mercredi 27 août 2025

Retour au musée de l’aquarelle

Dans le Bohuslän, à Tjörn plus exactement, il y a un beau musée de l’aquarelle (d’où l’on peut aussi se baigner, se promener…)
Je me dépêche ici de faire une première recension d’exposition, car ladite exposition ne court que jusqu’au 14 septembre (2025). En värld av mönster (A world of pattern – Un monde de motifs) ; on n’est pas très loin d’une exposition LONGING dont on parla, il y a… en ces lignes. 

Couverture du livret de l’exposition : détail d’une œuvre de Sölvi Helgason

Ce musée – on y reviendra… il faut que je me tienne à l’exposition – joue de relations particulières entre l’intérieur et l’extérieur.
Là, certain cagnard au dehors (on était quelque part à la mi juillet) ; pas pris trop le temps de flâner vers les espaces de baignade entre les rochers non loin.
Mais l’accueil par un artiste américain, Jacob Hashimoto, dans cette salle d’entrée où il y a souvent des « installations » impressionnantes, donne une impression de jeu de lumière qui se joue, précisément, de l’intérieur et de l’extérieur, du vivant et du fixe…

NB - Jacob Hashimoto, Akvarellmuseet, juillet 2025

Puis l’exposition sur les motifs balaye un spectre (temporel) qui tournicote autour du milieu du vingtième siècle, mais en allant parfois plus avant dans le passé, comme avec le préraphaélite Edward Burne-Jones.
Puis on entre dans le cœur du sujet en quelque sorte, l’Islandais Sölvi Helgason, la Suédoise Ingrid Dessau.

NB - Ingrid Dessau, Akvarellmuseet, juillet 2025

Ou encore Anni Albers, venue du Bauhaus. (Voir lien plus haut…)
Comme une parenthèse, son mari Josef Albers peut rappeler un peu Oskar Reutersvärd par ses figures logiquement illogiques.

NB - Josef Albers, Akvarellmuseet, juillet 2025

Puis On est passé par des compositions de Stig Lindberg.

NB – Stig Lindberg, Akvarellmuseet, juillet 2025

Découverte : la Suédoise d’origine finlandaise, passée par Paris, Viola Gråsten.
On parlait de jeux intérieur / extérieur, vivant / fixe… Là, on a quelque chose comme un aller-retour entre figuratif et abstraction (mais c’est sans parler de la couleur).

NB – Viola Gråsten, Akvarellmuseet, juillet 2025


NB – Viola Gråsten, Akvarellmuseet, juillet 2025


Puis il faudrait aussi évoquer Arne Jacobsen, Sofia Delaunay (!), Josef Frank…

On y reviendra bien sûr.


Nils Blanchard

jeudi 21 août 2025

Divers lieux, passés / de la trahison

La trahison n’est pas un thème qui m’intéresse particulièrement, mais une notion qui revient beaucoup ici et là, sous tels ou tels figure, éclairage… Je ne sais encore trop où j’ai rencontré ce mot tout récemment.

Thorvald Erichsen, Holmsbu, 1916 - Capture d’écran


Et moi-même espère ne pas avoir trop trahi le texte de Martin Fahlén, Le tableau de Savery, en le traduisant. (Martin Fahlén qui évoque entre autres dans son livre Thorvald Erichsen…) J’avais / j’ai la confiance de l’auteur, et même une certaine latitude… Eh, mais je ne vais pas me lancer dans des réflexions étymologiques, on n’en sortirait plus. Plus exactement, on n’irait pas là où je veux qu’on aille cette fois… : en Italie ; à Venise, plus précisément.
En février 2023, le tenancier du site Tramezzinimag parle de « journal retrouvé ». À vrai dire, je ne comprend pas très bien ; il s’agirait de textes écrits avant le confinement…
Toujours est-il qu’on y trouve ce thème de la trahison, du sentiment de trahison au regard de l’éloignement que l’on s’impose – qu’on se voit imposer – de lieux aimés.

