mercredi 20 novembre 2024

Croisements / passé présent / Modiano – Trump / Yves Lepesqueur

On aura peut-être remarqué que ce blog adopte des thèmes parfois différents, avec trois (et bien vagues) peut-être qui surnagent, outre la Suède : l’art (notamment peinture et sculpture), une certaine littérature d’après-guerre (et notamment André Dhôtel), une partie de l’histoire concentrationnaire (autour d’Elmar Krusman, des camps annexes du Kl Natzweiler).

NB - Automne 2024


Les croisements de thèmes peuvent amener à quelques surprises. Des hasards non abolis par des coups de touches. Mais des touches…




On a dépassé les mille jours de guerre en Ukraine, mille jours donc que l’agression russe sur son voisin a eu lieu. C’est à peu près le nombre de jours d’existence de ce petit blog aussi.


NB - automne 2024


Et ne peut-on considérer – hasard, hasard ? – que cette attaque russe a coïncidé avec une prise de conscience étendue – même si elle n’a pas eu autant de conséquences qu’on voudrait – du fait que l’on est entré dans un temps où les énergies fossiles reculeront. La guerre russe est en lien aussi avec cette évolution : moins consommer de pétrole et gaz russes – ne plus en consommer du tout à terme ? – impose bien sûr d’accélérer ce qu’on appelle assez laidement la « transition énergétique ». Et il n’y aura pas de miracle, ça passera par une transition économique, d’abord une « stagcroissance » puis une décroissance – intelligente si possible…
Ça se cabre ici et là : l’autruche Trump avec son antivaccin Kennedy issu d’on ne sait plus quel monde, un Chris Wright, présenté comme un héraut de la fracturation hydraulique, annoncé comme ministre de l’énergie de l’ancien-futur président américain… un coup de téléphone récemment (15 ou 16 novembre) du chancelier allemand à Poutine… car l’Allemagne subit de plein fouet les transitions actuelles.




On pourrait parler ici aussi d’autres transitions, évolutions… migrations… entre pays autant qu’entre époques.
Yves Lepesqueur, dans un livre assez fantastique dont on reparlera – aux éditions de l’Harmattan, ça ne surprendra personne – n’évoque peut-être pas des croisements ; l’auteur parle lui de paradoxes. On y évoque par exemple Taha Husayn, que j’évoquai quant à moi dans un petit article de La Route inconnue, à propos… d’André Dhôtel… Bref, lui, Yves Lepesqueur, écrit à propos des migrations pages 83-84 : « Le migrant est devenu une figure de légende comme l’étaient autrefois le chevalier ou le moine. Ce nouveau statut s’est traduit par cette nouvelle appellation : on ne parle plus d’émigrés ou d’émigrants, plus d’immigrés ou d’immigrants : seulement de « migrants », autant dire de migrateurs.
(...)
La disparition des préfixes a une signification très claire : les deux préfixes de l’é-migré et de l’im-migré faisaient référence à ses deux pays. Tout immigré était un émigré, il avait deux pays, celui où il était né et celui où il mourrait peut-être (…)
« Migrants », « mobilité des cadres », « mobilité internationale des étudiants », « formation tout au long de la vie », « flexibilité », etc. sont des termes qui ressortissent au même « champ sémantique », comme disent les cuistres, celui du changement, du mouvement, de l’instabilité, autant dire celui du Bien. »



Mais Modiano… Migrations dans le temps. Il apparaît le même jour, le 16 novembre dernier, dans les blogs de Patrick Bléron (Alluvions, en lien de ce blog-ci, en haut, à droite…) et de Thomas Nydahl, qui fait la recension d’une nouvelle traduite en suédois, Seine.

« Paris, 1940-tal. Berättarjaget är en blyg artonåring som går en kurs på en teaterskola.

Yre kvällar i veckan är det »gruppövning». Det är när stjärnan på kursen, kamraterna emellan kallad »grevinnan», har vunnit första pris i drama i den årliga tävlingen, som han får syn på en liten flicka som sover i en av de röda sammetsfåtöljerna längst bak i salen. Hon visar sig vara dotter till »grevinnan» som gett henne smeknamnet Lilla smycket.

