vendredi 29 juillet 2022

Göte Brunberg, Diplomatie, Houellebecq, monde nordique et… Camille Claus

 Avant-propos


J’ai appris la mort de Göte Brunberg (via les sites esto-suédois en lien de ce blog).


Capture d’écran sur le site de la Svenska Odlingens Vänner (SOV)



À l’instar de Maurice Carrez que j’évoque plus bas, Göte Brunberg a écrit un 

long et détaillé sur Elmar Krusman, pour la revue Rickul/Nuckö 

Hembygdsförenings Medlemsblad.

Aussi, et surtout, mine de renseignements sur la culture esto-suédoise dont il 

était originaire, il partageait avec enthousiasme ses connaissances (à la

demande, et dans de nombreux articles).


Je n’ai pas eu la chance de le rencontrer, mais je lui dois des informations qui 

ont été déterminantes pour l’écriture de mon livre, sans compter différentes

personnes avec qui je suis entré en relation grâce à lui.

Jag beklagar sorgen.


                                                       *

                                                      * *


À plusieurs reprises, ces derniers temps, la Suède a pris à rebrousse-poil 

les opinions à l’emporte pièce, a priori, que l’on pouvait se faire sur elle.



Image du générique de « Tjockare än vatten », capture d’écran



Une de ces idées reçues (ou envoyées), assez originale, d’ailleurs, est émise 

par Michel Houellebecq, plus exactement son propre personnage, qu’il

interprète lui-même, dans deux films de Guilaume Nicloux.

Guillaume Nicloux est un réalisateur que j’affectionne, pour plusieurs raisons,

dont la moindre n’est pas de faire part de son admiration pour l’écrivain André

Dhôtel.

Mais c’est aussi l’auteur de beaux films comme Valley of love, Le Concile de

pierre, l’énigmatique et forestier The end…

Dans sa filmographie, deux opus un peu particuliers (un téléfilm et sa suite en 

film sortie salle) : L’enlèvement de Michel Houellebecq et Thalasso.



À la fin du premier, et ce dialogue est repris au début du second…

Houellebecq assène que la Suède est l’inverse d’une démocratie (je cite de

mémoire…)

À en croire Thomas Nydahl sur son blog, la Suède filerait en effet un 

bien mauvais coton.

Mais, cependant…


Sur le plan diplomatique, il me semble que la fin annoncée de la neutralité du

royaume et les concessions annoncées à la Turquie, ne sont guère

réjouissantes.

Reste à savoir quel est l’autre choix.


C’est à suivre : la diplomatie suédoise et Houellebecq (et la réception 

suédoise d’icelui…)




Bon. Mais je suis tombé récemment sur un article sur Elmar Krusman, qui m’a 

fait bien plaisir car s’il montre une lecture enthousiaste du livre, c’est sans

concession à quelques manques. Je veux parler du compte-rendu de lecture,

dans le dernier numéro (42, printemps 2022, Écritures autobiographiques

dans les littératures des pays nordiques, 1960-2020) de Nordiques, de 

Maurice Carrez. (Un grand merci à lui – et à la revue en général.)


J’ai ajouté un lien, ce qui aurait dû être fait depuis longtemps, vers le site de 

cette publication.


Et dans ce dernier numéro est beaucoup évoquée la littérature suédophone

finlandaise ; on y reviendra, on y reviendra…


Nils Blanchard



P.-S. Le blog Alluvions (en lien à celui-ci), s’intéresse depuis quelques jours 

aux échelles et autres escales, de Jacob entre autres. (Ce, qui plus est, après

être passé par le Gévaudan, où j’étais moi-même il y a peu.)

Ça m’a rappelé le tableau de Camille Claus, à l’exposition de ce printemps à

Drusenheim (Bas-Rhin) : Combat de Jacob avec l’ange (de 1957).



NB - Camille Claus, Combat de Jacob avec l’ange, 1957, musée de Drusenheim, printemps 2022


Sur la toile, j’en ai trouvé un autre, même titre, mais de 1954.



Camille Claus, Combat de Jacob avec l’ange, 1954, capture d’écran



Et allez, c’est cadeau :



NB - Camille Claus, musée de Drusenheim, printemps 2022




lundi 25 juillet 2022

Églises, Lozère, Marie-Madeleine…

 Des chapelles il y a peu, on passe à une église, celle en l’occurrence de Luc, en Lozère.

