mercredi 26 février 2025

Borne SNCF ; Musée des Beaux-Arts ; et puis…

J'en ai parlé pour d’autres raisons, j’ai fait un séjour d’une semaine à Angers. Bon, mais comme il y avait une certaine urgence dans les raisons de mon séjour, j’ai pris le train pour arriver plus vite. Et, vrai, je me suis décidé à partir vers 14h30, d’Alsace (et pas de Strasbourg où se trouve la gare de départ…) ; et je suis arrivé à Angers vers 22h00.

NB - Hendrick van Balen et Jan Brueghel l'Ancien, Banquet des dieux, vers 1610, Musée des Beaux-Arts d’Angers

On pourrait dire bravo.
Ça, c’est pour l’aller (à un prix certes relatif au service rendu…)
Et à l’aller : j’avais un ordinateur à disposition chez moi, connecté à internet… J’ai pu aller sur le site « SNCF-connect » ou quelque chose du genre ; râler en tapotant sur mon clavier contre divers points de détail mais enfin… j’ai obtenu mes billets sans trop d’encombre.

NB - Pierre Mignard, Vierge à l’Enfant et saint Jean-Baptiste, 1646-1648, Musée des Beaux-Arts d’Angers

Au retour, il m’a fallu passer par une borne : il n’y a plus qu’un seul guichet en gare d’Angers (provisoirement ? En lien à des travaux?), et il n’était pas ouvert.
(Je n’avais pas pris le retour à l’avance ; si vous suivez, vous vous rappellerez que j’étais parti dans une certaine urgence, sans savoir quand je rentrerais. Je n’ai pas de smartphone, cela va sans dire… Et ne pouvais utiliser les services d’un café internet (il en reste…), vu que je n’avais pas en mémoire mes codes de banque à distance qui m’auraient été demandés pour une telle transaction…)
Bref (je me rends compte que je m’en justifie!) : borne.

NB - Jean-Honoré Fragonnard, Jupiter, sous les traits de Diane, séduisant Callisto, 1750-1755, Musée des Beaux-Arts d’Angers

Après avoir « rempli » – cliqueté – un formulaire pour le moins policier (on me demande mon nom, mon âge… pourquoi pas la taille de mon sexe?), j’arrive à une énième « diapositive » où il m’est demandé de renseigner un numéro de téléphone et une adresse email pour obtenir un e-billet (et il n’y a pas moyen de faire autrement…)

Là, je pense à un vieil ami parisien qui se plaignait, récemment, qu’il n’y eût plus de guichets dans les gares parisiennes, et qu’il ne pût subséquemment plus obtenir de billet de train, sachant… que l’ami en question n’a comme moi nul smartphone, mais pas non plus d’ordinateur (et donc pas d’internet).
Je lui avais rétorqué qu’il exagérait peut-être un peu, qu’il saurait se tirer d’affaire d’une confrontation avec une « borne » (portant particulièrement bien son nom…), qu’on trouvait encore des guichets…
Eh bien à Angers, le 19 février 2025 – ne parlons pas de la malheureuse gare de Strasbourg avec son caparaçon et sa devanture minérale… –, cet ami n’aurait pu prendre le train (sans l’assistance d’un autre voyageur, et encore faut-il rencontrer une personne avisée et serviable…) ; cela lui aurait été défendu ; il aurait été puni (vu qu’il n’aurait pu renseigner d’adresse mail) pour refus d’utilisation d’internet. Rejeté hors du troupeau de moutons, car ne broutant pas dans le bon sens…

NB - Henri Lebasque, Le goûter sur l’herbe, 1903, Musée des Beaux-Arts d’Angers

Bon, mais alors peut-être aurait-il sollicité les services d’une agence de voyages, et en attendant d’obtenir un billet, aurait-il été obligé de prolonger son séjour à Angers.
Peut-être y aurait-il alors visité le musée des Beaux-Arts dont sont tirées les illustrations de ce billet.