Långt senare är det Lilla smycket själv som är berättaren i den roman av Patrick Modiano som bär hennes namn. »

« Paris, années quarante. Le narrateur est un jeune homme timide, dix-huit ans, suivant des cours de théâtre.
Trois soirs dans la semaine, ce sont des « exercices de groupe ». Quand la star du groupe, que ses camarades surnomment entre eux « la comtesse », remporte le premier prix dramatique au concours annuel, il remarque une petite fille endormie dans un des fauteuils de velours rouge tout au fond de la salle. Elle se révèle être la fille de la comtesse, qui l’a surnommée La Petite Bijou.

Bien plus tard, la Petite Bijou devient elle-même le personnage phare d’un roman de Patrick Modiano. »



Bon, mais sait-on que Modiano fait partie de ces gens qui n’ignorent pas André Dhôtel ? Encore un autre sujet.


Nils Blanchard

samedi 16 novembre 2024

Nostalgie ? Again ?

Est-ce vraiment de la nostalgie ? Qu’est-ce que la nostalgie ? Un précédent billet de ce blog, le 16 septembre dernier, faisait allusion à une amie retrouvée par la blogueuse Sandra Holmqvist

NB - église de Laroche – Saint-Cydroine


On retrouve quelque chose d’un peu similaire – mais la réaction est différente – dans celui de Julia Eriksson le 4 novembre dernier ; ça se passe chez un marchand de couleurs à Stockholm :

« (...) och så plötsligt i gången står ett bekant ansikte från förr. ”Men, det är ju du”, säger hon. ”Det är ju du!”, svarar jag. Vi möts i en kram och jag tänker att det måste vara tio år sedan sist och vi pratar ikapp i väntan på att nummertavlan ska ropa ut våra siffror och hon ska måla om sitt kök och jo, jag bor här nu, bara några kvarter bort och vi båda har lämnat hemstaden, ungdomen, spårvagnarna och våra gemensamma nämnare bakom oss. Blivit några andra men ändå så mycket samma. »

« (...) et soudain, dans le passage : un visage connu du passé. ”Mais c’est bien toi”, dit-elle. C’est bien toi !”, je réponds. Nous nous étreignons, lors que je songe que ça doit faire dix ans la dernière fois, et nous parlons sans nous arrêter en attendant que nos numéros d’attente soient appelés ; elle va rependre sa cuisine, et oui, j’habite ici maintenant, à quelques rues seulement ; toutes deux avons laissé derrière nous la ville d’origine, la jeunesse, les tramways, ce qui nous rassemblait. Devenues des autres personnes et cependant tellement les mêmes. »

NB – église de Chassericourt


En l’occurrence : intrusion du passé dans la vie quotidienne. Mais ce passé peut être aussi un refuge savamment recherché, entretenu – ravivé ? – :

« Där [vid kvällsöppna museet] vandrar jag sedan i tystnad bland färgstarka tavlor, låter mig sköljas av expressionismens uttryck, fäster blicken på en annan tid, betraktar den med ögonen och magen, andas långsamt och tar in. »

« Là [dans un musée ouvert le soir] j’évolue ensuite en silence entre les tableaux aux couleurs vives, me laisse emporter par l’impressionnisme, porte le regard dans un autre temps, le contemple avec les yeux, le ventre, respire lentement et y adhère. »

NB – église de Chassericourt


C'est ce que je fais bien différemment lors de traversées assez régulières de la France ces derniers temps. Aux confins de l’Aube et de la Haute-Marne, il y a une multitude de plus ou moins petites églises à visiter, quand elles sont ouvertes. Deux ou trois kilomètres – un peu plus ? – de détour pour aller en chercher une ; on hésite… On y va ?