NB-Église de Luc

À l’intérieur, hommes (en haut), femmes (en bas), étaient autrefois séparés.

Mais pas question de genre cette fois. Non, je pensais à l’écrivain Jules Roy,

sa fascination pour Marie-Madeleine.

Quand on y regarde bien, la période qu’il passe comme bombardier dans la

RAF pendant la Seconde Guerre mondiale (du 9 septembre 1944 au 15 mars 

1945, il est capitaine et chef d’équipage au camp d’Elvington, dans le

Yorkshire) correspond à peu près exactement à celle pendant laquelle Elmar

Krusman a été inscrit aux KL Stutthof et Natzweiler (2 septembre 1944 à sa

mort le 13 mars 1945).




À Luc, on retrouve Marie-Madeleine (sur un calvaire assez atypique dans cette

région parsemée de vieilles croix de pierre – ou de métal à partir du XIXe

siècle –, ou de vierges aux façades de bâtisses). La Lozère, les Cévennes : 

région de camisards, mais c’est encore une autre histoire.


Qui, en Estonie – pays réputé l’un des moins religieux du monde –, s’intéresse 

à Marie-Madeleine, sœur des déshérités, des vilains petits canards, des

amoureux inconditionnels ? De Paul Léautaud, peut-être, aussi ? (« Quand 

nous foutra-t-on la paix, Grands Dieux ! » – cf. précédent billet, et un prochain

aussi…)


NB-Crucifix à Luc


Dans Trait d’Union, un bulletin paroissial (Langogne) qu’on trouve dans 

certaines églises (souvent romanes et magnifiques) de la région, il y a un

texte de Louis Fraisse, prêtre associé à la paroisse. Titre : « Qui est mon

prochain ? » La question n’a-t-elle pas quelque chose de contradictoire pour 

un chrétien ?

Mais l’auteur précise ainsi sa question : « Mais qui est mon prochain ? Où 

s’arrête l’amour du prochain ? Peut-on aimer Hitler, Poutine ou l’auteur d’un

attentat qui a fait des centaines de morts ? »

Plus que l’aporie théologique, métaphysique de cette question, je retiens là la

promiscuité d’Hitler et de Poutine…

On reparlera des bulletins paroissiaux de Langogne.


NB - Lozère


Au moment où je songeais à ce petit billet, on devine peut-être que je revenais

d’une marche de 10 jours, en très bonne compagnie, et coupé des nouvelles

de ce monde.

La radio m’y a replongé. « Quand nous foutra-t-on la paix, Grands Dieux ! »

Je ne m’en lasse pas…


Et, par curiosité, je regarde un récent bulletin paroissial de Langogne (17

juillet), que l’on peut consulter en ligne. Je tombe sur un article sur… Marie-

Madeleine (page 3)… Paroisse de langogne

(À l'heure où je mets en forme ce billet, on trouve le Trait d'Union suivant, d'hier,

donc...) 



Nils Blanchard



lundi 18 juillet 2022

Réflexions sur l’identité, la nation...

 Pendant « le » confinement, j’ai pris l’habitude de parler de mes promenades « chien » et « chat ». La promenade-chien consistait, le matin, à faire la revue de différents blogs, sites de journaux. La promenade-chat, simplement à rendre visite à divers chats de la ville, dans un rayon d’un km…



Or dans une de mes dernières promenades-chien (dont l’habitude m’est à 

peu près restée), je suis tombé sur ces deux images (je ne saurais plus dire

de quels sites elles viennent).


Et il se trouve qu’au cours du colloque du 10 juin dernier (au collège doctoral

européen à Strasbourg, sur l’« identité nationale au sein d’une Europe 

multiculturelle), il fut à un moment question de Metternich, s’opposant à

l’unification de l’Italie par détestation de l’idée d’État-nation. L’idéal était 

plutôt pour lui (Metternich) le multi ou pluriculturalisme de l’ensemble que

formait l’Autriche-Hongrie.


