lundi 17 février 2025

Fantômes / retour et intime – et expositions manquées

Ce qui avait lancé cette série de billets sur les fantômes, aussi, c’était cette émission sur France culture, le 24 décembre dernier : « Avec philosophie » ; épisode 2/3 : Les spectres qui hantent nos nuits : qu’est-ce qui fait retour ? »



Introduction de l’émission (site internet) : « Les contes et les films d’horreur le répètent : les fantômes apparaissent souvent la nuit. Leur nom, lié à la phantasia (imagination), évoque une présence saisissante, parfois visible, comme le souligne le mot « spectre », enraciné dans l’idée de vision. Ces apparitions nous hantent, un verbe qui renvoie à "heim" (maison, en allemand) et rappelle que cette expérience se joue souvent dans l’intimité de son foyer. Freud y voyait une étrangeté au cœur du familier, une part cachée du "heim" révélée dans l’unheimlich (l’inquiétante étrangeté). » On en arrive à l’« hantologie » de Derrida ; on y reviendra peut-être.

La menace au cœur du refuge, l’étrange au cœur du connu, de l’intime. Les songes… On enfonce des portes ouvertes, bien sûr.
Mais tenez, même ce petit blog – on en est il est vrai au deux cent quarante-et-unième billet… Il y a été question des Le Sidaner, et entre autre du poète Jean-Marie Le Sidaner.
Or il était déjà là au détour de pages de François Squevin ! J.-M. Le Sidaner a écrit un bel avant-propos à Forêt du corps, suivi de Neige.

Selma Muzet-Herrström, Sans titre, d’une exposition (ratée par moi, celle-là aussi) en 2024 à Fontevraud…


Le rêve, domaine du corps, par opposition à la raison ? (Nous partageons bien le rêve avec les autres animaux… Mais ces autres animaux ont-ils eux aussi, parfois, au cœur d’un songe, une vague prescience qu’ils ne sont pas, précisément, dans le réel?)

Petit hasard, pour le coup, les spectres m’ont ramené aux thèmes plus… fondateurs de ce blog, de par un article du blog « Le Saute-Rhin », de Bernard Umbrecht (en lien indirect de celui-ci, via Alluvions), le 19 janvier dernier, dans un texte sur La Seconde épiphanie de Heiner Müller (Germania, 3).
Là, on lit : « La pièce commence un peu comme dans Hamlet de Shakespeare avec deux sentinelles sur les remparts, ici le Mur de Berlin (…) Les spectres sont à la fois intemporels et inscrits dans l’histoire. (…) Le réveil des morts compose un théâtre de l’effroi qui oppose à une histoire mythique, officielle, un travail contre l’amnésie, le déni, le refoulement que l’on peut qualifier de manichéen. Il déterre ce qui est enfoui, ranime ce qui a été censuré ou auto-censuré, ouvre à des oublis. Quelques mots suffisent parfois au rappel. Les spectres ne réécrivent pas l’histoire, au contraire, ils lui donne vie dans ce qu’elle a de plus pointu que l’on s’est efforcé de gommer. Ils nous mettent face à l’Unheimlich, mélange d’étrangeté et de familier, de frayeurs passées réprimées. »

Vincente Masip, Le Jugement dernier - Capture d’écran

La pièce commence par le viol d’une Allemande par un soldat russe. Animalité du corps, peut-être…
Mais je me disais – hasard, de cours donnés aussi – que la nudité, au Moyen Âge, ou à la Renaissance, dans les représentations du jugement dernier, était liée à l’enfer. Pas besoin de vêtements pour les personnages qui vont brûler dans les feux de l’enfer… (à peine quelques vagues cache-sexes sur cette représentation-ci).

Mais un autre recueil de François Squevin s’intitule Voyage nu (Herbes folles, Le dé bleu, 1986).

Tenez, pages 31 et 32 :

« J'ai repensé à la mort

Peut-être ne pouvait-elle tenir
dans le grand dépouillement de mon corps ?

