mercredi 28 décembre 2022

Tour du Monde 1922

 Dans la bibliothèque de mon grand-père, il y avait un autre livre bleu, de 1922 lui aussi. Un livre, donc, qui a passé allègrement son premier siècle (sans une tache, sans une écornure…)


Sa couverture l’annonce : il relate une partie de voile, en fait un tour du 

monde, sur la Fidra.






Soit dit en passant, il a été publié chez Bonniers, le même éditeur que 

celui du dernier Edwardson…


Voici comment débute le premier chapitre :


« "FIDRA" OCH DESS KLARGÖRING FÖR EXPEDITION


En dag i början av Maj 1920 ankrade på Karlskrona redd yachten "Fidra".

Den väckte genast berättigad uppmärksamhet icke blott på grund av sin 

för svenska förhållanden ovanliga storlek, utan även på grund av det

ändamål vartill den skulle användas. Den var nämligen inköpt av herrarna

Sebastian och Sune Tamm, vilka tillsammans med några kamrater

ämnade göra en världsomsegling med densamma.

Hur hade de då kommit på en sådan idé ?

Ja, det har mången frågat. Svaret är emellertid icke lätt att giva. »


« “FIDRA” ET SA PRÉPARATION AU PÉRIPLE

Un jour du début de mai 1920 le yacht Fidras’ancra en rade de

Karlskrona. Il suscita immédiatement un intérêt légitime, non seulement du 

fait de sa taille inhabituellement grande par rapport aux canons suédois,

mais aussi en raison de son utilisation prévue. En effet, il avait été financé 

par les messieurs Sebastian et Sune Tamm, qui, avec quelques

camarades, prévoyaient de faire avec lui un tour du monde à la voile.

Comment donc en étaient-ils arrivés à un tel projet ?

Bien… la question a beaucoup été posée. Mais la réponse n’est pas facile 

à donner. »


Voici en tout cas l’itinéraire :




L’équipage :




Quelques vues intérieures du bateau (cabine, salon, cuisine...) :










Atlantique Sud, Amérique du Sud, avec plusieurs arrêts, îles du Pacifique

passage par le Japon, côtes de la Chine, Indonésie, Ceylan, Aden, Canal

de Suez, Méditerranée, Gibraltar, Atlantique, Manche, etc.


Voyage d’autres temps ? Le monde se referme… Ou s’entr’ouvre, 

climatisé et sans alcool, pour une compétition de football au Qatar, dans

les conditions que l’on sait.



Nils Blanchard



P.-S. : Parution ces jours-ci du Cahier n° 20 de la Route inconnue : Dhôtel

nouvelliste. Un petit texte de votre serviteur ; surtout : des nouvelles

d’André Dhôtel formidables, une étude d’Emmanuel d’Yvoire sur la dé-

coïncidence notamment, auquel le précédent billet ici fait un peu allusion.

Et le reste ; les illustrations de Michèle Gillet… Un texte de Michel Lamart 

déjà évoqué en ces lignes… Cf. site de la Route inconnue, en lien de ce

blog…






mardi 20 décembre 2022

Coïncidence / Hiver, contes et messages

 Il y a quelques jours. Approche de Noël. Petite ville d’Alsace, où la neige est tombée il y a peu et pour une fois tient un peu. Dès qu’on sort de la ville, qu’on aborde la forêt, en ses lisières… là, c’est nettement plus froid.

NB - Décembre 2022

Quelques jours avant encore, sur le blog de Thomas Nydahl, le 25 

novembre, ce récit, qui pourrait paraître banal, qui l’est peut-être (je

précise que T. Nydahl est âgé et malade ; il vient alors d’être opéré des yeux) :


« Man stiger upp orolig. (…)

Man går till optikern som avtalat.

Man undersöks.

Optikern är på sitt bästa humör. Skojar om det jag kan se och det jag inte...

(…)

Sitter på en busshållplats, länge och väl. Just som jag öppnar dörren och

stiger in i hallen slås jag hårt: Min väska är inte med hem.

Först panik, sedan likgiltighet. Jag hade flyttat telefonen och plånboken till

rocken innan jag steg på bussen. Resten kan bero.

Astrid ger sig inte, tar bussen tillbaka in till stan. På hållplatsen sitter en

pundare. Hon säger "Jag har vaktat väskan till er."

Astrid kommer hem med min väska. Hur tackar man henne och pundaren? (…) »


« On se lève inquiet.

