mercredi 30 octobre 2024

Croisements / Paris

Le précédent billet portait en partie sur François Truffaut. J’ai quelques billets d’avance, ces derniers temps, aussi mes sujets peuvent être parfois un peu hors du temps. Quelque lecteur avisé aura néanmoins remarqué que sur Alluvions (liens, à droite, etc.), Patrick Bléron, le 24 octobre, évoquait notamment Baisers volés.

NB - Canal Saint-Martin


Du coup, petite promenade dans Paris, place Clichy, hôtel Alsina transformé en immeuble d’habitations… Le Sacré-CœurOn apprend, sur un site consacré à Paris et au cinéma que l’hôtel Alsina était avenue Junot, dont il a été question ici.

On arrive dans le quartier de Jérôme K Jérôme Bloche, qui habite rue Francœur comme chacun sait – du moins y a-t-il son bureau et y dort-il quand il n’est pas chez sa fiancée Babette, qui n’habite pas très loin de là… À un numéro un peu fantaisiste, j’avais vérifié, je ne sais plus quand…

Encore un K qui se balade dans le prénom anglophile de ce personnage, décidément...

Dodier en a fait paraître un nouvel opus, en octobre, le vingt-neuvième, Perpétuité. Dessin, scénario sont au rendez-vous – ce numéro s’est fait attendre…



Pour en revenir à Alluvions, il est question de pneumatiques, évoqués eux-mêmes dans Baisers volés. Pour ma part, j’ai commencé à comprendre ce qu’étaient des pneumatiques – pour communiquer notamment à Paris –, je crois, en fréquentant le journal et la correspondance de Léautaud. Là, en furetant au hasard dans sa formidable correspondance, je tombe sur cette lettre (p. 533 du tome 1, chez 10/18), de janvier 1923, dans laquelle il « recommande » deux gardiens de la paix au président de la SPA :

« Lundi 22 janvier courant, à 8 heures du soir, deux chevaux se trouvaient rue Dauphine, en route pour l’abattoir. L’un d’eux depuis une heure était tombé et restait là, visiblement épuisé de fatigue et de privations. Notre collègue, Mme Cayssac, présente à ce moment, acheta deux pains entiers pour restaurer un peu l’animal. Les deux agents susnommés lui prêtèrent le meilleur concours, tous deux penchés vers le cheval (…) Ils s’opposèrent ensuite à l’intention du conducteur de faire continuer la route à ce cheval (…) »

Ça casse un peu l’ambiance et nous rappelle que de tous temps les hommes tirent, tirent la corde…



Là, c’était dans le sixième arrondissement.
Si l’on traverse la Seine, qu’on descend vers le sud, dans le quinzième, jouxtant la voie ferrée et le quatorzième, il y a la rue Castagnary. J’en parle parce que j’y ai habité ; bon… mais de cela on se fiche.
Mais il se trouve que dans Poignard subtil, blog en lien d’Alluvions, il est fait mention du phare breton qui s’y dressait, pénétrant les brumes urbaines, ce jusqu’à ce qu’il soit détruit, nous apprend l’article, en 2017.
J'habitais à peu près juste en face…
La forme d’une ville
Change plus vite, hélas !
Etc.


Nils Blanchard

dimanche 27 octobre 2024

Séries, cinéma, livres / Digression ; maisons

Revu récemment un film assez surprenant, plus encore cette deuxième fois que je l’ai vu : La femme d’à côté, de François Truffaut.



Les acteurs sont très bons, Gérard Depardieu, Fanny Ardant, mais aussi par exemple Michèle Baumgartner, qui campe l’épouse endurante, mais pas sotte – c’est une toute autre époque aussi – du personnage joué par Depardieu.
Surprenant : cette peinture d’un amour absolu, à la fois impossible et facile.
Quelque chose qu’on ne représente plus vraiment à notre époque pudibonde. Les gens le vivent-ils encore ?
Mais là n’est pas le propos. Je voulais parler de livres qu’on voit de moins en moins dans les intérieurs des productions actuelles. Là, dans La femme d’à côté, deux maisons jouent un rôle important dans l’histoire. Et dans les deux – l’une plus que l’autre –, il y avait des bibliothèques.
Il est vrai, pas d’écran. Ou si peu. Des télés ? Jamais allumées alors.

