lundi 26 février 2024

Inquiétudes en février – Un avant, un après

 Qu’a-t-on pu entendre comme âneries sur au moins deux dernières décennies, émanant d’une partie de la droite et d’extrêmes droite et gauche française : que Poutine redressait la Russie, qu’il fallait un homme fort, qu’il était dans son droit…

NB - Angers, décembre 2023

Aux dernières élections présidentielles françaises – premier et encore deuxième tour – les poutinolâtres ont représenté une grande partie de l’électorat, lors même que la Russie avait tenté d’envahir l’Ukraine quelques mois plus tôt, au mépris de traités internationaux qu’elle avait pourtant signés (charte de Paris en 1990, mémorandum de Budapest en 1994…) Non, quoi que pussent penser de soi-disant gens très informés de la culture et de l’histoire russe et slave, qui se dandinent sur les plateaux de télévision en citant des bibliographies de centaines de pages (auxquelles on peut supposer qu’ils n’entendent pas un traître mot), Poutine n’était pas « dans son bon droit ».
Pas davantage lorsqu’il a attaqué la Géorgie, le Donbass, la Crimée…

Capture d’écran, blog Nydahls Occident

Pour en revenir à la mort en Sibérie d’Alexeï Navalny, la journaliste Maria Georgieva d’écrire dans le Göteborgs Posten, le 16 février :

« Ändå delar nyheten upp vår tid i ett nytt före och efter: före och efter Navalnyjs död.
(...)
Själv kommer jag aldrig att glömma vad Aleksej Navalnyj sa till mig när vi satt på en restaurang och han plötsligt började citera den tyske filosofen Immanuel Kant:
– Du måste motivera inför dig själv varför du gör det du gör varje dag. Sen kan du inspirera andra. »

« Cependant, cette nouvelle sépare notre temps entre un avant et un après : avant ou après la mort d’Alexeï Navalny.
(...)
Personnellement je n’oublierai jamais ce qu’Alexeï Navalny m’a dit, lors que nous étions au restaurant. Il a soudain cité le philosophe Emmanuel Kant :
– Tu dois te convaincre toi-même, par l’argumentation, pourquoi tu fais ce que tu fais chaque jour. Ce n’est qu’alors que tu peux inspirer d’autres gens. »

Alexeï Navalny est rentré volontairement en Russie en janvier 2021, d’Allemagne où il avait été tiré de justesse d’une tentative d’empoisonnement.
Il fallait qu’il considérât que l’enjeu était d’importance suffisante.

Or en effet, une guerre ébranle les portes de l’Europe. On parlait des dandins extrémistes (mais pas que) français. Peu de temps avant l’annonce de la mort de l’opposant russe, on a pris connaissance d’un discours de Donald Trump, qui aurait des chances paraît-il de réélection, encourageant Poutine à bousculer les Européens trop timorés d’après lui dans leurs programmes d’armement.

La Fontaine; illustration de François Chauveau, Wikipedia

L
à réside une des grandes inquiétudes de nos temps. Comment des politiciens qui, si les gens votaient à tête reposée, en disposant d’un minimum d’informations fiables, ne dépasseraient pas 0,10 % des voix, parviennent à s’imposer, ou en tout cas obtenir des scores « honorables », dans moult démocraties ?
Problème d’éducation, de formation ?
Problème de l’accès via internet à une information vertigineuse, à tout, dans un certain sens, et donc aussi à rien, qui fait enfler certaines grenouilles expertes jusqu’à la taille de bœufs pâturant à proximité ? Mais elles n’explosent pas ; elles restent là simplement, toute légères, à la merci des vents, et les bœufs ruminant ne prennent pas même garde à elles. À quoi bon, se disent-ils quand ils entendent l’une ou l’autre ânerie, que Pétain par exemple aurait été bénéfique aux juifs français pendant la guerre… À quoi bon ? Elles n’entendent rien de toute façon (aux deux sens du verbe), elles sont déjà parties ailleurs poussées par les vents d’on ne sait quelle mode, auxquels leur poids ne peut résister bien sûr.

Avant… Après : se réveiller, rappeler ce qu’il en est du droit, de l’histoire, du simple bon sens.


Nils Blanchard

mardi 20 février 2024

De l’autre côté – d’un miroir ?