On va chez l’opticien comme ça a été prescrit.

On se fait examiner.

L’opticien est d’une humeur excellente. Il plaisante sur ce que je peux voir

et ce que je ne peux…

(…)

Je suis assis à une station de bus, longuement. Juste quand j’ouvre la 

porte et pénètre dans le vestibule j’ai un haut-le-cœur : je n’ai pas ma

sacoche avec moi.

D’abord : la panique, puis l’indifférence. J’avais transféré le téléphone et 

le portefeuille dans mon manteau avant de monter dans le bus. Le reste,

tant pis.

Astrid ne se rend pas, elle prend le bus pour retourner en ville. À la station 

de bus est assis une camée. Elle lui dit : "J’ai gardé la sacoche pour

vous."

Astrid rentre à la maison avec ma sacoche. Comment les remercier, elle et 

la camée ? (…) »


NB - Décembre 2022

L’opticien a un sens de l’humour qui m’échappe un peu. Rirait-il devant 

un tableau de Picasso ou de Munch ? La vue est quelque chose de bien

subjectif. Et au royaume des aveugles…

Quant à la photo ci-dessus ; le passant promenait un chien (on ne le voit

pas ; il doit être derrière l’arbre). Il avait, du coup, un faux air de Jacques

Brenner. Dont on reparlera. Mais bien sûr que si…


Il y a un commentaire à l’article de Thomas Nydahl, malheureusement

anonyme :


« En månad för tidigt

Inte Julafton


Annar
s nästan en saga till Jul.

Dickens 2022?



(…)

Och, inte minst, en beslutsam hustru!

Från Finland??? »


« Un mois trop tôt

Ce n’est pas le soir de Noël

Sinon ça aurait presque fait un conte de Noël.

Dickens 2022 ?


(…)

Et, pour le moins : une épouse déterminée !

De Finlande ??? »


Moi, un des contes de Noël que je préfère, c’est celui de Paul Auster, Le 

conte de Noël d’Auggie Wren. Et ça marche aussi au cinéma, avec Harvey

Keitel.


Harvey Keitel, plus récemment, dans Youth, de Paolo Sorrentino.

Un… ange vient comme les visiter, alors qu’il se baigne avec Michael 

Caine.

Pas finlandaise il est vrai.


« Qui est-ce ? Demande le personnage joué par Michael Caine ;

Dieu… Répond Harvey Keitel. »

Un simple messager, c’est déjà… très bien…


Bon, mais l’hiver… Une de ces coïncidences ; je pensais à des anges…


NB - Décembre 2022

Mais un peu plus loin, l’église Saint-Georges.

J’y pensais aussi.

À cause des derniers Millenium, de David Lagercrantz ? (Éd. Norstedts.)

La partie 1 du tome 5 (Mannen som sökte sin skugga) s’appelle « Le

dragon ». Et on retrouve une statue de dragon, à Moscou, dans le tome 6

(Hon som måste dö) ; sur un tatouage aussi, me semble-t-il, sur Lisbeth

Salander…


NB - Décembre 2022, église St-Georges, Haguenau

Ça semble improbable, on reparlera pourtant, de dragons, du livre de

Lagercrantz, de (dé)coïncidence…



Nils Blanchard



samedi 17 décembre 2022

Concomitances / Hillevi Norburg, Laclos, Léautaud, Natalie Barney...

J'avais dit que j’y reviendrais. Et il y a de quoi revenir, en effet, sur ce roman somme toute étrange d’Hillevi Norburg, Messalina (éditions Augusti).

Aubrey Beardley, wikipedia

La couverture du livre est un un détail de Aubrey Beardley, et sa quatrième annonce la parenté de l’ouvrage avec la littérature décadente.
Et il y a bien de ça. D’ailleurs, Hillevi Norburg a pu faire allusion aux éditions du Chat rouge, dans son blog (en lien à celui-ci), dont une simple visite du site (Ici !) est un plaisir pour les yeux.
J'ajouterais qu’il y a un côté Liaisons dangereuses, mais à l’envers. Ce n’est certes pas un roman épistolaire (malgré des lettres glissées au milieu des chapitres) et l’époque est différente (fin dix-neuvième siècle). Mais on a néanmoins une sorte d’anti Valmont dans le personnage principal (du moins de ce qu’on peut imaginer de Valmont jeune du roman de Laclos). David, le héros, ne cède pas facilement à la tentation de la chair – même dans un bordel de Bruxelles où il s’est fait entraîner un peu malgré lui –, et quand il y cède, c’est dans le cas d’un viol (ou viol imaginé ? On finit par douter…) Et lui-même, dans quelle mesure n’est-il pas manipulé par l’image qu’il se fait, cette fixette étrange, de la jeune femme qu’il appelle Messaline ?
Et à l’inverse de Valmont, il ne court pas à sa perte sociale, mais à la respectabilité et la richesse vraisemblablement (ne dévoilons rien), ce qui serait bien pire peut-être, finalement…

