Dans cet étrange « été britannique » – sorte de prolongation d’octobre d’été indien pour les Suédophones –, été voir l’exposition Face au nazisme – Le cas alsacien à la Bibliothèque Nationale Universitaire de Strasbourg.
Elle est remarquable. (Et ce n’est pas si courant sur ce thème, dans cette région.) Elle évite notamment l’écueil de s’enfermer dans une vision passionnée ou revendicative. L’histoire commence ?
Ainsi prend-elle en compte, et sérieusement, toute la période du nazisme, et pas « seulement » celle de la guerre.
Grand nombre d’affiches magnifiquement conservées, livres, objets… au fil des salles qui s’enchaînent chronologiquement.
Documents sur les milieux autonomistes, étrangement mâtinés de pacifisme, qui versèrent volontiers dans la sympathie envers le national-socialisme de l’autre côté du Rhin.
Cette histoire est complexe ; on doit y éviter – comme pour d’autres périodes de l’histoire de l’Alsace, ou d’autres régions d’ailleurs –, les raccourcis, les chiffres brandis, copiés, et recopiés-collés, sans critique ni capacité de compréhension…
Au passage, qui me ramène au sujet initiateur de ce blog, cette affiche (« Das Neue Europa ist unschlagbar – La nouvelle Europe est imbattable ») À cette époque, Elmar Krusman est vraisemblablement à la prison de Vasalemma (AEL), au sud-ouest de Tallinn (Reval sur la carte). Si l’on en croyait cette carte, les progrès de la « nouvelle Europe » semblait irrépressible…
Au passage encore, l’autoportrait de Camille Claus, plusieurs fois présent en ces lignes (ici par exemple).
En janvier 1944, il était à Dresde, relativement miraculeusement, et temporairement, protégé du front.
Autre sujet ? (On peut repenser à ce Bonheur fragile d’Alfred Kern, essayant un peu maladroitement de créer une histoire à partir de biographies croisées et à peu près respectées (dans leur réalité…), celle d’Alfred Kern lui-même après la guerre, autour de certains personnages notamment du groupe 84, celle de Camille Claus à la fin de la guerre (captivité au Tambov puis retour en France).)
Autre sujet, donc : les relations que peuvent avoir, dans le roman notamment, la réalité historique et l’imagination, le rêve ou encore la faculté simplement de s’extirper du carcan du passé…
C'est que je suivais quelques remarques en Suède autour de l’attribution du dernier prix Nobel de littérature, et ai relu du coup cet ancien article de la critique littéraire Mikaela Blomqvist, dans le Göteborgs Posten du 20 avril 2022 :
« Enligt henne [Parul Sehgal] har idén om trauma på senare år kommit att dominera litteraturen och filmen. Utmärkande för en berättelse där en svår händelse i det förflutna tjänar som grund för intrigen är enligt Sehgal att det blir ensidiga och platta. Narrativet sträcker sig bakåt i tiden, mot det så kallade traumat, och traumat ger i sin tur en fullständig förklaring till allt som sker i nuet: historiens kretslopp.
(...) Trauma har (…) blivit ett flitigt förekommande ord i svenskt vardagstal. (Trots att det borde reserveras för erfarenheter av krig och av våldsamma situationer där man varit hotad till livet.) Och precis som den medicinska diskursen tror sig veta och kunna förklara allt har vi fått en fiktion som tenderar att göra detsamma.
Men ingen beskrivning av det förflutna är fullkomlig och orsakerna till att ett liv blir som det blir är närmast oändliga. »
« D'après elle [Parul Sehgal], l’idée de trauma, ces dernières années, en est venue à dominer littérature et cinéma. Ce qui est remarquable pour un récit où un événement difficile du passé sert de base à l’intrigue, est, d’après Parul Sehgal, que ça le rend partiel, plat. La narration s’étend dans le temps vers ce « trauma », qui lui, de son côté, livre une explication complète à tout ce qui se passe dans le présent : un cycle historique.
(...) Trauma est devenu (…) un mot redondant dans le suédois de tous les jours. (Alors même qu’il devrait être réservé pour les expériences de guerre ou les situations violentes où il y a eu menace vitale.) Et exactement de la même manière qu’un discours médical se croit omniscient et capable de tout expliquer, nous avons une fiction qui tend à faire de même.
Mais aucune description du passé n’est parfaite, et les causes du cours pris par une vie sont quasi infinies. »
On y reviendra, très certainement.
Une autre exposition : Roger Dale, Nancy.
Nils Blanchard
P.-S. Triche. Je rajoute quelques étiquettes impossibles à placer au billet précédent : Annie Ernaux, Peter Handke, Patrick Modiano, Mikaela Blomqvist, Bernur.
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