« Quelques années plus tard, lui aussi est parti pour éviter de souffrir du départ de tous ceux qui viennent à Venise et semblent vouloir y rester mais finissent toujours par repartir.
Par une sorte de maléfice, moi qui n'ai jamais rien tant souhaité que de poser un jour et à tout jamais mes malles remplies de livres et de souvenirs sur les dalles de la Sérénissime, je trahis sans cesse mon vœu et ma ville, ne réalisant pas l'un et abandonnant l'autre à chaque fois et pleurant de le faire… »

Un peu dur à suivre, n’est-ce pas. Lieu : rattaché à une personne, évidemment ; un amour ? Voire, même – si, si – à un travail. Le lieu où je fus jusqu’à présent le mieux traité par mes employeurs est le Maryland, aux États-Unis ; Bob et Ellen.
J'en garde une sourde nostalgie de la Baie de Chesapeake.

Ponts de la Baie de Chesapeake - Wikipedia

Mais il n’y a pas que les lieux. Je suis de loin en loin, avec un certain détachement (forcément, non, mais ce que je veux dire, c’est que je « lis » / « tourne » (avec ma molette) les pages de ce site très vite, sans tout lire dans le détail), un blog dont il a été question ici, d’une dame, par ailleurs créatrice de mode, entre Varberg et le sud de la France : Krickelins.
Elle a un côté horripilant de consommatrice scandinave un peu mal dégrossie (si on veut « résumer » un « jugement », très hâtif forcément, et de manière en grande partie injuste et faussée bien sûr…) Derrière ça, néanmoins, transparaissent – souvent quand ses articles tournent autour de ses escapades de vacances ou de pause dans sa maison française – des réflexions qui valent qu’on s’y attarde.
Là, justement, le lieu, au fond, est-il si important ? (Bien sûr, quand on parle de lieu, on parle de l’histoire qu’on a avec, de ce qu’on en fait, de l’imaginaire qu’on y disperse, etc.) L’article s’appelle, justement encore : « När livet ser lätt ut – utifrån » (« Quand la vie semble facile – vue du dehors »), le 27 juin 2025. Il se termine de la sorte :

« I morse låg ett tungt tryck över mitt bröst. Trots att solen sken. Trots att jag var i södra Frankrike. Trots att jag kunde ta ett dopp i den svala poolen innan kaffet.
Jag tror att verklig lycka inte sitter i det yttre. Den bor i mammahjärtat – Om barnen mår bra. I om man själv är frisk och stark, både i kropp och själ. Den finns där man jobbar med acceptans och självkärlek. Och när man har människor omkring sig som älskar en, som bär när man själv inte orkar.
Det där går inte att köpa för pengar. »

« Je ressentais ce matin une lourde pression sur ma poitrine. Pourtant le soleil brillait. Pourtant j’étais dans le sud de la France. Pourtant je pouvais piquer une tête dans la piscine fraîche avant le café.
Je pense que le vrai bonheur n’est pas dans l’apparence. Il est dans le cœur de la mère – si l’enfant va bien. Et si l’on est soi-même forte et en bonne santé, de corps et d’esprit. Il est là où l’on travaille dans le respect et l’estime de soi. Puis quand on a des proches qui vous aiment, vous supportent quand on n’en peut plus.
Ça, ça ne s’achète pas. »



Doit-on prendre comme une trahison, quand on exerce comme professeur, tel « jugement »  (pour le moins) hâtif d’« inspecteur » (infoutu m’a-t-on dit de lever son cul de sa chaise pour aller regarder un cahier d’élève – tout aurait dû lui être apporté sur un plateau) ? Sa tentative de détruire, me fait-on lire encore, dans son outrance même, la contradiction apportée par d’autres « observateurs » le montre, relève quelque chose d’étrangement « dérouté » (à défaut d’être déroutant : je subodore d’autres causes « profondes » de la chose, jalousie, vengeance...)
Déroute, tra-duction, tradition et trahison… On en revient à des jeux d’étymologie déjà évoquées dans ces lignes.
(Bon, mais on me dira – de quoi se 
plaindrait un tel professeur ? – j’écrivais quelque part dans ce blog qu’un mauvais rapport d’inspection pouvait être un honneur...)

