La lecture du blog Alluvions (en lien de ce blog, liste à droite, cliquer, etc.) et ses hasardeuses coïncidences, synchronicités, ont attiré mon attention sur trois hasards récents me concernant.
| NB - Alsace, automne 2025 |
Le premier concerne précisément un article d’Alluvions. Je parlais à un ami, de l’autre côté du Rhin – nous parlions de son (très jeune) fils, de l’agression russe en Ukraine… –, de tirages au sort de conscrit pour le service militaire, en France, dans un passé pas si lointain. Patrick Bléron d'évoquer justement – quelques jours plus tard, le 7 novembre – à propos du Bal des conscrits de Louis Peygnaud, ces tirages au sort.
« (…) à la page 27 du Bal des conscrits, Louis Peygnaud raconte une autre conscription, celle du 10 mars 1793, an II de la République, où eut lieu la première levée en masse de 300 000 hommes. De tous les villages affluaient les hommes célibataires ou veufs sans enfants de dix-huit à quarante ans. Le 15 juillet, l'Assemblée législative avait proclamé la Patrie en danger. De fait, cette première journée ayant donné peu de résultats, il fallut remettre le couvert le 17 mars. Ainsi, au Péchereau, près d'Argenton, seuls deux volontaires s'étaient inscrits le 10 mars. Et le 17, 45 hommes durent se soumettre à la voix du sort. Le maire avait préparé 33 bulletins blancs et 12 bulletins portant la mention "soldat", et chacun vient tirer un bulletin dans un chapeau (…) »
Le deuxième, je l’ai déniché (sans rien chercher d’ailleurs) sur le site Dixikon (en lien de ce blog, liste à droite, cliquer, etc.) Là, un article a été publié sur « Kambanellis om Mauthausen » (« Kambanellis sur Mauthausen »).
Il est de Jan Henrik Swahn, par ailleurs traducteur récent des Liaisons dangereuses en suédois…
Or il se trouve que de retour en voiture de je ne sais plus trop où, le jour précédant ma lecture de cet article, je réfléchissais – via, pour autant que je m’en souvienne, des réminiscences de ce colloque sur l’art et la guerre à Natzweiler, de là les dessins et le témoignage de Jeanne Letourneau… – à la spécificité des récits de camp. Spécificité en ce sens que, rédigés le plus souvent par des gens peu coutumiers de l’écrit – rarement des écrivains en tout cas ; il y a bien sûr cependant Primo Lévi et d’autres… –, ces récits prennent une force, une originalité singulière, lors même qu’ils racontent des choses similaires (et pour cause…) Je me disais que c’était qu’ils mettent sur la table, dans un sens, l’humanité profonde de l’auteur, celle qui a survécu, mais qui a été éreintée par l’expérience, qui affleure plus que chez d’autres, aux camps.
| NB - Alsace, automne 2025 |
Enfin, une histoire un peu désagréable avec des parents d’élèves me faisait penser à la généralisation, dans laquelle on peut à tout instant sombrer…
Or Jan Henrik Swahn évoque à un moment le sujet dans son article :
« En av styrkorna med boken är just de många redogörelserna för ortsbefolkningens medlöperi, hur de närmast med förtjusning laddade sina bössor och anslöt sig till tyskarna varje gång någon hade lyckats fly från lägret. Efter befrielsen fick många bönder se sina gårdar plundras på djur och mejerivaror. Särskilt de som tidigare vägrat ge ens en brödskiva till lägerflyktingar som knackat på. Men att dra alla österrikare över en kam gick förstås inte, även om det hade varit en enkel och svartvit lösning. Kambanellis fick så småningom höra om österrikiska bönder som tagit stora risker genom att hysa flyktingar fram till krigsslutet. »
« Un des intérêts du livre, c’est justement les nombreux récits de collaboration de la population locale, qui approchait presque à la jouissance en chargeant ses fusils pour se joindre aux Allemands à chaque fois que quelqu’un avait réussi à s’enfuir du camp. Après la Libération, de nombreux paysans ont eu leurs fermes pillées d’animaux et de produits agricoles. Particulièrement ceux qui auparavant avaient refusé d’octroyer ne serait-ce qu’une tranche de pain aux fugitifs du camp qui les avaient sollicités. Mais mettre tous les Autrichiens dans le même panier n’a pas de sens bien sûr, bien que ç’aurait été une solution simple, manichéenne. Kambanellis, petit à petit à découvert que des paysans autrichiens avaient pris de grands risques en hébergeant des fugitifs jusqu’à la fin de la guerre. »
On retrouve ce thème de la population civile, entre autres dans mon Elmar Krusman.
J'ai eu donc il y a peu un rendez-vous avec des parents d’élèves, contestant une note reçue par leur fille. J’étais partie dans l’idée que c’étaient des connards (généralisation…) Ils se montrent ouverts (en apparence), le « dialogue » se finit « fructueux » ; moi, fatigué par six heures de cours (et une semaine passée ; on était vendredi…) cède et promets de « rectifier » la note de leur fille (celle ci, présente lors de l’entretien – ah, que c’est bien de partager les problèmes entre « enseignant »… allez, on va dire, « équipe pédagogique », parents et « apprenant »… – refuse étrangement de s’installer à notre table, reste près de la porte, comme si elle craignait d’en être expulsée par le souffle d’une explosion?), ce que je serai obligé de faire, du coup.
Jusque là : formidable. Pour un peu, on me remettra la médaille de l’Ordre de Meirieu !
Sauf que… Y réfléchissant un peu de retour chez moi, je me rends compte que non : j’avais raison en premier lieu. L’élève a vraisemblablement triché sur son voisin. Ce n’est pas la note faible, un peu en-dessous de la moyenne qu’on m’a reprochée, qu’elle devrait avoir, mais un zéro pointé.
Le doute ne réside vraiment que dans la bonne foi des parents (moi-même, sur le coup de la rencontre, n’ayant su retrouver clairement les tenants et les aboutissants du problème ; j’ai toujours des problèmes de vue, j’étais fatigué – et passablement énervé –, etc.)
Quant à leur fille, le résultat reste le même : elle sait qu’elle a triché. Se perfectionnera-t-elle dans l’art d’abuser ses parents (s’ils étaient dupes) ?
Et sur le principe, ma généralité, là, restait efficace : des parents n’ont pas à contester à la légère une note (en plus une petite note de simple test de début de cours), n’auraient jamais dû se croire seulement autorisés à franchir les grilles d’un collège pour ce faire.
Ce qui ne me réconcilie pas pour autant avec les généralités.
Nils Blanchard

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