vendredi 28 mars 2025

Cernay – Sennheim ; camp annexe et autres – Et précisions

Cernay (germanisé en Sennheim par les nazis) a été le lieu d’élection d’un camp de formation SS  comme il en a été question ici, et là, à propos des étudiants norvégiens qui refusèrent d’endosser l’uniforme de ces sinistres unités. Mais aussi, en lien à ce camp, a existé là un camp annexe (kommando) de Natzweiler.

NB – Mars ; route quelque part dans l’est de la France


Dans le camp de formation (SS-Ausbildungslager Sennheim), actif de janvier 1941 à novembre 1944 (il y avait là aussi des centres de formation de moindre importance, Hitlerjugend entre autres), on amène au départ des aspirants à la SS (évidemment volontaires), d’« obédience » plutôt germanique : Néerlandais, Flamands, Norvégiens, Danois et Suisses (et peut-être originaires du Lichtenstein et du Luxembourg). On parle alors de « Germanische SS », auxquels s’adjoignent par la suite des… Suédois, des Français, Estoniens, Finlandais… et autres encore.

Le lieu a une histoire « concentrationnaire » complexe. Il s’implante autour de l’institut Saint-André, tenu par une congrégation de religieuses s’occupant d’enfants handicapés. Les sœurs et leurs pensionnaires sont évacués à la guerre et, pendant la Drôle de guerre, le gouvernement français y concentre 314 personnes, réfugiés de Mulhouse, communistes espagnols internés par Daladier…
Puis de l’été à décembre 1940, les Allemands en font un centre de regroupement d’« indésirables », qui n’ont pas vocation à demeurer dans les territoires annexés (Juifs, communistes, d’autres…) ; 105 000 (chiffre du livre de H. Mounine) vont y transiter avant d’être expulsés.

Ce livre de Henri Mounine, justement, est à la fois précieux et étrange.
Son auteur, aujourd’hui semble-t-il disparu, est présenté çà et là (qu’est-ce qu’il faut aller voir comme sites malodorants pour obtenir telles ou telles informations) comme un spécialiste des SS. Cernay 40-45 – Le SS-Ausbildungslager de Sennheim, Éditions du Polygone (Ostwald dans le Bas-Rhin), juin 1999, est un grand format de 480 pages assez richement illustré, fourmillant d’informations (toutes justes ? On va voir qu’il y a quelques… étrangetés) notamment sur le camp de formation SS bien sûr, mais aussi, et c’est pour moi le mérite de ce travail, sur les destins des principales nationalités qui s’y retrouvèrent. On y trouve aussi (on y reviendra peut-être) des renseignements sur un étrange personnage qui m’intéresse par ailleurs parce qu’il est lié à Emmanuel Peillet : Philippe Merlen. Aussi, des pages sur les officiers de réserve alsaciens ayant payé par la déportation leur REFUS d’entrer dans la SS.

Aussi, non moindre mérite de ce travail pour le moins conséquent : l’évocation du camp annexe du KL Natzweiler qui nous intéresse…



Sur ce sujet du refus d’entrer dans la SS, l’auteur (on arrive aux étrangetés évoquées plus haut) a une étrange tendance à « oublier » ce refus dans ses introductions. Ainsi page 103, en ouverture d’une sous-partie sur les étudiants norvégiens, on lit : « C’est une constante actuelle de vouloir présenter les soldats de la Waffen-SS comme tous volontaires. La réalité demeure tout autre. (…) »
PRÉCISÉMENT PAS, en tout cas, pour les étudiants norvégiens !

Ou encore, page 342, à propos des officiers de réserve alsaciens qui, l’auteur le note lui-même, refusèrent de contracter un engagement à la SS (à l’exception de quatre, sur quarante-six – chiffres de l’auteur –) et dont vingt-deux mourront à Neuengamme : « Contrairement à ce que nombre d’auteurs écrivent et veulent faire croire, il n’y eut pas que des volontaires dans les rangs de la Waffen-SS. Après les Norvégiens dont nous avons parlé précédemment, voici le tour de Français, d’Alsaciens très exactement. » Très exactement, je me répète, les Norvégiens et Français alsaciens évoqués ne sont pas entrés, en très grande majorité, dans la SS.