Face à cela, telle connaissance s’étonnait récemment que je lui eusse dit que je partirais du jour au lendemain s’il m’en prenait l’envie de mon emploi actuel, si besoin était par abandon de poste (on vous méprise beaucoup, dans certaines sphères administratives de l’Éducation nationale, mais on fait tout, en même temps, pour vous retenir – il est vrai que la situation (chute des vocations, départs…) devient inquiétante. On vous répète, par exemple, que vous n’aurez, en cas de démission, non seulement pas la moindre indemnité – à moins de faire partie d’un groupe de chanceux dont les algorithmes du coup de bol semblent pour tout le monde un fabuleux hasard – mais pas de droit non plus au chômage. On vous laisse entrevoir des complications paperassières digne d’un conte de Kafka…)

Mais c’est que, comme disait Krickelins (« Där man jobbar med acceptans och självkärlek » – « Où l’on travaille dans le respect et l’estime de soi »)…
Cette estime de soi, il semblerait que certains paperassiers ne soient occupés qu'à la brider chez autrui.


Nils Blanchard

vendredi 15 août 2025

Objets de placard (pas en plastique!) / Wera von Essen

Voyage étrange et à peu de frais dans le temps ; objets de placards laissés passablement intacts par mon grand-père, en Suède. En même temps, j’ai pu enfin me procurer la suite d’En debutants dagbok, de Wera von Essen.

NB - Bohuslän, juillet 2025


Oui, il y a plus – bien plus peut-être… – de quarante ans qu’ils dorment là, dans une maison en Suède, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas beaucoup plus anciens. On croira que Michel Houellebecq (on le préférera chanté par Carla Bruni, en l’occurrence) visait juste : « Il existe au milieu du temps / La possibilité d’une île. »

Au milieu des temps, temps suspendus ? Des flots. Mer d’huile.

Ça me fait penser à un roman (en cours d’écriture) interrompu. Pas eu le temps du tout de le reprendre lors de mon dernier séjour ; ne l’avais même pas amené. Pas eu le temps de grand-chose ; à peine la relecture d’un autre…
Voulais chercher du travail, passer à autre chose, autre chose, autre chose…

En juillet : eau à 23° !

Bains, promenades dans la forêt.

Été. (Participe passé autant que saison. C’est tout le truc de l’été suédois…)


NB

De quand date cette boîte de plombs ?

Bon, il y a bien un plomb qui a sauté.
Heureusement que j’étais avec un ami qui s’y connaissait mieux que moi, qui avait un regard extérieur sur la chose. Tableau électrique, compliqué par des annotations postérieures. Il suffisait de s’en tenir aux annotations (pas encore effacées, heureusement) de… mon grand-père.

NB


NB

Et cette boîte de thé ?

James Lundgren and co, Göteborg.

Je lis sur une annonce sur internet qu’elle est probablement du milieu du siècle.

NB

Ah, puis cette boîte pour un réchaud de camping.
Elle est bilingue (sur les autres faces) : les explications sont en suédois et en finnois. Ce devait être très courant à… quelle époque ? Milieu du siècle, là encore ? Mais je ne peux m’empêcher de voir ça comme un clin d’œil à ce blog.

Où a été rajouté depuis peu, du reste, un lien vers le blog d’Ulrika Nettelblad…

NB - Bohuslän


Mais Wera von Essen ?

J'avance tranquillement dans son livre, en ce début de mois d’août – entre deux visite à l’hôpital – aussi désordonné que ce billet.
Elle s’apprête précisément (page 109 / 14 juin 2021) à accepter – sans grand enthousiasme – à aller en Finlande (elle est alors à Stockholm). Il faut dire qu’elle a mal au dos, ne veut pas voyager du coup en voiture…

« Tåg upp till Umeå. Jag vet inte. Jag är så vag och ambivalent och kan aldrig planera något. »

« Prendre le train en montant à Umeå. Je ne sais pas. Je suis si indécise, partagée... je n'arrive jamais à rien planifier. »

Elle n'ira pas; elle ira en fait un peu plus tard. Elle aussi a une partie d'histoire en Finlande. Svensk Finland (Finlande suédoise), mais sans être finlandssvensk. Décidément.


Nils Blanchard


- Ajout d'étiquettes du dernier billet : néopuritanisme, Copenhague, Genève.