Pas le temps, mais un peu fatigué il y a quelque temps d’une nuit pas si reposante, je farfouille sur le net. Tombe sur un titre, sur Krickelins dont il a été déjà question en ce blog – difficile de ne pas s’y arrêter – : « Är det lätt att komma i kontakt med fransmännen där vi bor ? » (« Est-il facile de nouer des relations avec les gens là où on habite en France ? » (article datant du 18 janvier 2024).

Acke, Vid vattenspegeln (capture d’écran)

 À vrai dire, j’ai été dans le passé confronté à la question dans l’autre sens, posée par des Français passant des vacances en Suède.
Aucune envie de commenter cela ici.

Mais, dans ce sens… Je l’ai dit, j’ai déjà évoqué ce blog de Kristin Lagerqvist – je ne le mets pas en lien du mien pour différentes raisons, peu importe – ; notamment, ce charme, cette pertinence aussi, dans l’appréhension d’une autre maison, ou lieu d'habitation.

Capture d'écran

La tenancière du blog – elle n’en fait nul mystère – a aussi une facette, comment dire… j’allais dire exhibitionniste, ce n’est pas ça, mais une tendance à mettre en avant sa vie, à en parler, solliciter des commentaires. Peut-être peut-on parler d’une certaine extraversion. Peu importe là aussi, mais c’est dans ce sens qu’il faut comprendre le titre de ce billet : le miroir, ce n’est pas seulement un écran entre deux pays et cultures, France et Suède, c’est aussi une façon de se regarder, de s’observer vivre.
Là, l’article de Krickelins est parlant ; hormis une remarque, peut-être un peu rapide, sur le fait que les Français ne parlent pas volontiers anglais, il n’y a pas grand-chose qui répond à la question posée par le titre de l’article : « Est-il facile de nouer des relations avec les gens là où on habite en France ? »
En revanche, la blogueuse décrit (honnêtement, semble-t-il) son état d’esprit :

« Vi umgås med våra vänner Åsa och Mattias som också är svenskar (…) De är mer sociala än oss och har verkligen vårdat relationerna med grannarna – jag är lite mer av det slaget att “oh no, ska jag behöva prata med de här främlingarna nu…?”. Jag vet – det är dumt och jag är verkligen social när det krävs men jag söker inte upp dessa situationer.
Älskar bykrogen och att prata med ägaren där – så gullig och hjälpsam! Hälsar artigt på alla jag passerar. (…)
Så jag tror det handlar mer om hur man själv är och hur bra man är på språket. »

« Nous fréquentons nos amis Åsa et Mattias qui sont comme nous suédois (…) Ils sont plus liants que nous, ont tissé de vraies relations avec les voisins – quant à moi je suis plus du genre : “non… il faut vraiment parler, maintenant, avec ces étrangers...?Je sais – c’est bête ; je peux être très sociable quand c’est nécessaire, ne recherche pourtant pas ces situations.
J'adore le bar du village et discute volontiers avec son tenancier, si sympa et prêt à rendre service ! Et je salue poliment tous ceux que je croise. (…)
Donc, je crois qu’il est plus question de la personnalité qu’on a, de son niveau de langue aussi. »

Carl Larsson, 1898 - Capture d'écran  

Et là est l’intéressant je trouve (même si c’est peut-être, en partie au moins, involontaire) : la généralité (« les Français sont-ils comme ci, comme ça, les Suédois, etc. ») est évacuée au profit de la peinture d’un caractère, d’un parcours, d’une histoire, d’une sensibilité. D’une certaine manière, la bêtise moutonnière des opinions évacuée au profit de la vie.
Et bien sûr, au commencement était…


Nils Blanchard


P.-S. : Philippe Dagen a évoqué dans un article, en passant, une certaine proximité entre Balthus et Carl Larsson ; je ne retrouve plus le texte.
J'ai écrit un peu sur Balthus et… Dhôtel. C’est quelque part au bord d’une route inconnue… bordée de Maison noire, Maison du bout du monde.

Triche : rajout d’étiquettes du dernier article : Rebecca Solnit, Le Rhin, Västerbotten, Suède.

vendredi 16 février 2024

Inquiétudes de février / Autres blogs

 Retour aux premiers jours du mois. Le 1er, il y a eu ce poème de Sandra skriver. Le 2, Gabrielles blog, en lien de ce blog-ci, parlait d’antisémitisme en Suède. Le 3, Den långsamma bloggen (en lien indirect de ce blog, via Nordic Voices in Translation et Bernur), évoque un avenir sombre, peut-être, avec un détour via Rebecca Solnit. 