Je revois ses paysages nus
où rien ne pouvait rester
pas même le regard »



« Découvrir nos grandes nudités
nos pentes silencieuses

les délivrer de toute solitude

Partir dans leur mouvance

J'ai bougé de grands corps dont les ventres
étaient encore chauds d’horizons

Les vents ont soif de nos silences »


Nils Blanchard


Triche. Je rajoute les étiquettes Jean Jaurès, folkhem du précédent billet.

mardi 11 février 2025

Tidö, perspectives – temps long - 4

Les accords de Tidö ont été prévus, travaillés (avec quelle pertinence, c’est une autre affaire) ; 63 pages de contrat gouvernemental. L’attelage Barnier – RN, en France, semble avoir été plus improvisation d’un instant ; instant de panique ou de mauvais conseils d’obscurs marquis ?

NB

Ce billet, comme son titre l’indique, fait suite à trois autres :

- Tidö, France - 1 (15 janvier 2025).

Et récemment, le 7 février dernier, a été publié un article complet (Marius Perrin, Fondation Jean Jaurès, février 2025 ; il ne semble cependant pas bien tenir compte des dernières évolutions en France, et notamment de l’expérience Barnier, lors qu’il compare la Suède et la France dans sa dernière parie…) faisant le tour de la question que pose en Suède et en Europe le gouvernement suédois (issu de ces accords de Tidö).

(Drôle, de hasard, je parlai au premier billet de cette série sur Tidö de « cris continuels » dans l’hémicycle, lors du discours de politique générale de F. Bayrou. C’était le 14 janvier. Or, le 21, Argoul  évoque sur son blog le chapitre XIII (et ultime) du Livre III des Essais. Citons : « Nos députés qui font les lois ne sont guère meilleurs que les législateurs d’Ancien régime : une bande de singes braillards peut-elle énoncer ce qui est juste à l’intérêt général ? L’invective et la posture peuvent-elle susciter l’intelligence ? En quoi Montaigne est toujours actuel… Qui ne dirait que les gloses augmentent les doutes et l’ignorance ? »)

Julius Kronberg, La sagesse - Capture d'écran


Bon, pour ce qui est des deux partis d’extrême droite, les Démocrates de Suède de Jimmie Åkesson et le Rassemblement national de Jordan Bardella, on est frappé par certains traits communs entre les deux meneurs actuels. Tous les deux ont pris très jeunes les rênes de leurs partis : J. Åkesson est devenu porte-parole du sien quelques jours avant d’avoir 26 ans (en 2005), J. Bardella, lui, est devenu président du R.N. le jour même de ses 26 ans (en septembre 2021) !
Le premier publie une autobiographie en 2013 (il a donc alors 34 ans) ; le deuxième en a publié une en 2024 à 29 ans…
Plus sérieux : d’anciens Waffen SS se retrouvent parmi les membres fondateurs des deux partis.

Dans les faits, force est de constater que, paradoxalement, l’expérience suédoise, plus durable, est plus extrême dans un certain néolibéralisme – baisses d’impôts, lors que Barnier prévoyait plutôt de les augmenter ; il est vrai dans des situations économiques différentes –, baisses des allocations au chômage… Et, dans ce néolibéralisme, la partie extrême de l’attelage a essayé de freiner. On connaît de vagues remugles « gilets-jaunistes » du Rassemblement national. Pour la Suède, Marius Perrin rappelle (pp. 4-6) que « Le parti de Jimmie Åkesson n’avait de cesse depuis le courant des années 2000 de se poser comme le nouveau parti des classes populaires, attaché au concept de Folkhem (Maison du peuple) développé dans les années 1930 par le Premier ministre socialiste Per Albin Hansson et fortement associé à l’État-providence. »
L'alliance suédoise est allée plus loin aussi que ne le prévoyait Barnier (si vraiment ces gens prévoyaient quelque chose) en France pour ce qui est de la restriction de l’immigration.
Marque de son orientation fondamentale (on a rappelé d’où venaient les gens de « SD » – les Démocrates de Suède) : le gouvernement Kristersson a essayé de mettre en place une obligation aux fonctionnaires de dénoncer des situations de personnes en situation irrégulière !