- Échec hier (14 août) de la réunion de Genève visant à limiter la production de plastique dans le monde. Victoire, à très très court terme, des producteurs de pétrole…
Quand on pense qu’en France, on nous rebat les oreilles, jusque dans des établissements scolaires, de football (masculin), et des exploits de certains « clubs » financés par des pétrodollars…

vendredi 8 août 2025

Milicien et cétoine / Plafond d'une église / Plastique

Je n’ai pas respecté mon engagement pris – toute règle a ses exceptions ; puis on ne va pas non plus se laisser emmerder…– il y a deux ans de ne plus mettre les pieds dans la ville de Kungälv tant que leurs édiles n’en auraient pas été boutés.

Eglise de Kungälv, détail du plafond - Capture d’écran


Vu de l’intérieur de l’église, Wikipedia

J'y suis retourné en effet, pour montrer l’église à un ami. Elle était miraculeusement ouverte, et j’ai pu constater que Maria Lagerqvist et son équipe de conservateurs avaient fait du bon travail sur le magnifique plafond peint.

Eglise de Kungälv, détail du plafond - Capture d’écran

L'artiste qui a réalisé les peintures est Erik Eriksson Grijs (1645-1720). Sur l’ensemble impressionnant du plafond sont représentés notamment le jugement dernier, l’enfer et le paradis. (Thèmes rares mais récurrents néanmoins en ce blog…)

Eglise de Kungälv, détail du plafond - Capture d’écran

Les peintures datent de 1697-1698. Elles resplendissent de couleurs, d’un certain baroque. Les détails sont impressionnants ; des dizaines et des dizaines de visages différents, d’attitudes ; sans compter la ville (Kungälv – que valaient ses édiles à l’époque?), la mer et ses vaisseaux…

Eglise de Kungälv, détail du plafond - Capture d’écran

La sculpture d’un ange sonnant de la trompe, suspendu au plafond, plus ancienne (1683) est de Marcus Jäger (le jeune). Ses dorures avaient été refaites avant la restauration du plafond.


Quand nous sommes ressortis de l’église, devinez quoi… un milicien privé municipal tournicotait autour de ma voiture ! Ce n’était pas le même que celui qui m’avait littéralement agressé il y a deux ans. Circonspect, il semblait se demander quel défaut trouver à mon stationnement. Mais j’avais (comme il y a deux ans, on me l’avait même reproché!) dûment payé mon écot…
Il s’éloigna finalement lors que je commençais à me demander ce que je ferais s’il s’en prenait à son tour à mon véhicule (pour seul motif valable que celui-ci a une plaque d’immatriculation étrangère) : appeler l’ambassade de France – j’avais un témoin… –, la ligue des Droits de l’Homme, le Vatican ? Une autre solution aurait été d’appeler la police. Il y a deux ans (souvenons-nous, j’accompagnais une personne âgée et malade), je n’en avais pas le temps. Mais la police aurait peut-être fait son travail et m’aurait défendu contre la vulgaire milice locale.

NB - cétoine dorée (je pense...), Bohuslän, juillet 2025

Pas si loin de là, dans la maison où j’ai passé une grande partie du mois de juillet, traînait un Göteborgs Posten de l’an passé. Là-dedans, un article d’une demi-page titre (9 juillet 2024) : « Fler utvandrar än invandrar till Sverige » (« plus d’émigration que d’immigration en Suède »). Une photographie montre la ministre (parti des Modérés, alliés on le sait à l’extrême droite Maria Malmer Sterergard s’en vantant, littéralement auréolée d’un drapeau européen (tout un symbole?)
Il est vrai que pour ma part, ma mésaventure d’il y a deux ans – et le silence des autorités sollicitées – m’avait fait perdre (injustement sans doute ; il y a des cons partout) toute volonté de m’installer en Suède.
Cette année, la gentillesse des différentes personnes rencontrées (entre autres d’origine étrangère!), outre mes amis, d’autres choses aussi dont je reparlerai sans doute, me fait changer d’avis.