NB - église de Vallentigny


On se retrouve soudain comme dans un autre monde. Une dame arrange des fleurs sur des tombes à proximité – sourire discret ; qu’est-ce que vient faire cet homme plus ou moins entre deux âges, peut-elle se demander, là ? Un prêtre ? Un pilleur ? Quelqu’un qui a des origines par ici ?
Un touriste, un curieux ? Un badaud… Il y en a si peu.

Des tableaux sont mités, on marche sur une tombe.
Proportions, lumières ; çà et là des traces de fragilité.
Çà et là des morceaux d’anciennes fresques médiévales qui resurgissent. Mais elles se confondraient presque avec l’humidité qui ronge aussi ces édifices pas toujours assez entretenus, même si on devine – grillages métalliques – une volonté de les aérer.


NB - église de Vallentigny


Parties du XIIIème siècle, du XIVème. Beaucoup de choses héritées du XVIème siècle dans cette région…
Et le XVIIIème siècle est intervenu, avec ses maître-autels notamment. Des angelots parfois étrangement maladroits dans le dessin de leurs visages.


NB - église d'Outines. Style Louis XIV, ce retable d'autel. 


Équilibre somme toute précaire dans une calme résistance au temps.


Nils Blanchard


Et puis… L’article d’Adam Cwejman, pour rappel, à propos de l’élection de D. Trump (le 6 novembre dernier, dans le Göteborgs Posten) mentionnait une opposition entre villes et campagnes : « Ju mer innerstadsväljarens föreställningsvärld dominerar politiken, ju mindre blir stödet utanför bubblan. » (« Plus les représentants des centres urbains dominent la politique, plus faible est leur prégnance en dehors de leur bulle. ») Mais il faut y regarder de plus près : il semble que les trumpistes aient fait des progrès aussi dans les villes… Alors ?
J'essayais de faire montre d’un certain optimisme. Mais j'ai vu (sur internet, sur je ne sais quelle chaîne publique française) une partie de reportage montrant des partisans de l’ancien/futur président défiler en files de « panzers » dans la campagne de je ne sais quel État. (Je suis peu précis, me dira-t-on. Peu importe.) Impression qu’a retrouvée en moi cette visualisation – je ne crois pas qu’il y avait un quelconque montage, une quelconque falsification. Quelque chose de proprement infernal – et on reviendra à l’enfer… – rappelant un peu le début du roman Le retour du gang de la clé à molette (Edward Abbey)…
Quatre ans, quand même, ce sera long.

L'ancien/futur président… Ancien/futur, décidément… Les deux sont liés mais ces gens, brûlant leur essence peut-être schisteuse dans leurs « panzers » rejettent ce lien. Ils croient se ruer dans le futur par peur du passé ; ils détruisent la vie par peur de la mort.

(À suivre ?)

NB

lundi 11 novembre 2024

L’île du bonheur

Elis, le garçon détesté – un peu pendant du David d’André Dhôtel – réplique à qui lui parle d’îles, de l’archipel de Finlande : « petites comme des chiures de mouche », « qu’une fois il avait lu une histoire qui s’appelait L’île du bonheur et que cette île était très petite ». (Traduction, Catherine Renaud.)



De quoi s’agit-il ?
Il y a bien un film finnois qui s’intitule L’île du bonheur. Voilà ce qu’on en lit sur Wikipedia (traduit du finnois) : « L'île du bonheur est un film de 1955 réalisé par Maunu Kurkvaara. Le film se déroule pendant la guerre de Continuation et a été tourné en extérieur sur l'île de Bornholm. En 1956, Kurkvaara a réalisé une nouvelle version élargie du film (…)
Après avoir été blessé, le jeune soldat Olavi Laitinen revient d'un voyage en voilier en temps de paix avec un couple d'amis. Une tempête les a conduits sur une île, où Olavi est tombé amoureux de Birte, la beauté de l'île. Au moment de partir, il promet de revenir sur l'île, mais le déclenchement de la guerre l'en empêche et Birte et lui ne peuvent plus que s’écrire. »

Si j’ai bien compris, Birte meurt et Olavi l’apprend par une lettre avant de repartir au front, brisé.