Un article du quotidien local L’Alsace, disponible sur internet, de Pascal Coquis, d’avril et décembre 2022, évoque aussi le complexe de Cernay/Sennheim. Il est en très grande majorité consacré au camp de formation SS. Une petite page sur le camp annexe, que je cite :

« A la mi-avril 1944, à peine deux mois avant le débarquement en Normandie donc, les autorités nazies décident même d’augmenter les capacités d’accueil du SS-Ausbildungslager de Cernay. Et pour construire les logements dans lesquels logeront les nouveaux stagiaires attendus, ils transfèrent des détenus du camp de concentration du Struthof à Cernay.
“Ce sont principalement des déportés russes et polonais qui ont été amenés là, précise Romain Blandre (…) Ils étaient environ 300 d’après ce que l’on a pu recouper, explique-t-il.
Aujourd’hui, bientôt 80 ans plus tard, il faut accepter de se faire griffer par les ronces pour découvrir les vestiges de cette installation qui gisent près de l’actuelle gravière, à 500 m à vol d’oiseau environ de l’institut.
(...) En sous-sol, un évier de pierre subsiste ainsi que les murs qui délimitaient le lavoir, la cuisine.
(...) Sandrine Garcia, responsable des collections au Centre européen du résistant déporté, explique que le camp de concentration de Sennheim fonctionnait selon le même principe que le camp annexe d’Obernai. A Cernay comme à Obernai, les détenus étaient au service des SS, ils s’occupaient de l’intendance, de l’entretien, du jardinage. En l’occurrence, ils étaient là pour effectuer des travaux de construction.
Une cinquantaine de baraques en bois, et a priori la piscine, seront construites par ces prisonniers entre avril 1944 et novembre de la même année avant qu’ils ne soient déportés à Dachau. »

D'après une brochure sur une exposition de lycées allemands et français datant d’il y a quelques années (ladite brochure n’est pas datée), Camp de concentration Natzweiler et ses annexes sur les deux rives du Rhin, un décès a été enregistré au camp annexe de Sennheim, sachant que d’autres blessés ou morts avaient été évacués vers le camp souche.

NB – Avril, Anjou


Difficile d’illustrer un tel billet. Les photos sépia d’imbéciles en uniforme idoine finissent par devenir insupportables.
Vive le printemps…


Nils Blanchard


Ajout d'étiquettes du dernier billet : Elon Musk, LFI, Selma Lagerlöf, France Culture. 

lundi 24 mars 2025

« La doxa de l’inévitable », Nils Holgersson, 3

Expression entendue dans la bouche d’Éric Sadin, dans l’émission d’Alain Finkielkraut « Répliques », sur France culture le 22 mars.
Il était là remis en question l’inexorable progression, promotion aussi, de l’« intelligence » « artificielle », remise en question qui fait étrangement écho à un billet d’il y a près d’un an.

Et c’est le printemps, quand même…

Présentation de l’émission : « Eric Sadin revient sur la généalogie de l'Intelligence Artificielle, la fait remonter à ce qui s'est passé à partir du mitan des années 2000. Il définit ce qu'il appelle "la dimension cognitive et organisationnelle - Ça interprète et ça organise, ça envoie des signaux en vue d'agir de telle manière plutôt que de telle autre". »

Éric Sadin d’insister sur la mise en danger de certains métiers : traducteur (littéraire notamment), auteur, doubleur, acteur… avocat, médecin généraliste.
On a besoin les uns des autres pour se développer, pour « faire société » (là, c’est moi qui utilise cette expression qui m’agace considérablement habituellement). É. Sadin : « On a tous besoin de quelqu’un qui a les compétences que chacun n’a pas » (je cite de mémoire). Si on n’utilise plus les compétences des autres, mais celle des machines uniquement, c’est l’humanité elle-même qui va profondément changer, dans son modèle de développement.

« Mitan des années 2000 » ?
On en voit déjà les résultats : Musk et autres avec leurs saluts nazis incontrôlés (sans même qu’ils soient sans doute réellement nazis : ils ne comprennent rien et tout (tout et rien…) C'est le désordre intégral de la saturation de la réflexion humaine, du développement humain, par les algorithmes mercadents.

Mary Hamilton Frye, The Wonderful Adventures of Nils (Selma Lagerlöf)


En l’occurrence, la « peste » faisait allusion à l’antisémitisme.