Göteborgs Posten, 9 août 2024 (photo Christine Olsson)

Bon, mais la cétoine, me demandera-t-on ? Que fichait-elle là ? Je l’ai photographiée dans le salon… Et elle me fait penser au Ciel du faubourg, d’André Dhôtel. Une cétoine (mais pas dorée semble-t-il) joue une part non négligeable dans l’intrigue de ce merveilleux livre. Elle apparaît à la page 105 :

« – J'ai trouvé un insecte rare ce matin, dit Timard.
– Tu as trouvé un insecte rare ? s’écria Fortan.
Timard tira de sa poche une boîte d’allumettes dont il sortit une sorte de coléoptère couleur de bronze que Pelledoux lui-même reconnut pour une cétoine.
– Pas une cétoine ordinaire, dit Timard. »


Nils Blanchard


Ajout. Contre le plastique (mais pas contre la plastique ; pardon…)

- Du 5 au 14 août, se tient à l’Office des Nations Unies à Genève une énième réunion internationale visant à réduire la pollution plastique. Le plastique, qui semble devenu un virus incontrôlable de nos industries et économies, qui s’insinue dans nos océans, eaux, air…
Il y avait le 5 août dernier une émission sur France culture sur le sujet: « Peut-on sortir de la civilisation du plastique? » Très bonnes interventions de Dorothée Moisan, m’a-t-il semblé.



- À Copenhague, le néopuritanisme semble s’en prendre à une statue de sirène : on lui reprocherait une poitrine trop généreuse.

Sculpture de Peter Bech - Capture d’écran

dimanche 3 août 2025

Vers le pire ? – Laser, vélos, fermeture de blog et patron

Toute fin de juillet, journée, décidément… Je sors de l’hôpital après être passé entre les mains d’un interne… comment dire, pas particulièrement délicat (et je ne crois pas être spécialement douillet…) Je me retrouve dans les rues de Strasbourg ; œil douloureux et larmoyant – « surlunettes » merci à vous… –, à me faufiler un chemin, un peu flageolant…

NB Autoportrait à la coquille (juin 2025)

Me faufiler un chemin… parmi les vélos (et les voitures, mais elles au moins restent sur leurs voies). Sans mentir : je cherche un endroit réservé aux piétons. Sur telle avenue, on leur laisse un petit chemin au bord de la chaussée, en plein cagnard…
Je fulmine, râle… devant les cyclistes à la queue-leu-leu qui, au mieux, ne voient rien de mon manège, au pire, doivent me prendre pour un fou, un marginal, un inadapté… ce que je suis peut-être après tout…

Je repense à Benoît Duteurtre, encore une fois. Mélanie… (Souvenez-vous, dans En marche!)
Pages 97-102 :

« (…) Mélanie (…) fit avancer son fauteuil vers le trottoir où elle jeta un regard plein de colère. Car le spectacle de cette ville la confortait, jour après jour, dans sa principale certitude : ce monde – comme chacun d’entre nous – avance obstinément vers le pire.
(…) Quant aux cyclistes auxquels on avait accordé tant de privilèges, ils en exigeaient davantage et abandonnaient continuellement la chaussée pour ces mêmes trottoirs où ils se sentaient plus en sécurité. Rapides et silencieux, ils ne semblaient guère s’aviser que leurs engins, déboulant parmi les promeneurs, semaient l’inquiétude. Surgissant à chaque instant, ils filaient à vive allure, slalomaient entre les piétons, faisaient du lèche-vitrine entre les poussettes. Et Mélanie observait avec colère ce mélange d’assurance vertueuse (eux aussi luttaient pour sauver la planète”) et de mépris pour les autres. »

Mélanie, on en a déjà parlé a pour sport favori de remettre à leur place ces cyclistes. Et :

« Penaud, le coupable s’en retournait vers la chaussée. Mais, dès qu’il enfourchait de nouveau sa selle, il retrouvait les mœurs de sa caste et dressait un doigt d’honneur en direction de la handicapée, puis disparaissait en quelques tours de pédales, certain qu’elle ne le rattraperait pas. »

NB - Strasbourg, août 2025 (le week-end suivant, avec beaucoup moins de monde...)