Nils Blanchard


Et puis… Législatives en Allemagne, le 23 février. L’AfD dépasse les 20 %.
Deux points demandent un peu de réflexion (et sur lesquels on reviendra) :

- Il semble y avoir au moins deux types d’extrême droites. Il y a certes toujours eu des paroisses différentes dans cette zone politique… mais ces deux-là sont difficiles à différencier. L’AfD est soutenue par des pontes de l’actuel régime américain qui n’hésitent pas à se dandiner sur scène en faisant le salut nazi (sans l’assumer totalement cependant ; on a l’impression de gens qui laissent s’exprimer des réflexes corporels en partie indépendants de leur volonté. Il ne faudra pas s’étonner de les voir baisser leur culotte et déféquer en public ; ils diront que c’est ce qu’on a vu, que ce n’est pas ce qu’ils voulaient faire… L’inquiétant – enfin… ce qui est aussi inquiétant, est qu’ils seront peut-être en partie sincères.) Or les saluts nazis semblent révulser une autre extrême droite, celle de Jordan Bardella. Peut-être les uns sont-ils aussi plus pro-Poutine que les autres (Mme Le Pen est allée rencontrer V. Poutine en mars 2017 ; c’était avant que J. Bardella soit intronisé président du parti, puis l’agression de la Russie contre l’Ukraine semble avoir calmé les ardeurs sibériennes du RN). Étrangement, ceux qui font les saluts nazis (ni les autres?) ne semblent pas être antisémites. On vit une époque de fous…

- Comment se peut-il que ces mouvements atteignent de tels scores, dans des pays où, officiellement, le niveau d’éducation (en tout cas d’élèves atteignant le cycle secondaire) n’a jamais été aussi élevé ? Ne faut-il pas s’interroger sur l’éducation en question ?
Mais un professeur du secondaire est sans cesse témoin d’arrangements divers, de privilèges variés qu’obtiennent certains parents pour « protéger » leur progéniture, d’« apaisements » qu’imposent, ou essaient d’imposer, des chefs d’établissement – j’en ai encore été témoin récemment –, sans que les maîtres y puissent grand-chose, le plus souvent bien sûr, au final, au détriment des enfants concernés, mais aussi des autres (auxquels on a moins de temps à consacrer).
Renvoyer les parents des enceintes scolaires, exiger à nouveau un certain niveau pour passer dans les classes supérieures… Redonner de l’autorité à la formation intellectuelle. Au moins les cadres seront-ils un peu plus capables de discerner le vrai du faux. Et les autres pourront toujours rattraper, adultes, ce qu’ils n’auront su apprendre dans leur jeunesse.

- Ce télescopage entre les élections et l’éducation me vient d’un réflexe d’historien. Le vote en Allemagne a eu lieu la veille de la date anniversaire des trois ans de la tentative d’invasion de l’Ukraine par la Russie. Et à peine un mois après les 80 ans de la libération d’Auschwitz (27 janvier 1945).

NB

vendredi 21 février 2025

Fin de l’Alliance Atlantique ?

Si l’on en croit Nicole Bacharan (Ouest-France du 20 février 2025), Arnold Raestad, que Martin Fahlén évoque à plusieurs reprises dans Le tableau de Savery aurait de quoi râler, lui qui avait promu et pensé l’atlantisme. Il faut prendre conscience néanmoins de la fin de l’Alliance Atlantique.

NB – Angers, février 2025

Dans son fonctionnement (les États-Unis protègent, et par là-même dominent l’Europe), il est étonnant que la chose ait duré si longtemps. Elle était marquée par le sceau du provisoire, mais un provisoire dont on n’arrivait pas à se dépêtrer, du fait entre autres de la menace atomique.
Aussi, l’Europe (l’Union européenne), corollaire du système – et « construction » en chantier depuis près de 70 ans au bas mot ! – est à repenser absolument. Garder des « compétences » européennes (Union européenne, je précise encore) pour les questions financières, commerciales ? Peut-être. Mais pour le reste : mettre en place une alliance diplomatique répondant aux dangers de l’heure (en premier lieu l’agressivité russe – attaque de l’Ukraine, piratages informatiques…) Cette alliance ne serait plus seulement « européenne » (Union européenne) en ce sens qu’elle inclurait bien sûr le Royaume-Uni. Dans un premier temps : France, Royaume-Uni, pays nordiques, et peut-être Benelux ? Dans un deuxième temps, si une majorité stable et favorable se dégage en Allemagne, elle pourrait rejoindre le groupe, d’autres pays encore.