Or (et ne serait-ce que l’œuvre de l’« hologramme » de Mélenchon ? Je n’en crois rien…), l’antisémitisme progresse on le sait dans nos contrées et temps, particulièrement peut-être depuis le 7 octobre (mais, déjà avant…), et a été évoqué ces derniers temps dans les médias de par une affiche assez puante de « LFI », reprenant des codes antisémites anciens…

Bon, mais alors, quel lien, entre l’antisémitisme et l’intelligence artificielle dévoyée ?
J'aurais tendance à dire que dans les deux cas, on est dans l’amorce de l’attaque contre l’humanité. L’antisémitisme est particulier car, indépendamment de son aspect détestable, voire même de la Shoah, il précède et sert d’exemple aux autres intolérances, discriminations, jalousies… névroses…

Mary Hamilton Frye, The Wonderful Adventures of Nils (Selma Lagerlöf)


Et Nils Holgersson, qui apparaissait aussi dans ces billets évoqués ?
N'y a-t-il pas là à travers l’histoire de ce garçon transformé par un tomte en petit gnome, le contact possible avec d’autres formes d’intelligence, de réflexion, au travers des contes, de la fiction, de l’imaginaire ?
On sait que les oies sauvages, aussi, oiseaux migrateurs, se repèrent dans leurs voyages à travers des mécanismes particuliers qui nous échappent en partie.
Autres intelligences ?


Nils Blanchard


Ajout d’étiquettes du dernier billet : Lorenzo, Venise, Covid-19, Suède, OTAN, Anders Tegnell, maastrichtlisbonnisation, 1921.

jeudi 20 mars 2025

Un site sur Venise – Et diverses réflexions

Retour sur un site sur Venise, d’un Lorenzo, « TraMeZziniMag ». Ce blog sommeillait un peu depuis quelques mois, et reviennent début 2025 des articles sur le carnaval de Venise, sur la période du Covid, que l’auteur ne semble pas avoir digérée. Or elle peut ramener – étrangement ? – à des sujets très actuels. 



Un article du 26 février commence de la sorte :

« Avec le recul, nous savons combien nous avons été pris pour des imbéciles et la peur a fait de beaucoup d'entre nous des zombies effrayés. Réduits à accepter les oukases de dirigeants tout aussi paumés que le bon peuple tétanisé foulèrent aux pieds les droits et les valeurs les plus élémentaires sous prétexte que de (faux) experts qui ne savaient rien ou pas grand chose annoncèrent un beau matin des centaines de millions de morts à venir. »

Bon, mais les encombrements des hôpitaux, la surmortalité, ont été réelles.
Reste que la réponse suédoise, avec Anders Tegnell, qui a entraîné les cris d’orfraie « européens » et « nordiques » était sans doute la (une des) meilleure.

(De même, sur un autre sujet, pourrait-on réévaluer quelque peu la réponse britannique à la maastrichtlisbonnisation du continent… quand aujourd’hui le Royaume-Uni revient au centre du jeu européen.
Ou le « On n’a pas le choix » qui me fut assené lorsque je mettais en doute le bien-fondé de l’entrée de la Suède dans l’OTAN… Eh ! Ils sont bien avancés, maintenant que les États-Unis pourraient en sortir. Pire, si Trump continue de répéter bêtement ce que lui souffle Poutine – sans même s’en cacher ; lors de son « altercation » avec Zelensky, il l’a dit clairement : « Poutine m’a dit... » –, ils pourraient même se retrouver en face…)



Lorenzo (dix jours plus tôt, il recommande le trio de jazz Søren Bebe Trio) poursuit : « Le bel avantage de cette période folle, outre la preuve que l'humain est un des animaux les plus bêtes parmi les espèces animales, que les élites seront prêtes à tout pour s'enrichir sans effort, que les politiques n'ont plus aucun sens de l’État ni du bien commun, ce furent ces heures délicieuses à se promener dans des villes et villages vides, silencieux. Pouvoir rester les fenêtres ouverts en pleine ville et n'entendre que le souffle du vent dans les feuilles des arbres ou le chant des oiseaux, c'était à Venise, les retrouvailles de la ville et de ses habitants avec la nature, la propreté de la lagune, les poissons qui pullulaient, les eaux claires et l'air impollué, les touristes disparus miraculeusement.
(...)
À quelques jours près, j'aurai pu comme d'autres rester en clôture à Venise puisque on ne pouvait plus voyager. J'aurai adoré comme tous ceux qui sont restés, retrouvant leur âme d'enfant, l'émerveillement de sentir la ville vivre au ralenti et de l'avoir pour soi. »

