mardi 2 août 2022

« Quand nous foutra-t-on la paix, Grands Dieux ! »

 Des Cévennes, je suis revenu à la mi juillet pour entendre parler d’incendies monstres liés à la canicule. Il est vrai que nous en eûmes quelques échos là-bas.


NB - Intérieur de l’église de Langogne (?)

Il y a quelques années : ces incendies inattendus en Suède. Là, un journal – je 

ne sais plus lequel – avait titré que les oiseaux brûlaient dans leurs nids…

Ici, on parle en hectares.

En chiffres.

Mais quelle signification ont-ils pour l’heureux propriétaire d’un panzer ?


Là n’était pas la question cependant. À Saint-Flour-de-Mercoire (Lozère),

monument aux morts très particulier : les photographies en médaillon des tués 

de la Première Guerre mondiale y apparaissent.

19 visages (pas autant que de noms).


« Aux héros ». Au-delà de la manière d’aborder la commémoration d’un

traumatisme passé (noms, chiffres… ou ces photographies…), on remarque 

cette mention, qui questionne une certaine tendance actuelle, anachronique, à

présenter les Français du début du XXe siècle comme des pacifistes absolus. 

Ce qui ne signifie pas qu’ils étaient pour autant des va-t-en-guerre

sanguinaires.

Du reste, pas de médailles ou de grades ici. Des photos.


NB - Monument au morts de St-Flour


NB - Monument aux morts de St-Flour


Paul Léautaud (auteur de la citation titre de ce billet) et Jules Roy, dont il fut

question à des derniers billets, se sont rencontrés peu après la guerre aux

déjeuners de Florence Gould. Le premier fut amusé par le second, qui 

respectait le talent d’écrivain du premier. Pour le reste… Jules Roy rentrait

meurtri d’avoir dû larguer des bombes sur la Ruhr qui, il le savait, avaient 

touché des civils.

À ces déjeuners, aussi… Jean Paulhan… Le Maast du Guerrier appliqué ; on 

en reparlera vite aussi, car la marche faite en juillet nous a conduit jusqu’à

Saint-Jean-du-Gard.

Un autre auteur encore : Ernst Jünger.


Léautaud, Paulhan (résistant, rappelons-le), Jünger, se côtoyèrent aux

déjeuners Gould (avenue de Malakoff) lors qu’un Elmar Krusman, un Maurice

Vissà (dont on reparlera), « vivaient » encore dans leurs camps annexes.



Paul Léautaud et Florence Gould, années 1940

Au retour d’une marche, quand on a discuté et plaisanté au fil des chemins, 

des bourgs, églises, avec un ami et des rencontres de hasard, quand on

reprend contact avec « les actualités », il est question bien évidemment aussi 

de l’inflation, des économies nécessaires d’énergie rendues d’autant plus

urgentes que le président russe semble désormais miser sur une prolongation 

du conflit qu’il a déclenché…

On se souvient que dans une des églises de la région de Langogne, nous

avions trouvé un bulletin paroissial du 22 mai 2022. Le texte de la première 

page est de Jean-Marie Clavel (de l’équipe pastorale), qui commence par

évoquer en négatif, à travers les Actes des apôtres, les querelles et rivalités

dans la « communauté chrétienne ». Il poursuit sur l’évocation de la ville sainte

dans l’Apocalypse…


                               La Jérusalem céleste (source, site de la paroisse de Puteaux ; 

                                    © CC BY-SA 4.0I), tapisserie du château d’Angers

Et dernière partie du texte :


« Bien réels par contre sont les affrontements que vit notre monde avec des

ruines à n’en plus finir et des familles déplacées et les personnes 

assassinées ! Nos vies peuvent trouver, après aimez-vous les uns les autres

dans l’évangile de dimanche dernier, des bases solides pour vivre la fraternité 

et la paix : Je vous laisse ma paix ; je vous donne ma paix nous dit

l’Évangile… Que l’Esprit de sagesse et d’intelligence puisse venir sur le 

président Poutine... »


Dans son blog, il y a déjà quelques semaines (le 12 juin), Thomas Nydahl 

de relever (« snappa upp ») des extraits du Dagens Nyheter :


« – Inte ens i mina värsta mardrömmar skulle jag ha kunnat tänka mig att 

ryssarna anfaller oss. Att de skulle göra så här! De var ju våra bröder.


(…)


Pappa var ryss. Mamma ukrainska. Jag förstår ukrainska utan problem, men 

jag har alltid talat ryska. Över halva befolkningen i Charkiv har sina rötter på

ryska sidan – Kursk, Voronezj, Belgorod... men nu är ryssarna inte längre våra

bröder. Inte på hundra år, säger Nikolaj Rjabynin. »


« Pas même dans mes pires cauchemars je n’aurais pu imaginer que les 

Russes puissent nous attaquer. Qu’ils agiraient de la sorte ! Ils étaient nos

frères !


(…)


Papa était russe. Maman, ukrainienne. Je comprends sans difficulté

l’ukrainien, mais j’ai toujours parlé russe. Plus de la moitié de la population de

Kharkiv sont originaires de Russie – Koursk, Voronej, Belgorod… mais

désormais les Russes ne sont plus nos frères. Et ce pour un siècle, dit Nikolaj

Rjabynin. »


Gare aux comparaisons intempestives… Mais Allemands et Français se sont

réconciliés après 1945. Il est vrai qu’il y avait alors des personnages aussi

singuliers qu’Ernst Jünger, Jean Paulhan…


Et Jünger, qui d’ailleurs lit alors la Bible à ses moments perdus, d’évoquer 

dans son journal (Second journal parisien) Léautaud (« le dernier des

classiques peut-être »), pour s’inquiéter de sa situation financière, le 1er mai

1944 :


« Sans doute, Léautaud est un cynique, satisfait de son fauteuil et de la

société de ses chats, et par qui l’on risque de se faire éconduire 

grossièrement. Il faut encore tenir compte de la malencontreuse situation

politique, qui projette sa lumière trouble sur chaque action humaine. »



Nils Blanchard


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