entraîner dans sa fuite amoureuse une psychologue…



Or comment ne pas songer que tous ces drones sont – entre autres bien sûr – une marque des conflits actuels, notamment celui entre la Russie et l’Ukraine ? (Récemment, il a été annoncé que Renault devrait construire des drones en Ukraine, de même que la marque produisit des chars pendant la Première Guerre mondiale…) Kiev, Odessa, Gammalsvenskby, sont régulièrement touchés par des drones ou des bombes planantes. La population de Gammalsvenskby a été réduite quasiment à néant ; on lit sur ce blog en lien de celui-ci, le 19 juin (Sofia Hoas) :

« Det är nu bara 7 personer kvar i byn. De uppmanas att lämna. Det är livsfarligt att köra ner nödhjälp. Innan det ryska anfallskriget började bodde det 2300 personer i byn. Det fanns bl.s. skola, vårdcentral, ålderdomshem, butiker, kulturhus och kyrkor. Alla de är nu jämnade med marken eller utbrända. »

« Il n’y a plus que sept personnes au village. On les presse de partir. On risque sa vie quand l’on y achemine de l’aide d’urgence. Avant la guerre d’agression de la Russie, le village comptait 2300 habitants. Il s’y trouvait notamment une école, un centre de soins, une maison de retraite, des boutiques, une maison de la culture, et des églises. Tout cela est désormais rasé ou brûlé. »

Le blog Argoul de conter d’évoquer un ancien voyage à Odessa, le 17 mars 2023, et :

« Les gens d’Odessa méritent qu’on se souvienne d’eux.
Avec l’invasion russe à prétexte xénophobe, d’un clair racisme anti-occidental, l’Ukraine résiste.
Ce sont des gens ordinaires, des vieux qui ont encore l’habitus soviétique mais qui sont heureux d’en avoir fini avec les contraintes du « communisme », des hommes mûrs qui sont au front pour défendre leur travail, leur famille et leur patrie (mais oui, Pétain-Poutine !) ; des jeunes qui aspirent à l’avenir en Europe et à vivre selon leurs goûts.
Tous ceux que j’ai vus il y a 17 ans sont peut-être au front, peut-être déjà tués… Souvenir. »

NB - juin 2025, Strasbourg

Temps qui passe, passablement bouleversé en temps de guerre. Or j’écris ce billet d’une salle d’attente d’un vaste hôpital de Strasbourg, d’une ville en paix, donc… Le NHC (Nouvel Hôpital Civil), est une véritable ville dans la ville. La notion du temps y est comme transformée, de même que les repères géographiques – un peu comme sur une île. Je m’y repère notamment grâce au copain un peu râleur de l’emblème de ce blog, déjà évoqué, le garçon au poisson.

NB - juin 2025, Strasbourg

Que sont devenus, que deviendront les gens que je croise, que j’ai croisés ici ?


Nils Blanchard


P.-S. Il y a ces temps-ci une publicité qui met en scène des… oiseaux de fer, pour la marque « Macintosh » je crois. Ce sont là des volatiles métalliques dont le gros du corps est une caméra qui vient espionner ls regardeurs de « smartphones » (on se demande bien pourquoi ces volatiles perdent leur temps de la sorte!) ; une « application » (de protection des informations, des donnés?) les fait exploser en vol…

Triche. Ajout d’étiquettes du dernier article, à savoir : Iran, François Hollande, Donald Trump.

lundi 23 juin 2025

Merveilles soudaines

Salle de réveil, opération, attention d’infirmière… Garçon au poisson râleur… Il y a tant de choses à dire. Mais je me dis depuis quelques temps que je me disperse trop (attention, c’est pas bien…) Dispersons-nous encore, alors ! Mais en restant « fokus » sur ses sujets, parfois – les pêcheurs de crevettes connaissent ça – on ramasse quelques merveilles.