J'avais pensé (égoïstement?) de mon côté aller à Venise. Hésité aussi à me rendre en Suède où j’aurais été bien tranquille au bord de la mer, à l’écart de tout (et de rien).
M'a retenu mon travail, la nécessité d’être connecté à un ordinateur (je n’ai pas de « smartphone », et il aurait de toute façon été impossible de travailler là-dessus).
Je n’ai jamais trop su ce qu’ont donné les envois que j’ai fait aux élèves : je veux dire, s’ils les ont aidés, permis de continuer à travailler un peu… Des parents d’élèves m’ont remercié d’une certaine flexibilité ; c’est à peu près le seul retour que j’ai eu après la bataille (et des problèmes d’yeux – j’avais à l’époque un petit écran d’ordinateur… que je crois en partie liés – la goujaterie, aussi, de certaines « supérieures » ; on n’attend quasiment rien de ces gens dans nos métiers, sinon avoir un peu la paix pour travailler, mais c’est une autre histoire).

NB - Croquis du temps du Covid


Plus loin encore : « La nature a repris ses droits, jusque dans nos esprits. Les plus anciens ont été les plus sages. »
Et d’évoquer les obsèques du duc d’Edimbourg.

Les vieilles gens… Lundi dernier, aux obsèques de Jacqueline, son neveu a mentionné le fait qu’elle ne supportait pas le masque pendant la pandémie. Il me semble qu’elle n’avait déjà plus vraiment sa tête à cette époque. Mais précisément : instinctivement peut-être, elle ne supportait pas ce truc. Comment admettre qu’on puisse s’adapter à une respiration réduite ?

Quant au duc d’Edimbourg – lui, aussi, était né en 1921 comme Elmar Krusman, et un an avant ma marraine –, il paraît qu’on lui crache dessus depuis qu’il est mort. Ça avait commencé un peu avant. Une idiote, pour se rendre intéressante, l’avait vaguement accusé de racisme. Mais le duc d’Edimbourg faisait partie de ces gens ayant combattu, dans la marine – planqué ? Facile à dire – les nazis, les armes à la main. Des racistes comme ça, ils ne me gênent pas trop.
J'avais regardé une partie de la cérémonie de ses obsèques sur internet. On peut dire ce qu’on veut : émotion devant cette image de soldats baissant tous ensemble la tête, le buste, devant le cercueil, dehors. Comme des soldats de plomb pleurant leur enfant mort, peut-être.



Nils Blanchard


Triche. Je ne m’en sors pas avec le trop-plein d’étiquettes. Celles-ci, du dernier billet : France info, Sylvain Courage, Alsace, Haguenau, KL Natzweiler, Bisingen, Carine Chichereau, Diacritik, Geneviève Asse.

dimanche 16 mars 2025

Songeries finlandaises

J'ai vécu en Finlande – j’en ai peut-être déjà parlé en ces lignes –, y ai partagé le quotidien de diverses personnes, mais comme à un autre rythme ; je n’avais pas les mêmes nécessités qu’eux.

NB - Hiver à Karis, Finlande

Comment expliquer cela : même avec des gens très proches dans l’instant, bien des choses furent incommunicables, parce que nous vivions comme dans des dimensions différentes.
Et il y a eu cependant parfois des rencontres. Et il y a eu des êtres exceptionnels. Sofi, Peggy ; d’autres encore.

J'y pensais à la lecture d’un article de Sandra Holmqvist (blog Sandra skriver, en lien de celui-ci) du 11 février. Me débattant moi-même entre diverses priorités (j’ai tendance il est vrai à résoudre les choses de manière un peu simpliste, en les annulant toutes, ou plus exactement en les reportant toutes au dernier moment…), je lis :

« Man säger ju så ibland – ”jag hinner inte skriva/läsa/träna/laga mat” – och allt som oftast påstår jag att det bara handlar om prioriteringar och val att göra något annat än skriva/läsa/träna/laga mat (…) »

« Il est vrai qu’on dit parfois – ”je n’arrive pas à écrire/lire/m’entraîner/faire la cuisine” – et trop souvent je prétends moi-même que c’est une question de priorités si l’on fait autre chose qu’écrire/lire/s’entraîner/faire la cuisine (…) »

Et, un peu plus loin :

« Till och med i mina drömmar är upptagen med att laga läckande toalettstolar, vara på resande fot och avvärja dödsfara.
Det har varit mycket på gång sedan, hmm, oktober. »