NB - Rhin, février 2024

On reviendra sans doute à ces sujets, noms…
Mais avançons, comme ces péniches sur le Rhin, barges que nous sommes – je me promène moins que de coutume ces derniers temps, prends peu de photos, sinon du bord du Rhin, où je grignote biscuits et pommes en guise de déjeuners, parfois… –, le 4. Le 4, chronique dans le Göteborgs Posten d’Adam Cwejman : « Kriget som väst helst vill glömma » – « La guerre que l’Occident s’efforce d’oublier ». Elle est introduite de la sorte :

« Putin sitter och väntar på att USA och Europa ska glömma av Ukraina. »

« Poutine, sur son trône, attend que les États-Unis et l’Europe oublient l’Ukraine. »

On continue ?
Le 5, Poutine de son côté de relancer ses offensives d’infox ; ambassadeur de Russie convoqué au Quai d’Orsay.

Le 6, Krickelins (pas en lien, mais blog évoqué de temps en temps), interroge : « Hur hanterar ni ångest ? » (« Comment vous débrouillez-vous avec l’angoisse (ou le stress...) »

Elle explique :

« Det hela började med ett mail som triggade mig så oehört och satte igång känslor av både skam, skuld och värdelöshet. »

« Tout a commencé par un courriel qui m’a ébranlée et a engendré sentiments à la fois de honte, culpabilité et impuissance. »

Eh, il est vrai qu’on reçoit parfois de ces courriels…
Puis, c’était le 6 février 24, 90 ans après l’autre 6 février, ces manifestations à Paris, de ligues, qui dégénérèrent.
Hitler était déjà au pouvoir depuis plus d’un an ; moins de cinq mois plus tard, il y aurait la Nuit des longs couteaux…
Puis…

NB - Rhin, février 2024

Notre monde est entré à sa manière aussi dans des impasses desquelles il est bien difficile de s’extirper. Peut-on comparer les deux époques ? Ainsi a-t-on appris, un 6/2 encore… que pour la première fois en France un réseau d’armes imprimées en 3D a été démantelé. Plus de traçabilité des armes ? Porte ouverte à toutes les dingueries et milices.
Bon. Mais le 8 (on ne va pas passer en revue tous les jours…), sur Gabis annex (en lien, en lien…), il est question de « Retour de la lumière ».

« Fyra dagar med sol och uteliv. Uteliv här betyder att sticka iväg med sparken, sitta en stund i solen, prata med några som råkar komma förbi, sparka vidare med sparken, se Satsfjället i motljus och Marsfjällen i solljus. En stilla lycka att solen äntligen är uppe lite längre, det känns som en begynnande vår, trots de låga temperaturerna mellan 16 och 19 minusgrader. Innan dess hade vi två dygn med snöstorm. Noll sikt. Bara vitt, vitt, vitt. Igenmurade fönster. »

« Quatre jour de soleil, et vie au dehors. La vie au dehors, ici [elle est dans le Västerbotten, assez loin au nord de la Suède], ça signifie partir avec le spark, contempler les monts Sat et Mar à contre-jour. Un léger bonheur d’avoir enfin le soleil un peu plus longtemps ici. Impression d’un frémissement du printemps, malgré les températures basses – entre 16 et 19° sous 0. Juste avant, il y avait eu deux jours de tempête de neige. Aucune vue. Seulement le blanc, le blanc, le blanc. Fenêtres bouchées. »

Je pouvais me dire que ce n’était pas si mal, ces photos du Rhin.
Étrange relation avec ce fleuve. Ces dernières années, oui, mais bien avant aussi.
Goût aussi d’amitiés perdues, si lointaines et en même temps.
On y reviendra...

La nuit du chasseur -- Capture d'écran

Sur le blog Alluvions (en lien de celui-ci, en haut, à droite, etc.), il a été question récemment – le 1er février, le 5… – de barque, et… de ce film magnifique de Charles Laughton : La nuit du chasseur.
Il est, là, des scènes où les enfants dérivent sur leur barque – sur quelle rivière, sur quel fleuve ? – lors que le ciel étoilé semble les contempler. Ou encore, lorsqu’ils se reposent en cette grange aux allures de décor, et dont ces allures précisément la rendent d’autant plus réelle.

Le réel ?

Le 16, annonce de la mort d’Alexeï Navalny, dans un camp « disciplinaire » sibérien.


