Dans Voyage nu évoqué lors d’un précédant billet, plus ou moins aussi sur les fantômes, on pouvait voir dans un poème de François Squevin de « grandes nudités » comme comparées à de grandes marées.
J'y pensais pour plusieurs raisons.
D'abord, au chapitre des expositions manquées, il y a eu « Femmes Artistes de la Côte d’Opale », à Étaples-sur-Mer. C’était jusqu’en novembre 2024… Les éditions Invenit en ont édité un catalogue.
On y lit en quatrième de couverture :
« À la recherche de paysages et d’atmosphères vibrantes, capables d’inspirer et de nourrir leur peinture, de nombreuses artistes reconnues de leur temps ou au talent naissant, telles que Virginie Demont-Breton, Marie Duhem, Marie Cazin, Iso Rae, Catherine Hawdon ou encore Elizabeth Nourse, ont chacune à leur façon marqué de leur empreinte le paysage artistique de la Côte d’Opale.
(...) [Cet] ouvrage révèle tout le talent de ces femmes ayant joué un rôle prépondérant dans l’affirmation et la diffusion de l’art dans la société et ouvert parfois la voie vers la modernité des années 1920. »
Retour une nouvelle fois aux années vingt.
Une autre raison pour laquelle je songeais à l’auteur de Voyage nu, c’est que j’ai eu le plaisir de le revoir, ainsi que Dominique Tourte des éditions Invenit, lors de l’Assemblée générale, fin mai, de La Route inconnue.
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Rolf Winqvist, Sculpteur et modèle - Capture d’écran |
Et en marge de cette assemblée (une autre raison encore), j’ai présenté le dernier cahier en date de cette association des Amis d’André Dhôtel.
Je n’avais que quelques minutes ; pas vraiment le temps de développer… Or je venais de terminer (d’André Dhôtel) le formidable Plateau de Mazagran (1947), pour lire l’article de Jean-Yves Gillon (alias Yves Lepesqueur) dans ce dernier cahier, à lui consacré. Dans ce roman, étrangement concordant à son époque (on y parle de la guerre récente…), le mal est bien présent, se « révèle » surtout à la fin, une certaine forme de diable, même s’il a été dit (et pas par des buses) que Dhôtel esquivait la question du mal.
En lien au mal, on peut évoquer Adam et Eve, et la nudité ; ça a déjà été effleuré en ce blog ; le blog Alluvions (en lien de celui-ci…) a exploré aussi ce thème. Le péché – le mal originel – ; j’y pensais aussi car dans le même cahier n° 22 est publié un début de roman inachevé de Dhôtel mettant en scène sa relation, de jeunes militaires, avec Marcel Arland, relation – un peu mystérieuse ; il y a eu aussi un Cahier Dhôtel sur sa correspondance avec Arland, mais plus tardive… – à laquelle je ne peux m’empêcher d’adjoindre je ne sais quelle cassure initiale dans la vie d’écrivain d’André Dhôtel.
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Henri B Goodwin, Carin, 1920 - Capture d’écran |
Bon, mais Adam et Eve quittent nus le paradis. C’est que la nudité est comme l’apanage de l’au-delà de la civilisation. La civilisation est vêture, aussi légère soit-elle. La nudité est en dehors ; elle est fors la ville ; elle est de la forêt. Elle est aussi de ce qu’on ne contrôle pas et qui donc peut être colonisé par le mal – ou tout aussi bien par Dieu (le paradis…)
Jean-Yves Gillon l’évoque dans son article d’une manière assez bluffante, en repérant un lien avec le roman écrit après Le Plateau de Mazagran, à savoir Ce lieu déshérité (1949) (entre les deux a été publié David, écrit avant…) Je cite :
« On relèvera (…) que Dhôtel a employé, pour relier les deux livres, un procédé bien connu de la rhétorique sémitique. C’est l’usage de ce que les savants appellent “termes médians”, qu’on appellerait aussi bien, si l’on veut éviter tout jargon, “crochets” ou “agraphes”. Le principe en est simple : lorsque deux textes sont liés, la fin du premier comporte un élément remarquable qui se trouve aussi au début du second. (…) Or, Dhôtel a bel et bien placé une telle agraphe. C’est l’image du nageur nu, très rare dans ses romans. Dans les dernières pages du Plateau de Mazagran (p. 257), Maxime et Gabriel entrevoient Jeanne qui nage nue dans l’Aisne. Au début de Ce lieu déshérité, Hélène regarde Sotiros et Iannis qui nagent nus dans la mer (p. 16). Deux jeunes hommes regardent nager une jeune fille nue ; une jeune fille regarde nager deux jeunes hommes nus : l’agraphe est renforcée par un chiasme. »
(La guerre, le mal – Cahier André Dhôtel n° 22, pages 139-140.) (Les Cahiers André Dhôtel sont disponibles auprès de l’Association La Route inconnue ; dont le lien apparaît sur ce blog, en haut, à droite de l’écran…)
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Rolf Winqvist, Rêve de nu, années 1940 - Capture d’écran |
Pour en revenir aux grandes nudités, grandes marées ; la nudité ne peut-elle être liée aussi aux animaux marins, à la mer plus généralement, qui est à la fois l’ailleurs et le danger ?
Mais on se contentera là de rivière. Dans le cahier évoqué plus haut, j’évoquai quant à moi L’Homme de la scierie (1950), je ne peux m’empêcher d’en citer l’incipit :
« Il y avait eu ces courses folles le long des quais de Nogent. On se baignait dans les roseaux. Garçons et filles étaient nus. Qui le savait ? »
Nils Blanchard
Ajout. J'ai reçu, des mêmes éditions Sous le Sceau du Tabellion qui ont réédité L’Homme de la scierie, qui ont fait paraître aussi le dernier recueil d’Héloïse Combes… leur nouvel opus : Poèmes de la forêt, de Saint-Pol-Roux.
Il y a en ce moment au Louvre une exposition sur Rodolphe II, dont il est beaucoup question dans Le Tableau de Savery (voir la page en lien de ce blog…) ; il s’agit de L’Expérience de la nature – Les arts à Prague à la cour de Rodolphe II, jusqu’au 30 juin.
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