Henry B. Goodwin, Étude de nu, 1920 (Capture d’écran)

Ainsi, au Louvre – on l’a déjà évoquée – exposition sur Prague et Rodolphe II. Rodolphe II, c’est l’empereur qui a accueilli Roeland Savery, qui est du coup présent (et pas mal évoqué) dans le petit livre dont je suis le fier traducteur (en lien, en haut, à droite : Le tableau de Savery).
L'exposition confirme quelque chose – au moment de ma traduction et des petites recherches que j’ai menées sur le sujet ; j’avais pensé, pense toujours, que je creuserais le domaine des peintres maniéristes flamands : Hans Bol ou, pas très éloigné de cette mouvance, Adriaen van Stalbemt… –, c’est le goût de l’érotisme à la cour de Rodolphe II.

Capture d’écran ; coupe de pierre dure, Musée du Louvre


Dans un article dans Bilan (bilan.ch) début avril, Etienne Dumont présente ainsi l’empereur :

« C'est en personnage d’autant plus mythique que les gens, même cultivés, le connaissent mal. La trajectoire de l’empereur Rodolphe II de Habsbourg (1552-1612) fait penser à celle de Louis II de Bavière (1845-1886). Même étrangeté. Un intérêt égal pour les arts. Une identique incapacité à gouverner, nourrissant ainsi des ambitions féroces autour d’eux. Une semblable aspiration à la solitude, nourrie par des crises de dépression. D’où la tendance à se réfugier dans le rêve. »

Puis de préciser qu’à sa cour, à côté du courant maniériste, « Il existe en effet un pan vériste dans les productions encouragées par Rodolphe II. Des peintres et surtout des miniaturistes se sont passionnés pour le réel. » C’est là-dessus qu’insistent les commissaires de l’exposition Philippe Malgouyres et Olivia Sabatier, qu’on peut voir dans une conférence de présentation filmée passionnante là.



On voit (entend) que Savery est au cœur de ces mouvements. Martin Fahlén en parle très bien dans Le tableau de Savery.



Rien à voir a priori, mais une merveille qui apparaît soudain par surprise. Ou réapparaît ? Cela fait quelques années maintenant que je n’ai été à Stockholm. Peut-être ai-je vu cette maison dont parle Gabrielle Roland Waldén dans son blog en lien du mien (Gabrielles blogg) le 19 juin, une toute petite maison d’écrivain du dix-huitième siècle adossée à une plus grosse bâtisse, dans le quartier de Södermalm.



« Huset lär vara Stockholms minsta och används i dag som skrivarstuga för en författare.
Huset är från 1700-talet och var tidigare större. (…) Här och var i stenstaden på Södermalm finns verkligen många större och mindre ”öar” kvar med gamla fina rödmålade trähus. Roligt för den här bloggerskan som gillar gamla hus och historia. »

« La maison serait la plus petite de Stockholm et est utilisée aujourd’hui comme maison d’écrivain [ou pour un écrivain en particulier ?]
Elle est du dix-huitième siècle et était plus grande autrefois. (…) Par-ci par-là dans le vieux centre de Södermalm subsistent vraiment de plus ou moins grands îlots de belles vieilles maisons de bois peintes en rouge. C’est bien agréable pour cette blogueuse qui aime les vieilles maisons et l’histoire. »

Et pour le blogueur qui aime les blogueuses qui aiment…


Nils Blanchard


Ajout. Trump, l’homme des reculs, a bombardé des sites en Iran (nuit du 21 au 22 juin), lors même qu’il était encore quelques jours avant en négociations de paix avec les Iraniens (négociations initialement lancées, soit dit en passant, par le président Hollande, et interrompues lors du premier mandat du président américain actuel). Cela va à l’encontre des lois les plus anciennes des relations entre gens, entre États, que d’attaquer au moment même où l’on discute.

jeudi 19 juin 2025

(Dé) Colonisation

Titre un peu étrange, peut-être ; c’est que j’ai dans l’esprit un autre billet sur le thème de la colonisation.
Mais là, article de Bernur (Björn Kohlström), en lien indirect de ce blog (voir Voices in translation), le 14 juin dernier, sur une nouvelle traduction de Robert Antelme en Suède : Hämd ? (Vengeance?)

