Les saisons d’un blog tournent plus vite que celles des maraîchers souriants de la réalité. (Sans compter qu’un média numérique reste, quoi qu’on fasse, numérique. On me dira que les livres aussi ont leur irréalité ? Peut-être…)
Par ailleurs, je n’aime pas courir après l’actualité, mais…
NB - Automne, l’année dernière |
Ces pensées un peu à tort et à travers, parce qu’après l’annonce récemment de la mort d’un blogueur (qui était en lien indirect de ce blog – j’en reparlerai), je viens d’apprendre celle de Gabrielle Björnstrand, dont le blog Gabis Annex est en lien direct, lui, de ces pages.
C'est l’autre Gabrielle (en lien direct aussi, et à propos de laquelle je voulais justement dire quelques petites choses, depuis quelque temps – mais les articles s’encombrent en ce moment au point de « publication » ; « publications » que j’ai pris le parti de restreindre à environ six, sept par mois…) qui a annoncé sa disparition sur son blog.
Il y avait comme une teinte d’éternel dans le blog Gabis annex, quand y étaient évoqués les paysages du nord de la Suède, les gens vivant là-haut, les particularités et problèmes pratiques liés au climat (froid, neige, isolement… lumières…)
NB - Automne, l’année dernière |
Jean-Jacques Birgé, lui aussi en lien indirect, etc., écrivait dans son blog le 23 septembre 2024 – une année sur un blog passe à peu près comme quelques secondes, quand il en reste une trace copiée-collée quelque part… – ; « Avec le temps je me suis aperçu que la mémoire se fige et que nous finissons par toujours raconter les mêmes histoires, et surtout de la même façon. Il en est une que je me suis vu réitérer récemment. »
Précisément, l’intérêt d’un blog peut être de sortir de ses « bulles mémorielles » (qui doivent être plus ou moins imperméables d’une personne à l’autre) pour prendre du recul vis-à-vis de ses idées et expériences, faire des liens avec d’autres pensées. En bref : faire œuvre d’intellectuel. (Encore faut-il ne pas déverser ses âneries vomitives, non mâchées, comme je ne sais quelle bile, en réagissant sans recul à tout ce qui passe à portée.)
On vit dans un monde où l’on dispose de tellement d’informations, intéressantes souvent quand même pour peu qu’on aille les chercher ; où, peut-être – allez… sans doute – aussi, des évolutions ont cours comme jamais – crise écologique, intelligence artificielle, crise des démocraties… – qu’il est difficile de garder, précisément, ce recul.
Que faire œuvre de blogueur intellectuel relève d’un certain équilibrisme…
NB - Automne, l’année dernière |
Un danger qui guette le blogueur, tel en tout cas que je semble me voir dans la glace, c’est de s’enfermer dans un « intérieur numérique ».
Aussi, qu’on le veuille ou non, ce blog – à plus ou moins courte échéance – est mortel (non, je ne paraphrase pas Valéry) et c’est très bien ainsi, salvateur. Il est une parenthèse.
« Intérieur numérique », cependant… Oui, mais liens, numériques, aussi. Ainsi ai-je l’impression que Gabrielle Roland Waldén de « Gabrielles blogg », que je n’ai jamais rencontrée ni même contactée (ça viendra peut-être un jour), qui pousse des coups de gueule contre les criminels contre l’humanité que sont Netanyahou et son gouvernement (Gabrielle Björnstrand le faisait aussi), ou contre l’alliance Tidö, mâtinée d’extrême droite, au pouvoir en Suède, contre l’agression russe en Ukraine… et qui s’intéresse par ailleurs à un navigateur du dix-huitième siècle (et à Stockholm!), est comme une vieille connaissance.
Et voilà que précisément, elle parle le 1er octobre (2025) de salle d’attente :
« Går till Provtagningen på det stora sjukhuset. Trycker fram en kölapp i apparaten. Jag sätter mig så att jag kan se när könumren ändras ovanför de 5-6 rum där proverna tas. 171 står det på lappen. Ser mig omkring. Här sitter 10-12 personer i olika åldrar och väntar. Flera står också lutade mot väggen vid ingången till det stora väntrummet. »
« Je suis allée faire des analyses au grand hôpital. Pris un ticket de queue. Je m'assois de telle manière que je puisse voir les numéros défiler au-dessus des cinq-six salles où l’on fait les tests. Mon ticket indique 171. Je regarde autour de moi. Il y a là dix-douze personnes de différents âges qui attendent assises. D’autres sont aussi debout contre le mur près de l’entrée principale. »
Puis de décrire différentes scènes autour d’elle. Les gens parlent peu. La blogueuse se demandera finalement si ce ne serait pas le moment, pourtant, de parler, de réchauffement climatique..., de quoi d’autre encore ?
« Väntrum på sjukhus är ofta så här. Det är tyst tyst tyst.
Alla de som väntar på sin tur har ju något hälsoproblem som ska åtgärdas och nu måste blodprov tas. Hur tankarna går hos dem som väntar går inte att veta. »
« Une salle d’attente d’hôpital est souvent ainsi. C’est silencieux silencieux, silencieux.
Tous ceux qui sont là ont un problème de santé à résoudre, et maintenant il faut faire un test sanguin. À quoi pensent les autres, on ne peut pas savoir. »
Nils Blanchard
Ajout. Sur le temps qui passe… Plus de deux ans depuis l’ignoble 7 octobre. S’en sont ensuivi (le Hamas l’avait en partie prévu sans doute) la riposte-vengeance tous azimut du gouvernement mâtiné d’extrême droite d’Israël, les intenables atteintes aux civils de Gaza.
Dans le Göteborgs Posten, le 16 septembre dernier, Henri Ascher (pédiatre, professeur à l’Université de Göteborg) écrit (dans le cadre d’une polémique sur l’antisémitisme en Suède, ses liens avec les événements en Israël…) :
« Om man verkligen på allvar vill bekämpa antisemitismen krävs det åtminstone tre saker: Det första är, som Göran Rosenberg nyligen pekat på, att journalistiken är sanningsenlig. Det andra, att man erkänner att judar i Sverige inte är en stereotyp, enhetlig massa utan människor med olika uppfattningar och upplevelser: en del av ökad antisemitism, andra av rädsla för det och många som inte alls har sådana erfarenheter. Det tredje är att man slutar med den farliga urvattning av antisemitismbegreppet som det innebär när man använder det i politiska syften för att tysta kritik mot det som FN betecknar som brott mot mänskligheten och som även förintelseforskare, judar över hela världen liksom israeliska författare och mänskliga rättighetsorganisationer betecknar som folkmord. »
« Si l’on veut sérieusement lutter contre l’antisémitisme, il faut trois choses : La première est, comme Göran Rosenberg l’a récemment montré, que le journalisme soit fiable. La deuxième est que l’on reconnaisse que les juifs en Suède ne constituent pas un stéréotype, une masse uniforme de gens sans opinions ou expériences – expériences pour une part d’une montée de l’antisémitisme, pour une autre de son appréhension, et une autre grande part qui n’a pas du tout ces expériences-là. La troisième : mettre fin à la dangereuse banalisation du concept d’antisémitisme, utilisé à des fins politiques pour faire taire les critiques contre ce que l’ONU qualifie de crimes contre l’humanité, ainsi que des chercheurs spécialistes de la Shoah, des juifs à travers le monde entier, des écrivains israéliens ou des organisations de défense des droits de l’homme, qui parlent de génocide. »
Ça me semble sensé…
NB
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