lundi 29 avril 2024

En avril 83 (mais aussi à propos de 1974)

Une fois n’est pas coutume, j’évoque ici quelque chose de ma vie personnelle entre autres, entre autres... J’étais enfant alors.

NB - avril 2024

Ma famille avait l’habitude d’aller en Suède en été. Et pour diverses raisons – oh, rien de catastrophique ni brutal –, 83 fut le dernier été de la sorte.
Je pense à cela en lisant cette remarque de Thomas Nydahl (le 18 février 2024), à propos de Lisbonne où il alla pour la première fois cette année-là :

« (...) i april 1983, världen var ännu ung, fascismen låg alldeles bakom oss och optimismen var alldeles obefogat stor, i Lissabon som i andra europeiska städer. »

« (...) en avril 1983, le monde était jeune encore, le fascisme était bien derrière nous, nous étions dans une sorte d’optimisme béat, à Lisbonne comme dans les autres villes européennes. »

Après, 1984 ?

NB - avril 2024

Je me souviens d’étés doux et sans nuages, de rêveries autour de grands jardins comme asiatiques. Une marraine, qui a perdu sa mémoire et presque son langage, parlait d’un passé africain – le Sénégal je crois, autour du temps d’une courte union avec le Mali –, dans une véranda qui s’avançait, précisément, sur son grand jardin de ville.
J'ai croisé récemment un ancien professeur d’histoire, voyez-vous ça, qui est passé au même endroit à peu près à la même époque, homme âgé (mais ayant conservé mémoire et langage) et sage, connaisseur de Marc Bloch. Je ne lui ai pas parlé de ma marraine, je n’y ai pas pensé je crois ; mais c’est que ce passé-là semble comme fragile ; c’était bien avant 1983.


Dixikon, capture d'écran


Puis j’ai évoqué quelque part diverses notes sur le monde lusophone (plus exactement, des flashs, ou des ricochets de je ne sais quels passés, amitiés et intérêts littéraires, à commencer par Wera von Essen). Ça a un peu commencé, là


« En kort summering av bakgrund: Fernando Pessoa var 47 år gammal när han dog 1935, och hade varit död i lika många år när Orons bok började publiceras. Hans litterära karriär påminner inte så lite om Franz Kafkas: båda var hängivna pessimister, och båda publicerade sig sparsamt. »

« Court épitomé de CV : Fernando Pessoa est mort à 47 ans en 1935, et ça faisait déjà autant d’années qu’il était mort quand est paru Le livre de l’intranquillité. Sa carrière littéraire rappelle celle de Franz Kafka : tous deux étaient des pessimistes assumés, et publièrent avec parcimonie. »

47 ans. Voyez-vous ça.



Puis le 25 avril dernier ont été fêtés les cinquante ans de la Révolution des Œillets.
Quelques jours plus tôt, deux articles de Henrik Nilsson dans Dixikon (en lien de ce blog) : « Portugal, havet och litteraturen ». Tout un programme.


Nils Blanchard

jeudi 25 avril 2024

April. Mais…

Dates, qui reviennent en ce blog. J’ouvre The Waste Land ; évidemment : 1921-1922.
« April is the cruellest month, breeding / Lilacs out of the dead land, mixing / Memory and desire, stirring / Dull roots with spring rain. » T. S. Eliot.

NB - avril 2024

J'ai l’édition bleue, bilingue, rééditée en 1995 (Seuil) de celle de Pierre Leyris de 1947.

Le 21 avril dernier, on voit une image de travaux à Stockholm (Odenplan) dans le Gabrielles blogg (en lien de celui-ci, etc.) – quelques articles avant, des images de Slussen, en travaux depuis plusieurs années. Moi-même, les dernières fois que je suis allé à Stockholm, dû emprunter cet espèce de pont de bois provisoire pour enjamber le Mälar. Écriteau de la municipalité, quelque part là, disant, de mémoire – la mémoire suffit amplement pour ce genre de chose – : « À quoi reconnaît-on un vrai Stockholmois ? Il râle contre les travaux. »
Bon, mais c’est marrant cinq minutes.
Quant au désir ; retourner me promener un peu à Stockholm. Retrouver une vie d’avant ? Je ne sais plus.