Onnen Saari - Capture d'écran



Onnen Saari - Capture d'écran



Onnen Saari - Capture d'écran


Le film aurait été mal reçu par la critique et le public. Aucune idée si cela a un lien avec ce dont il est question dans la nouvelle de Tove Jansson.
Mais pour rappel, la Finlande a subi trois guerres pendant le second conflit mondial, la guerre d’Hiver, de décembre 1939 à mars 1940, contre l’Union soviétique, la guerre de Continuation, de juin 1941 à septembre 1944 – la Finlande s’alliant alors à l’Allemagne nazie pour reprendre les territoires perdus pendant la guerre d’Hiver, enfin la guerre de Laponie, d’octobre 1944 à mai 1945, la Finlande devant se retourner contre ses anciens alliés nazis. Cela peut expliquer bien des rebondissements.
Quant à Bornholm, l’île danoise fut occupée par les Allemands (après l’opération Weserünbung) d’avril 1940 à mai 1945, puis par les Soviétiques pendant encore presque un an, jusqu’en avril 1946.


Garm, Numéro d'avril 1944


Pour en revenir à Tove Jansson, elle dessine des amants de guerre, sur cette couverture de la revue suédo-finlandaise Garm, numéro de Pâques 1944. On est alors encore en plein dans le guerre de Continuation. On reparlera de cette revue…

Se peut-il que Tove Jansson ait eu vent de son collègue (illustrateur, écrivain pour la jeunesse) Max Colomban ? Avec lui aussi on revient à une Île du bonheur.

1931


Nils Blanchard

mercredi 6 novembre 2024

Nostalgie, again / A winging thing

Il semble qu’il faille parler de Woody Allen au passé, depuis qu’il a été décidé par on ne sait quels néo-inquisiteurs qu’il était un vilain garçon (peu importe pour ces gens les décisions de justice…)

NB - New York, 1998; bien avant qu'on puisse même envisager qu'un Donald Trump 
puisse accéder à la magistrature suprême, qu'une Le Pen puisse contrôler 
un gouvernement.


Et pourtant, quel plaisir de (re)voir ses films, comme Stardust memories (1980), avec la toujours excellente Charlotte Rampling.
Qui (et notamment parmi les inquisiteurs) pourrait faire aujourd’hui un film de cette qualité ?
Légèreté de ton alternant avec des retours sur on ne sait quelles enfances, répliques qui sonnent autant que crisse le catéchisme bigot de nos donneurs de leçons…

Ah… Mais il y a les séries… Elles grignotent peu à peu le cinéma ; les plateformes du cloud – avalant on ne sait combien de centrales nucléaires pour nourrir leur vacuité – remplacent peu à peu les salles obscures.
Salles obscures, antres de tant de fantasmes…
Mais là (fantasme!), il faut se signer… À défaut bien sûr de SIGNER les insultes déversées sur les réseaux sociaux ou je ne sais quelles plateformes d’« expression », qui n’ont d’expressionniste que leur vulgarité.

Stardust memories - Capture d'écran


Eh, à un cinquième du film à peu près, (les personnages joués par) Woody Allen et Charlotte Rampling sont dans leur appartement new-yorkais – vue sur la skyline bien sûr… – et flirtent tranquillement quand un pigeon entre par une fenêtre ouverte. Woody Allen est pris de panique, chasse le pigeon par tout moyen, dont un extincteur, et a cette sentence : « I don’t want a winging thing in my house ! »
Mais Charlotte Rampling n’est-elle pas un ange ?

(Tenez, cette chanson d’Alain Chamfort – aucun rapport… Quoique ?)