Aubrey Beardley, wikipedia

La forêt a un rôle non négligeable, dans ce livre. D’où l’illustration qui précède, mais on y reviendra. (Je devrais faire en janvier une conférence sur la forêt…)
Je reviendrai sur d’autres choses aussi, mais tâchons de mettre un peu d’ordre dans cette chronique ; voyons la quatrième de couverture :

« Adelsmannen David de Lesrat reser i det sena 1800-talet från Paris till sommarvistelse hos sin borgerlige vän Camille och hans familj i Belgien. Snart utvecklar sig ett mörkt triangeldrama med Camilles syster Mathilde, både irriterande, rödhårig och outgrundligt tilldragande, och den förhatlige poeten Laléande som alltid verkar ligga steget före David.
Under tiden faller de Lesrat allt djupare ner i sina egna tankars narcissistiska domän (…) »

« David de Lesrat, issu de la noblesse, se rend de Paris en Belgique, à la fin du dix-neuvième siècle, pour passer les vacances d’été dans la famille de son ami, le bourgeois Camille. Assez vite se développe un drame triangulaire avec la sœur de Camille, Mathilde, tout à la fois irritante, rousse, et terriblement attirante, et le poète, détesté par le héros, Laléande, qui semble toujours avoir une longueur d’avance sur David.
Dans le même temps, de Lesrat s’enfonce toujours plus dans le domaine de ses pensées narcissiques (…) »

Aubrey Beardley, wikipedia

Fin dix-neuvième, donc… Allusion (page 29), à une Anthologie des poètes d’aujourd’hui, dans laquelle Mathilde aurait découvert le poète Laléande, en 1891.
Bon, mais moi, je pense là aux Poètes d’aujourd’hui de Léautaud et van Bever (van Bever avait-il des origines flamandes?), dont la première édition date de 1900… Où figure un poète comme Pierre Louÿs, (qu’Hillevi Norburg a commencé de traduire je crois) – voir à ce sujet un site très documenté sur Léautaud : dans ces parages. Allusions aussi aux milieux de salons littéraires du temps. Natalie Barney est citée... Je parlais de concomitances, d’intérêts...

Natalie Barney, 1900.

Il y a un autre personnage, aussi, une voisine, Frida, que David (qui est aussi le narrateur) a donc / croit donc avoir violée, vaguement sous l’influence de Mathilde…
Et Mathilde, plus douée que son frère pour beaucoup de choses, mais qui ne peut aller à la Sorbonne, ni développer vraiment ses talents artistiques… D’une certaine manière, elle tentera de se venger (pour parler comme Annie Ernaux) par l’arme qu’on lui donne, le mariage…

Concomitance d’intérêt : David de Lansrat, aussi, est originaire d’Angers, ou plus exactement de Champigné, un peu au nord de la ville. On y reviendra, etc. (Quelque part en janvier ? D’ici-là, il faut que je parle encore un peu de 1922…)

NB

La Loire près d’Angers, à peu près à cette époque de l’année, l’année dernière.


Nils Blanchard


P.-S.: Sur le site de Svenska Litteratursälllskapet i Finland (SLS) (L’association suédoise de littérature en Finlande), en lien de ce blog, j’ai vu qu’il y aurait en janvier une « Nuit des sciences » avec ce titre : « Jorden, orden, Norden » (« Le Terre, les mots, le Nord »).


Les premières lignes de présentation en sont alléchantes : « Kan vi lära oss av historien? Hur kan skönlitteraturen vidga våra perspektiv? Hur kan vi få grepp om tiden? (…) » – « Peut-on apprendre de l’histoire ? Comment la littérature peut-elle élargir nos perspectives ? Comment peut-on avoir prise sur le temps ? (…) »

Ce sera à Helsingfors, le 12, Riddaregatan 5 (rue des Chevaliers)...


mercredi 14 décembre 2022

Un héros qui s’appelle Hiver

 À mon oncle Pierre Blanchard 

J’en ai parlé au premier bulletin de ce blog [ici, bien sûr], de ce (relativement) nouveau polar d’Åke Edwardson, de la série des Erik Winter. Le treizième. Il s’intitule Det trettonde fallet. La treizième affaire. (Éditions Bonniers.)