« Dull roots with spring rain. »

Gabrielle Roland Walden, donc : « Det är en märklig april vi har. Isande kall blåst och som om ett grått lock ligger nertryckt över stan. »

« On a un mois d’avril bien étrange. Venteux, glacial, et c’est comme-ci un couvercle de griseur était posé sur la ville. »

NB - avril 2024


J'ai traversé le Rhin il y a peu pour aller voir quelques amis. Ciel noir sur le fleuve à peine tempéré par un petit arc-en-ciel.
Dans la discussion – restaurant au bord d’un lac. On parle français ; mais par ailleurs, qu’est-ce qui m’arrive ? Je comprends de moins en moins l’allemand. Allez comprendre… –, on constate que le monde traverse une mauvaise passe : Proche-Orient, Ukraine… Pour ne pas parler de tout ce dont on ne parle pas…
(Tenez, je me rendais compte que France info était de plus en plus inaudible, même si je le mettais encore parfois. Mais c’est que c’est devenu une télévision. On donne à écouter une télévision à des auditeurs de radio… Alors, forcément…)
Pour le reste, faut-il être plus précis ? On envisage d’être obligé de faire la guerre contre Poutine, contre les fondamentalistes en Iran ; Israël se transforme en forteresse byzantine ; les États-Unis seraient au bord d’une guerre civile…



Je reviens à ce roman qui ouvrit pratiquement ce blog. On y lit, page 46 :

« Världen skulle bli en ännu mer kapitalistisk planet. Jorden var fortvarande kingen i solsystemet. (…). Det skulle vara så länge det varade. Regnskogarna skulle gå ännu mer åt helvete. Floderna skulle torka ut och sjöarna (…). Folk skulle fortsätta att lågprisflyga till Thailand. De skulle fortsätta att köpa brottsligt billiga kläder tillverkade av slavar i Sydasien. Kanske jordens problem låg där, hos västvärldens obildade massor. »

« Le Monde allait devenir une planète plus capitaliste encore. La Terre était toujours la reine du système solaire (…). Et il en serait toujours ainsi. Les forêts intertropicales continueraient de morfler. Les fleuves allaient s’assécher, comme les lacs (…). Les gens allaient continuer leurs voyages en charter en Thaïlande. Ils allaient continuer à acheter des vêtements à prix scandaleusement bas fabriqués par des esclaves en Asie du Sud. C’est peut-être là qu’était le problème du Monde, dans ces masses occidentales incultes. »

Pour en revenir à T. S. Eliot, Pierre Leyris n’est pas son unique traducteur bien sûr. Karin Boye aussi l’a (co)traduit (avec Erik Mesterton) en 1931. Elle s’est suicidée dix ans plus tard, sa compagne allemande un mois après elle a fait de même.

Herman Österlund, forêt de printemps - capture d'écran. 


Et je pense à cet enfant de mes amis d’Allemagne, un peu plus de deux ans – il a quasiment l’âge de ce blog –, gambadant çà et là dans ce restaurant au bord du lac. Que l’avenir lui épargne les âneries du passé !


Nils Blanchard

dimanche 21 avril 2024

En Mayenne – quelque part vers la civilisation

Rencontres avec des étrangers, qui parfois peuvent donner l’impression que l’on est très proche du premier inconnu venu. Puis, la plupart du temps, ces rencontres se terminent comme des bulles de savon qui explosent sous la pression du temps, des nécessités. Oui…



Oui, c’est la même introduction que celle de l’avant-dernier billet, où j’ai bbifurqué, entraîné par Lorenzo et Patrick Reumaux.

Ces rencontres fortuites – un regard, une fraction de seconde parfois – n’est-ce pas pourtant aussi, d’une certaine manière ce qui permet d’entrevoir cet autre dhôtelien. Une fissure, un éclair.

Et c’est peut-être, bien modestement, le but que recherchent certains blogs.

Bien. Reprenons là.

Le blog de Gabrielle (Gabrielles blogg, en lien de celui-ci), par exemple ? C’est de lui dont je voulais parler.
Le 18 février dernier, l’auteure y raconte une rencontre de hasard avec une femme un tout petit peu plus âgée qu’elle.