NB - Eva Blanchard – Collection particulière


Bernur rappelle que Robert Antelme a été marié à Marguerite Duras, qu’ils se sont séparés après la guerre (lors de laquelle Antelme a survécu notamment à Buchenwald) et que Duras a tiré de la période de la guerre le recueil La Douleur (récits retrouvés plusieurs décennies plus tard par l’auteure, publiés en 1985).

Quand on pense à Marguerite Duras, on pense bien sûr à la présence française en Indochine. Or récemment, Argoul a évoqué un roman de guerre, Le navigateur de Jules Roy. Jules Roy, lui, s’il a écrit aussi sur l’Indochine, et évidemment la Seconde Guerre mondiale, est lié à son histoire algérienne, une certaine amitié avec Camus.

Deux auteurs, donc, concernés par deux drames comme parallèles, qui se suivent chronologiquement, les guerres d’Indochine et d’Algérie. Ces guerres : acmés de la bêtise et de l’ignominie de la colonisation, et de sa gestion à cette époque.
Peut-être y reviendra-t-on.

Eugène Delacroix, Roméo et Juliette au tombeau des Capulet – Capture d’écran.


Mais le sentiment de vengeance, l’incapacité à tirer un trait (même pointillé, même nuancé) sur un passé, la transmission d’une volonté de violence à des générations à venir – la vendetta ? – ; n’y a-t-il pas là une forme de colonisation des esprits ?

On ne peut s’empêcher d’y penser en lien aux événements autour de Gaza ; la fuite en avant criminelle de B. Netanyahou, qui mélange allègrement notions et époques, suscitant sciemment le désordre dans les âmes plus ou moins simples (de Mélenchon à l’excité anonyme et ignare derrière son écran...)

Bernur commente :

« Numera handlar allt om det bibliska öga mot öga (fast mer ”öga mot ögon, tand för tänder …”). Vad beror det här på? Kanske vår tid är för narcissistisk: det här är priset vi får betala för att allt större fokus läggs på individen, våra känslor och hur vi upplever saker. Vi pratar för mycket om våra rättigheter, och för lite om våra skyldigheter. På ett sätt blir vi allt dummare, det vill säga, mindre intellektuella. »

« Maintenant il n’est plus question que de l’œil pour œil biblique (ou plutôt œil pour œil, dent pour dent…”). À quoi cela est lié ? Peut-être est-ce que notre temps est trop au narcissisme : c’est le prix à payer de ce que l’individu prend de plus en plus de place, avec ses sentiments, sa façon d’appréhender les choses. Nous parlons trop de nos droits, pas assez de nos devoirs. Dans un sens, nous devenons de plus en plus bêtes, plus exactement de moins en moins cérébraux. »

NB – Carrière du Struthof, août 2022 (depuis, la recherche a avancé…) 

Je ne suivrai pas dans son article Bernur dans tous ses commentaires ; mais celui-ci est assez imparable me semble-t-il. J’ajouterai néanmoins : droits, et devoirs, vis-à-vis de la vie, de la nature, des autres espèces…, surtout.

Et un des moyens d’échapper aux réductions et généralisations erratiques, c’est le travail et la réflexion étayée, de bonne foi.
L'archéologie offre un terrain de réflexion et de travail méthodique, ancré dans ce qui nous a précédé, formé. Il y avait justement (14 et 15 juin), les journées de l’archéologie, à l’ancien camp de concentration de Natzweiler (Struthof) notamment.
Les archéologues font suffisamment râler les entrepreneurs de « BTP », quand leur progression bétonisée est ralentie par un signe du passé.
Au Struthof, ailleurs, l’archéologie permet de clarifier, remettre en perspective certaines zones d’ombre, ou de trouble. On en reparlera aussi.


Nils Blanchard


Ajout : visite du président Macron au Groenland, le 15 juin. Il s’agit là de lutter contre une autre forme de danger de colonisation.

samedi 14 juin 2025

Écrans et vélos (électriques) / Égarement

Je me fais le plus en plus l’effet de vivre au milieu de zombies (moi qui ai pourtant tendance à être passablement distrait, à ne pas reconnaître des gens dans la rue, ce qui m’a parfois été reproché).
Zombies ?

