mercredi 1 octobre 2025

Mélange(s) des histoires

Journée de colloque dans l’ensemble passionnante au Cercle militaire de Strasbourg (place Broglie), le 27 septembre. Le thème en était « L’art dans le complexe concentrationnaire de Natzweiler ». Là, différents sujets, allusions, détails qui me ramènent à différents centres d’intérêt.


 Je pourrais évoquer toutes les interventions de la journée – j’en évoquerai –, mais je veux parler là de deux d’entre elles. L’une d’elles a été un peu iconoclaste quant au thème central (L’art dans le complexe concentrationnaire de Natzweiler) ; son titre : « Les objets fabriqués par les détenus des camps de Natzweiler-Struthof et Vorbruck-Schirmeck : art ou artisanat ? » Elle était dite par Juliette Brangé et préparée par elle et Michaël Landolt.
L'anomalie initiale m’a fait froncer les sourcils : on sait que le camp de redressement de Schirmeck n’appartenait pas au complexe de Natzweiler et, surtout, n’était pas un « camp de concentration ».

J'avais justement (quasiment) terminé le billet du 21 septembre dernier, consacré au KL Natzweiler, sur ceci :

« Bon, là [dans une petite vitrine provisoire d’objets exposés] voisinent étrangement des objets liés à la période concentrationnaire (le KL Natzweiler, et d’autres camps de concentration) et à la période carcérale (1944-1945) qui a suivi l’évacuation du camp de près. Ce mélange des mémoires, des histoires, pose question, même s’il est exact que le site a accueilli les deux systèmes successifs. (Le mélange imprécis, on le sait, est une tendance de certains historiens locaux qui ne sent pas toujours très bon…) »

Je pourrais réécrire à peu près la même phrase : « Ce mélange des histoires... », même si les deux camps autres (Schirmeck et Struthof période internement) ont des histoires particulières.

Goya, Esquisse du tableau La Vérité, le Temps et l’Histoire -
Musée des Beaux-Arts de Boston, Wikipedia

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ntervention, malgré tout, était intéressante.
Et Juliette Brangé de mentionner à un moment la découverte lors de fouilles à Natzweiler d’une plaque métallique avec le numéro matricule d’un prisonnier (soviétique en l’occurrence).
Évidemment, je pense à ce curieux hasard concernant la dépouille d’Elmar Krusman, au camp annexe de Bisingen : « Son corps, qui fut aussi un des rares enterré avec des vêtements) était donc le seul [parmi 1158 corps] doté d’une plaque d’identification métallique, alors que les autres étaient en carton [et se sont révélées quasi-illisibles à l’exhumation], d’où l’identification certaine et précise. (…) Outre qu’elle était métallique, cette plaque comportait donc la date du décès et une nationalité, en l’occurrence : 13.3.1945. Estland. » (NB, Elmar Krusman, L’Harmattan, pages 82-83.)


Cette intervention a été suivie par celle de Vincent Briand (directeur du Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon). Lui a évoqué un fonds de ce musée de plus de 600 œuvres d’art, « majoritairement des dessins, réalisés clandestinement par des déportés dans les prisons et camps nazis ». (Je cite là la plaquette du colloque.)
Je reviendrai, vraisemblablement, sur ce fonds, contenant entre autres 170 œuvres étonnantes – personnages au visage absent – de Jeannette L’Herminier.
Cela m’a ramené à une histoire géographiquement plus personnelle, celle de mon lycée angevin Joachim du Bellay. Au moment de la guerre, il était un « collège de jeune filles ». Sa directrice, Marie Talet, ainsi que quatre professeures et l’économe de l’établissement, dénoncées pour actes de résistance, ont été arrêtées et déportées. Parmi les trois survivantes, Jeanne Letourneau, professeure d’arts plastiques, a laissé des dessins de grande qualité, de Ravensbrück.
J'allais écrire : « des dessins magnifiques ». Impossible d’écrire cela. C’était un thème aussi du colloque ; je vais utiliser un langage un peu universitaire : comment appréhender – l’est-il possible ? – la notion de beauté, dans le système concentrationnaire ?


Nils Blanchard

Mélange(s) des histoires

J ournée de colloque dans l’ensemble passionnante au Cercle militaire de Strasbourg (place Broglie), le 27 septembre. Le thème en était « L’...