Julius Kronberg - Capture d’écran

En Suède comme en France, la politique environnementale est la grande perdante de ces expériences (et, en France, de ses suites ; Bayrou ayant cru bon de s’en prendre, pour complaire à la FNSEA, aux agents de l’Office Français de la Biodiversité). Le nucléaire – ce n’est certes pas là l’apanage de l’extrême droite – est relancé plus que jamais… (Oui, décidément, une partie de ces gens semble complètement oublier l’est du Monde : la guerre en Ukraine, mais aussi et là encore, Tchernobyl, ou ce qui se passa au Japon, à Fukushima, en 2011.)

Marius Perrin (article de la Fondation Jean Jaurès) évoque les perspectives des Démocrates de Suède. Ils semblent avoir pris ce qu’ils pouvaient de l’électorat (plutôt de classes populaires) autrefois dévolu aux Sociaux-Démocrates. Il leur reste donc à continuer de grignoter celui de la droite plus modérée, ce qui pourrait à terme fissurer l’entente des deux blocs… Là, à nouveau, on remarque d’étranges correspondances entre les situations française et suédoise.
Quant à la question des raisons de la durabilité de l’expérience suédoise au regard de la française, posée le 15 janvier dernier, on a vu que J. Åkesson était « porte-parole » de son mouvement politique ; et il le contrôle. J. Bardella, lui, est « président » du sien, mais on sait qu’il y a quelqu’un au-dessus. Ceci explique peut-être cela.


Nils Blanchard


Et puis... 

On ne va pas parler sans cesse ici de Donald Trump. Mais alors que ce dernier ressort des Accords de Paris, de l’OMS, conspue la Cour pénale internationale… on peut se rappeler qu’en août 1941, Churchill est allé rencontrer Roosevelt au large de Terre Neuve. S’est ensuivi la Charte de l’Atlantique, qui a posé les bases du système international des Nations Unies. C’est ce système qui est remis en cause, aujourd’hui, par les grandes puissances plus ou moins grignotées par les « oligarques » : Russie et Chine d’un côté… États-Unis donc de l’autre.
Cette charte de l’Atlantique fut signée dans ce qui était, dans ce qui est toujours, les eaux territoriales du Canada, qu’un Trump aujourd’hui voudrait « intégrer » à « son » pays.

W. Churchill, F. D. Roosevelt, 9 août 1941

Il est vrai que la Charte de l’Atlantique fut, dans les faits, vite mise à mal, dès l’entrevue de Londres entre les ministres des Affaires étrangères britannique et soviétique A. Eden et V. Molotov du 26 mai 1942, le premier ayant dû concéder au second « glacis de sécurité » à ses frontières stratégiques. « Glacis »… avant-goût de vocabulaire de guerre froide…
Mais c’était en pleine guerre. On se demande quelles raisons ont poussé les extrêmes français actuels à devenir poutinolâtres dès les années 2010, peut-être avant…


NB

vendredi 7 février 2025

J’attends l’été

« J'attends l’été… » C’est une chanson que j’avais commencé de composer autrefois, i ett annat liv, comme dirait l’autre.
Le titre me reste, comme un refrain sans couplet. Comme un récif de je ne sais quelle mémoire.

August Hagborg - Capture d'écran

Diverses choses, plus ou moins anciennes, y font écho.
Il y a dix mois, article d’Einar Jakobsson dans son blog Rapsodi (en lien indirect de celui-ci ; il faut passer par « Nordic Voices in Translation » et, de là, Bernur...) Le titre : « Den gamles längtan efter sommaren » / La nostalgie de l’été, dans la vieillesse ». C’est le titre d’un poème de Hugo von Hofmannstahl (dans un recueil traduit en suédois par Axel Heglund en 2024).
Einar Jakobsson commente:

« [Det] får en att känna hur lätt och fartfyllt man med poetens hjälp lämnar hyligt marsväder och försvinner in i en annan årstid, en annan tillvaro med sommarns fägring i skarp kontrast till nuet "här i huset". »

« [Ça] vous fait sentir comment avec simplicité, rapidité, aidé par le poète, on peut quitter la froideur du temps de mars pour disparaître dans une autre saison, une autre existence, avec le contraste de la splendeur de l'été face au présent, "ici à l'intérieur". »   