Je rassure les amis des bêtes (dont je fais modestement partie) : le pigeon repartira finalement tranquillement par la fenêtre vers les gratte-ciels new-yorkais…

NB - New York 



Nils Blanchard


Et puis… Dans le Göteborgs Posten, article d’Adam Cwejman: « Ni såg det inte komma - och det är själva problemet » (« Vous ne l'avez pas vu venir - et c'est précisément le problème »). Il commence d’y rappeler les hauts scores en faveur de Trump, ce mardi 6 novembre, parmi par exemple les latino-Américains (qui, soit dit en passant, avaient déjà eu tendance à voter pour Bush (Junior)). Puis : « Trump, eller stödet till honom förklaras vara känslodrivet, irrationellt eller en konsekvens av lögner och falskt medvetande (…) Precis sådan arrogans är delvis det som har gjort Donald Trump så framgångsrik. » (« Trump, plutôt le soutien à sa personne est présenté comme émotionnel, irrationnel, ou encore le produit de mensonges et d’ignorance (…) Or c’est précisément ce genre d’arguments arrogants qui enrichit Trump. »
Un peu plus loin : « Ju mer innerstadsväljarens föreställningsvärld dominerar politiken, ju mindre blir stödet utanför bubblan. Bristande förståelse för vilka frågor som väljare berörs är en sak, men värre är när väljarnas bekymmer eller tankar betraktas som en konsekvens av desinformation eller att de är korkade och bigotta. » (« Plus les représentants des centres urbains dominent la politique, plus faible est leur prégnance en dehors de leur bulle. Une compréhension imparfaite des questions au centre des débats est une chose, mais plus grave est de considérer les préoccupations, pensées des électeurs comme le produit de la désinformation, la bêtise ou la bigoterie. »)
Puis Adam Cwejman de remarquer que les médias traditionnels ne sont plus au centre de l’« information » politique.

Bon. Tout ceci est intéressant me semble-t-il. Il convient en effet d’essayer de faire montre de lucidité, ne pas ruer systématiquement dans les brancards en hurlant, mais faut-il pour autant reculer devant ces gens ? Ces gens : qui diffusent de fausses informations, qui insultent leurs adversaires, qui dénigrent certaines parties de la population et qui, dans l’action, se révèlent d’une incompétence crasse (cf. D. Trump pendant la crise du Covid, ou face aux enjeux environnementaux).

Cela dit, on peut considérer cette élection américaine sous un autre point de vue : ne marque-t-elle pas paradoxalement un certain retour à la normalité ? Indépendamment de ce qu’on sait de Trump, de ses outrances, il a fait une bonne campagne, se fendant hier d’envisager de perdre et, dans cette éventualité, d’accepter sa défaite, ce qui lui donnait une figure de modéré…
De l’autre côté, Kamala Harris n’a pas fait une très bonne campagne : elle a peu proposé, a usé d’insultes de bobo (« fasciste », sans forcément que le terme soit bien maîtrisé). À sa décharge, le parti démocrate est dans une mauvaise passe : Biden, manifestement incapable d’exercer réellement ses fonctions – même si son administration semble avoir plutôt bien dirigé le pays –, aurait dû démissionner depuis longtemps (voire ne pas se présenter en 2020). Le fait d’avoir voulu le présenter à nouveau, puis d’avoir été obligé de faire machine arrière a été calamiteux. Et en plus la candidate démocrate s’est retrouvée avec un temps de campagne limité.
Sans doute aussi Kamala Harris n’a-t-elle pas eu les bons angles d’attaque en insistant sur ses qualités de femme et de noire. Les Américains élisaient un président, non une représentante de « communauté ».
Du coup, il était logique, sinon que Trump gagne, en tout cas que Harris perde.

On peu parier (ça ne coûte rien), sur le fait que ce second mandat de Donald Trump purgera une époque (comme il y a eu l’époque Clinton…) et qu’on passera normalement à autre chose ensuite.

On peut rêver (beaucoup insistent sur l’imprévisibilité du personnage) que Trump parvienne en effet à résoudre certains problèmes, qu’il prenne un peu plus en tout cas que lors de son premier mandat la mesure de sa fonction.

À surveiller maintenant ce qui se passe en France, avec un grand groupe industriel qui annonce des fermetures d’usines entre Vendée et Bretagne (Cholet, Vannes…) On songe aux « bonnets rouges », à la chouannerie…

(À suivre?)