Il y eut déjà en 2003 une occasion de créer un autre cadre sur le continent européen, dans un contexte passablement différent. Allemagne et France s’étaient retrouvées à peu près seules à refuser de soutenir les États-Unis dans leur seconde intervention en Irak, infondée. J’avais alors imaginé que l’on créât, Allemagne et France, des Républiques-Unies. Sur un contrat de dix ans, renouvelable (et le tout approuvé par référendum), on aurait uni les deux pays, indépendamment de l’Union européenne, avec un président et quelques ministères communs (diplomatie, défense notamment). Chaque pays aurait conservé de manière autonome ses fonctionnement et chef de gouvernement, ainsi que divers ministères.
(J'avais à l’époque, via un petit texte, soumis l’idée à quelques éditeurs dont j’avoue ne pas me souvenir du nom…)

NB – Angers, février 2025

Avant même les calembredaines de Donald Trump du 19 février (Zelensky assimilé à un dictateur, etc.), la visite du vice-président américain JD Vance à Munich (Munich!) Nicole Bacharan note à leur propos que nous « ne partageons plus les mêmes valeurs. (…) Ce sont [les propos de JD Vance] le mensonge et la menace déguisés en vertus. Ajoutons l’ultime perversité : après avoir visité le camp de concentration de Dachau, JD Vance insista pour rencontrer les leaders de l’AfD, le parti d’extrême droite allemand dont les affiches reprennent le salut nazi. »
On a là affaire semble-t-il (je n’ai pas étudié ce garçon très en détail, ai entendu de lui quelques extraits de discours…) à de ces gens fondamentalement inaptes à l’analyse intellectuelle un peu poussée. AfD après Dachau ? Ce n’est pas pour défendre le personnage : mais il ne comprend rien à la contradiction que cela sous-entend. Il me fait penser à E. Zemmour à propos, notamment, de Pétain. Sans doute a-t-il lu des livres, en a-t-il écrit (on peut citer son autobiographie, à l’instar de celles des jeunes J. Åkesson et J. Bardella), sans doute peut-il décocher de mémoire toutes sortes d’informations et citations, mais il n’a pas le recul intellectuel, personnel, nécessaire à leur compréhension, leur digestion, leur analyse. Ces gens regardent le monde à travers d’impressionnantes lentilles (ils ont, oui, lu ceci, cela, connaissent tel ou tel chiffre, voire telle ou telle personne…), mais n’en comprennent rien. D’une certaine manière, ils ne vivent pas vraiment à leur époque ; ils ne produisent pas une once de la « substantifique moelle » chère à un Rabelais.

NB – Angers, février 2025 


À Angers, à côté des sculptures de loups (plus haut), il y a un autre monument, place Giffard-Langevin, VOIE BLANCHE, constituée d’un ruban minéral de 64 mètres qui longe la voie ferrée, en souvenir du huitième convoi (821 personnes déportées à Auschwitz le 20 juillet 1942).
On pourrait voir dans les illustrations de ce billet des symboles politiques liés à l’actualité évoquée… Pas vraiment : les loups ne sont pas ici des bourreaux ; on lit sur une plaque à proximité que ce sont des « sculptures animalières, dont les formes tendent à restituer une forme de sérénité dans ce nouvel environnement, de silence. Cette présence muette souhaite convoquer notre relation ancestrale et profonde à la nature. »

