mardi 16 décembre 2025

Vélos, égarement… En Suède aussi

Dans l’« égarement », en faisant de l’étymologie un peu fantaisiste peut-être, il y a le fait de ne pas se « garer », de rester libre et en mouvement. Ce qui n’est pas à confondre avec le fait d’être perché sur une selle, de fondre sur des gens en leur reprochant simplement d’être, parce qu’on se croit soi-même / parce qu’on est à la mode. Parce qu’on a bâti une sorte de rail virtuel dans sa cartographie interne auquel on voudrait que tout le monde se réfère.

Elias Martin, Göteborg, années 1780 ; Göteborgs Stadsmuseum - Capture d’écran

Un certain Roland Holm, le 21 juin dans le Göteborgs Posten (dans un article de lecteur, « Fria ord » est-il précisé avant l’article (« Paroles libres ») exprime les choses de la sorte :

« Den som rör sig fort – särskilt på cykel – tycks i dag ha tolkningsföreträde, medan fotgängaren betraktas som ett hinder. Denna kultur är inte bara farlig, utan också ett uttryck för en större samhällelig förskjutning där omtanke och respekt får stå tillbaka för självupptagenhet och arrogans. »

« Celui qui avance vite – surtout à vélo – semble jouir aujourd’hui de la priorité, lors que le piéton est considéré comme un obstacle. Cette vision des choses n’est pas seulement dangereuse, c’est aussi l’expression de quelque chose de plus profond dans notre société, où sollicitude et respect doivent laisser la place à l’individualisme et l’arrogance. »

« Självupptagenhet » (le fait littéralement d’être occupé par soi-même) ; on revient à ce que l’on disait des écrans.
L'auteur poursuit – il évoque Vasagatan ; n’est-ce pas dans ce quartier que vit Erik Winter, dont la dernière enquête (eh ! Il ouvrit quasiment ce blog…) vient de sortir ? On en reparlera très vraisemblablement… – :

« Flera gånger i veckan bevittnar jag, eller själv utsätts för, cyklister som i mycket hög fart passerar fotgängare utan att sänka farten, visa tecken på samförstånd eller lämna utrymme. I morse höll jag på att bli påkörd. »

« C'est plusieurs fois par semaine que je suis témoin, ou cible, de cyclistes qui frôlent à toute vitesse les piétons, sans ralentir, sans prendre en compte l’autre ni lui laisser d’espace. Ce matin encore j’ai failli être renversé. »

Elias Martin, Göteborg, années 1780 ; Göteborgs Stadsmuseum - Capture d’écran


Me revient à l’esprit cet argument du « Partagez la route ». Partager, cela signifie d’abord respecter l’autre, pour ce qu’il est. On est parfois face à des gens qui « planent » tellement – pardon, on nage dans une telle irrationalité (crétineries véhiculées par les réseaux sociaux, dingos développant leurs petites sectes dans leur coin…) –, qu’il faut parfois revenir aux réflexions les plus simples. C’est ce que fait Roland Holm :

« Det finns människor som är äldre, ser dåligt, har nedsatt hörsel eller svårt att röra sig. Ska dessa behöva analysera cyklisters rörelsemönster från 20–30 meters håll för att avgöra om de törs ta ett steg ut? Det är inte rimligt. Ändå verkar det vara just det som förväntas. »

« Il y a des gens plus âgés, qui voient, entendent mal, ou ont des difficultés à se mouvoir. Faut-il que ces gens dussent analyser vingt, trente mètres à l’avance le schéma de déplacement du cycliste pour anticiper une retraite ? C’est fou. C’est pourtant ce qu’on semble attendre d’eux. »

Puis de développer :

« Men det är cyklisten som är den snabbare, starkare parten – precis som bilisten i möte med cyklisten. I alla andra delar av trafiken gäller principen att den som är starkare ska ta större hänsyn. Varför frångår vi detta när det gäller fotgängare? »

« Mais c’est le cycliste qui est le plus rapide, le plus fort – comme l’automobiliste l’est par rapport au cycliste. Partout ailleurs dans le trafic, on considère que c’est au plus fort de faire le plus attention. Et pourquoi pas quand c’est le piéton qui est concerné ? »



Je n’avais pas spécialement remarqué ces problèmes en Suède jusqu’à présent, à part une nuit, un vélo qui m’avait foncé dessus (le cycliste était ivre), et que j’avais envoyé, par réflexe, et plutôt involontairement, dans le décor. Le pays traînait plutôt la réputation d’une excellente organisation en la matière, avec de « vraies » pistes cyclables, bien délimitées, et des « usagers » respectueux de leurs concitoyens, à la « nordique ».
Il est vrai que cela fait quelque temps que je ne me suis vraiment promené à Göteborg, chassé par les travaux qui m’ont rendu la ville impénétrable et infréquentable.
Ce qu’a noté le romancier Åke Edwardson aussi – il en a parlé dans Det trettonde fallet (Le treizième cas)… – ; je ne suis pas complètement fou…


Nils Blanchard

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