NB

lundi 4 novembre 2024

Rêves – et ours (1)

Il y a déjà trop de temps pour que j’en garde un souvenir précis, mais récemment se sont bousculés divers récits de rêves, dans mes lectures, vagabondages numériques… M’est restée cette idée de billet.

NB - octobre 2024

Bon, ça, ce n’est pas trop difficile à garder en mémoire : c’est peut-être parti de Bernur (Björn Kohlström) évoquant en août dernier la parution en Suède du Journal de rêves de Théodor W. Adorno (concernant, cette édition, une période de 1934 à 1969). Évidemment, la tenue d’un journal de rêves, ça m’a interpellé pour diverses raisons.

« Men går det att säga att en dröm avslöjar något om oss? Berättar drömmarna vem vi ”egentligen” är? Vad som kan sägas, är väl snarare att ju starkare neuroser, desto livligare drömmar. Med andra ord: om du saknar dramatik i dina drömmar, se till att oroa dig mer. Ibland är Adornos drömmar roliga, ibland obegripliga, som när han dansar med en hund iklädd frack. »

« Mais peut-on considérer qu’un rêve dévoile quelque chose de nous ? Les rêves racontent-ils qui nous sommes « réellement » ? Ce qu’on peut dire, c’est que plus on est névrosé, plus les rêves sont prenants. En d’autres termes, si vous vous ennuyez dans vos rêves, tâchez d’avoir plus de problèmes. Adorno a des rêves drôles, parfois incompréhensibles, comme quand il danse avec un chien en tenue de soirée. »

Plus loin, après des dames de verre dans des bordels :

« Promenaderna i städer är något som nog är mer arketypiska, att vi vandrar i de världar vi har övergivit (i mina drömmar är jag alltid i Umeå). Men det är en värld som har förändrats, förvrängts, förstörts. Arkitekturen har reviderats, gatuplanen har rivits upp och infrastrukturen har försummats. »

« Plus signifiantes doivent être les promenades dans les villes : nous errons dans les villes que nous avons abandonnées (dans mes rêves, je suis toujours à Umeå). Mais c’est un monde qui a changé, qui a été déformé, abîmé. L’architecture a été revue, la voirie cassée, les infrastructures négligées. »

Je rêve quant à moi peu de villes, plutôt de maisons, plus ou moins anciennes.

Bon, mais considérer que la réalité est nettement plus saugrenue que ses rêves…

Les voyages fantastiques de Julien Grainebis, p. 97, éd. P. Horay, 1958
Illustration de Camille Claus


Ou que la littérature… On en revient çà et là, régulièrement à un livre qui n’a l’air de rien, d’André Dhôtel. D’ailleurs, au départ, ce n’est pas un livre mais un recueil de contes publiés dans divers revues : Les voyages fantastiques de Julien Grainebis (illustré par Camille Claus). Dans « Le voyage de Madame Sobert », Julien Grainebis et la dame Sobert en question, partis aux États-Unis, y vont de déconvenue en déconvenue, se retrouvent employés plus ou moins de force par un couple de fermiers (deux hommes) avec qui il est impossible de communiquer, non à cause de la langue, mais parce qu’on ne peut avoir de conversation suivie avec eux, un peu comme dans certains rêves, du reste.
Une des distractions de ces gens, rustres ça va sans dire, est de chasser un ours dans la forêt, ours unique échappé d’une ménagerie.
Évidemment, l’ours, un peu étrange tout de même, un peu… dhôtelien dirons-nous, pourra finalement regagner sa forêt, tranquillement, mais non sans laisser une trace sanglante derrière lui.
Se frotte-t-on impunément aux hommes ?

(Ill. Emmanuel Cerdan.)


Je disais que je rêve, ou ai rêvé à une époque, régulièrement, à des maisons, d’enfance ou partiellement, déformées bien sûrs, « adaptées » au songe. Et dans Croire aux fauves, Nastassja Martin raconte un rêve qui démarre dans une maison d’enfance.