NB


Associations improbables d’idées, sur le blog de Gabrielle Björnstrand, Gabis Annex, le premier octobre dernier, un article intitulé : « Att skämmas för serier » (« Avoir honte des séries »). Je pensai d’abord que la blogueuse s’en prendrait au genre en lui-même – et au temps pris, à une certaine dépendance qu’il induit chez certaines gens. Mais ce qui la rebute, surtout, c’est la violence, dans des productions il est vrai dont je n’ai pour ma part jamais entendu parler :

« Jag vill inte moralisera, människan har väl ett behov av nåt spännande ibland. Men det som bjuds är som att sluka våld och fetischerad tuffhet. »

« Je ne veux pas faire la morale – les gens ont besoin d’action de temps en temps –, mais ce qu’on nous offre est une violence envahissante, une dureté fétichisée. »

Ah, j’oubliais : l’article en question (sur Gabis annex) est illustré par une image des 400 Coups.



(Il faudrait que je trouve cette édition préfacée par Thomas Mann…)

Petite digression.

Récemment, K a reçu la visite de Klamm, ou, peut-être, on n’en est jamais sûr, de quelqu’un qui lui est très proche… En tous les cas un envoyé du Château. (Non, il ne s’agit pas là d’écriture cabalistique, mais de réminiscences de sujets évoqués en d’anciens articles… Glossaire, à droite (version ordinateur…) : K…)
À quel sujet ai-dû parler de mon livre ? À vrai dire, je n’ai pas parlé de mon livre (j’ai du reste dû dire à peine trois ou quatre phrases pendant tout l’« entretien »), mais de mes recherches. On m’interrogeait sur l’histoire de mes « états de service » – ils touchent à leur fin en ce qui concerne ce métier que j’exerce actuellement –, j’ai dû parler de « temps partiels » passés, et partant de mes « travaux ». Là, l’entretien aurait presque pu virer au comique ; Klamm (ou qui que ce fût) :
– Vous refaites une maison ? [La maison, décidément…]
– Non. Je voulais parler de recherches…
J'aurais dû répondre : « Non, j’ai entrepris de reconstruire un château. » Mais ça aurait été doublement mentir (aux sens propre et figuré ; j’ai assez donné…)


Nils Blanchard


P.-S. : Au hasard de je ne sais quelle pérégrination, recherche (pas de maison, quoique, ni de château), je tombe sur cette affiche pour une conférence prochainement à la bibliothèque nordique, à Paris.



mardi 22 octobre 2024

Kungälv / ancienne rue, Lise Meitner

Il y avait pourtant aussi de belles choses à Kungälv.

NB - Kungälv; "Kärlekstigen" - "Le chemin de l'amour"


Un « Kärlekstig » (« Chemin de l’amour ») par exemple, montant dans la forêt, partant de la vieille rue dite Västra gatan. Non loin de là, un joli jardin entretenu par des bénévoles. Pas trace, là, de compagnie de sécurité privée sévissant à la place de l’État – mais grand Dieu on se demande parfois où l’on est ! – Le jardin Bergfelt (Berfeltska trädgården) se situe, explique-t-on dans un prospectus, à 200 mètres de l’église. Son histoire remonterait au XVIIe siècle.
Il n’est pas très grand mais dense.


Des plantes, aussi, je reparlerai ici ; de cet autre monde que sont les plantes (et pas seulement l’homme…) Via une artiste découverte via Wera von Essen : Sanja Särman, Suédoise bien d’ailleurs dans un sens, si j’ai bien compris, qui a écrit un beau texte sur le sujet qu’on trouve, en anglais, sur internet, ici.

Mais à peu près en face du jardin, il y a une maison ayant appartenu au frère de Selma Lagerlöf, et où cette dernière a fait quelques séjours. Et elle a écrit le recueil de nouvelles Drottningar i Kungahälla (Les reines de Kungahälla en français), faisant allusion à un ancien nom du site, aujourd’hui devenu la cité sans grande âme évoquée ici, où des miliciens de police privée s’en prennent aux voitures étrangères, si possible quand elles ont à leur bord une personne en partie invalide.

NB - Kungälv


Retour à la civilisation, la vieille ville. Non loin de là encore, une curiosité : une belle maison rose où la scientifique autrichienne Lise Meitner a séjourné en 1938, fuyant l’Allemagne nazie de par sa judéité.