NB – Angers, février 2025

Bref, autre chose que du « Drill, baby, drill »…


Nils Blanchard

lundi 17 février 2025

Fantômes / retour et intime – et expositions manquées

Ce qui avait lancé cette série de billets sur les fantômes, aussi, c’était cette émission sur France culture, le 24 décembre dernier : « Avec philosophie » ; épisode 2/3 : Les spectres qui hantent nos nuits : qu’est-ce qui fait retour ? »



Introduction de l’émission (site internet) : « Les contes et les films d’horreur le répètent : les fantômes apparaissent souvent la nuit. Leur nom, lié à la phantasia (imagination), évoque une présence saisissante, parfois visible, comme le souligne le mot « spectre », enraciné dans l’idée de vision. Ces apparitions nous hantent, un verbe qui renvoie à "heim" (maison, en allemand) et rappelle que cette expérience se joue souvent dans l’intimité de son foyer. Freud y voyait une étrangeté au cœur du familier, une part cachée du "heim" révélée dans l’unheimlich (l’inquiétante étrangeté). » On en arrive à l’« hantologie » de Derrida ; on y reviendra peut-être.

La menace au cœur du refuge, l’étrange au cœur du connu, de l’intime. Les songes… On enfonce des portes ouvertes, bien sûr.
Mais tenez, même ce petit blog – on en est il est vrai au deux cent quarante-et-unième billet… Il y a été question des Le Sidaner, et entre autre du poète Jean-Marie Le Sidaner.
Or il était déjà là au détour de pages de François Squevin ! J.-M. Le Sidaner a écrit un bel avant-propos à Forêt du corps, suivi de Neige.

Selma Muzet-Herrström, Sans titre, d’une exposition (ratée par moi, celle-là aussi) en 2024 à Fontevraud…


Le rêve, domaine du corps, par opposition à la raison ? (Nous partageons bien le rêve avec les autres animaux… Mais ces autres animaux ont-ils eux aussi, parfois, au cœur d’un songe, une vague prescience qu’ils ne sont pas, précisément, dans le réel?)

Petit hasard, pour le coup, les spectres m’ont ramené aux thèmes plus… fondateurs de ce blog, de par un article du blog « Le Saute-Rhin », de Bernard Umbrecht (en lien indirect de celui-ci, via Alluvions), le 19 janvier dernier, dans un texte sur La Seconde épiphanie de Heiner Müller (Germania, 3).
Là, on lit : « La pièce commence un peu comme dans Hamlet de Shakespeare avec deux sentinelles sur les remparts, ici le Mur de Berlin (…) Les spectres sont à la fois intemporels et inscrits dans l’histoire. (…) Le réveil des morts compose un théâtre de l’effroi qui oppose à une histoire mythique, officielle, un travail contre l’amnésie, le déni, le refoulement que l’on peut qualifier de manichéen. Il déterre ce qui est enfoui, ranime ce qui a été censuré ou auto-censuré, ouvre à des oublis. Quelques mots suffisent parfois au rappel. Les spectres ne réécrivent pas l’histoire, au contraire, ils lui donne vie dans ce qu’elle a de plus pointu que l’on s’est efforcé de gommer. Ils nous mettent face à l’Unheimlich, mélange d’étrangeté et de familier, de frayeurs passées réprimées. »

Vincente Masip, Le Jugement dernier - Capture d’écran

La pièce commence par le viol d’une Allemande par un soldat russe. Animalité du corps, peut-être…
Mais je me disais – hasard, de cours donnés aussi – que la nudité, au Moyen Âge, ou à la Renaissance, dans les représentations du jugement dernier, était liée à l’enfer. Pas besoin de vêtements pour les personnages qui vont brûler dans les feux de l’enfer… (à peine quelques vagues cache-sexes sur cette représentation-ci).

Mais un autre recueil de François Squevin s’intitule Voyage nu (Herbes folles, Le dé bleu, 1986).

Tenez, pages 31 et 32 :

« J'ai repensé à la mort

Peut-être ne pouvait-elle tenir
dans le grand dépouillement de mon corps ?