« Jag slår mig ner på bänken vid hållplatsen. Efter en liten stund kommer en äldre kvinna i svart vinterrock och svart mössa och sätter sig bredvid mig.
Trött?” frågar jag.
Jag har gått omkring nere på stan. Vet du när bussen kommer?”
22 över. Det tar en stund, men jag väntar på den. Har du varit och shoppat?”
Ja, jag behövde några grejer.” »

« Je m’assois sur le banc de la salle d’attente. Après un petit moment, survient une femme d’âge mûr avec un manteau noir, un bonnet noir, qui s’installe à côté de moi.
Fatiguée ?” je demande.
J’ai été me balader en ville. Quand est-ce que le bus arrive ?”
À 22. Ça fait un peu long mais j’attends quand même. Tu as fait des courses ?” [Le tutoiement est de rigueur, en Suède.]
Oui, j’avais besoin de différents trucs. »




Bon, elles sont en Suède, vers Stockholm, sans doute.
Mais on pourrait aussi bien les imaginer sous un temple (la salle d’attente…) en Grèce, ou en Asie Mineure… C’est que je suis dans la lecture d’Eschyle en Mayenne, de Jean-Loup Trassard.
C'est que, savez-vous, l’Ukraine (et la Russie soit dit en passant), est dans sa troisième année de guerre.

« Medan vi sitter där och väntar hinner vi med att sucka djupt över världsläget, Putin, Navalnyj och så Mellanöstern med Israel och om hur landet kom till. Och så talar vi om vintrarna (…)

Men jag är inte härifrån”, säger jag. ”Jag är uppvuxen i Söderhamn, strax norr om Gävle.”
Jamen jag är född i Örnsköldsvik!”
Du är norrlänning du med – roligt!”
Ja, en sån där tystlåten tillbakadragen typ.”
Som aldrig pratar med främlingar…” fyller jag i.
Vi skrattar båda två. »

« Alors que nous sommes là à attendre, on arrive à refaire le monde, Poutine, Navalny et le Moyen-Orient avec Israël et la situation de notre pays. Puis nous en venons aux hivers (…)

Mais je ne suis pas d’ici”, je précise. J’ai grandi à Söderhamn, juste au nord de Gävle.
Ah, mais ça… Moi-même, je suis née à Örnsköldsvik !
Alors toi aussi tu es du Norrland ; c’est marrant !
Oui, je suis une ce es gens taiseux et renfermés...
Qui n’adresse jamais la parole aux étrangers…je complète.   
Nous rions toutes deux. »

Fissures.
Jean-Loup Trassard évoque Eschyle, les Perses… et de temps en temps on a comme une image, une fraction de parenthèse mayennaise. Un chant d’oiseau, une parole d’agriculteur.

Rencontres comme à travers le temps ; en temps de retour de guerre.


Nils Blanchard


Triche : Étiquettes du billet précédent, rajoutées ici: État de droit, Paris, Deauville, Cherbourg. 

mardi 16 avril 2024

Gris Mitterrand

Il a été évoqué dans ces liens le « gris Mitterrand », à propos de l’architecture. On peut en parler aussi, dans un autre sens, à propos de ces années où il n’y avait « pas d’ADN ni de téléphonie, ni de caméras de surveillance à l’époque, mais une enquête toute psychologique, un choc entre personnalités », dans le film Garde à vue de Claude Miller (1981).



C'est Argoul qui en parle, le 14 avril dernier, dans un très bon article qui permet de se remémorer avec plaisir ce film aux dialogues (Michel Audiard), réalisation (Claude Miller donc) et interprétations (Michel Serrault, Lino Ventura, Romy Schneider, Guy Marchand) fantastiques. Puis ça se passe à Cherbourg ; c’est assez au nord, ça.
Le « gris », Mitterrand ou pas, peu importe, c’est une certaine place laissée au doute ; c’est cet interstice entre le « bien » et le « mal » des modes de pensée binaire où se glisse… l’État de droit.