NB - Kungälv



NB - Kungälv


Un article d’Expressen, d’Eva Rogsten (28/5/2019) parle de cet hiver 1938 :

« Upptäckten som den österrikiska judiska forskaren Lise Meitner gjorde på vinterpromenaden i den västsvenska småstaden kom i förlängningen att användas av de allierade i slutskedet av andra världskriget – men atombomben var något Lise Meitner själv aldrig ville förknippas med. (…)
Nu bodde hon i Stockholm och hade åkt till Kungälv för att besöka sin nära vän, den svenska fysikern Eva von Bahr Bergius, som bjudit in henne till julfirande. Inbjuden var även Lise Meitners systerson, fysikern Otto Robert Frisch. »

« La découverte faite par Lise Meitner, chercheuse autrichienne juive, au cours d’une promenade hivernale dans la petite ville du littoral suédois de l’Ouest, allait par la suite être utilisée par les alliés à la fin de la seconde Guerre mondiale. Mais Lise Meitner ne voulait être liée en aucune façon à la bombe atomique. (…)
À ce moment elle vivait à Stockholm et s’était rendue à Kungälv à l’invitation pour Noël d’une amie proche, la physicienne suédoise Eva von Bahr Bergius. Son beau-frère, le physicien Otto Robert Frischt, avait aussi été invité. »

Là, lors d’une promenade, elle aurait ajouté une équation décisive à la compréhension de la fission de l’atome.
Avant ça, docteure en physique à Vienne en 1906, assistante de Max Planck dès 1912, Lise Meitner a une vie exemplaire de ce premier XXème siècle. De parents juifs, elle est baptisée en 1908 à l’Église luthérienne. Eva von Bahr et elle s’étaient rencontrées dès 1912 (Eva von Bahr empêchée alors de poursuivre sa carrière en Suède, du fait de sa féminité, était allée à Berlin – Berlin où l’on croise alors autour de Lise Meitner une autre scientifique, la botaniste Elisabeth Schiemann, d’origine… estonienne ; Allemande d’Estonie. On aura sans doute à reparler de tout cela).

NB


La maison rose arbore cette plaque de la Société de Physique européenne…

Plus pacifique peut-être, même s’il s’agit dans mon souvenir d’un Jugement dernier, si on continue vers le bas, on arrive à l’église, qui possède un magnifique plafond peint (restauré récemment, mais que je n’ai pu revoir ces dernières années, ayant toujours trouvé porte close…)



Nils Blanchard

jeudi 17 octobre 2024

Forêt, archipel – combat ?

On est dans un temps où exercer un métier doit s’accompagner de brassage d’air (publicité – « communication » –, travail en commun, que sais-je…)

Björn Ahlgrensson, capture d’écran


Même dans des secteurs qui n’ont rien à voir avec le « profit à tout prix », la « performance affichée », voire qui devraient leur tourner le dos, on nous annone les leçons de petits manuels de management. Or ne serait-il pas temps de sérieusement remettre à leur place les gredins « spécialistes » de la chose  qui mènent notre pays non seulement à la ruine – ils l’avouent benoîtement eux-mêmes –, mais pire, à la vulgarité intellectuelle, à la destruction (répandons l’énergie atomique, continuons à susciter la croissance économique, autorisons des agriculteurs à répandre toujours plus de pesticides, etc.)


Björn Ahlgrensson, capture d’écran


Héloïse Combes – revenez quelques billets en arrière, cliquez, cliquez, foncez, FONCEZ ! – est en première ligne.
Ne supportant pas les ondes électriques – mais aussi une certaine fuite en avant du troupeau derrière les gredins évoqués plus haut – elle vit en zone blanche forestière dans les Cévennes. La vie n’est pas toujours tendre dans de telles conditions ; elle rend coup pour coup. C’est dans La tombée des nues, un magnifique poème du recueil L’embrasement des siècles, qui commence sur un ton comme dhôtelien (non!?) :

« Y a-t-il encore un dieu si
L
es gosses des rues
Ne lancent plus vers lui
La neige des trottoirs »

Quelques strophes plus loin :

« Je vais te dire frère
Tu trembles face à toi-même
Tu vacilles quand tu vois l’ange
Dans le miroir

Tu colmates les brèches de ton jardin
Au cas où quelque myosotis porteur de vérité
Te boufferait les yeux

(...) 

Ne me plains pas frère anesthésié
J'aime mieux pleurer avec les arbres
Caresser la peau de la terre hérissée d’effroi
Que tâter de ton funeste confort »


Björn Ahlgrensson, capture d’écran


 Bon, mais il y a ce blog d’une Stockholmoise, en lien de celui-ci ; Julia Eriksson.
Étrange lien, avec mon passé ; une autre vie. Et avec mon présent. Elle parle d’archipel en Suède, dans les couleurs d’automne ; y partir quelques jours, y écrire. Ou en tout lieu où l'on se donne l'impression d'être hors de portée de... gredins. 
Je devrais y être bientôt aussi.