Je revois ses paysages nus
où rien ne pouvait rester
pas même le regard »



« Découvrir nos grandes nudités
nos pentes silencieuses

les délivrer de toute solitude

Partir dans leur mouvance

J'ai bougé de grands corps dont les ventres
étaient encore chauds d’horizons

Les vents ont soif de nos silences »


Nils Blanchard


Triche. Je rajoute les étiquettes Jean Jaurès, folkhem du précédent billet.

mardi 11 février 2025

Tidö, perspectives – temps long - 4

Les accords de Tidö ont été prévus, travaillés (avec quelle pertinence, c’est une autre affaire) ; 63 pages de contrat gouvernemental. L’attelage Barnier – RN, en France, semble avoir été plus improvisation d’un instant ; instant de panique ou de mauvais conseils d’obscurs marquis ?

NB

Ce billet, comme son titre l’indique, fait suite à trois autres :

- Tidö, France - 1 (15 janvier 2025).

Et récemment, le 7 février dernier, a été publié un article complet (Marius Perrin, Fondation Jean Jaurès, février 2025 ; il ne semble cependant pas bien tenir compte des dernières évolutions en France, et notamment de l’expérience Barnier, lors qu’il compare la Suède et la France dans sa dernière parie…) faisant le tour de la question que pose en Suède et en Europe le gouvernement suédois (issu de ces accords de Tidö).

(Drôle, de hasard, je parlai au premier billet de cette série sur Tidö de « cris continuels » dans l’hémicycle, lors du discours de politique générale de F. Bayrou. C’était le 14 janvier. Or, le 21, Argoul  évoque sur son blog le chapitre XIII (et ultime) du Livre III des Essais. Citons : « Nos députés qui font les lois ne sont guère meilleurs que les législateurs d’Ancien régime : une bande de singes braillards peut-elle énoncer ce qui est juste à l’intérêt général ? L’invective et la posture peuvent-elle susciter l’intelligence ? En quoi Montaigne est toujours actuel… Qui ne dirait que les gloses augmentent les doutes et l’ignorance ? »)

Julius Kronberg, La sagesse - Capture d'écran


Bon, pour ce qui est des deux partis d’extrême droite, les Démocrates de Suède de Jimmie Åkesson et le Rassemblement national de Jordan Bardella, on est frappé par certains traits communs entre les deux meneurs actuels. Tous les deux ont pris très jeunes les rênes de leurs partis : J. Åkesson est devenu porte-parole du sien quelques jours avant d’avoir 26 ans (en 2005), J. Bardella, lui, est devenu président du R.N. le jour même de ses 26 ans (en septembre 2021) !
Le premier publie une autobiographie en 2013 (il a donc alors 34 ans) ; le deuxième en a publié une en 2024 à 29 ans…
Plus sérieux : d’anciens Waffen SS se retrouvent parmi les membres fondateurs des deux partis.

Dans les faits, force est de constater que, paradoxalement, l’expérience suédoise, plus durable, est plus extrême dans un certain néolibéralisme – baisses d’impôts, lors que Barnier prévoyait plutôt de les augmenter ; il est vrai dans des situations économiques différentes –, baisses des allocations au chômage… Et, dans ce néolibéralisme, la partie extrême de l’attelage a essayé de freiner. On connaît de vagues remugles « gilets-jaunistes » du Rassemblement national. Pour la Suède, Marius Perrin rappelle (pp. 4-6) que « Le parti de Jimmie Åkesson n’avait de cesse depuis le courant des années 2000 de se poser comme le nouveau parti des classes populaires, attaché au concept de Folkhem (Maison du peuple) développé dans les années 1930 par le Premier ministre socialiste Per Albin Hansson et fortement associé à l’État-providence. »
L'alliance suédoise est allée plus loin aussi que ne le prévoyait Barnier (si vraiment ces gens prévoyaient quelque chose) en France pour ce qui est de la restriction de l’immigration.
Marque de son orientation fondamentale (on a rappelé d’où venaient les gens de « SD » – les Démocrates de Suède) : le gouvernement Kristersson a essayé de mettre en place une obligation aux fonctionnaires de dénoncer des situations de personnes en situation irrégulière !