Bon, mais aussi, il y avait eu certes quelques fausses alertes, mais cette fois c’est la « bonne » semble-t-il : Thomas Nydahl a fermé son blog !
Désormais, plus rien : il faut être « invité »… ce qui revient à dire semble-t-il que c’est fermé…
Évidemment, il était malade, fatigué… Il écrivait le 18 janvier 2025 (j’avais « copié-collé »…) :

« Det kan gå dagar mellan suckarna. Påstår han själv. Men omgivningen hör hur de kommer allt tätare, som attacker mot tystnaden. Suckarna har blivit hans nya sätt att meddela omvärlden vantrivlseln.
(...)
Tyst men märkbart suckar han sig denom dagarna. Tyngden på hans axlar och smärtan i hans bröst är nu som en synlig rustning som ska skydda honom mot världen. »

« Il peut s'écouler des jours entre les soupirs. Du moins d'après lui. Mais son entourage les entend de plus en plus fréquemment, comme des attaques contre le silence. Ils sont devenus le nouveau moyen d'expression de son malaise. 
(...) 
Silencieux, mais visible, il soupire et pleure au travers des jours. Le poids sur ses épaules, la douleur dans sa poitrine, sont maintenant comme une protection ostentatoire contre le monde. »

Capture d'écran du blog de Thomas Nydahl - Fausse alerte en juin 2023...

Autre fin d’une histoire – fin d’une époque en tout cas : Gammalsvenskby. L’agression russe qui n’en finit pas… On lit sur le site Svenskbyborna, en lien de ce blog, le 28 juillet (Sofia Hoas) :

« Ryska armén fortsätter att beskjuta och bränna det som finns kvar av byn. Drönare släpper sprängämnen och minor.
Det är svårt att hålla kontakt med de 6 personer som är kvar. En person lämnade byn till fots. Han möttes upp och togs till sjukhus för behandling.
De som är kvar uppmanas att omedelbart lämna byn till fots, till en säker plats. »

« L'armée russe continue de prendre pour cible, de brûler ce qu’il reste du village. Les drones larguent explosifs et mines.
Difficile de garder un contact avec les six personnes restantes. Un habitant s’est enfui à pied ; il s’en est tiré et a été soigné à l’hôpital.
Ceux qui restent sont invités à quitter sans délai le village vers des lieux plus sûrs. »

Mollie Faustman - Capture d’écran

Et puisqu’on est dans des thèmes peu réjouissants, on peu ajouter ici ces discours, toujours semblables, qui se répètent comme des disques rayés au fil des années…
Un chef de syndicat des patrons, sur une chaîne de radio d’« informations », explique qu’il faut travailler plus pour produire plus. Il est favorable évidemment à la suppression de jours fériés, reprend l’antienne de l’absentéisme qui serait plus fort dans le secteur public que dans le privé (bien qu’on ait dû lui expliquer moult fois que les choses étaient à y regarder de plus près…)
Le brave garçon n’a jamais entendu parler, semble-t-il, de réchauffement climatique, de baisse drastique de la biodiversité, de la nécessité de baisser l’artificialisation des sols, de cesser l’empoisonnement des gens (pesticides, etc.) C’est apparemment un héritier ; quelqu’un qui consacre sa vie à préserver ce qu’il a reçu de plus que d’autres pour se donner de l’importance, et ce, « quoi qu’il en coûte » (socialement, écologiquement…)
Morbide, oui.

Il est de ces journées…


Nils Blanchard


Triche. Ajout d’étiquettes du dernier article : Martine Sgard, Martin Fahlén, Le tableau de Savery, Patrick Reumaux.

lundi 28 juillet 2025

Lumière nordique

Je ne suis pas particulièrement féru de musique lyrique, sauf bien sûr quand il s’agit de Vivaldi, Mozart, Schubert parfois ; d’autres encore certes.
Là : compositeurs (de moi en tout cas) peu connus.
Mais c’est que ça se passe en Suède, au XVIIe siècle, à la cour de Charles XI…

NB - Bohuslän

 Le CD s’appelle Northern Light – pourquoi pas ? –, avec comme sous-titre : Echoes from 17th-century Scandinavia. Interprète : Lucile Richardot, , accompagnée par Sébastien Daucé avec l’Ensemble Correspondances. C’est chez Harmonia Mundi.