« I två dagar ska jag vara på en ö och skriva, slå mig ner bland orden för att stanna kvar och när skepsisen tar över kommer jag att vända mig till mitt sällskap och fråga om vi inte ska ta en paus, om hon inte också vill sträcka på benen en stund. Allting medan hösten hummar sin stilla melodi där utanför. »

« Deux jours durant, je serai sur une île pour écrire, me poser et me retrouver parmi les mots, et quand le doute sera trop fort, je me tournerai vers mon accompagnatrice pour lui proposer une pause ; n’aura-t-elle pas envie elle aussi de se dégourdir les jambes un moment ? Tout ça lors que l’automne fredonne sa mélodie tranquille au-dehors. »


Nils Blanchard

dimanche 13 octobre 2024

De la possibilité de l’insouciance ; retour à des photos, et Jean Aujame

Je m’interroge (bien sûr…) sur la nécessité de ce blog. Crainte parfois de me répéter : ainsi, des photographies de Laholm, dont j’allais décorer un billet, je me suis rendu compte qu’elles avaient déjà paru, il y a deux ans (j’en ai trouvé d’autres…) Mais il y a aussi des pistes, des sentes, que l’on retrouve, comme dans une forêt dans laquelle on se serait égaré. Égaré, vraiment ?



Nécessité de ce blog… Faudrait-il se taire, comme le suggère cette jeune femme ?

En tout cas, présence quasi dhôtelienne du hasard : j’ai retrouvé (à temps, heureusement) ces photos déjà publiées de Laholm lors que je recherchais où, quand j’avais parlé de cette étrange photographie, trouvée sur un site disparu depuis plusieurs années, où l’on voit deux garçons insouciants ; légende : août 1942 (et deux prénoms, diminutifs plutôt).
J'y pensais à cause d’une peinture de Jean Aujame. Elle est aussi de 1942, et montre des baigneurs sur une plage.

Jean Aujame, Baigneurs sur la plage, 1942 - Capture d'écran


Insouciance, cette représentation d’une scène intemporelle de bonheur ; jeunes corps, plage d’été… ?
D'après sa biographie sur Wikipedia, Jean Aujame a été fait prisonnier comme officier en Allemagne en 1939.
Quatre ans avant, il avait peint une étrange toile (où l’on sent quelque chose de Picasso) : Terrasse à Ténérife (Centre Pompidou), où des nuages semblent annoncer la guerre d’Espagne.

Où pouvait être cette plage de 1942 : en Espagne (franquiste), au Portugal ? Dans le sud de la France ?
La plage ressemble beaucoup à celle-ci (où il y a plutôt des baigneuses), de 1960.

Jean Aujame, Baigneuses sur la mer, 1960 - Capture d'écran


Pour en revenir à la nécessité du blog, Thomas Nydahl, qui serait un des plus anciens blogueurs suédois, écrivait le 15 janvier dernier :

« Vad vill jag med bloggen?
Låt mig ta det från början. Under de årtionden jag haft blogg - bland andra Inre exil, Vaka över ensamheten och Nydahls Occident - har den varit en blandning av förlagsverksamhet och litteraturtidskrift. »

« Pourquoi ce blog ?
Commençons par le début. Au cours de mes décennies d’activité de blogueur – entre autres Inre exil [Exil intérieur], Vaka över ensamheten [Veiller sur la solitude] puis Nydahls Occident – ça a été un mélange de site de société et de journal littéraire. »

Je ne tiens pas de maison d’édition quant à moi, mais ce blog s’est ouvert d’abord pour développer les thèmes de mon livre sur Elmar Krusman.
Divers événements, grandes tendances géopolitiques pourrait-on dire, sont apparus au moment de mes recherches, écriture d’Elmar Krusman. Cela donnera peut-être, d’ailleurs, naissance à un prochain livre. Notamment, le 24 février 2022, Poutine a attaqué l’Ukraine. D’où une certaine nécessité, parfois, avec autant de circonspection que possible (ce blog n’est pas a priori un blog d’opinions), de pénétrer dans certaines arènes.

Aussi, des thèmes, centres d’intérêt s’y sont adjoints, dans un équilibre plus ou moins précaire – mais tout équilibre ne se situe-t-il pas à la jointure de précarités ? –, certaines dates ont affleuré, aussi. Parmi elles, 1942.