Et – de ça aussi il a été question ici –, Argoul note : « Aujourd’hui, le suspect serait lynché par les réseaux sociaux avant même de pouvoir s’expliquer. » C’est pire encore, son nom est balancé dans les médias (pas seulement les prétendus « sociaux ») comme un os aux chiens.
Argoul poursuit : « En 1981, le public éclairé était plus en faveur des libertés que du soupçon – l’époque a changé, et pas toujours en bien. »

Bon… Mais il faut précisément un peu de recul pour « juger » une époque, la nôtre comprise (et Argoul d’évoquer, aussi, transparaissant de ce film, la violence des méthodes d’un des policiers). Mais je ne crois pas non plus que sur le chapitre de l’état de droit qui a mis tant de temps à se construire – on peut au moins remonter à Louis XVI abolissant la torture –, on évolue « en bien ».



Par ailleurs, j’ai revu récemment, avec Michel Serrault justement, et Jean Poiret, Magali Noël, et Darry Cowl… Assassins et voleurs, de Sacha Guitry.
C'est assez fantastique aussi, ce film de 1957, qui se passe entre Deauville – passablement au nord aussi – et Paris et qui, comme le remarque une fiche de presse : « retourne toutes les valeurs morales ». Mais je me demande si un certain néo-puritanisme actuel ne le rendrait pas hautement suspect de nos jours : ne pourrait-on lui reprocher de faire l’éloge de l’adultère, d’une trop grande mansuétude à l’égard des voyous ?
En nos temps où l’on veut à toute force que tout un chacun soit prêt à exhiber sa vie privée exemplaire, tout en cachant ses « opinions » derrière un anonymat généralisé…

Magali Noël et Jean Poiret, dans Assassins et voleurs


Nils Blanchard

jeudi 11 avril 2024

Plusieurs choses… Marc Bloch

Préparant un cours pour l’Université de Strasbourg, je tombe sur un ancien compte-rendu des Annales, de Marc Bloch, à propos d’un ouvrage de l’historien norvégien Halvdan Koht, historien qui sera ensuite ministre des affaires étrangères de son pays, à l’instar d’un Arnold Raestad, que Martin Fahlén évoque dans Le tableau de Savery

Tony Noël, Jeune guerrier (capture d’écran)


C'est un article du n° 10 de la troisième année des Annales, de 1931. Marc Bloch évoquait une traduction d’un livre de H. Koht sur « les luttes des paysans en Norvège du XVIe au XIXe siècle » (Payot, 1929).
Le nom du traducteur n’est pas mentionné, mais il faut dire que Marc Bloch n’est pas tendre avec lui ; cette traduction, écrit-il, « n’a guère de français que le nom : car ce n’est point, je pense, user de notre langue que – par exemple – de paraître ignorer que "bien que" gouverne le subjonctif (je rougis de cette remarque grammaticale, mais après tout il y a une grammaire, fût-ce de l'usage) (...) Ce n'est pas tout. À supposer même, ce qui n'est point le cas ici, que le traducteur eût satisfait au premier de ses devoirs: écrire avec la correction qu'on attend d'un élève de lycée (...) », etc.     

Un élève de lycée, aujourd'hui, a-t-il beaucoup entendu parler du subjonctif?
Étiquette « vieux con », je sais, je vais en mettre, si j'ai la place...

Mais là n'était pas le sujet. (J'espère en tout cas pouvoir échapper à ce genre de remarque en ce qui concerne ma traduction du livre de Martin Fahlén...) 

R. Savery, Le paradis terrestre, Musée des Beaux-Arts de Strasbourg (capture d'écran) 

 
Il se trouve qu'on retrouve Marc Bloch, de manière assez logique, dans un article assez récent d’Argoul, à propos bien sûr de L’Étrange défaite.
C'était le 8 mars dernier, et commençait ainsi :

Il y a 10 ans, en 2014, année où Poutine a envahi, occupé et annexé la Crimée sans que personne ne réagisse autrement que comme à Munich en 1938  par des paroles vaines  j'analysais sur ce blog le Bloch de L'Étrange défaite. Nous y revenons aujourd'hui parce que l'actualité remet le livre au goût du jour et parce que le jeune Emmanuel Macron fustige la lâcheté des dirigeants européens (...) »  

Argoul paraphrase Marc Bloch : « Ce qui s’est effondré, dit-il, c’est le moral. Le commandement a failli, mais surtout les élites avachies dans l’inculture et la bureaucratie, les petit-bourgeois des petites villes assoupies dans l’hédonisme de l’apéro et de la sieste, le pacifisme internationaliste qui refuse tout ennemi – alors que c’est l’ennemi qui se désigne à vous et pas vous qui le qualifiez. »
 
Et de citer, cette fois : « L’ordre statique du bureau est, à bien des égards, l’antithèse de l’ordre, actif et perpétuellement inventif, qu'exige le mouvement. L’un est affaire de routine et de dressage ; l’autre d’imagination concrète, de souplesse dans l’intelligence et, peut-être surtout, de caractère. » (Pp. 90-91 de l’édition Folio.)