Début de la première phrase : « Winter hade druckit en snabb kopp kaffe 

på Málagas flygplats (…) » « Winter avait pris rapidement un café à

l’aéroport de Málaga (…) » 


Málaga, je pourrais en parler aussi, vaguement en rapport avec la Suède

d’ailleurs. Mais ma vie personnelle n’est pas l’objet de ce blog.

Le commissaire Winter, le héros de la série d’Edwardson, est bien quant à

lui un « Suédois d’ailleurs », vu qu’il vit en partie en Espagne, dans les 

derniers épisodes tout du moins, vu, aussi, qu’il n’arrive pas à construire

sa maison dans son propre pays.


Edith Södergran, « Jag är frammande i detta land » « Je suis étrangère en

ce pays »… Mais de quel pays parlait-elle ? La Finlande, la Russie, la

Suède ? Elle habita (et mourut je crois) néanmoins bel et bien dans une

maison… On l’y voit avec un chien -- d'habitude, ce sont plutôt des chats ; 

de gros chats de gouttière parés aux hivers de la Finlande d'alors... -- , sur 

une photographie d'un dernier billet du site de l’association de ses amis, en 

lien de ce blog…


Edwardson fait parfois parler Winter en espagnol. Comme pour le 

détacher encore plus de son pays ? (Où, pourtant, il envisage de

construire sa maison…) Du reste, l’auteur aurait affirmé (mais ce ne serait 

pas la première fois) que cette Treizième affaire serait la dernière de la

série.

Il est néanmoins en grande forme. Pour ceux qui ont lu d’autres volumes

(traduits en France en poche chez 10/18 – celui-là devrait l’être assez

vite…), ils ne s’étonneront pas de trouver des recettes de cuisines 

distillées dans l’intrigue, des jugements à l’emporte-pièce ponctuées de

« Tout le monde sait ça » (surtout au début du livre… comme, peut-être, 

pour prendre le rythme, là aussi…)

Plus tranché, page 247, cette variante (à propos de cuisine, pas même de

police) : « (…) inte alla skulle hålla med men vad visste de. » « (…) tout le

monde ne serait pas d’accord mais qu’est-ce qu’ils en savent. »

Qu’en savent les cohortes de crétins qui commentent anonymement tout 

et rien sur les « réseaux » « sociaux » ?

Que savent-ils, notamment, de l’alliance du Pinot gris avec le poisson,

dont parle à ce moment Edwardson (qui fait dans ce volume une petite 

fixette sur le vin d’Alsace…) ? Rien, bien sûr…


Pour ceux qui ont lu d’autres volumes, encore, peut-être se remémoreront-

ils d’autres références, dans d’anciennes enquêtes, à T. S. Eliot. Mais si… 

The Waste Land…


Page 42 : « Polishuset flödade över av elak aprilsol. Av alla årets solar är 

den i april värst, hårdast, kall och naken (…) » « L’hôtel de police scintillait

du méchant soleil d’avril. De tous les soleils de l’année, celui d’avril est le 

pire, le plus dur, froid et nu (…) »


Bon. Mais Eliot, « tout le monde sait ça »… « April is the cruellest month,

breeding / Lilacs out of the dead land, mixing (…) » 


On ne saura trop recommander la traduction de Pierre Leyris, ami d’André

Dhôtel. « Tout le monde... »



Et on retrouve les remarques, et plaisanteries iconoclastes de Fredrik 

Halders. Là, c’est un peu compliqué à décrire. Il faut connaître… Allez,

10/18…

Je peux quand même dire à son sujet qu’il m’a semblé le rencontrer en 

chair et en os, un très serviable (néanmoins…) contrôleur d’un train que

j’ai pris après diverses aventures que j’ai un peu narrées là même... 

Avis à un cinéaste éventuel : Halders existe…


Il devrait en exister plus, d’ailleurs.


Nils Blanchard


April. Mais…

Dates, qui reviennent en ce blog. J’ouvre The Waste Land  ; évidemment : 1921-1922. «  A pril is the cruellest month, breeding / Lilacs out ...