August Hagborg - Capture d'écran


Fin du poème : 

« Ack, var är juli, var är sommarnejden! » / « Allez… Où est juillet ? Où sont les nuits d’été ? »

Puis Einar Jakosson à nouveau : « Jag säger inte att detta är samlingens bästa dikt, men den passade mig i tid och rum och stämningsläge. » (« Je ne dis pas qu’il s’agit là du meilleur poème du recueil, mais ça m’a bien été à ce moment, ce lieu ; en cette ambiance. »)

Mais on peut aussi ne pas rester à l’intérieur. Kristin Lagerqvist, autre blogueuse, là il y a un peu plus d’un an (sur Krickelins, le 1er janvier 2024) ; elle demande ce qu’on pourrait souhaiter en ce premier jour de l’année (celle-ci, une autre, peu importe…) :

« En hel natt sömn? » / « Une vraie nuit de sommeil ? »

Eh…
Elle pense aussi à un peignoir de bain, bien isolant.
Ne pas rester à l’intérieur… Se baigner en hiver dans les eaux du Kattegatt ?

« Det blåste ostlig iskall vind och regnet låg i luften. Det var runt fyra grader men den höga luftfuktigheten gör alltid att det känns som minus tjugo tyvärr…
(...) Jag drog på mig mina badskor och gick naken ner för bryggan med endast blå toppluva på huvudet. Därefter sänkte jag ner kroppen i mörka Kattegatt och räknade sakta till tjugofem. Det räckte gott och väl denna dag där väderförutsättningarna var i tristaste laget. »

« Il y avait le vent d’est glacé et de la pluie dans l’air. Environ quatre degrés, mais le taux d’humidité, malheureusement, donne l’impression qu’on est à moins vingt…
(...) J'ai mis des chaussures de bain et suis descendue nue au pont avec seulement un bonnet bleu. Puis j’ai plongé mon corps dans le sombre Kattegatt et j’ai compté jusqu’à vingt-cinq. Ça suffisait bien pour ce jour-là, avec de telles conditions météorologiques. »


August Hagborg - Capture d'écran


Nils Blanchard


Triche. Je rajoute ici les étiquettes que je n’ai pu adjoindre à celles du dernier billet : Manuel Valls, Donald Trump.

dimanche 2 février 2025

Tidö, France – Liens et dissemblances - 3

Retour sur ces gouvernements mâtinés d’extrême droite, en Suède et en France ; Ulf Kristersson versus Michel Barnier.
Le sujet, ici, est à mon sens assez désagréable (mais, une fois n’est pas forcément coutume, soulève des questions on peut plus d’actualité)

NB - Janvier 2025


Mais il est bien d’autres époques, thèmes, sur lesquels on pourrait apposer cette comparaison entre des passages étrangement parallèles de la Suède et de la France. (Serait-il par exemple si abracadabrantesque que de comparer – comparer, simplement… – les situations de la Suède et de la France pendant la Seconde Guerre mondiale : divers soutiens à la Finlande, situations face à la phase victorieuse de l’Allemagne nazie…) Ceci entre parenthèses donc.

Au fond, les constitutions des deux pays ne sont pas si dissemblables ; plus exactement, elles fonctionnent (et c’est du reste logique, ce sont des démocraties) de manière comparable face à l’éparpillement des partis (avec le surgissement des extrêmes gauche et droite à des niveaux concurrençant les « partis de gouvernement »). Un chef de gouvernement nommé (par le talman du Riksdag en Suède, par le président de la République en France) est bloqué devant le parlement s’il ne parvient pas à s’en faire reconnaître (en France, après 49-3 et censure).
Dans les deux cas (hors période de soutien de l’extrême droite), on peut voir, comme sous les troisième et quatrième républiques, d’anciens chefs du gouvernement redevenir simples ministres : Carl Bildt sous Fredrik Reinfeldt, Manuel Valls et Elisabeth Borne sous Bayrou...