NB - Mont-de-Jeux, mai 2025, devant l’ancienne maison d’André Dhôtel

 Des gens aux yeux fixés sur leur écran de « téléphone », ou (au téléphone réellement alors – ou pas), sans cesse en conversation. Zombies, oui, en ce sens qu’ils sont sans cesse en un autre monde, qui ne saurait être partagé avec celui des autres autour d’eux. Un ailleurs purement personnel ; la chose est bien trouvée. C’est sans doute ce qu’Arnauld Le Brusq veut dire quand il parle de « l’axiome ultime du capitalisme intégral » (blog Terre-gaste, le 1er mai dernier) :

« Depuis lors, le tour de force des opérateurs de téléphonie mobile aura été d’imposer à chaque Terrien ou presque la greffe d’un appareil soi-disant intelligent et d’ainsi transformer l’espace public en une gigantesque cabine privée à ciel ouvert. (…) Désormais, ils vont – les Terriens – le regard baissé vers l’écran, dans l’attitude de la soumission, titubant dans la rue, accros fascinés par les contenus en ligne. Réfléchissant au business model de la drogue, l’écrivain William Burroughs a sans doute formulé l’axiome ultime du capitalisme intégral, auquel ressortit la solvabilité de l’attention numérique : The junk merchent does not sell his product to a consumer, he sells the consumer to his product.” »

Jusque dans les piscines où des parents accompagnent leurs enfants, les premiers n’arrivent pas à se détacher de la visqueuse « communication » numérique. Andreas Granath racontait, en août 2024 dans le Göteborgs Posten, ce qu’il en était à Hambourg :

« Föräldrar som stirrar på sina mobiltelefoner i stället för att hålla koll på sina barn har blivit ett växande problem i tyska badhus.
I Hamburg sätter man nu hårt mot hårt – och kastar ut föräldrar som inte kan slita sig från sina telefoner. »

« Dans les piscines allemandes, le problème des parents qui surveillent plus leurs écrans de téléphone que leurs enfants est de plus en plus important.
À Hambourg on emploie désormais les grands moyens – on exclue les parents qui n’arrivent pas à se détacher de leurs téléphones. »

NB - Mont-de-Jeux, mai 2025, devant l’ancienne maison d’André Dhôtel 

Mais encore : ces vélos qui roulent de plus en plus sur les trottoirs. Quand on est piéton, difficile du coup de ne pas assimiler ces véhicules – de plus en plus motorisés ; dans certains cas, on conjecture que les gens (dûment casqués, tout juste s’ils n’ont pas une lance ou un fusil) qui sont perchés dessus ne se risqueraient pas à pédaler de la sorte si ce n’était le cas – à des panzers, tels les 4x4 ou « pick-up » qu’on croise sur les routes. Des panzers light.

« Partagez la route!! » pensent-ils (sur des trottoirs…) en voyant les piétons à qui ils en refusent, précisément, le partage.
Moi qui suis distrait… Une que j’ai obligée à dévier de sa trajectoire m’a lancé, rageuse : « Il faut regarder à gauche et à droite ! »
Plaît-il ?
Des policiers, s’il y en a à proximité, n’interviendront pas. (Et tant mieux du reste.)
Plus le droit de rêvasser, de regarder une vitrine, un arbre, de discuter avec quelqu’un… DROITE ! GAUCHE !

Ces gens sont des anti-promeneurs (lors qu’ils se parent d’attributs écologistes et de « cool attitude »).

NB - Mont-de-Jeux, mai 2025, devant l’ancienne maison d’André Dhôtel

On pense avec nostalgie au regretté Benoît Duteurtre (dans En marche !, 2018, Folio, p. 110-111). Ça se passe en Rugénie ; une certaine Mélanie semble plus humaine que d’autres dans ce pays d’exemplaires adaptés – évidemment, c’est une emmerdeuse… :

« Mais une fois de plus, cet après-midi, elle comptait se distraire en s’attaquant à ses ennemis favoris.
Elle ne tarda pas, d’ailleurs, à repérer un spécimen, juché sur la selle de son vélo dans un équilibre approximatif. Penché sur un téléphone, il bavardait tout en agrippant son guidon pour déambuler tant bien que mal, au risque de renverser un passant. À cinquante mètres de distance, Mélanie effectua un rapide calcul avant d’amorcer le mouvement qui lui permettrait d’obstruer l’unique voie dégagée pour cet être malfaisant. (…) »

Il faut préciser que cette Mélanie est en fauteuil roulant…

Et cependant des « voies vertes » cyclables, aux confins du Dhôtelland, ne seraient pas pour me déplaire. Je ne suis pas un anti-vélo ; mais avec antivol du droit à la distraction, au rêve.

