samedi 20 août 2022

(19)41

 Un article dans Le Monde, sans rapport avec le monde nordique, revient à la surface de mon désordre…


NB - Laholm

Il s’agit de d’un papier de Juliette Heinzlef, « L’exil, en poète et en 

philosophe », sur Carlos Pereda et son livre Apprentissages de l’exil (Los

aprendizajes del exilio).

Question d’exil, donc, qui démarre dans les années 70 avec la dictature en

Uruguay.

Juliette Heinzlef termine son article ainsi :


« Carlos Pereda cite le philosophe grec Aristippe de Cyrène (v. 435-355 av. J.-

C.) : Je ne me soumets à aucun Etat. Je suis étranger de partout. 

Apprendre à s’émanciper de la cité, savoir qu’on ne lui appartient jamais

totalement, que quelque chose en soi relève d’un ailleurs et demeure 

étranger : telle est en définitive la leçon de l’exil. Elle ne vaut pas seulement

pour les millions de gens qui ont dû tout quitter et partir sur les routes. Elle est,

aussi, une leçon qu’ils adressent à ceux qui sont restés chez eux. »


Je me souviens de ma logeuse, et amie, au États-Unis (Cambridge, MD) –

psychologue – , qui m’avait proposé d’assister (dans un lycée je crois, je ne 

sais plus où) à une de ses conférences, justement sur l’exil, où elle évoqua

la manière de se débattre, en exil – ou en long voyage – de ses démons 

extérieurs.

(Du reste, dans ce pays si étranger à moi qu’étaient les États-Unis – voitures

-panzers, etc., qui sont maintenant presque la norme en France –, je me suis

senti chez moi comme rarement. Question de rencontres, aussi… Ellen, Bob...)


Mais alors, bien sûr, Edith Södergran ? (Jag) : « Jag är främmande i detta land

(…) » « Je suis étrangère en ce pays (…) »



NB - Laholm

Bon. Pourquoi 1941 ?

Elmar Krusman a été arrêté par les Allemands à l’été 1941 ; il commence alors

son parcours pénitentiaire et concentrationnaire. Un exil forcé qui va l’éloigner 

comme un aimant de son point d’origine, inclus comme on le sait à partir d’un

certain moment dans le monde soviétique. 


Et j’ai justement eu récemment de nouvelles informations sur lui. Peut-être en

sera-t-il fait état ici assez vite.


Demeure l’aporie de sa nationalité, lors de son parcours concentrationnaire

(KL Stutthof et KL Natzweiler). « Suédois » sur certaines listes des camps ; à

l’initiative d’un SS, d’un Lagerschreiber (prisonnier en charge de la tenue des

listes) ? A-t-il eu – on s’est déjà posé la question dans ce blog –, Elmar

Krusman, son mot à dire ?


Je pense soudain à ce poème d’Edith Södergran : De främmande länderna – 

Les pays étrangers.


« Min själ älskar så de främmande länderna, / som hade den intet hemland. 

(…) »

« Mon âme aime tant les pays étrangers, / c’est comme si elle n’avait pas 

de patrie. (…) » 


On peut revenir à la littérature, qu’on a évoquée, récemment. Léautaud : « Ma 

patrie, c’est la langue française. » (Journal littéraire.) Jacques Brenner : « (…)

il est bien certain que ma langue est ma patrie. C’est même en ce seul sens 

que je suis patriote. » (Les familles littéraires françaises.) Jules Roy : « Pays

natal. – Il n’existe de pays natal, de terre natale, qu’à condition de les croire

perdus, d’une façon ou d’une autre. Sans quoi ils ne compteraient pas tant.

Qu’était pour moi l’Algérie avant la guerre et tant que Camus vivait ? » 

(Journal des Chevaux du soleil.)


Peut-être ai-je raté une interprétation du « choix » de nationalité d’Elmar 

Krusman sur les listes des camps. Peut-être a-t-il dit qu’il était suédois sans

référence au pays alors libre (et neutre), en se définissant simplement comme 

les siens s’étaient toujours définis, vers les rivages du nord de l’Estonie.


NB - Laholm


Allez, Edith Södergran, à nouveau : Det underliga havet / L’étrange mer :


« Sällsamma fiskar glida i djupen, / okända blommor lysa på stranden ; / jag

har sett rött och gult och alla andra färger, – / Men det granna, granna havet är

farligast att se, / det gör en törstig och vaken för väntande äventyr : / vad som

har hänt i sagan, skall hända även mig ! »


« Des poissons singuliers glissent aux profondeurs / et des fleurs inconnues

brillent sur le rivage ; / J’ai vu du rouge, du jaune et toutes les autres couleurs,

– / Mais l’immense, immense mer est ce qu’il y a de plus dangereux à voir, /

ça vous assoiffe d’aventures à venir : / si c’est arrivé dans le conte, pourquoi 

n’y aurais-je pas droit ! »



Nils Blanchard



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