Julius Kronberg, Abondance - Capture d'écran 

(Ne peut-on voir en cette image la démocratie dispensant ses bienfaits aux extrêmes, comme à la fin d’un repas où tout le monde s’égare?)

Pour ce qui est des ressemblances, dans les deux cas (Kristersson et Barnier), les gouvernements ont été nommés lors que la gauche avait « gagné » les élections, comprenez qu’elle était arrivée en tête en sièges ou en voix. Cela, très nettement en Suède (30,33 % des voix aux sociaux-démocrates, près de 10 % de plus que l’extrême droite arrivée deuxième), moins en France (Nouveau Front populaire : 26,63 % des voix au second tour et 190 sièges) mais l’extrême droite est en tête en pourcentage (37,10 % mais « que » 143 sièges). (En l’occurrence, ironiquement, la gauche française qui réclame la proportionnelle a été favorisée par le scrutin majoritaire ; itou le centre…)
Et les leaders des deux gouvernements, issus de partis conservateurs de gouvernement, représentaient tous deux des partis en déroute électorale.

Dans les deux pays, les gouvernements mâtinés d’extrême droite (Kristersson et Barnier) sont arrivés après des crises institutionnelles relativement inédites. En Suède, le talman (président du Parlement) Andreas Norlén (par ailleurs compilateur de poésie) a eu du mal à trouver une solution viable pour gouverner la Suède. En France, l’abracadabrantesque dissolution de l’Assemblée nationale n’a pas arrangé l’état de désordre dans lequel se trouve cette assemblée.
Ces crises institutionnelles : liées au déséquilibre engendré par la montée de pôles nouveaux (à ce niveau de voix ; en l’occurrence les extrême droites notamment) rendant impossibles les majorités sur les modèles passés.

Il est à noter que dans les deux pays, les dernières majorités de gauche (celles de Magdalena Andersson en Suède, de François Hollande en France), avaient été affaiblies (celle de F. Hollande beaucoup plus que la suédoise il est vrai) par des défections de leurs ailes gauches (les « frondeurs »…)

Julius Kronberg - Capture d'écran


(Là, ne peut-on voir à la place de ces muses les trois mouvances ordinaires de gouvernement – gauche, centre et droite – observant avec une certaine légèreté d’autres courants d’opinions les rejoignant dans le grand bain?)

En l’occurrence, pour ce qui est des dissemblances entre les situations française et suédoise en 2024, on peut noter que l’extrême gauche (ou une partie d’icelle), en Suède, ne flirte pas à ma connaissance avec l’antisémitisme.

Je suis obligé d’écrire : à suivre…


Nils Blanchard


Et puis : - Sur Trump : Reed Brody, entendu peu après l’élection du président américain sur France info, de remarquer que c’est Trump qui a fait la division entre démocrates et républicains notamment… alors même qu’il disait dans son second discours passablement improvisé au Capitole que c’était dommage qu’il y ait ces divisions !

- Reed Brody de prévoir un second mandat beaucoup plus problématique que le premier, car lors du premier, Trump n’était pas préparé, avait des gens légalistes dans son équipe… Là, il a des gens prêts à lui obéir au doigt et à l’œil.
Et de ça aussi on reparlera.

mercredi 29 janvier 2025

Fantômes / Premiers jours de janvier

Au fond les fantômes, spectres, ne sont pas très loin des anges. Messagers, que l’on croit faire sens au milieu de choses qui reflètent au fond un certain chaos ?

NB - janvier 2025

Promenade au hasard dans l’un des premiers jours de l’année désert, rues d’Angers, autour de l’Université catholique, de mes anciens collèges. Itinéraires du passé, sans grand changement, si ce n’est l’université en question, où je pris quelques cours de japonais autrefois, accumule les nouveaux bâtiments.
Précisément, tout semble comme en suspens.

NB - janvier 2025

Lumière angevine dans une rue dont je ne sais plus le nom. Croisé des jeunes femmes – réelles, pas celle de l’affiche – transportant on ne sait quel barda. Il doit y avoir quelque centre d’accueil, quelque part au milieu des maisons bourgeoises.
Par là, un fronton, un haut de porte ? – comment appelle-t-on cela ? – que je n’avais jamais remarqué, peut-être ajouté plus récemment… « Plus récemment », qu’est-ce que cela veut dire ? Quelques années ? Quelques décennies ? Le temps semble autre.