N'en déplaise à certains – Martinien sera d’accord avec moi je crois –, loin des uniformisations individualisées et des priorités conquérantes, les distraits sont des scientifiques

subtils

de l'égarement.

NB - Mont-de-Jeux, mai 2025, devant l’ancienne maison d’André Dhôtel

Mais quant à la vie écranisée (ce n’est certes pas l’endroit où dire cela) : on a l’impression que les gens font de plus en plus semblant de vivre.

Mais le texte du trottoir (peint par Roland Frankart) ? Il est tiré de La chronique fabuleuse (d’André Dhôtel évidemment), « Le champ », page 29 de l’édition du Mercure de France (préfacée par Jean-Claude Pirotte), qu’on se le dise… :

« Avant de nous promener sur les routes, Martinien, il faut nous envelopper d’éternel. On dit que c’est la chose la plus simple du monde.
Mais nous avons réservé notre enthousiasme pour le vent, l’amitié du jour, le bruit des volets qui s’ouvrent. À notre tour nous allons inventer la vie, prêts à déplorer nos erreurs et à pâtir, et cependant de retrouver toujours sur l’asphalte le reflet fidèle de l’immobilité des cieux. »


Nils Blanchard


Triche : étiquettes rajoutées du dernier article : Le Louvre, Rodolphe II.

lundi 9 juin 2025

Fantômes / nudité

Dans Voyage nu évoqué lors d’un précédant billet, plus ou moins aussi sur les fantômes, on pouvait voir dans un poème de François Squevin de « grandes nudités » comme comparées à de grandes marées.



J'y pensais pour plusieurs raisons.
D'abord, au chapitre des expositions manquées, il y a eu « Femmes Artistes de la Côte d’Opale », à Étaples-sur-Mer. C’était jusqu’en novembre 2024… Les éditions Invenit en ont édité un catalogue.
On y lit en quatrième de couverture :

« À la recherche de paysages et d’atmosphères vibrantes, capables d’inspirer et de nourrir leur peinture, de nombreuses artistes reconnues de leur temps ou au talent naissant, telles que Virginie Demont-Breton, Marie Duhem, Marie Cazin, Iso Rae, Catherine Hawdon ou encore Elizabeth Nourse, ont chacune à leur façon marqué de leur empreinte le paysage artistique de la Côte d’Opale.
(...) [Cet] ouvrage révèle tout le talent de ces femmes ayant joué un rôle prépondérant dans l’affirmation et la diffusion de l’art dans la société et ouvert parfois la voie vers la modernité des années 1920. »

Retour une nouvelle fois aux années vingt.
Une autre raison pour laquelle je songeais à l’auteur de Voyage nu, c’est que j’ai eu le plaisir de le revoir, ainsi que Dominique Tourte des éditions Invenit, lors de l’Assemblée générale, fin mai, de La Route inconnue.

Rolf Winqvist, Sculpteur et modèle - Capture d’écran


Et en marge de cette assemblée (une autre raison encore), j’ai présenté le dernier cahier en date de cette association des Amis d’André Dhôtel.
Je n’avais que quelques minutes ; pas vraiment le temps de développer… Or je venais de terminer (d’André Dhôtel) le formidable Plateau de Mazagran (1947), pour lire l’article de Jean-Yves Gillon (alias Yves Lepesqueur) dans ce dernier cahier, à lui consacré. Dans ce roman, étrangement concordant à son époque (on y parle de la guerre récente…), le mal est bien présent, se « révèle » surtout à la fin, une certaine forme de diable, même s’il a été dit (et pas par des buses) que Dhôtel esquivait la question du mal.
En lien au mal, on peut évoquer Adam et Eve, et la nudité ; ça a déjà été effleuré en ce blog ; le blog Alluvions (en lien de celui-ci…) a exploré aussi ce thème. Le péché – le mal originel – ; j’y pensais aussi car dans le même cahier n° 22 est publié un début de roman inachevé de Dhôtel mettant en scène sa relation, de jeunes militaires, avec Marcel Arland, relation – un peu mystérieuse ; il y a eu aussi un Cahier Dhôtel sur sa correspondance avec Arland, mais plus tardive… – à laquelle je ne peux m’empêcher d’adjoindre je ne sais quelle cassure initiale dans la vie d’écrivain d’André Dhôtel.