Nils Blanchard

mercredi 14 février 2024

A 69 – Fil d'inquiétudes de février

 Il ne s’agit pas ici de position sexuelle, mais d’un projet d’autoroute qui, pardon, n’est pas particulièrement bandant.

NB – 2024, pas février

Évidemment, on peut me reprocher ici d’être hors sujet, surtout de me mêler de ce qui ne me regarde pas, de ce que je ne connais pas. Bon.
Ce que je sais, c’est qu’indépendamment de ce qu’on peut penser d’elle (j’ai remarqué qu’il y avait tout un fatras de thèses alarmistes la concernant… généralement sans source ni auteur bien sûr…), il est difficile de ne pas donner raison à Greta Thunberg quand elle dit, sur le site du projet d’A 69 où elle s’est rendue le 10 février (source : Dagens Nyheter du même jour ; article d’Emilia Lindell) :

« – Tyvärr är den här typen av projekt inte unika för Frankrike utan pågår över hela världen och är ett symtom på en global kris. »

« – Malheureusement, ce genre de projet n’est pas l’apanage de la France ; il relève d’un symptôme de crise globale à l’échelle du Monde. »

Comme pour les panzers dont il fut question ici, le problème dépasse l’intérêt (somme toute compréhensible – comme à Paris, pour les travailleurs de peine en panzer qui doivent se frayer un chemin malcommode dans la boue de Montmartre pour accéder à leurs vignes –) du projet ou de l’objet : il faut arrêter, à un moment donné (et ce moment est déjà amplement dépassé) d’artificialiser des espaces sans que cela relève d’un intérêt de premier ordre.

Capture d’écran DN, Greta Thunberg


Sinon, Céline écrit quelque part – je cite de mémoire – : « Février est le mois le plus petit, c’est aussi le plus méchant. »
Travail, impression de n’avoir pas une seconde à soi (ou presque). Mauvaises nuits. Mauvaise passe (pas tant que ça, peu importe…) Mais, aussi…

Dès le premier jour de ce mois, en allant sur ce blog « Sandra skriver », on lit (l’auteure suit un programme de thèmes d’un autre blog, en lien du sien pour ce mois-ci – pourquoi ce mois-ci ? – :

« Allvarligt talat, vem
har ro att skriva dikter
när en oväntad storm
slår ut strömmen
och knäcker lärkträd över vägen
– jag skulle ändå ingenstans.

(...) »


Sérieusement, qui
peut se permettre d’écrire des poèmes
quand un orage imprévu
coupe le courant
et renverse des mélèzes sur la route
de toute façon je n’allais nulle part.

(...) »


Non, mais sérieusement…
Quel orage ?
L'Ukraine ? Le mois de janvier qui a battu des records de chaleur ?

NB - Rhin, février 2024

Plus loin : 

« Men allvarligt talat, vem
har ens ego nog att skriva dikter
när Edith redan gått till fots genom solsystemet
när Lars Huldén avlossat hagelskott
mot kristallkronan på lyrikens allvarskammare.

(…) »


Mais sérieusement, qui
a seulement le front d’écrire des poèmes
lors qu’Edith a déjà marché à travers le système solaire
et alors que Lars Huldén a fait un carton, au fusil,
sur le lustre de l’antre de la poésie sérieuse.

(…) »


Lars Huldén… Il s’ajoute à la longue liste des auteurs attendant lecture auprès de ma modeste personne (et s’en contrefichant bien sûr, mais...)
Mais, aussi : Edith. Bien sûr (E. Södergran, Dikter och aforismer, SLS/Atlantis, édition d’Holger Lillqvist, 2014, page 118) : 

« Till fots
fick jag gå genom solsystemen,
innan jag fann den första tråden (…) »

« C'est à pied
qu’il m’a été donné de traverser le système solaire,
avant que je trouve le premier fil (…) »


Nils Blanchard

samedi 10 février 2024

La nostalgie des panzers / Retour à Gracq

« Votation » à Paris, sur une augmentation des tarifs de stationnement pour les panzers, pardon, les véhicules de plus de 1,6 tonnes (et électriques de plus de 2 tonnes), le 4 février dernier. 54,55 % pour. 