« Jusque dans mes rêves je suis débordée, devant réparer des toilettes qui fuient, me préparer pour partir en voyage, me garder de dangers mortels.
Il y a eu beaucoup à faire depuis, disons… octobre. »

Venny Soldan-Brofeldt, Pêcheurs au filet - Wikipedia

En ce qui me concerne, qu’est-ce que j’ai eu sur le feu depuis… octobre ? Il y a eu le travail, ce blog bien sûr (diverses recherches plus ou moins liées, écrivains, églises… les séries sur les Norvégiens de Cernay ou Tidö…), de vagues tracas personnels, familiaux… puis tant de projets reportés, cuisant à petit feu dans je ne sais quel marmite de documents amassés, d’à peu près et de plans sur la comète. Problèmes d’yeux par là-dessus…
Et quant aux voyages…
Depuis combien de temps n’ai-je pas été en Suède ?
En Finlande ?

La Finlande, aussi, ce sont ces promenades aux senteurs d’infini, en bordure de champs noirs ou dans des forêts plus ou moins sombres.
Il y a quelque chose de rassurant de penser à cette immensité dans laquelle on peut à loisir – allons, avec un peu de jugeote quand même, histoire de ne pas se perdre corps et biens (eh ! J’ai l’impression de vous servir de cet affreux « avec modération » que les cuistres oignent à toute allusion à quelque boisson alcoolisée) – pratiquer la science subtile de l’égarement chère à André Dhôtel.

Venny Soldan-Brofeldt - Capture d’écran

Seulement voilà, la sauvagerie – nue – de la forêt, du dehors, d’un autre dedans, a aussi ses dangers.
Ainsi a-t-on pu lire dans les journaux suédois au début de février qu’un enfant finlandais, dans le sud est de la Finlande, s’était aventuré dans la forêt du côté de la frontière russe, était passé de l’autre côté et… était depuis retenu par les autorités russes.
Bon, après lectures plus approfondies au fil des jours, il semble que l’enfant ait délibérément traversé la frontière ; on parle aussi d’origines ukrainiennes ; on n’y comprend plus rien…

Mais ces histoires de traversées plus ou moins accidentelles de cette frontière sont au cœur d’une partie d’un assez long roman qu’il faut que je trouve le temps de relire.
Et cela devrait-il devenir une de mes priorités ?


Nils Blanchard


Triche ; ajout d’étiquettes du dernier billet : 1941, 1942, Donald Trump, Andrew Jackson, Afrique, Senghor, Henning Mankell.

Mais aussi : un certain Sylvain Courage, sur France info, le 12 mars, dans une séquence « Cartes blanches » des « Informés » (émission que je n’écoute d’habitude pas), où l’un de ses collègues n’a rien trouvé mieux que vendre son propre bouquin – sur le service public ! – « journaliste » je crois au Nouvel Obs, de piétiner la présomption d’innocence, en commentant le procès en cours d’une professeure accusée de harcèlement sur une élève ; on parle de « la question des professeurs toxiques », comme s’il y en avait à tous les coins de classe, je cite : « C’est une minorité de professeurs, mais il y en a dans tous les établissements. » Ah ? Des faits ? Des noms ? Donnez donc le mien, histoire qu’on s’amuse trois secondes !

Et encore : commémorations, en ce moment, à Haguenau par exemple, de la libération de l’Alsace en 1945.
Étrange de voir çà et là – et c’est bien normal – des drapeaux américains, au moment où les temps ont changé, comme on en a déjà parlé ici ou là.
La guerre, particulière ici (mais quelle région, de France, d’Europe, n’a pas eu ses particularités?), est prégnante encore dans les discours, « recherches » (qui n’en ont parfois que le nom). Il arrive que ce soit de manière assez répugnante, comme avec cette vidéo d’anciens SS fièrement (re?)publiée sur un étrange site local.

Jeudi dernier, l’ancien camp de Natzweiler (que j’ai fait visiter) était sous la neige. Plutôt bien, la neige : ça limite le froid, c’est moins désagréable que la pluie. Et une fois que le brouillard (encore…) se dissipe, elle offre des paysages magnifiques.
Elmar Krusman n’est jamais passé par ce camp central, mais a bien été immatriculé au KL Natzweiler. Il est mort au camp annexe de Bisingen, à trois jours près il y a exactement 80 ans, le 13 mars 1945.