Bon, mais pas de titre en anglais. On a du suédois, de l’allemand, du latin ; pièces de Franz Tunder, Vincenzo Albrici, Johann Christoph Bach (grand-oncle de…) – d’autres…

Pour ce qui est de lumière nordique, Charles XI (1655-1697) – au règne duquel donc les morceaux du CD sont attachés – monarque absolu, fut appelé le Soleil du Nord – réplique septentrionale de Louis XIV. (Le livret du CD parle aussi de « sol inocciduus », le soleil qui ne se couche jamais, en référence au solstice d’été.)

NB - Bohuslän

On voit dans la culture musicale de la Suède de l’époque un lien avec la France ; on n’en est pas encore à la francophilie d’un Gustave III, rompant avec l’aversion que le français inspirait à un Charles XII. La Suède, dans le domaine musical, s’ouvre aux autres cultures ; Huub van der Linden (traduit par Martine Sgard) écrit dans le booklet du CD : « Si la cour de Louis XIV avait élaboré un style musical à la française, reflétant l’apparat royal de l’identité “nationale”, la cour suédoise se présentait délibérément comme un carrefour de musiques et de musiciens européens. Cette ouverture musicale s’inscrivait dans la continuité d’une tendance initiée par la reine Christine de Suède, qui, au milieu du XVIIe siècle, avait fait venir à Stockholm des musiciens italiens et de nombreux instrumentalistes à cordes français. »

NB - Bohuslän

On retrouve donc l’énigmatique reine Christine (que Patrick Reumaux laisse ses personnages passablement maltraiter dans ses derniers livres…)
Or le tableau de Savery, auquel Martin Fahlén a consacré son livre, est peut-être passé entre les mains de cette dernière. Dans Le tableau de Savery, justement, on lit, page 42 :

« Les œuvres d’art qui arrivaient au château [de Rodolphe II] résultaient de transactions liées aux évolutions diplomatiques et de vols. On envoyait en mission des ambassadeurs et des artistes pour assembler des objets. Les magnifiques œuvres du palais relevaient à la fois de la vie privée de l’empereur et de sa propagande. Mais sa diplomatie échoua et la Guerre de Trente Ans entraîna le
pillage des œuvres à Prague. Démantelée, la collection passa de mains en mains de différents souverains. C’est ainsi qu’en 1648, des militaires suédois acheminèrent un grand ensemble de prises de guerre à la reine Christine. (…) Le Vertumne d’Arcimboldo faisait partie du lot [et de la récente exposition au Louvre à Paris], et on peut le voir aujourd’hui au château de Skokloster. »


Le monde est petit, pas ? J’avais pensé à un moment intituler la traduction du livre de Martin Fahlén Paradis perdus/retrouvés, notion (du Paradis) qu’on retrouve dès la première strophe de la première pièce du CD (en suédois, ce morceau de Franz Tunder) :

« Ack Herre, låt dina helga änglar / Uti min dödsstund föra min själ, I Abrahamas sköte föra. » (« Ah, Seigneur, fais que tes anges saints, / À l’heure de ma mort, accompagnent mon âme / Dans le sein d’Abraham. »)

NB - Bohuslän


Nils Blanchard

mercredi 23 juillet 2025

Avant de quitter les « réseaux » « sociaux », déjà : n’y entrez pas !

Il avait été question dans l’avant-dernier billet de ce blog d’un article de Terrestres (en lien indirect de ce blog, via Alluvions…) appelant à quitter les « réseaux sociaux ». Bon, mais j’avais déjà fait remarquer alors que le mieux serait de n’y pas entrer du tout !