Macron, « jeune », pourquoi pas.

J'ai croisé de temps à autre quelqu’un, secrétaire d’un club de sport, qui dépasse me semble-t-il les 80 ans largement, et qui semble beaucoup plus jeune que bien des… jeunes. Je pense à lui parce qu’il a joué un rôle en lien au souvenir de Marc Bloch.

Mais quant à l’Université de Strasbourg, elle s’appela quelques années Université Marc Bloch (du moins pour les sciences humaines). « Marc Bloch » a disparu – de la titulature de l’université, pas de certaines réflexions actuelles.

Tony Noël, Méditation (Paris), capture d'écran



Nils Blanchard


Triche : je rajoute l'étiquette Les Soulèvements de la Terre, du billet précédent.  

lundi 8 avril 2024

Bermont – au-delà de la civilisation

Rencontres avec des étrangers, qui parfois peuvent donner l’impression que l’on est très proche du premier inconnu venu. Puis, la plupart du temps, ces rencontres se terminent comme des bulles de savon qui explosent sous la pression du temps, des nécessités.



Ces rencontres fortuites – un regard, une fraction de seconde parfois – n’est-ce pas pourtant aussi, d’une certaine manière ce qui permet d’entrevoir cet autre dhôtelien. Une fissure, un éclair.

Et c’est peut-être, bien modestement, le but que recherchent certains blogs.

Il y en a un, que je fréquentai assez régulièrement pendant les vicissitudes de la pandémie de Covid-19, c’est celui d’un certain Lorenzo, TraMeZziniMag – on en a parlé il n’y a pas très longtemps. Il y est question de Venise. (J’avais caressé l’idée de m’y rendre au moment de la pandémie, traînant derrière moi sans doute quelque sympathie pour Gustav von Aschenbach. Cette idée avait quelque chose de vaguement xénophobe, peut-être, comme une réaction à qui, du fait aussi d’une certaine sottise de rigidité de régime dictatorial, avait répandu sur la terre ce virus qui voulait nous priver du printemps – bref : je me disais que Venise, sans ses nombreux touristes habituels serait plus agréable à visiter.
Bon. Mais j’avais caressé aussi l’idée de louer un studio à La Baule – le masque n’était pas de rigueur pour regarder la mer de sa fenêtre...)



Là (dans TraMezziniMag), un article relativement récent (23 février 2024), non content de s’ouvrir sur une chanson de Georges Moustaki, regrette le temps des lettres de papier (qui n’étaient pas forcément de papier contrairement à moult messages numériques actuels). Ce temps résiste toujours, il est des incorrigibles emmerdeurs qui demandent encore de « jolis timbres » dans les bureaux de poste et refusent de se joindre à une « discussion » sur réseaux sociaux…
Demandez à Héloïse Combes.

L'article de TraMeZziniMag se poursuit en évoquant Tristes tropiques de Claude Lévy-Strauss.

« On peut y observer à la fois les pires choses, les choix les plus imbéciles, les comportements les plus détestables qui à un moment ou à un autre se reproduisent ailleurs. On peut y retrouver des idées, des techniques et des systèmes spécifiques qui peuvent être implantés ailleurs. C'est l'exemple de la protection des eaux que dès le Moyen-Âge la Sérénissime sut mettre en place, celui de la gestion des communications et des infrastructures qui fascina Le Corbusier et inspira l'architecture des villes nouvelles, etc.
(...)
[Citation de Lévy-Strauss :] L'humanité s'installe dans la monoculture, elle s'apprête à produire la civilisation en masse, comme la betterave. »