« (...) je m’avance vers le jardin aux oiseaux. Je me fige. Quelque chose sort du puits, une tête. Mon estomac se contracte de peur. Je le vois nettement maintenant, alors qu’il s’extirpe de terre. Il est gros, marron clair, fauve. Je tourne la tête. Il y en a un autre (…) Grognements. Un troisième [ours] sort de la cabane. Celui qui est sorti du puits s’avise et d’un pas nonchalant se dirige vers moi. Je me mets à courir mais je suis si lente, je déteste ça, ce ralenti propre au temps du rêve (…) »

Blessée grièvement par un ours, qu’elle a blessé en retour aussi, la narratrice raconte ce rêve à une psychologue.
Mais difficile de lui expliquer en revanche qu’il s’agit pour elle aussi d’une rencontre. « C’est aussi le temps du mythe qui rejoint la réalité ; le jadis qui rejoint l’actuel ; le rêve qui rejoint l’incarné. »

Tenez, voilà qui peut faire penser – dans un sens – à une visite de Klamm à un petit fonctionnaire, comme un évêque visitant un petit curé de campagne.


Nils Blanchard

mercredi 30 octobre 2024

Croisements / Paris

Le précédent billet portait en partie sur François Truffaut. J’ai quelques billets d’avance, ces derniers temps, aussi mes sujets peuvent être parfois un peu hors du temps. Quelque lecteur avisé aura néanmoins remarqué que sur Alluvions (liens, à droite, etc.), Patrick Bléron, le 24 octobre, évoquait notamment Baisers volés.

NB - Canal Saint-Martin


Du coup, petite promenade dans Paris, place Clichy, hôtel Alsina transformé en immeuble d’habitations… Le Sacré-CœurOn apprend, sur un site consacré à Paris et au cinéma que l’hôtel Alsina était avenue Junot, dont il a été question ici.

On arrive dans le quartier de Jérôme K Jérôme Bloche, qui habite rue Francœur comme chacun sait – du moins y a-t-il son bureau et y dort-il quand il n’est pas chez sa fiancée Babette, qui n’habite pas très loin de là… À un numéro un peu fantaisiste, j’avais vérifié, je ne sais plus quand…

Encore un K qui se balade dans le prénom anglophile de ce personnage, décidément...

Dodier en a fait paraître un nouvel opus, en octobre, le vingt-neuvième, Perpétuité. Dessin, scénario sont au rendez-vous – ce numéro s’est fait attendre…



Pour en revenir à Alluvions, il est question de pneumatiques, évoqués eux-mêmes dans Baisers volés. Pour ma part, j’ai commencé à comprendre ce qu’étaient des pneumatiques – pour communiquer notamment à Paris –, je crois, en fréquentant le journal et la correspondance de Léautaud. Là, en furetant au hasard dans sa formidable correspondance, je tombe sur cette lettre (p. 533 du tome 1, chez 10/18), de janvier 1923, dans laquelle il « recommande » deux gardiens de la paix au président de la SPA :

« Lundi 22 janvier courant, à 8 heures du soir, deux chevaux se trouvaient rue Dauphine, en route pour l’abattoir. L’un d’eux depuis une heure était tombé et restait là, visiblement épuisé de fatigue et de privations. Notre collègue, Mme Cayssac, présente à ce moment, acheta deux pains entiers pour restaurer un peu l’animal. Les deux agents susnommés lui prêtèrent le meilleur concours, tous deux penchés vers le cheval (…) Ils s’opposèrent ensuite à l’intention du conducteur de faire continuer la route à ce cheval (…) »

Ça casse un peu l’ambiance et nous rappelle que de tous temps les hommes tirent, tirent la corde…



Là, c’était dans le sixième arrondissement.
Si l’on traverse la Seine, qu’on descend vers le sud, dans le quinzième, jouxtant la voie ferrée et le quatorzième, il y a la rue Castagnary. J’en parle parce que j’y ai habité ; bon… mais de cela on se fiche.
Mais il se trouve que dans Poignard subtil, blog en lien d’Alluvions, il est fait mention du phare breton qui s’y dressait, pénétrant les brumes urbaines, ce jusqu’à ce qu’il soit détruit, nous apprend l’article, en 2017.
J'habitais à peu près juste en face…
La forme d’une ville
Change plus vite, hélas !
Etc.