                               Autriche – Hongrie, dans l’atlas Hachette de 1906


Si l’on considère un instant que l’Allemagne nazie ait pu constituer un État-

nation, ce qui serait à discuter (ou pire, qu’elle en eût constitué une forme

aboutie… vers quoi tout État-nation dût tendre… cela, non, je n’adhère pas à

cette idée), la comparaison des deux images – un raccourci, certes – donne

un très grand bon point à Metternich !


Bon, mais où voulais-je en venir, avec ceci ? Au fait, simplement, que je

commence à trouver insupportable un certain néo-puritanisme qui a cours

actuellement de plus en plus en France même. Regardez un peu plus en

détail les images que s’apprêtent à brûler ces jeunes (mais inquiétants) 

crétins, sur la deuxième image…


Mais ce qui pouvait exercer une certaine séduction dans l’Autriche-Hongrie 

(je parle de son organisation politique), n’était-ce pas une certaine forme

d’anarchie, ou en tout cas une grande liberté laissée aux différentes nations 

qui la formaient ? Je ne suis pas sûr que l’Europe actuelle, où s’accumulent

les normes, aille dans ce sens historique.


NB - Europe, décembre 1944


            Je repense à Elmar Krusman. Une des questions qui est apparue assez vite,
            puis qui est restée, quand j’ai travaillé à mon livre, est la suivante : 
            pourquoi / comment la nationalité suédoise était-elle apparue à côté de son nom 
            sur certaines listes de transports de camps. Au-delà même de savoir quelle était 
            réellement sa nationalité, en 1944 – ce n’est pas si évident : estonienne (mais 
            l’Estonie était occupée par l’Union soviétique), soviétique, suédoise, alors ? –

             Au-delà : a-t-il voulu qu’on le considérât comme Suédois ? Mais en ce cas, 
             pourquoi : parce qu’il pensait, s’il survivait, rejoindre sa famille qui, il le savait, 
             avait migré en Suède (c’est ce qui me semble le plus probable), parce qu’il 
             pensait que la nationalité suédoise pouvait le protéger ? Est-ce, malgré 
             l’accusation de communisme qui pesait sur lui, parce qu’il ne voulait pas qu’on 
             le notât comme soviétique (russe, pour les nazis), ce qui aurait pu l’amener, 
             en cas de survie, à être reconduit en URSS, en Estonie ?
             Aura-t-on un jour la réponse ?  

J’y pense, soudain : il était né en 1921. C’est l’année de la reconnaissance 

de l’indépendance de l’Estonie par l’Union soviétique.


Nils Blanchard



P.-S. Pour ce qui est du néo-puritanisme, j’ai bien aimé cette affiche qu’il y

avait – je suis tombé dessus bien par hasard – à l’Institut Suédois la dernière

fois que j’y suis allé.




Je ne pouvais malheureusement reporter un train, sinon, j’aurais été voir. En 

plus, j’ai vu ensuite qu’il y aurait à cette « nuit remue », entre autres, Pascal

Gibourg, qui a écrit un des textes les plus intéressants que j’aie lu ces 

dernières années sur André Dhôtel. (Et permettez-moi de dire qu’il y a de la

concurrence!)



lundi 11 juillet 2022

Du pacifisme, et des chapelles, aussi

 Nous voilà déjà au temps où, dans la région où j’ai passé mon enfance, se tient comme chaque année le parcours proposé par Art et chapelles en Anjou Or j’ai reçu une lettre récemment, d’une amie de La Route inconnue, de l’autre côté de la France, des Ardennes. Il y est question aussi de chapelles.


Chapelle allemande de 1917, Falaise (Ardennes)

Pendant l’été, les articles de ce blog seront un peu moins nombreux

qu’à l’habitude, parce que je serai en vacances (les seuls moments 

de l’année où un professeur, qui plus est mal noté, peut travailler un

peu sérieusement). Et on pourra s’autoriser quelque liberté par 

rapport aux thèmes habituels de ce blog. Ou… Vraiment ?

Dès le premier article, on a parlé de paix, et de chapelles abandonnées.

On s’est pas mal interrogé – et l’on continue – sur la politique de

neutralité de la Suède.

Neutralité n’est pas pacifisme.