André-Georges Barbier, vue de Paris (capture d'écran)

Entendu sur une radio un représentant d’association d’automobilistes (je ne sais pas laquelle) commencer de glapir de la sorte : « C’est déjà difficile d’habiter à Paris, alors... »
Plus exactement, pour des questions de prix du logement, il est impossible, pour beaucoup de gens, de s’installer à Paris. Mais une fois qu’on y est : « difficile de vivre à Paris ?... » (surtout quand on a assez d’argent à perdre dans un panzer…?) De qui se moque-t-on. Mais si ces gens-là n’aiment pas Paris, qu’ils aillent vivre ailleurs ! Et peut-être retrouvera-t-on dans la capitale des logements abordables.

André-Georges Barbier, vue de Paris (capture d'écran)

Ce qui est un peu dommage, c’est que si peu de gens aient voté : 78 121 Parisiens sur 1 374 532 inscrits.
Quoique. Je déteste ces énormes véhicules qui fondent derrière vous sur les routes tous feux surallumés parfois, ou qui, s’ils sont devant vous, vous bouchent toute vue ; prennent plus de place que les autres généralement. Néanmoins : donner sa voix à l’accroissement d’une taxe de stationnement ? Sur le principe, ça me gêne bien sûr ; les octrois et autres oiseaux de fer (voir à cet endroit – si, si : il suffit de cliquer –) ne sont point du tout mon fait. On me reprochera quelque misanthropie ? C’est gentil, après tout, de faire payer les « encombrants » dans les villes (voir, encore, ici…), C’est bien intentionné. Comme les pavés de l’enfer.
(Et avec cet argent, les gentilles municipalités pourront financer du mobilier urbain adapté à empêcher que des pauvres, des vagabonds, des SDF puissent s’y coucher ou y dormir…)

Puis bien sûr certains arguments des tenants des « SUV » – qu’ils n’aillent pas nous faire croire par contre qu’ils sont écologiques – et autres « 4X4 » sont peut-être entendables. Si la Seine débordait, peut-être parviendraient-ils plus facilement à passer par des rues inondées avec leurs véhicules. Ou si des animaux de la ménagerie s’échappaient, sans doute s’y sentiraient-ils plus en sécurité derrière les pare-buffles.
Moins sérieusement, certes, la mesure ne fera vraisemblablement que peu baisser la pollution, etc.

André-Georges Barbier, vue de Paris (capture d'écran)

Mais c’est une question culturelle qui est en jeu. « On achète ce qu’on veut ! » Non. Tout n’est pas, ne doit pas être nécessairement à vendre contrairement à ce que l’on voudrait parfois faire croire. Et en l’occurrence, l’Europe est un petit continent (en superficie) ; les panzers n’y sont pas adaptés, sauf en temps de guerre auxquels personne ne souhaite revenir. On a déjà artificialisé beaucoup trop d’espace ; on ne peut plus continuer d’augmenter la taille des routes, des places de stationnement…

Mais la question remue je ne sais quoi dans l’irrationnel de certaines gens.
Frappé de voir la forte proportion de panzers au Danemark récemment, qui n’est pourtant pas un pays qui dispose d’énormément de place quant à lui.
Ces véhicules n’éveillent-ils pas quelque chose d’une vague nostalgie d’après-guerre (je vais faire un peu de psychologie de bazar), reçue par les actuels propriétaires de ces engins de leurs grand-parents, arrière-grand-parents peut-être, devant un antique poste de télévision, en regardant des films vaguement rigolards sur la Seconde Guerre mondiale ?

André-Georges Barbier, vue de Paris (capture d'écran)

Là, on peut revenir à Gracq.
Il rend très bien la rencontre avec un char allemand, dans Un balcon en forêt.


Nils Blanchard


Triche : Je rajoute Louis Guilloux, Cripure, Nabucet aux étiquettes ; c’était trop plein la fois dernière.

P.-S.: Retour à 1921. Mort de Robert Badinter le 9 février. Je me renseigne sur l’abolition de la peine de mort dans les pays nordiques ; pour ce qui est de la Suède, l’abolition pour les crimes commis en temps de paix a eu lieu officiellement le 30 juin 1921, le 1er janvier 1973 pour ce qui est des crimes commis en temps de guerre. Plus important peut-être : la dernière exécution y a eu lieu le 23 novembre 1910.
Il ne s’agit pas ici de se rengorger que les uns ou les autres aient supprimé la peine de mort plus ou moins tôt, mais pour la France, la disparition de Robert Badinter accompagne, j’en ai peur – on en reparlera – un temps particulier, où une certaine vigilance se relâche vis-à-vis de l’antisémitisme, ou de manquements à certains principes essentiels de l’État de droit. J’ai entendu aussi il y a quelques jours, au cours d’un entretien à la radio, Martin Kamitz évoquer un respect moins grand depuis quelques décennies pour le corps, à travers les photos, les films, avec des scènes de violence, de torture, presque banalisées.

mercredi 7 février 2024

Livres nouveaux (et index, à droite, version ordinateur...)