À l'heure où certains de nos édiles se sont couchées devant les franges ultra-productivistes de la FNSEA, cette citation ne manque pas d’actualité. Puis – la betterave – la Champagne s’interpénètre pour ainsi dire avec l’Ardenne pouilleuse d’André Dhôtel. Bermont n’est pas très loin (d’où ce titre…), bien qu’elle

« (...) ne soit pas située avec exactitude.
(...) L'architecture bermontoise est très hétérogène, les cités neuves et géométriques alternant avec les vieux quartiers.
(...) [Et tenez, on parlait FNSEA et édiles… Les Soulèvements de la Terre indésirables récemment à un « grand débat » sur l’agriculture et l’environnement… N’est-ce pas comme si vous ne conviiez pas, à un débat autour de la médecine, toute personne ayant fait le serment d’Hippocrate…] Il faut citer le quartier Sainte-Soline [ça ne s’invente pas] aux maisons superposées sur des assises de tuf, la cour des Choules, où les habitants fouillent dans les ordures dans l’espoir de recueillir des nouvelles du Paradis, la torride rue des Freux, près de l’usine à gaz, où les habitants parlent, le soir, d’un domaine immense survolé par un aigle blanc ; enfin, la rue des Aulnes, qui est si tranquille qu’elle semble n’être habitée que par des fantômes. »

Cette citation est de Patrick Reumaux, article « Bermont, ou Berlieu », dans Le Guide de nulle part & d’ailleurs, aux éditions du Fanal ; je la tire (grâce à Roland Frankart) du dernier bulletin de La Route inconnue, déjà évoqué là


Nils Blanchard

jeudi 4 avril 2024

Etiquettes - marges / Matin, clairière

Ce blog est emmarginé d’étiquettes, placées au fil des billets. J’en avais trop aux deux derniers, et je sais que j’en aurai trop aussi au prochain.

NB - avril 2024 ; pas le matin

Alors prenons le temps de les mettre en cet article de circonstance.

Il me permet de relever une citation en quatrième de couverture de L’homme de la scierie d’André Dhôtel, aux Éditions Sous le Sceau du Tabellion. Elle est de Jean Grosjean :

« Si le monde de Dhôtel est marginal, il s’agit d’une marge plus grande que la page. »





On étiquette de plus en plus les gens, et de moins en moins les choses. Les hôtels (beaucoup d’entre eux) n’affichent plus de prix fiables aux voyageurs : les tarifs sont « négociés » en amont de quelque logiciel de commerce par internet. Les trains (pour rester dans le domaine des voyageurs – parmi lesquels peuvent se trouver quelques marginaux), n’en parlons pas. Tout est fait pour décourager quelqu’un d’en prendre un à une première gare venue, pour une première destination à découvrir. Quasiment plus de guichet ; il s’agit de prostituer sa civilité auprès de machines souvent défectueuses ou, mieux encore – pire, donc –, d’endoigter l’écran luminescent de quelque smartphone.

Là, il faudra que je rajoute « vieux con » dans les étiquettes ; si j’ai la place.


Pour en revenir à la marge (assez peu fréquentée d’ailleurs ai-je l’impression) de ce blog, étiquettes donc, liens à d’autres blogs, d’autres pages… ne peut-elle faire penser à une clairière ?

Retour à Jean Grosjean, La lueur des jours (qui est aussi le nom d’une association de ses amis ; Gallimard, 1991, page 117) :


CLAIRIÈRE

Quelle merveille en haut du bois
qu’une clairière tout près du ciel.
Les grandes ombres du matin
dorment encore sur la rosée.
Jamais facteur n’est monté
porter jusqu’ici des lettres.
Les bruits du vallon n’arrivent
que filtrés par des brouillards.
Mais sous un épais feuillage
le pivert frappe un tronc proche.

(Jean Grosjean, donc.)


Nils Blanchard


Rattrapage d’étiquettes, donc : Du dernier billet : Suède, Montier-en-Der, Donald Trump.
                                                   De l’avant-dernier : Rachida Dati, Suisse.
                                                   Du prochain : La Baule, Georges Moustaki, Roland Frankart, Sainte-Soline.  


En avril 83 (mais aussi à propos de 1974)

Une fois n’est pas coutume, j’évoque ici quelque chose de ma vie personnelle entre autres, entre autres... J’étais enfant alors. NB - avril ...