Julius Kronberg - Capture d’écran

En Suède comme en France, la politique environnementale est la grande perdante de ces expériences (et, en France, de ses suites ; Bayrou ayant cru bon de s’en prendre, pour complaire à la FNSEA, aux agents de l’Office Français de la Biodiversité). Le nucléaire – ce n’est certes pas là l’apanage de l’extrême droite – est relancé plus que jamais… (Oui, décidément, une partie de ces gens semble complètement oublier l’est du Monde : la guerre en Ukraine, mais aussi et là encore, Tchernobyl, ou ce qui se passa au Japon, à Fukushima, en 2011.)

Marius Perrin (article de la Fondation Jean Jaurès) évoque les perspectives des Démocrates de Suède. Ils semblent avoir pris ce qu’ils pouvaient de l’électorat (plutôt de classes populaires) autrefois dévolu aux Sociaux-Démocrates. Il leur reste donc à continuer de grignoter celui de la droite plus modérée, ce qui pourrait à terme fissurer l’entente des deux blocs… Là, à nouveau, on remarque d’étranges correspondances entre les situations française et suédoise.
Quant à la question des raisons de la durabilité de l’expérience suédoise au regard de la française, posée le 15 janvier dernier, on a vu que J. Åkesson était « porte-parole » de son mouvement politique ; et il le contrôle. J. Bardella, lui, est « président » du sien, mais on sait qu’il y a quelqu’un au-dessus. Ceci explique peut-être cela.


Nils Blanchard


Et puis... 

On ne va pas parler sans cesse ici de Donald Trump. Mais alors que ce dernier ressort des Accords de Paris, de l’OMS, conspue la Cour pénale internationale… on peut se rappeler qu’en août 1941, Churchill est allé rencontrer Roosevelt au large de Terre Neuve. S’est ensuivi la Charte de l’Atlantique, qui a posé les bases du système international des Nations Unies. C’est ce système qui est remis en cause, aujourd’hui, par les grandes puissances plus ou moins grignotées par les « oligarques » : Russie et Chine d’un côté… États-Unis donc de l’autre.
Cette charte de l’Atlantique fut signée dans ce qui était, dans ce qui est toujours, les eaux territoriales du Canada, qu’un Trump aujourd’hui voudrait « intégrer » à « son » pays.

W. Churchill, F. D. Roosevelt, 9 août 1941

Il est vrai que la Charte de l’Atlantique fut, dans les faits, vite mise à mal, dès l’entrevue de Londres entre les ministres des Affaires étrangères britannique et soviétique A. Eden et V. Molotov du 26 mai 1942, le premier ayant dû concéder au second un « glacis de sécurité » à ses frontières stratégiques. « Glacis »… avant-goût de vocabulaire de guerre froide…
Mais c’était en pleine guerre. On se demande quelles raisons ont poussé les extrêmes français actuels – et quelques gens de droite – à devenir poutinolâtres dès les années 2010, peut-être avant…


NB

vendredi 7 février 2025

J’attends l’été

« J'attends l’été… » C’est une chanson que j’avais commencé de composer autrefois, i ett annat liv, comme dirait l’autre.
Le titre me reste, comme un refrain sans couplet. Comme un récif de je ne sais quelle mémoire.