NB - janvier 2025

Que représente cette scène, du reste ? Un viol ? Une scène de ménage ?
Plus loin, on entre dans la rue Bressigny ; un bar-club, déjà fermé, que je n’avais jamais remarqué ; il n’a pas dû faire long feu.

NB - janvier 2025

On bifurque vers le petit parc d’Ollone, anciennement attaché aux Beaux-Arts. Restaurant associatif africain. Lui non plus, je ne l’avais pas remarqué auparavant.

NB - janvier 2025


NB - janvier 2025


Puis d’anciens remparts affleurent.
Époques qui se mêlent. La mienne ? Ai-je eu vraiment une époque ici ? Je me souviens d’une fille dénudée à l’arrière d’une voiture.
Fantôme ; moi-même ?

En cette ville…

Gunnar Ekelöf (Non serviam) : « Jag är en främling i detta land
men detta land är ingen främling i mig!
Jag är inte hemma i detta land
men detta land beter sig som hemma i mig! »

« Je suis un étranger en ce pays
mais lui, lui ne l'est pas en moi !
Je ne suis pas chez moi en ce pays
or il se comporte comme chez lui en moi ! »

Alors Ingrid Bergman, bien sûr, dans un film de son homonyme. Edith Södergran
Villon !

NB - janvier 2025


On arrive, vers la rue de Brissac, devant une maison dotée d’une horloge sans aiguilles ; voyez-vous ça. Bergman encore, Les fraises sauvages.

Différents âges, différents temps, différents pays… Que veulent dire les fantômes ?


Nils Blanchard


P.-S.: – Après l’épisode de Notre-Dame payante, nos édiles qui confondent culture et tiroir caisse voudraient rendre le Louvre plus cher pour les étrangers (hors U.E.).
C'est oublier que les œuvres du Louvre ne sont pas seulement une attraction nationale, mais qu’elles sont proprement universelles (elles viennent d’Egypte, d’Angleterre, d’Italie, de France…) Que la culture est échange, partage, ouverture au monde, et pas seulement pin-code…
(Du reste, ne pourrait-on ici reprendre la citation d’Ekelöf?)
Puis que « verra » l’« étranger » que l’on plumera, en allant au Louvre ? À peine un cent millième des œuvres qui y sont présentes.
Ne vaudrait-il pas mieux réduire un peu l’« offre » – pour reprendre leur vocabulaire – et distribuer davantage d’œuvres de ce trésor inter.national (vous ne me verrez pas souvent utiliser l’écriture « inclusive »… profitez-en!) aux musées provinciaux ? Par là-même, dévier un peu de ce « flux » touristique (ils voudraient douze millions de visiteurs par an!) dans d’autres villes de notre pays ?


– Puisqu’il est question de fantômes, et d’expositions, même de femme nue, dans cette série de billets, il en est une (exposition) qui est bien alléchante, à Liège !

vendredi 24 janvier 2025

Tidö, France (mais aussi États-Unis) - 2

Comme promis, retour sur les étranges expériences de gouvernements soutenus par l’extrême droite, sans que celle-ci daigne avoir de ministres, en Suède et en France.

Farliga förbindelser, Natur & kultur, à paraître en mai 2025 (traduction de Jan Henrik Swahn)


