lundi 3 novembre 2025

Encore des lits défaits / des disparitions

J'ai parlé déjà de lits défaits du blog (qui n’est pas en lien de celui-ci) Krickelins, qui plus est déjà vaguement de retour d’Auvergne. Draps froissés, traces d’on ne sait quels mouvements, plus ou moins nocturnes, plus ou moins conscients… N’y a-t-il là comme une allégorie d’une façon de voir la mémoire ? 

NB, Auvergne, fin octobre 2025

Alors que je m’apprêtais à aller voir son exposition dans le Limousin, devant donc me rendre en Auvergne – pour des raisons, voyez-vous ça, très dhôteliennes –, j’apprends la disparition de Gilles Sacksick, le 13 octobre dernier. Il était membre d’honneur de la Route inconnue, du fait de son amitié avec André Dhôtel. Et l’on peut discerner entre les deux créateurs une certaine correspondance d’univers, pourrait-on dire, peut-être.



J'ai écrit il y a quelques années un article sur des correspondances, oui, entre Dhôtel et le peintre Balthus. Certaines de ces correspondances – Balthus et Sacksick sont un peu de la même famille de peintres – peuvent se retrouver entre Dhôtel et Sacksick : des univers ordinaires en apparence, plutôt ruraux, des atmosphères d’attente. J’avais cité en exergue une citation de Jean-Claude Pirotte qui peut illustrer cette correspondance : « Il disait qu’il suffisait de regarder sans préjugé pour découvrir la permanente et merveilleuse innocence du monde, et sa sauvagerie, et cette étrangeté familière qui ménage sans cesse la surprise. » (Préface à la Chronique fabuleuse.)

Capture d'écran - Krickelins

Mais ces dernières nuits de la fin du mois d’octobre, entre Ouest de la France et Auvergne, j’ai assez mal dormi. C’est aussi que je participai à un travail d’inventaire d’une bibliothèque (on en reparlera, peut-être), travail passionnant mais remuant toutes sortes de poussières, comme autant de constellations de pistes de travail et de connaissances, mais… allez comprendre pourquoi : changements de températures, d’altitudes, d’oreillers ? Toujours est-il qu’un mal de tête, par moments, sournois, revenait…
Peut-être aussi qu’une bibliothèque – un peu complète… – est une image d’une vie… qui renvoie à la nôtre, à nos manques, à nos urgences ?

Photo de Tadzio (Björn Andrésen) - Capture d’écran

De retour d’Auvergne, précisément, je musarde sur divers sites. Parmi eux, un blog « gay » (Je suis partout n’est pas ma tasse de thé, mais je vais partout, ou pour le moins çà et là où il y a des choses intéressantes à lire, tant qu’il n’y a pas trop de sectarisme) : Gay Cultes.

Ceci me fait penser à cette réplique du personnage joué par Claude Rich, père de celui joué par Jean-Pierre Bacri (disparus eux aussi) dans le formidable Cherchez Hortense, de Pascal Bonitzer. Père et fils sont dans un restaurant japonais ; le fils se rend compte que son père folâtre avec le serveur charmant. Il lui demande des explications. Le père répond qu’il lui arrive de coucher avec des hommes, mais qu’il n’est pas homosexuel pour autant. Troublé, le fils quitte à un moment la table. Il revient…

« – Ça va mieux ? [Demande le personnage du père.]
– Oui… Parfaitement. [Répond le fils, qui fait mine de s’intéresser à nouveau au dossier qu’il a apporter avec lui, pour demander un service à son père, qui siège au Conseil d’État.] Euh… donc… euh… Mais, j’ai… j’ai pas très bien compris : tu couches, euh, avec des hommes, mais… tu n’es pas homosexuel…
– Il y a en chacun de nous une part de l’autre sexe. Seuls les imbéciles refusent de le reconnaître.
– Peut-être. Néanmoins…
– Je n’ai aucun goût pour ces casiers identitaires ridicules où tout le monde se bouscule pour entrer, pour ce communautarisme répugnant qui cherche à s’imposer partout, créer la haine de tous pour tous et finira par tout détruire. Je couche avec qui je veux. Et personne ne me collera une étiquette. »

Bon, mais tout cela pour dire que dans ce blog-là, j’apprends le décès récent de Björn Andrésen, « världens vackraste pojke », « le garçon le plus beau du monde », d’après un documentaire de 2021, l’acteur suédois de Mort à Venise, l’adaptation par Luchino Visconti du livre de Thomas Mann. (Il en a été question ici, aussi, entre autres là…)

Clic, clic… (Ou clic-clac?) Lits défaits de la mémoire du net.


Nils Blanchard

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