Dans le Göteborgs Posten, le 20 mars dernier, j’ai retenu le texte de

Jonas Eek (un prêtre, je crois) : « Varje kyrka är ett skyddsrum » – 

« Toute église est un lieu protégé ». Il y est question bien sûr de la 

guerre en Ukraine, de lutte entre bien et mal sur quoi je pourrais 

revenir pour d’autres raisons… Et on lit ceci :


« Varje dag nås vi nu av bilder från krigets Ukraina. Vi blir åter 

medvetna om krigets vansinne. Men det finns också andra bilder; 

en som fastnat hos mig är kyrkan som ett skyddsrum. »


« Chaque jour viennent à nous des images de la guerre en Ukraine. On 

reprend conscience de la folie de la guerre. Mais il y a aussi d’autres 

images ; une, gravée en moi, celle d’une église comme un lieu 

protégé. »


En l’occurrence, sur la carte, la chapelle allemande a dû être construite

non vraiment comme un abri, mais comme un hommage aux soldats 

allemands tués au front.


Les pacifistes, eux, sont souvent peu férus d’hommages.

Un Paul Léautaud connaissait mieux les sépultures de ses chats dans

son jardin que les monuments à la gloire des soldats morts au front.


Paul Léautaud et ses chats


Jugez plutôt ; il écrit à André Billy, le 23 novembre 1914

(Correspondance, Flammarion, 10/18, 1972, pages 443-444) :


« J’ai su, comme vous, la mort d’Alain-Fournier en même temps que

celle de bien d’autres, dont le nom m’était connu, sinon la personne. 

J’ai fort bien connu Fournier. Je le voyais souvent au Mercure (…) Du

moins, Fournier, lui, y était parti [à la guerre], si j’en juge par une 

lettre qu’il écrivit alors à Péguy, dans des sentiments guerriers. Je ne

sais pas, mais cela me dispose à m’attendrir un peu moins sur lui. (…)

Vous voyez bien, mon cher ami, que je n’ai pas acquis des sentiments

nouveaux, appropriés aux circonstances. Ces histoires me font horreur, 

et la grandeur, je me le reproche quelquefois, m’en échappe. Là non plus, je ne

crois pas et mon manque de foi me fait me détourner.

(…)

J’ai toujours mes soucis. Je les ai même plus grands, ma réserve 

d’argent épuisée et tous mes moyens se trouvant réduits à l’allocation 

du Mercure. Je dure comme je peux. Je vis chez moi en pardessus, le 

chapeau sur la tête, gelant, grognant, ricanant, plein d’impatience et de 

sarcasmes. Quannous foutra-t-on la paix, Grands Dieux ! Cette guerre 

m’agace, que de choses elle m’a déjà coûtées, que de mauvaises 

choses  elles m’a déjà occasionnées, que de mécomptes, que de 

soucis, que de chagrin ! Je devais passer de si belles

vacances ! Allez, moi aussi je suis bien atteint.

(…)

Il y aura quelque littérature patriotique, certes. Mais je crois qu’on 

s’en lassera vite. Ne vous semble-t-il pas que nous sachions déjà 

tout ce qu’on nous racontera là ? 1870 n’est pas si loin qu’on 

garde encore quelque fatigue detoutes les balivernes qu’il nous 

a values. (…) »




Alors, bien sûr, tous les conflits ne sont pas semblables. Et un (autre) 

de mes projets – j’ai déjà pas mal avancé – est une étude de la 

position de Léautaud – ce formidable écrivain – face à la 

Seconde Guerre mondiale. Le moindre que l’on puisse dire est que 

les sources ne manquent pas. Disons-le tout de suite :

Léautaud n’y apparaît pas si sympathique… Mais bien loin, 

néanmoins, du mal incarné.



Nils Blanchard




P.-S. Annonce il y a quelques jours de la démission de la présidence 

du Parti conservateur de Boris Johnson.

Je ne fais pas partie des gens qui l’ont bêtement comparé à 

Donald Trump. Je me souviens d’une certaine classe, par exemple, 

lors de sa rencontre avec la ministre d’État suédoise il y a 

quelques semaines.

Et parlez-en aux Ukrainiens…


En Mayenne – quelque part vers la civilisation

Rencontres avec des étrangers, qui parfois peuvent donner l’impression que l’on est très proche du premier inconnu venu. Puis, la plupart du...