August Hagborg - Capture d'écran

Diverses choses, plus ou moins anciennes, y font écho.
Il y a dix mois, article d’Einar Jakobsson dans son blog Rapsodi (en lien indirect de celui-ci ; il faut passer par « Nordic Voices in Translation » et, de là, Bernur...) Le titre : « Den gamles längtan efter sommaren » / La nostalgie de l’été, dans la vieillesse ». C’est le titre d’un poème de Hugo von Hofmannstahl (dans un recueil traduit en suédois par Axel Heglund en 2024).
Einar Jakobsson commente:

« [Det] får en att känna hur lätt och fartfyllt man med poetens hjälp lämnar hyligt marsväder och försvinner in i en annan årstid, en annan tillvaro med sommarns fägring i skarp kontrast till nuet "här i huset". »

« [Ça] vous fait sentir comment avec simplicité, rapidité, aidé par le poète, on peut quitter la froideur du temps de mars pour disparaître dans une autre saison, une autre existence, avec le contraste de la splendeur de l'été face au présent, "ici à l'intérieur". »   


August Hagborg - Capture d'écran


Fin du poème : 

« Ack, var är juli, var är sommarnejden! » / « Allez… Où est juillet ? Où sont les nuits d’été ? »

Puis Einar Jakosson à nouveau : « Jag säger inte att detta är samlingens bästa dikt, men den passade mig i tid och rum och stämningsläge. » (« Je ne dis pas qu’il s’agit là du meilleur poème du recueil, mais ça m’a bien été à ce moment, ce lieu ; en cette ambiance. »)

Mais on peut aussi ne pas rester à l’intérieur. Kristin Lagerqvist, autre blogueuse, là il y a un peu plus d’un an (sur Krickelins, le 1er janvier 2024) ; elle demande ce qu’on pourrait souhaiter en ce premier jour de l’année (celle-ci, une autre, peu importe…) :

« En hel natt sömn? » / « Une vraie nuit de sommeil ? »

Eh…
Elle pense aussi à un peignoir de bain, bien isolant.
Ne pas rester à l’intérieur… Se baigner en hiver dans les eaux du Kattegatt ?

« Det blåste ostlig iskall vind och regnet låg i luften. Det var runt fyra grader men den höga luftfuktigheten gör alltid att det känns som minus tjugo tyvärr…
(...) Jag drog på mig mina badskor och gick naken ner för bryggan med endast blå toppluva på huvudet. Därefter sänkte jag ner kroppen i mörka Kattegatt och räknade sakta till tjugofem. Det räckte gott och väl denna dag där väderförutsättningarna var i tristaste laget. »

« Il y avait le vent d’est glacé et de la pluie dans l’air. Environ quatre degrés, mais le taux d’humidité, malheureusement, donne l’impression qu’on est à moins vingt…
(...) J'ai mis des chaussures de bain et suis descendue nue au pont avec seulement un bonnet bleu. Puis j’ai plongé mon corps dans le sombre Kattegatt et j’ai compté jusqu’à vingt-cinq. Ça suffisait bien pour ce jour-là, avec de telles conditions météorologiques. »


August Hagborg - Capture d'écran


Nils Blanchard


Triche. Je rajoute ici les étiquettes que je n’ai pu adjoindre à celles du dernier billet : Manuel Valls, Donald Trump.

dimanche 2 février 2025

Tidö, France – Liens et dissemblances - 3

Retour sur ces gouvernements mâtinés d’extrême droite, en Suède et en France ; Ulf Kristersson versus Michel Barnier.
Le sujet, ici, est à mon sens assez désagréable (mais, une fois n’est pas forcément coutume, soulève des questions on peut plus d’actualité)

NB - Janvier 2025


Mais il est bien d’autres époques, thèmes, sur lesquels on pourrait apposer cette comparaison entre des passages étrangement parallèles de la Suède et de la France. (Serait-il par exemple si abracadabrantesque que de comparer – comparer, simplement… – les situations de la Suède et de la France pendant la Seconde Guerre mondiale : divers soutiens à la Finlande, situations face à la phase victorieuse de l’Allemagne nazie…) Ceci entre parenthèses donc.