Bien sûr on ne peut pas tout lire, mais plusieurs sorties font rêver ; on en reparlera, on en reparlera.

Gustav-Adolf Tenggren - capture d'écran

 D'abord, on l’a déjà évoqué, paraît incessamment sous peu le prochain opus de Wera von Essen, En emigrants dagbok (Le journal d’une émigrante), dans la lignée de son En debutants dagbok (Le journal d’une débutante).
Voilà ce qu’on peut en lire chez le site de l’éditeur (Polaris) :

« Jag har längtat så efter det här formatet (…)
I den nya boken är det en etablerad författare som har ordet, men med samma prövande blick, samma kompromisslösa vilja att gå på djupet vad gäller tro, skrivande, kärlek. Hon lever sitt liv mellan två världsdelar, i Sverige och Brasilien, och granskar tillvaron i båda länderna med den utanförståendes blick. »

« Ce format m’a manqué (…)
Dans ce nouveau livre, c’est une écrivaine reconnue qui parle, mais avec le même regard inquisiteur, la même volonté d’aller au fond des choses, sans compromission aucune, pour ce qui est de la foi, l’écriture, l’amour. Sa vie est partagée entre deux régions du monde, la Suède et le Brésil ; et dans les deux, elle fixe le monde avec les yeux de quelqu’un d’ailleurs. »

Expressen, caputure d’écran

Les critiques semblent encourageantes, notamment celle de Victor Malm, dans Expressen (le 25 janvier).
Et Bernur, en lien de lien de ce blog (index, à droite, version ordinateur…), est enthousiasmé ; lui parle de l’Augustpriset, « pour commencer », et commence, justement, ainsi (le 25 janvier aussi) :

« I genren autofiktion skriver ingen bättre svenskspråkig prosa än Wera von Essen. Hennes nya bok sopar banan med all konkurrens. »

« Dans le genre de l’autofiction, il n’y a pas de meilleure prose, en suédois, que celle de Wera von Essen. Son nouveau livre laisse la concurrence loin loin derrière lui. »

Mais ce n'est pas par la critique que je suis "venu" à Wera von Essen. 
À vrai dire, au départ, la couverture de son En debutants dagbok, dans une petite librairie de gare je crois. Choix rapide. Sanja Särman. (Si, si, index, à droite, version ordinateur...) 




C’est via le blog de Thomas Nydahl (le 13 janvier 2024) que mon attention s’est portée sur une Finlandaise de langue suédoise, d’origine aussi russe, ayant passé une partie de sa jeunesse à Saint-Pétersbourg… 
Non, pas Edith Södergran cette fois, Sofia Parland.

« Det är just denna tredelade identitet – finländsk, svensk och rysk – som skapar spänningen och känslan i hennes språk. Den är inte splittrad eller kluven, den är sin egen, hennes. »

« C'est justement cette triple identité – finlandaise, suédoise et russe – qui apporte intérêt et sensibilité à sa langue. Elle n’est pas écartelée ni incapable ; elle est la sienne, elle est elle. »

Et dans vi.se, (le 30 novembre 2023), Nils Niemi Boman titre son article sur une citation de l'auteure : 
« Sofia Parland : "Deux lieux peuvent être, simultanément, un chez soi". »
Ça nous ramène à ces divers lieux d'élection, auxquels on doit tourner le dos bien malgré soi...    

Mais pourquoi le dessin d’ouverture ? On a parlé récemment de Gustav-Adolf Tenggren.
Or d’elfes, ou de farfadets, il en est question dans le livre de Patrick Reumaux à paraître à Sous le sceau du Tabellion – bien belle maison, dhôtelienne s’il en est –, dès février 2024. Et dans sa « lettre » sur le site de la maison d’édition Sous le Sceau du Tabellion, Alain Chassagneux d’évoquer Louis Guilloux, Cripure, Nabucet, Le sang noir…
Et le nouveau livre, malheureusement posthume, de Patrick Reumaux.