Pour en revenir à la libération de l’Alsace. La peintre Geneviève Asse, engagée dans la 1ère DB, y participa. Il y a un texte (et des photos de peintures) très intéressant, de Carine Chichereau, en lien indirect de ce blog (Diacritik, via Alluvions).
Un peu de bleu...

NB

mardi 11 mars 2025

Jacksonite et mort d’une marraine

Mars ; temps de la guerre, mais aussi des prémisses du printemps ; c’est trompeur… Court séjour à l’Ouest – entre autres pour les obsèques de ma marraine… (Pas particulièrement suédoise ; mais c’est elle qui m’avait fait découvrir Henning Mankell…)

NB - mars 2025


Peu avant, allocution d’E. Macron à propos de l’évolution géopolitique (5 mars). C’est dès la Seconde Guerre de Tchétchénie que beaucoup ont compris (pas certains extrêmes, pas certains hommes de droite) que le poutinisme était dangereux, foncièrement malintentionné. Je me souviens d’un article, dans Le Monde je crois, d’André Glücksmann à ce propos.

Oui, on change d’ère. Ce qu’on appelle l’époque contemporaine, à partir de 1789, est divisée ainsi en périodes, qui se révèlent – ce sont là les secrets de la chimie des temps et des pensées – parfois plus tard. Ainsi en est-il des années 1941-1942, qui marquent l’entrée des États-Unis dans la guerre (décembre 41), l’attaque allemande en URSS (été), mais aussi la conférence de Wannsee (20 janvier 1942). On pourrait y ajouter la confirmation du programme atomique par Roosevelt.
La Seconde Guerre mondiale est fondamentalement différente de la Première (étrange tendance à lier les deux en un seul conflit, çà et là…) Certes elles ont des ressemblances, des logiques communes ; mais cette industrialisation de l’horreur et de l’inhumanité (la Shoah), ce développement d’armes menaçant l’existence même de notre espèce (l’atome), j’ajouterais aussi les alliances problématiques (un Henry Ford soutien du parti nazi, ou encore l’alliance avec le totalitarisme lénino-stalinien…), ont plongé le monde dans un provisoire illusoire (guerre froide puis lendemains incertains, dont on sortirait maintenant).

NB (enfant) - Jacqueline Roulet

Ma marraine, Jacqueline Roulet, est morte le 4 mars à 102 ans. Femme, dans mon souvenir, de principes, çà et là, d’éclats de rires et de lectures, amoureuse aussi des plantes et des jardins, elle était donc née en 1922, un an après Elmar Krusman.
1921, 1922 – dates qui sont revenues, par hasard, en ce blog… – ce sont les années qui suivent les traités de Paris (dont celui de Versailles), qui ont forgé une Europe de l’échec.
Ce sont les années folles ; Dada a déjà été terrassé par les surréalistes.
Ma marraine a onze ans quand Hitler arrive au pouvoir et, quasiment au jour près, Roosevelt est investi président (Trump en a troqué le portrait, paraît-il, dans le « salon ovale » de la Maison-Blanche, par celui d’Andrew Jackson, par ailleurs planteur esclavagiste, auteur du Indian Removal Act de 1830, bref, du beau monde…)
D'un côté les fantasmes, la folie morbide, de l’autre un certain keynésianisme face à la crise, le pari en la démocratie.
En 1941, ma marraine a quasiment vingt ans. Je pense qu’elle a déjà dû contracter une tuberculose osseuse qui lui occasionnera toute sa vie quelques difficultés à marcher (ce qui ne l’a pas empêchée de courir le monde et la vie).
Je lui ai toujours trouvé un certain air de gravité, de réserve, face aux évolutions du monde. On ne la lui faisait pas ; tout ça n’était pas une plaisanterie.
Son grand homme : Senghor, parce qu’elle avait passé quelques années en Afrique au moment de l’alliance entre le Mali et le Sénégal.

NB - mars 2025

Précisément – j’y pense à cause des sécheresses au Sahel – quelque chose manque, régulièrement, aux discours de Macron, de bien d’autres : le souci de l’environnement.
Et si l’oubli quasi complet, dans l’industrialisation triomphante des dix-neuvième et vingtième siècle, de notre condition de vivants, parmi d’autres vivants, n’avait pas été la ciguë qui avait préparé notre humanité à ce qu’on appelle, d’un hochement d’expression, les « horreurs du vingtième siècle » ?
Ce sont les rejetons de ces pages sombres qu’il faut stopper.