Au fond, les constitutions des deux pays ne sont pas si dissemblables ; plus exactement, elles fonctionnent (et c’est du reste logique, ce sont des démocraties) de manière comparable face à l’éparpillement des partis (avec le surgissement des extrêmes gauche et droite à des niveaux concurrençant les « partis de gouvernement »). Un chef de gouvernement nommé (par le talman du Riksdag en Suède, par le président de la République en France) est bloqué devant le parlement s’il ne parvient pas à s’en faire reconnaître (en France, après 49-3 et censure).
Dans les deux cas (hors période de soutien de l’extrême droite), on peut voir, comme sous les troisième et quatrième républiques, d’anciens chefs du gouvernement redevenir simples ministres : Carl Bildt sous Fredrik Reinfeldt, Manuel Valls et Elisabeth Borne sous Bayrou...

Julius Kronberg, Abondance - Capture d'écran 

(Ne peut-on voir en cette image la démocratie dispensant ses bienfaits aux extrêmes, comme à la fin d’un repas où tout le monde s’égare?)

Pour ce qui est des ressemblances, dans les deux cas (Kristersson et Barnier), les gouvernements ont été nommés lors que la gauche avait « gagné » les élections, comprenez qu’elle était arrivée en tête en sièges ou en voix. Cela, très nettement en Suède (30,33 % des voix aux sociaux-démocrates, près de 10 % de plus que l’extrême droite arrivée deuxième), moins en France (Nouveau Front populaire : 26,63 % des voix au second tour et 190 sièges) mais l’extrême droite est en tête en pourcentage (37,10 % mais « que » 143 sièges). (En l’occurrence, ironiquement, la gauche française qui réclame la proportionnelle a été favorisée par le scrutin majoritaire ; itou le centre…)
Et les leaders des deux gouvernements, issus de partis conservateurs de gouvernement, représentaient tous deux des partis en déroute électorale.

Dans les deux pays, les gouvernements mâtinés d’extrême droite (Kristersson et Barnier) sont arrivés après des crises institutionnelles relativement inédites. En Suède, le talman (président du Parlement) Andreas Norlén (par ailleurs compilateur de poésie) a eu du mal à trouver une solution viable pour gouverner la Suède. En France, l’abracadabrantesque dissolution de l’Assemblée nationale n’a pas arrangé l’état de désordre dans lequel se trouve cette assemblée.
Ces crises institutionnelles : liées au déséquilibre engendré par la montée de pôles nouveaux (à ce niveau de voix ; en l’occurrence les extrême droites notamment) rendant impossibles les majorités sur les modèles passés.

Il est à noter que dans les deux pays, les dernières majorités de gauche (celles de Magdalena Andersson en Suède, de François Hollande en France), avaient été affaiblies (celle de F. Hollande beaucoup plus que la suédoise il est vrai) par des défections de leurs ailes gauches (les « frondeurs »…)

Julius Kronberg - Capture d'écran


(Là, ne peut-on voir à la place de ces muses les trois mouvances ordinaires de gouvernement – gauche, centre et droite – observant avec une certaine légèreté d’autres courants d’opinions les rejoignant dans le grand bain?)

En l’occurrence, pour ce qui est des dissemblances entre les situations française et suédoise en 2024, on peut noter que l’extrême gauche (ou une partie d’icelle), en Suède, ne flirte pas à ma connaissance avec l’antisémitisme.

Je suis obligé d’écrire : à suivre…


Nils Blanchard


Et puis : - Sur Trump : Reed Brody, entendu peu après l’élection du président américain sur France info, de remarquer que c’est Trump qui a fait la division entre démocrates et républicains notamment… alors même qu’il disait dans son second discours passablement improvisé au Capitole que c’était dommage qu’il y ait ces divisions !

- Reed Brody de prévoir un second mandat beaucoup plus problématique que le premier, car lors du premier, Trump n’était pas préparé, avait des gens légalistes dans son équipe… Là, il a des gens prêts à lui obéir au doigt et à l’œil.
Et de ça aussi on reparlera.

Blogs en lien, vagues questions de traduction

Un jour après l’autre, sur des sujets différents, sont parus deux articles, sur deux blogs que je suis (et qui sont en lien, etc., à droite ...