Nils Blanchard


P.-S. : Quelques dizaines encore d’articles de ce blog (plutôt du début) sont difficilement visibles en version « smartphone », car j’avais fait du zèle, à l’époque… m’étais compliqué la vie, bref…
« Pas de zèle ! », aurait dit Talleyrand.

Je les « redresse » petit à petit… Là, j’ai profité de ce qui précède pour remettre aux bonnes formes les billets (19)41 et (19)42 des 20 et 26 août 2022. Ils sont en lien de ce qui précède, on peut aussi les trouver dans le calendrier quelque part à droite, en bas, de la page d’accueil… (pas version « smartphone »…)

J'avais mis des parenthèses, dans les titres de ces deux articles, aux centaines des dates, pour faire des jeux de chiffres du fait qu’ils étaient alors, ces deux billets, les quarante-et-unième et quarante-deuxième de ce blog, qui s’appelait alors « Suédois d’Estonie et d’ailleurs », qui changera peut-être de nom encore, à moins qu’il disparaisse, comme celui dont il est question dans « (19)42 »…

lundi 7 octobre 2024

« L’embrasement des siècles »

 C'était annoncé depuis quelque temps. C’est fait. Je veux dire, imprimé, serti de la couverture du Sceau du Tabellion. L’embrasement des siècles, d’Héloïse Combes ! Illustré par Georges Lemoine !




Je ne sais où j’entendais dire récemment qu’un poète n’est pas du genre sans odeur, sans rien qui dépasse…
Il semble qu’on va avoir des senteurs de brûlé, de bois (bois, et forêt).
Goûts de larmes.

Des écureuils et des lettres brûlées,
des siècles et des nuits d’éternité.






NB

(On y reviendra...)

mercredi 2 octobre 2024

Conférence à Mulhouse ; le négationnisme autour du KL Natzweiler et du Struthof

Le 25 septembre dernier, s’est tenue au Musée historique à Mulhouse une conférence de Romain Blandre : « Le KL Natzweiler et le camp du Struthof face aux falsificateurs de l’histoire ».

Pierre Mignard, Clio - Wikipedia

 Romain Blandre (professeur d’histoire géographie, aussi professeur relais au CERD/Struthof) annonce une introduction en plusieurs points. Et dès le début de son intervention, il évoque l’attentat du 13 mai 1976 sur le site de l’ancien KL Natzweiler, qui a entraîné l’incendie de la baraque musée (qui était une des deux baraques en bois d’origine conservées, et qui contenait et exposait un certain nombre d’objets du camp de concentration). Il va apparaître que cet incendie est le fait d’un groupe local, les « loups noirs ».
R. Blandre lie cet événement à l’année 2018 (février), date de la dernière visite du négationniste Robert Faurisson au Struthof. Celui-ci avait bénéficié d’un non-lieu dans une affaire qui l’opposait à la LICRA, et il était venu au Struthof chercher des « preuves » de ses dires négationnistes, la LICRA ayant fait appel. Or Faurisson a commencé sa quête négationniste suite à un article du Monde sur les « loups noirs », en 1976.
Puis le conférencier d’insister sur divers aspect du négationnisme en lien au KL Natzweiler, notamment le fait qu’il commence d’exister avant même la fin de la guerre.

Dans une seconde partie de son introduction, R. Blandre note un certain nombre de raisons qui rendent l’histoire du KL Natzweiler vulnérable aux falsifications.

Il y a d’abord des incohérences dans l’historiographie, qu’utilisent évidemment les négationnistes. L’histoire a une démarche scientifique, et progresse donc aussi sur l’erreur (ce que ne peuvent comprendre des idéalistes ou des gens intellectuellement peu scrupuleux). Par exemple, au moment où le camp était devenu un camp d’internement (de fin novembre 1944 à novembre 1945), les Américains réalisent un film sur le camp contenant beaucoup d’erreurs.

Aussi, le premier lieu de mémoire du camp est aménagé lors que le camp est encore camp d’internement ; des gens viennent se recueillir au milieu de détenus dont certains sont accusés de collaboration… (Il est à noter que le terme « Struthof » qu’on utilise couramment, à tort, pour qualifier le camp de concentration, administrativement, est correct en ce qui concerne précisément le camp d’internement qui lui a succédé, ce qui entraîne bien sûr bien des confusions. Le titre de mon livre sur Elmar Krusman est à cet égard problématique ; il m’a été imposé par mon éditeur.) Ce camp d’internement, géré au départ par des FFI à qui le site a été rendu deux jours après sa découverte par les troupes américaines, a contenu des Alsaciens accusés de collaboration et des Allemands qui étaient stationnés en Alsace à la fin de la guerre. Des exactions ont été commises pendant sa période d’existence (moins d’un an donc). On a dénombré 80 morts, avec notamment un contingent de 1100 personnes arrivées le 27 janvier, particulièrement maltraitées (par des FFI et gardiens), avec entre autres des viols. Ces exactions feront l’objet de punitions de la préfecture.