Patrick Reumaux, déjà évoqué (à droite, à droite, etc.) et dont on reparlera très vite.


Nils Blanchard

samedi 3 février 2024

Communication – écrans et rues

 Il était question à cet endroit, à cet autre de communication, du grand écran de fumée du blabla. Et d’écrans, tout court, ceux des applications de téléphone portables, « réseaux » « sociaux »…

NB - Angers, décembre 2023

À Angers récemment (hiver 2023 – 2024), un – une ? – tagueur a sévi. On repérait ses inscriptions d’abord parce qu’elles « ornaient » des murs propres, plutôt récemment refaits, d’une écriture noire assez caractéristique et pas si moche. Qui plus est, ces inscriptions délivraient des messages.

NB - Angers, décembre 2023

Mais, ce ton de réseau social. Pardon, je ne peux m’y faire. Cette façon de haranguer le chaland : « Soutien aux... »

NB - Angers, janvier 2024

Et… Mais si… L’écriture inclusive. Dans ce premier tag bien dégueulasse polluant une façade : « pour toustxes » Eh, mais le tagueur (la tagueuse?) ne doit pas être si mauvais qu’il parvient à faire (pour autant que j’aie compris le mécanisme de l’« inclusion » scripturale), une faute. Une faute d’inclusaphe ? 
Je cite ici un texte très clair et intelligent d’Hélène Carrère d’Encausse, disparue l’été dernier, et Marc Lambron. (On retrouve là le texte complet : Lettre ouverte sur l'écriture inclusive.)

« Une langue procède d’une combinaison séculaire de l’histoire et de la pratique, ce que Lévi-Strauss et Dumézil définissaient comme « un équilibre subtil né de l’usage ». En prônant une réforme immédiate et totalisante de la graphie, les promoteurs de l’écriture inclusive violentent les rythmes d’évolution du langage selon une injonction brutale, arbitraire et non concertée, qui méconnaît l’écologie du verbe.

(...)

L'écriture inclusive trouble les pratiques d’apprentissage et de transmission de la langue française, déjà complexes, en ouvrant un champ d’incertitude qui crispe le débat sur des incantations graphiques. En focalisant l’attention sur l’obsession du genre, elle restreint le rapport à la langue en inhibant une expression plus ample de la pensée. Bien loin de susciter l’adhésion d’une majorité de contemporains, elle apparaît comme le domaine réservé d’une élite, inconsciente des difficultés rencontrées au quotidien par les pédagogues et les usagers du système scolaire. »

« Violenter », « restreindre », ces verbes ne me semblent pas mal choisis.


Bon, mais les tags ci-dessus étaient tout près de la rue Létanduère, plutôt vers la gare, à Angers, ce qui me mène à Julien Gracq, un de ces écrivains (voir Louis Guilloux) qui ne semblaient pas particulièrement porter Angers dans leur cœur. C’est dans La forme d’une ville (José Corti, 1985), au deuxième chapitre qui d’emblée, annonce :

« Je ne peux dire pourquoi Nantes est restée ma ville sans éclaircir d’abord les raisons qui font qu’Angers ne l’a jamais été. »

Il éclaircit ainsi sur un peu plus de dix pages, où l’on apprend que c’est à Angers qu’il lit Les Falaises de marbre – peut-être reparlera-t-on de ça –, et là-dedans :

« Je réserve pour un jour de flânerie l’exploration de la rue de Létenduère, dont la pente douce qui descend du quartier de la gare vers les lotissements de la Loire m’intrigue, et invite le pas du promeneur (...) »

Bon. Mais très vite – peut-être n’en était-il pas ainsi du temps de Julien Gracq –, la rue de Létenduère, qui descend plein sud en effet, se mue en avenue Maurice Tardat, puis en route du Hutreau, puis en route d’Angers – on est là à Saint-Gemmes –. Là, on approche d’un bras de Loire, mais il faut encore poursuivre la voie qui devient l’avenue du Commerce, puis la rue de l’église. Celle-ci se finit dans une rue de Bel-Air. Il faut tourner là à gauche, puis, c’est le plus simple sans doute, à droite rue des Aralias. À moins de passer par des chemins entre église et maisons. Et on arrive au chemin de halage.

NB - La Loire, Béhuard


Nils Blanchard

April. Mais…

Dates, qui reviennent en ce blog. J’ouvre The Waste Land  ; évidemment : 1921-1922. «  A pril is the cruellest month, breeding / Lilacs out ...