Nils Blanchard


Triche. Rajout d’étiquettes du dernier billet : Charles Ponsonailhe, AfD, Volker Schlöndorff, Friedrich Merz, Ukraine.

jeudi 6 mars 2025

August Hagborg ; hasards, pêche à pied

On voit peu à peu le printemps approcher. Cela ramène étrangement au peintre August Hagborg évoqué pour languir après l’été. Il a peint en effet une série sur une plage vraisemblablement normande, de ramasseuses d’huîtres. Huîtres ; fruit des mois en r…

NB - La Hague

Mais il se trouve qu’une conférencière a évoqué (ça remonte au 7 juin 2016 – hasard des ramassages de P(erles)DF sur internet) le peintre suédois. Il s’agit de Carine Delaporte, alors médiatrice du musée de Saint-Maur-des-Fossés. Il est là question du tableau Grande marée dans la Manche, de 1879 (Orsay, en dépôt à Saint-Maur.) Au passage, elle rappelle les bienfaits du système de dépôt des œuvres d’arts des grands musées nationaux vers des musées plus modestes.

August Hagborg est né à Göteborg en 1852 ; il est jeune homme (et étudiant) dans les années 1870, au moment où les rois de Suède se sont détournés de l’Allemagne (destination première auparavant des peintres suédois en formation) du fait de la guerre des Duchés, en solidarité donc avec le Danemark. (Eh oui, ce n’est pas d’hier que des âneries de dirigeants peuvent détourner certains pays de certaines amitiés…) Du coup, Hagborg, comme beaucoup d’artistes nordiques – cela aussi est un champ historique à continuer de travailler ; il y a eu déjà des travaux dont on reparlera… –, va notamment à Paris.
En 1879, Grande marée dans la Manche est achetée par l’État français, après avoir été exposée au Salon de peinture et de sculpture. Carine Delaporte note qu’il s’agit de la première œuvre scandinave qui entre dans les collections françaises.

August Hagborg - Capture d'écran


Contrairement à d’autres artistes suédois qui retournent dans leur pays après quelques années françaises (Hugo Salmson et autres), Hagborg demeure de manière quasiment continue en France de 1876 à 1909. Il meurt à Paris en 1921 (la même année que Julius Kronberg évoqué aussi en ce blog…) Et il est sans doute retourné plus régulièrement en Suède dans ses dernières années.
Il s’attache aux rivages de la Manche, de la Bretagne jusqu’au Nord. Carine Delaporte note des similarités entre les lumières de ces rivages et celles de la côte Ouest suédoise. C’est à voir…

C'est notamment à Agon-Coutainville qu’August Hagborg revient régulièrement, ce qui nous ramène à quelque excursion de ce blog.

August Hagborg, Grande marée dans la Manche - Capture d'écran


Carine Delaporte fait un développement intéressant, en lien au tableau, sur la pêche à pied, pratiquée principalement par les femmes, qui se voyaient à l’époque interdire la pêche en haute mer.

Elle note aussi que les artistes d’alors « prennent conscience des changements de vie tels l’industrialisation et l’exode rural et immortalisent un mode de vie dont on perçoit déjà qu’il risque de disparaître. »
Elle évoque aussi l’originalité d’une génération d’artistes scandinaves, dans les dernières décennies du siècle, à propos desquels l’historien d’art Charles Ponsonailhe utilise l’expression « juste milieu », voulant signifier que s’ils s’inscrivent dans un certain académisme (réalisme, importance des détails), ils y ajoutent un souci – nordique ? – de la lumière, qui peut conduire à l’impressionnisme.

Autre thème (indépendant de la conférence de C. Delaporte) : l’importance des femmes dans l’art, leur entrée dans les écoles des Beaux-Arts, leur rôle dans les colonies d’artistes… On reparlera de cela, mais j’avais ce sujet à l’esprit récemment en consultant le prospectus des Beaux-Arts d’Angers qui ont un détail du portrait de Laura Leroux, de Jean-Jacques Henner, en couverture. Lui avait organisé avec Carolus Duran un « Atelier des dames » à une époque où celles-ci n’avaient pas encore le droit de suivre l’enseignement des Beaux-Arts. Or il y a précisément en ce moment une exposition sur ELLES à Paris.