Aussi, une chambre à gaz, d’origine, est présente sur le site du camp. Elle a l’« originalité » d’avoir servi à des fins d’« expérience » « scientifique ». La hargne négationniste d’un Faurisson va se concentrer sur cette chambre à gaz, en raison aussi de son antisémitisme.

Enfin, le KL Natzweiler avait un maillage de camps annexes particulièrement développé, des deux côtés du Rhin, ce qui a rendu peu compréhensible à certains esprits des situations diverses de détention.

NB - Schwindratzheim, septembre 2024

La suite du propos de Romain Blandre a été organisée en trois parties, suivant la chronologie des différents types de « négateurs ».

Il y a eu d’abord ce que le conférencier appelle les « proto-négateurs ». On ne peut pas assurer qu’ils soient de mauvaise foi. Ils n’ont pas d’idéologie particulière ; ils apparaissent à l’époque du camp d’internement. Ainsi la figure du prêtre Lucien Jenn, qui commente des articles de presse alors qu’il est en détention au camp d’internement du Struthof – on a en effet son journal… Il mélange tout, se croit dans un KL (un camp de concentration, donc, comme l’a été Natzweiler…)
Cette source a été reprise, parfois très récemment, sans recul, par divers personnages proches de milieux autonomistes.

En deuxième lieu, R. Blandre évoque précisément les « ultra-autonomistes ». On revient alors à cette date énoncée au début de l’exposé, le 13/5/1976 : l’incendie criminel de la baraque-musée du Struthof. Ses auteurs, les « loups noirs », sévissent aussi dans les années qui suivent à Turckheim, à Thann. Chez ces gens, on arrive aux confins d’idéaux personnels peut-être sincères, mais aussi d'arguments de mauvaise foi, d’une certaine limite intellectuelle probablement.
À leur procès à Mulhouse en 1982, se manifestent en leur faveur des soutiens pour le coup ouvertement négationnistes.
Et récemment encore (février 2019), le terme « Loups noirs », a été utilisé par les auteurs de la profanation du cimetière de Quatzenheim.

Enfin, on les voit se profiler, Romain Blandre arrive aux « négationnistes ».
Ici, trois personnalités sont notamment évoquées : Robert Faurisson, Paul Rassinier, Vincent Reynouard. Tous les trois, antisémites, sont soutenus par des gens appartenant à un éventail politique très large. (Et tous les trois sont professeurs (agrégé de lettres, instituteur, professeur de mathématiques), mais pas d’histoire…)

Lorenzo lippi, Allégorie de la simulation; Beaux-Arts d'Angers, Wikipedia

Conférence très intéressante donc.

Il en ressort ce lien entre une tendance autonomiste passablement erratique et le révisionnisme autour du Struthof. Pour ce qui est des autonomistes notamment, on a l’impression de gens insuffisamment instruits pour faire montre du recul nécessaire à la recherche historique. À quoi se mêlent malhonnêteté et mensonge (Faurisson, sa manière de dévoyer des documents…) À quoi se mêlent aussi (chez un Rassinier ?) une certaine détresse psychologique sans doute. Rassinier, ancien résistant, est passé par des interrogatoires et des tortures avant le système concentrationnaire, ce qui pourrait expliquer certaines choses ? Faut-il ajouter à cela un « simple » déficit d’intelligence chez tel ou tel personnage...
Par ailleurs, il apparaît que l’histoire du KL Natzweiler revêt des originalités qui expliquent la « vulnérabilité » au négationnisme dont a parlé Romain Blandre et les liens de celui-ci avec des courants autonomistes. Ces originalités, par ailleurs passionnantes, rendent d’autant plus nécessaire de poursuivre le travail historique et de s’en informer, ce dernier point notamment pour les professeurs qui font visiter le Struthof à leurs classes… Le négationnisme se nourrit de l’erreur, des imprécisions, pour diffuser sa haine.


Nils Blanchard

Croisements / passé présent / Modiano – Trump / Yves Lepesqueur

On aura peut-être remarqué que ce blog adopte des thèmes parfois différents, avec trois (et bien vagues) peut-être qui surnagent, outre la S...