En Suède, le gouvernement d’Ulf Kristersson est au pouvoir depuis le 18 octobre 2022.
On ne va pas faire ici un historique complet des entrelacements politiques qui ont conduit à ce gouvernement. Notons simplement que cette coalition de droite et extrême droite de Tidö fait suite aux résultats des élections législatives du 11 septembre 2022. Les sociaux démocrates (sortants, d’un gouvernement de coalition fragile) sont arrivés largement en tête avec 30,33 % (et 107 sièges). Les trois partis de droite et centre-droite (qui s’étaient déjà entendus par le passé pour gouverner), avec 19,10 % (68 sièges modérés, de Kristersson), 5,34 % (19 sièges chrétiens-démocrates) et 4,61 % (16 sièges libéraux) avaient donc moins de voix, à eux trois, que les sociaux-démocrates.
Mais Ulf Kristersson, qui avait déjà essayé, sans succès, de former un gouvernement quatre ans plus tôt, avait décidé de rompre le « cordon sanitaire » autour de l’extrême droite (« Démocrates de Suède » – ceux-là, à 20,54 % et 73 sièges) pour prendre le pouvoir (le nombre total de sièges étant de 349).
Donc, le 14 octobre, les accords de Tidö sont annoncés, accords de gouvernement incluant les Démocrates de Suède aux décisions programmatiques sans que ceux-ci participent au gouvernement. (Tous les membres des trois partis lestés de l’extrême droite n’ont pas accepté la chose ; le gouvernement de Kristersson a été investi par le Parlement (Riksdag) avec 176 voix contre 173…)

(Cette manière d’inclure l’extrême droite aux décisions sans qu’elle participe au gouvernement peut rappeler, peut-être, la posture entre deux chaises de la Suède pendant la Seconde Guerre mondiale.)

Ces accords sont censés être remis en cause tous les ans ; ceci étant, les Démocrates de Suède du parlement apportent donc leur soutien, décisif, aux décisions du gouvernement au Parlement.

Les représentants des 4 partis de Tidö; Wikipedia


Un article de Wikipedia sur ces accords note qu’ils sont divisés en 7 parties (croissance et économie, criminalité, migrations et intégration, climat et énergie, santé publique, éducation, démocratie et culture). Bon, on s’amusera peut-être à voir cela plus en détail ; ce n’est pas le propos du moment. Disons pour résumer, et faire écho à la vulgarité des temps, qu’on a là une forme de trumpisme (très?) light (parler de « trumpisme » est un peu rapide ; Tidö reste implanté dans une tradition nord-européenne, très difficilement comparable à l’orage imprévisible trumpien (on y garde un souci du droit des femmes, le respect des accords de Paris sur le climat… on n’y attaque pas les minorités de genre – y pense-t-on seulement ? –…)

Ce gouvernement a toujours cours aujourd’hui ; les prochaines élections devraient avoir lieu en 2026.

D'après Marguerite Gérard, illustration des Liaisons dangereuses, édition de 1796

En France, le malheureux (et très habile négociateur, nous a-t-on répété) Michel Barnier a été premier ministre avec l’accord tacite (il n’y a pas eu d’après ce qu’on sait de compromis, de contrat officiel) de Mme Le Pen. Cela a duré du 5 septembre au 13 décembre 2024, peu de temps donc vu que Mme Le Pen a soudainement baissé le pouce. Cela me fait un peu penser à cette fable, que je trouve très politique : Le scorpion et la grenouille. Elle a des origines lointaines, diverses sans doute, mais dans sa forme scorpion-grenouille, elle viendrait (Wikipedia encore) du romancier russe Lev Nitoburg (assassiné en 1937 pour activité "contre-révolutionnaire"…) Ah, et elle apparaîtrait dans le roman Le quartier allemand, de 1933.
(Le « C’est dans ma nature » du scorpion peut faire penser au « Ce n’est pas ma faute » de Valmont, dans Les liaisons dangereuses, bien que ce dernier me semble autrement moins antipathique.)

Dans un cas, un gouvernement est au pouvoir depuis plus de deux ans ; dans un autre il a tenu un peu plus de trois mois.

La suite, à un prochain billet... 


Nils Blanchard


Et puis… – Mort de Bertrand Blier, peu après celle de David Lynch. Pourrait-on sortir aujourd’hui un film comme Les valseuses ?


Triche… J’ajoute l’étiquette « Alluvions », du précédent billet.


dimanche 19 janvier 2025

Fantômes, Le Sidaner

Problèmes d’yeux, aussi, qui expliquent peut-être une certaine frilosité, et toutes ces expositions que j’ai manquées. Nouvelle visite, du reste, au « NHC » (nouvel hôpital civil, à Strasbourg), où j’ai dit bonjour en passant au copain du garçon au poisson de ce blog.

