lundi 1 décembre 2025

Retour au musée de l’aquarelle, 2

En 2023, au musée de l’aquarelle de Tjörn, il y avait dans la salle-sas d’entrée une installation de papillons noirs, de Carlos Amorales, intitulée Nuages noirs. Il était expliqué que la chose, qui donnait une impression un peu oppressante, était constituée de 15 000 papillons.

NB - Carlos AmoralesAqvarellmuseet, 2023


Quelque chose d’un peu japonais, comme ces origami de grues pour le pèlerinage des Sept divinités du bonheur (roman de Keigo Higashino).

NB - Carlos AmoralesAqvarellmuseet, 2023


Bon, mais on avait laissé le billet précédent sur les noms de Arne Jacobsen, Sofia Delaunay, Josef Frank, artistes du vingtième siècle.

Arne Jacobsen était un architecte danois, dans la mouvance du fonctionnalisme. Ayant des origines juives, il passe les deux dernières années de la guerre en Suède, où il se consacre à la peinture de motifs pour impressions.
Cela donne lieu à des fêtes florales dont les couleurs et la beauté printanière contrastent avec les raisons de son séjour en Suède.

NB - Arne Jacobsen, détail, Aqvarellmuseet, 2025

Parenthèse de deux ans dans une vie, après quoi Jacobsen retourne à son architecture – avec vues sur la nature par les ouvertures…

NB - Arne Jacobsen, détail, Aqvarellmuseet, 2025

Vieux rêves de vie à la campagne ; Alphonse Allais, etc. Mais Duplomb and co nous enseignent que l’on s’est bien compliqué la vie. Ne prend-on le risque, en habitant certaines campagnes en France (et ailleurs sans doute aussi) de contracter cancers, alzheimer et autres joyeusetés parkisonniennes, du fait de pesticides ?
Quant à la civilisation urbaine et ses plastiques…

J'ai été voir récemment Héloïse Combes, dans une vallée retirée des Cévennes. Là, bourgs anciens comme forêts semblent traverser les injures de nos temps presque sans encombres.
Oui, mais une électrosensible peine néanmoins à y trouver de parfaites « zones blanches » ; et des arbres, m’a-t-il été signalé, ont souffert de la chaleur excessive.

L'étrange dans cette nature néanmoins est, semble-t-il, sa capacité à dépasser l’homme – en bien et en « mal ». Les motifs des peintres et architectes le montrent : il y a une beauté comme extérieure. Un autre monde ?

L'embrasement des siècles, page 126 (éditions Sous le Sceau du Tabellion), dans le poème « La force de plier » – plier des origami ?… – :

« Mon corps et les arbres
Rêvent
Mon corps est un saule
L'aulne est un poème
Le poème est mon corps de faunesse
Que fomente l’esprit des bois

Il est rugueux ce poème
Et vois cet érable éthéré
Qui japonise avec la brume

Mon corps les lie avec sa sève »

NB - Bohuslän

Bon, mais Sofia Delaunay. Elle a quelque cousinage historique avec Edith Södergran. Ayant des origines juives comme Arne Jacobsen, elle est née en Ukraine (du temps de l’Empire russe) et, enfant, a vécu à Saint-Pétersbourg et passé de ses étés en Finlande. Elle a créé ce qu’on appelle l’orphisme, en 1911, ayant rejoint Paris.
On connaît son deuxième mariage qui lui donne son nom de Delaunay. Là, toutes sortes de ponts d’intérêt seraient à développer, ses relations avec le dadaïsme, des peintres comme Léopold Survage, André Lhote… Elle participe à l’exposition des arts décoratifs de 1925
On reparlera peut-être de ceci ou cela.

À Tjörn, couleurs de tableaux abstraits.

NB - Sofia Delaunay, détail, Aqvarellmuseet, 2025


NB - Sofia Delaunay, détail, Aqvarellmuseet, 2025

Qui pourraient être liés – il était question de motifs – à ces dessins de maillots de bain de 1928, somme toute à leur place en ce lieu – rappelez-vous, une plage, dans le musée même pour ainsi dire. Du reste : un lieu pour la baignade humaine, des lieux réservés aux bêtes ; oies et autres…

Sofia Delaunay - Maillots de bains, 1928 ; Capture d’écran

Reste Josef Frank. Viennois, marié à une Suédoise, il part en Suède en 1933, fuyant les persécutions nazies.

NB – Josef Frank, détail, Aqvarellmuseet, 2025

Chez lui aussi – il est réservé quant au fonctionnalisme – on retrouve quelque chose d’un dialogue entre la ville et la campagne.

Mais il a été plusieurs fois, indirectement, question de guerre et de totalitarisme en ce qui précède.
Et ça me ramène, je n’y peux rien, à Héloïse Combes, qui a quelque chose d’une guerrière dans ses poèmes de L’embrasement des siècles.
Guerre contre ce qui détruit la / sa nature. Faisceaux d’ondes qu’elle, sent, qui nous enserrent dans leur (merca)danse… comme des papillons noirs ?

NB - Carlos Amorales, Aqvarellmuseet, 2023


Nils Blanchard


P.-S. Je le confesse, ce billet a été écrit il y a déjà quelques temps puisque l’exposition évoquée était celle de l’été (et automne) dernier.
Bon, mais cela me permet d’évoquer deux expositions signalées par l’Institut suédois de Paris (site en lien de ce blog…) La première – « Hors-champ » est celle de la coloriste Anna-Lisa Unkuri, à la galerie Guillaume (Paris). Elle explique d’entrée : « J’aime représenter des personnages, souvent des femmes et des enfants, et aborder de nombreux thèmes, des questions d’identité aux souvenirs d’enfance et la façon dont ils structurent nos vies d’adultes. Ce ne sont pas de simples portraits, mais des figures évoluant dans des espaces poétiques où l’imagination et le réel s’entremêlent. »
Et peut-être y reviendra-t-on…

La seconde exposition est celle de Carin Ellberg, à la galerie Andréhn-Schiptjenko (Paris) et s’intitule "Coastal settlers and species from the sea".

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