Nils Blanchard


Et puis… À propos du gros score de l’AfD en Allemagne il y a quelques jours, Volker Schlöndorff (le 24 février dernier sur France info) voit dans son électorat la marque d’une « petite classe moyenne ». Pour lui (il simplifie peut-être) : le parti nazi a explosé en quelques années grâce à elle, alors qu’elle s’était sentie méprisée par les partis de droite qui s’intéressaient aux classes au-dessus et de gauche (qui s’intéressaient au prolétariat).
Aussi, cette réaction épidermique du (vraisemblablement) futur chancelier allemand Friedrich Merz aux trumperies vis-à-vis de l’Ukraine ; n’y-a-t-il pas là le souvenir de la paix pour le moins problématique qui fut imposée à l’Allemagne en 1919 ? Et qui participa aux développements que l’on sait…

NB

dimanche 2 mars 2025

« I’m not playing cards... »

Sensation amère, désagréable, après l’accès d’ignominie du ticket présidentiel américain face à Volodymyr Zelensky, le 28 février à la Maison-Blanche. Ce court mois, qui vient de s’écouler, a révélé, avec des lumières de compromissions poutinesques plus crues encore que ce qu’on pensait, la pellicule de la trumperie.

Nicolas Poussin, L'Adoration du Veau d'or - Wikipedia

Quand on regarde un extrait de vidéo de cet événement, sur le site du Göteborgs Posten, on voit Zelensky « attaqué » conjointement par Trump et Vance ; véritablement, des journalistes l’ont noté : impression que ce sont des gangsters qui dirigent les États-Unis. La voix traînante et forte, désagréable, « vrillante », de Trump, voix d’enfant gâté… Zelensky empêché de parler, interrompu… Dans l’extrait, cette réplique de Zelensky à qui Trump explique : « You don’t have the cards right now » ; Zelensky : « I’m not playing cards. »
Une chose qu’il faut rappeler aussi, pour mesurer la goujaterie des « hôtes » de la maison blanche, est que Zelensky est seul à s’expliquer face à plusieurs « contradicteurs », et que lui, contrairement aux autres, parle dans une langue étrangère (qu’il maîtrise… Mais imagine-t-on Trump comprendre et dire trois mots d’une langue étrangère?)

Illustration de couverture: Henri Meyer


Imaginerait-on Churchill se faire traiter de la sorte par Roosevelt ? Le simple fait qu’on dusse comparer (de par, oui, leurs fonctions…) Trump et Roosevelt pose un problème intellectuel, une sorte d’abysse, difficilement « négociable », pour employer leurs mots.

Encore une fois, échec diplomatique de Macron (il refait un peu la même erreur qu’avec Poutine il y a trois ans, et ce sans l’excuse de la nouveauté, de ne pas connaître les gens en question…), quand il est allé à la Maison-Blanche il y a quelques jours et a laissé des images où on le voit frétiller avec Trump… Difficile de le lui reprocher cependant. Comme le geint D. Trump, il y a des gens qui meurent en Ukraine ; tout pouvait être tenté pour aboutir à une paix, au moins provisoire.
Tout, sauf l’inacceptable.

C'est fini : les États-Unis ne sont plus les alliés de l’Europe. Dans un sens, ça clarifie une situation qui devenait de plus en plus intenable avec le temps (et avec les élections américaines!), d’un continent qui s’en remet à une autre puissance pour garantir sa sécurité. Mais ça tombe à un mauvais moment pour les Ukrainiens, qui sont au début de leur quatrième année de guerre contre l’envahisseur russe.

Le Lorrain, L'Adoration du Veau d'or

Dans Expressen, Göran Rosenberg écrivait, le 15 février : « Den rörelse och de opinioner som Donald Trump lyckades väcka och mobilisera hade den sekteristiska väckelsens alla kännetecken; fanatism, intolerans och verklighetsförakt. Vad den amerikanska konstitutionens arkitekt, James Madison, inte kunde eller ville föreställa sig var att en sekt (faction) skulle kunna växa sig stor och stark nog att genomtränga hela den amerikanska unionen (…). »

« Le mouvement, les opinions que Donald Trump a réussi à éveiller et mobiliser présentaient toutes les caractéristiques de l’émergence sectaire ; fanatisme, intolérance et mépris de la réalité. Ce que l’architecte de la constitution américaine James Madison, ne put ou ne voulut s’imaginer est qu’une secte (ou une faction) pût devenir suffisamment grande et forte pour dominer l’ensemble des États-Unis (…) »

Une secte au service de quoi ?
De l’argent, et de caprices d’enfants gâtés. C’est l’adoration du veau d’or. On y reviendra (malheureusement).


Nils Blanchard

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