NB - Strasbourg

Erratum, néanmoins, j’ai vu que l’exposition sur l’archéologie des camps, au Laténium, en Suisse, était prolongée jusqu’au printemps.




Bon, mais il était question dans cet article du 8 janvier du peintre Henri Le Sidaner, et du nom, que l’on retrouve ; il y a ainsi le poète Jean-Marie Le Sidaner. Lui a d’abord été professeur de philosophie dans les Ardennes (à l’instar d’un Emmanuel Peillet, dont il a été question en ce blog, dans certaines de mes recherches…) Il est l’auteur de L’effet de neige, Leçons d’apocalypse, La Mort…

Puis il y a un écrivain, romancier, biographe… Louis Le Sidaner.
On ne trouve nulle notice Wikipedia ou autre sur internet à son propos. Par contre, des livres peuvent être achetés à des libraires et sites de vente. Je ne l’ai pas encore fait ; j’en reparlerai donc… peut-être.
Mais puisqu’il était question de fantômes, on peut mentionner le début d’un de ses romans, Le commencement de la fin :

« Je suis mort hier soir, à vingt-trois heures quinze. [La mort, décidément.]
La chose s’est produite très rapidement. Je rentrais chez moi et, après avoir sonné, attendais que mon concierge tirât le cordon, lorsque, tout à coup, j’ai senti qu’une masse dure me frappait le crâne, violemment. »

On verra si on trouve le livre pour en parler plus avant…



De Jean-Marie Le Sidaner, on trouve trois poèmes sur le site « Wikipoèmes ».
Par exemple, Métamorphoses :

« Un jeune homme un matin se réveille dans le corps d'un vieillard. A l'inverse, une vieille femme se découvre adolescente dans son miroir et sort de l'hospice sous les regards d'enfants qui viennent à peine d'acquérir le corps robuste d'hommes mûrs.

L'esprit s'habitue mal. L'amoureux d'hier, vieilli, implore son amante redevenue gamine, tandis que la vieille femme métamorphosée en jeune fille juge ses efforts et ses émois sans avenir.

Un fait demeure : le trépas. Au moins personne n'ose plus formuler ces commentaires : « Il était trop jeune pour mourir », ou : « Il a fait son temps. » »

Retour à Louis Le Sidaner ; Paul Léautaud lui écrit le 7 janvier 1948, il n’y a après tout que soixante-dix-sept ans – et c’était aux temps où il fréquentait les déjeuners de Florence Gould (Correspondance 2, J’ai lu, p. 1135) :

« Vous êtes toujours charmant pour mes petits travaux (…)
Je pense que vous devez être le fils du peintre Le Sidaner, de qui j’ai vu souvent des œuvres, dans ma jeunesse, quand je visitais des expositions de peintures, ou des galeries de marchands de tableaux. »

Voilà qui me fait un point commun avec Paul Léautaud. Dans ma jeunesse…
Et, oui, c’était sans doute le fils du peintre ; on a ce portrait (d’Henri Le Sidaner).

Henri Le Sidaner, Portrait de Louis Le Sidaner, enfant - Capture d'écran


Pour ce qui est d’Henri Le Sidaner, son jardin se visite à Gerberoy. Il y a là un autre enfant goûtant les créatures maritimes, un dauphin cette fois, réplique de Verrocchio.

Andrea Verrocchio, L'enfant au dauphin - Wikipedia


Nils Blanchard


Aussi : mort de David Lynch. Dans le blog « Alluvions » (en lien de celui-ci, etc.), Patrick Bléron a titré son article « Les fantômes de la mélancolie et du rêve ».
Et de noter (proprement en note…), que David Lynch avait « 78 ans, autrement dit le même âge que Donald Trump. (… ) L’un disparaît alors même que l’autre s’apprête à être investi dans la fonction présidentielle. »

Fantômes / retour et intime – et expositions manquées

Ce qui avait lancé cette série de billets sur les fantômes, aussi, c’était cette émission sur France culture, le 24 décembre dernier : « Ave...