Henri B Goodwin, Carin, 1920 - Capture d’écran


Bon, mais Adam et Eve quittent nus le paradis. C’est que la nudité est comme l’apanage de l’au-delà de la civilisation. La civilisation est vêture, aussi légère soit-elle. La nudité est en dehors ; elle est fors la ville ; elle est de la forêt. Elle est aussi de ce qu’on ne contrôle pas et qui donc peut être colonisé par le mal – ou tout aussi bien par Dieu (le paradis…)
Jean-Yves Gillon l’évoque dans son article d’une manière assez bluffante, en repérant un lien avec le roman écrit après Le Plateau de Mazagran, à savoir Ce lieu déshérité (1949) (entre les deux a été publié David, écrit avant…) Je cite :

« On relèvera (…) que Dhôtel a employé, pour relier les deux livres, un procédé bien connu de la rhétorique sémitique. C’est l’usage de ce que les savants appellent termes médians, qu’on appellerait aussi bien, si l’on veut éviter tout jargon, crochets” ou “agraphes”. Le principe en est simple : lorsque deux textes sont liés, la fin du premier comporte un élément remarquable qui se trouve aussi au début du second. (…) Or, Dhôtel a bel et bien placé une telle agraphe. C’est l’image du nageur nu, très rare dans ses romans. Dans les dernières pages du Plateau de Mazagran (p. 257), Maxime et Gabriel entrevoient Jeanne qui nage nue dans l’Aisne. Au début de Ce lieu déshérité, Hélène regarde Sotiros et Iannis qui nagent nus dans la mer (p. 16). Deux jeunes hommes regardent nager une jeune fille nue ; une jeune fille regarde nager deux jeunes hommes nus : l’agraphe est renforcée par un chiasme. »

(La guerre, le mal – Cahier André Dhôtel n° 22, pages 139-140.) (Les Cahiers André Dhôtel sont disponibles auprès de l’Association La Route inconnue ; dont le lien apparaît sur ce blog, en haut, à droite de l’écran…)

Rolf Winqvist, Rêve de nu, années 1940 - Capture d’écran


Pour en revenir aux grandes nudités, grandes marées ; la nudité ne peut-elle être liée aussi aux animaux marins, à la mer plus généralement, qui est à la fois l’ailleurs et le danger ?

Mais on se contentera là de rivière. Dans le cahier évoqué plus haut, j’évoquai quant à moi L’Homme de la scierie (1950), je ne peux m’empêcher d’en citer l’incipit :

« Il y avait eu ces courses folles le long des quais de Nogent. On se baignait dans les roseaux. Garçons et filles étaient nus. Qui le savait ? »


Nils Blanchard


Ajout. J'ai reçu, des mêmes éditions Sous le Sceau du Tabellion qui ont réédité L’Homme de la scierie, qui ont fait paraître aussi le dernier recueil d’Héloïse Combes… leur nouvel opus : Poèmes de la forêt, de Saint-Pol-Roux.

Il y a en ce moment au Louvre une exposition sur Rodolphe II, dont il est beaucoup question dans Le Tableau de Savery (voir la page en lien de ce blog…) ; il s’agit de L’Expérience de la nature – Les arts à Prague à la cour de Rodolphe II, jusqu’au 30 juin.

Revue de revue de revues de…

Peut-être vais-je finir par devenir un homme de revues ; un « moitié fou » dit (je cite de mémoire, ça ne doit pas être exactement ça) Moran...