Nils Asplund, L’été, 1943 - Capture d’écran

Pourquoi diable les gens sont-ils si grégaires qu’ils se croient, qu’ils se sont cru par millions obligés de pénétrer ces choses ?
Évidemment, refuser d’entrer sur certains « réseaux » numériques, c’est prendre le risque d’une certaine exclusion. Mais, réfléchissons un peu : exclusion de quoi ? De slogans à moitié crétins : « Hachtag j’aime bien ton nouveau look. »
Y a-t-il vraiment tant à perdre ?
Ah, me répliquera-t-on (avec raison…) : on perd contact avec des groupes, avec des gens. Avec des « groupes » ? Pourquoi (moi le premier) se croit-on obligé de mettre des guillemets à réseaux, et sociaux ? Des groupes, vraiment ? De vagues entités binaires numériques ; mais après…
De manière plus inquiétante, on perdrait le contact avec des gens, qui ne « communiquent » plus que là. Soyons un peu sérieux : si on perd contact avec des gens, réellement, c’est qu’on n’a plus besoin d’avoir de relations avec eux, ou en tout cas, qu’on ne ressent pas la nécessité d’échanger avec eux des avis, toutes les dix minutes sur tout et rien.

Nils Asplund, 1954 - Capture d’écran

Deux choses un peu gênantes dans l’article de Matthieu Amiech, Gary Libot, Valentin Martinie : l’utilisation du mot « fascisme » sans, semble-t-il, qu’il réponde à une définition précise. Ce mot balancé et mélangeant diverses tendances, idées, courants, pas forcément sympathiques mais dissemblables, voilà une simplification – un simplisme – qui m’énerve passablement.

Autre point, la Chine n’est quasiment pas évoquée au long de ce long texte – à l’exception de deux occurrences d’un « réseau » « social » chinois dans la longue citation consacrée à l’ancienne Allemagne de l’Est.

Nils Asplund, 1953 - Capture d’écran

Par contre, l’idée qu’à « À mesure que le rythme de production-publication s’accélère, les messages sont de plus en plus brefs ; les images elles-mêmes sont de plus en plus dynamiques, « multimédia », synthétiques. En conséquence de cet aplatissement, les représentations collectives deviennent de plus en plus schématiques. » Cela ne manque pas de pertinence. Ne rejoint-on pas là ce qu’écrivait Bernur et que j’ai cité ?
Et il faudra, décidément, oui, revenir à Robert Antelme.

Pertinence aussi des auteurs quand ils évoquent des « chatbots  de nombreux sites Internet depuis plusieurs années. Ils sont un résultat du productivisme informationnel (…). Partant, ils vont approfondir les logiques psychiques, sociales et politiques déjà à l’œuvre avec les réseaux sociaux, c’est-à-dire le déploiement d’une société de l’absence, où le monde est de plus en plus livré à domicile aux individus, et où une place inédite est laissée à la dimension pulsionnelle de nos existences ».

Une « société de l’absence », oui ; c’est bien vu.

Aussi : « Il est grand temps de réaliser que sur les réseaux prétendument sociaux, les extrême-droites sont chez elles. » C’est malheureusement le constat qu’on est obligé de faire. Mais il ne doit pas dispenser de s’interroger sur ces mouvements politiques, les conditions de leurs succès (j’ai essayé de comparer ici même les expériences des extrême droites soutenant le pouvoir en Suède (les accords de Tidö) et en France (le gouvernement Barnier). Ces deux cas montrent des mécanismes, des cultures politiques particuliers.) Mais il serait bien difficile de ne pas lier la tendance mondiale à la progression des extrême droites au développement indigeste des outils numériques.

Nils Asplund - Capture d’écran

Dernier commentaire que je voudrais faire sur cet article, en lien à la résurgence récemment dans  mes billets de volatiles métalliques inquiétants. On lit dans l’article de Terrestres : « Beaucoup, à gauche, pensent encore qu’il faut leur faire barrage pour qu’elles ne rentrent pas dans les têtes, comme on ferait barrage à une nuée d’oiseaux malfaisants. »

Bon, au moins ces « oiseaux malfaisants » pourraient-ils nous ramener à André Dhôtel. Lisez donc L’Île aux oiseaux de fer ; Julien Grainebis leur joue un vilain tour.


Nils Blanchard


Triche. Rajout d’étiquettes n’ayant pas trouvé place en fin du billet précédent : Choderlos de Laclos, Haguenau.

Retour au musée de l’aquarelle

Dans le Bohuslän, à Tjörn plus exactement, il y a un beau musée de l’aquarelle (d’où l’on peut aussi se baigner, se promener…) Je me dépêche...