Nils Blanchard

dimanche 27 octobre 2024

Séries, cinéma, livres / Digression ; maisons

Revu récemment un film assez surprenant, plus encore cette deuxième fois que je l’ai vu : La femme d’à côté, de François Truffaut.



Les acteurs sont très bons, Gérard Depardieu, Fanny Ardant, mais aussi par exemple Michèle Baumgartner, qui campe l’épouse endurante, mais pas sotte – c’est une toute autre époque aussi – du personnage joué par Depardieu.
Surprenant : cette peinture d’un amour absolu, à la fois impossible et facile.
Quelque chose qu’on ne représente plus vraiment à notre époque pudibonde. Les gens le vivent-ils encore ?
Mais là n’est pas le propos. Je voulais parler de livres qu’on voit de moins en moins dans les intérieurs des productions actuelles. Là, dans La femme d’à côté, deux maisons jouent un rôle important dans l’histoire. Et dans les deux – l’une plus que l’autre –, il y avait des bibliothèques.
Il est vrai, pas d’écran. Ou si peu. Des télés ? Jamais allumées alors.

NB


Associations improbables d’idées, sur le blog de Gabrielle Björnstrand, Gabis Annex, le premier octobre dernier, un article intitulé : « Att skämmas för serier » (« Avoir honte des séries »). Je pensai d’abord que la blogueuse s’en prendrait au genre en lui-même – et au temps pris, à une certaine dépendance qu’il induit chez certaines gens. Mais ce qui la rebute, surtout, c’est la violence, dans des productions il est vrai dont je n’ai pour ma part jamais entendu parler :

« Jag vill inte moralisera, människan har väl ett behov av nåt spännande ibland. Men det som bjuds är som att sluka våld och fetischerad tuffhet. »

« Je ne veux pas faire la morale – les gens ont besoin d’action de temps en temps –, mais ce qu’on nous offre est une violence envahissante, une dureté fétichisée. »

Ah, j’oubliais : l’article en question (sur Gabis annex) est illustré par une image des 400 Coups.



(Il faudrait que je trouve cette édition préfacée par Thomas Mann…)

Petite digression.

Récemment, K a reçu la visite de Klamm, ou, peut-être, on n’en est jamais sûr, de quelqu’un qui lui est très proche… En tous les cas un envoyé du Château. (Non, il ne s’agit pas là d’écriture cabalistique, mais de réminiscences de sujets évoqués en d’anciens articles… Glossaire, à droite (version ordinateur…) : K…)
À quel sujet ai-dû parler de mon livre ? À vrai dire, je n’ai pas parlé de mon livre (j’ai du reste dû dire à peine trois ou quatre phrases pendant tout l’« entretien »), mais de mes recherches. On m’interrogeait sur l’histoire de mes « états de service » – ils touchent à leur fin en ce qui concerne ce métier que j’exerce actuellement –, j’ai dû parler de « temps partiels » passés, et partant de mes « travaux ». Là, l’entretien aurait presque pu virer au comique ; Klamm (ou qui que ce fût) :
– Vous refaites une maison ? [La maison, décidément…]
– Non. Je voulais parler de recherches…
J'aurais dû répondre : « Non, j’ai entrepris de reconstruire un château. » Mais ça aurait été doublement mentir (aux sens propre et figuré ; j’ai assez donné…)


Nils Blanchard


P.-S. : Au hasard de je ne sais quelle pérégrination, recherche (pas de maison, quoique, ni de château), je tombe sur cette affiche pour une conférence prochainement à la bibliothèque nordique, à Paris.



Croisements / passé présent / Modiano – Trump / Yves Lepesqueur

On aura peut-être remarqué que ce blog adopte des thèmes parfois différents, avec trois (et bien vagues) peut-être qui surnagent, outre la S...