dimanche 30 juin 2024

Mémoire / Lieux secondaires / Incertitude

Il y a quelques jours, mal réveillé d’une mauvaise sieste – plus de 24 minutes ? – dans l’été soudain tombé (comme est tombée sous silence dans l’étrange campagne électorale française toute allusion à l’environnement malgré ces temps de chaleur), je « bulle » sur le site de l’Institut finlandais à Paris.



Là, on lit que « Cette année, la Fiskars Village Art & Design Biennale a lieu du 16 juin au 1er septembre 2024, à Fiskars en Finlande. »

Fiskars, ce n’est pas loin de Karis – on est dans la Finlande encore un peu suédophone – où j’ai résidé en une autre vie, comme on dit. Je me promenais souvent par là, même sous la neige ; à l’époque, il y avait encore une usine qui fabriquait des ciseaux notamment. Je l’avais visitée ; y avais rencontré une vague camarade d’une vague connaissance dont le visage reste étrangement incrusté en mon esprit. Je me souviens du bruit, là-dedans, qui contrastait avec le calme de la campagne alentour. Un vieil air de dix-huitième siècle, dans tout cela.

Alvar Cawén, détail, capture d’écran

Usine, vraiment ? D’après un article du Figaro de Sarah Chevalley, d’avril 2022, l’usine a fermé depuis plus de trente ans… Trente ans, ça paraît quand même beaucoup… Mais ne m’avait-on pas dit cependant que l’usine allait bientôt fermer (ou ai-je totalement « fantasmé » cette visite d’usine?), j’ai un doute, soudain ; la mémoire, décidément…
Impossible de trouver une date précise sur le site de Fiskars, très joliment « designé » par des mercadents…

Alvar Cawén - Pas Fiskars qui ne se situe pas au bord de la mer

Bon, mais ce qui m’intéressait, c’était la suite de l’article (de l’Institut finlandais) : « L’exposition s’inspire de la culture des résidences secondaires finlandaises, un moyen paisible pour les citadins et leurs familles de passer les mois d’été à la campagne pour s’adonner à des activités de loisir. Des visiteurs, invités ou non, apparaissent souvent sur le pas de la porte. »
Je me souviens avoir été invité dans une maison familiale, de campagne, d’une famille (je crois que c’était la branche suédophone de la famille en question, sans certitude… pardon ; la mémoire…) En fait, je crois que nous n’avions fait qu’y passer, assez vite. Maison assez grande en bois, comme intemporelle, qui avait quelque chose d’une datcha. Je crois me souvenir qu’il y avait encore au mur, dans une pièce, des portraits de l’Empire russe – d’avant 1917, donc. Quelque vieux calendrier trophée de famille ? (Bien étrange, en l’occurrence, vu le peu de russophilie de ladite famille, dans mon souvenir encore…)
Mais ces images, d’empereur, je crois, d’impératrice peut-être… Lubies ?
Difficile de décider ce qu’il en est, ce qu’il en pourrait être, sans source, sans document, sans photo… Des témoignages ? Ils seraient peut-être plus trompeurs encore qu’autre chose.

Et pourtant j’ai ces souvenirs en moi, ces traces, bien réels dans un sens.

Alvar Cawén - Capture d'écran


Plus loin, encore, l’article : « Nos habitations portent en elles de multiples notions qui méritent d’être explorées : l’affection et la séduction, l’effacement et l’absence, qui forment les récits familiers souvent négligés ou passés sous silence, des coulisses de nos vies domestiques – Sini Rinne-Kanto, commissaire de l’exposition. »

En l’occurrence, explorer le labyrinthe de la mémoire et de l’intime.


Nils Blanchard

mercredi 26 juin 2024

Des priorités

Articles du blog Krickelins – que j’évoque parfois ici –, étrangement en ces temps autour de la France, et sur l’ennui, mais le bon ennui, d’être dans une maison de vacances (en France en l’occurrence).
Quand on a le temps, donner la priorité à une chose ou une autre n’est pas nécessairement simple – et ne doit pas l’être. Peut-on faire une comparaison avec la priorité en démocratie ? Quand on a le choix…

NB - Bretagne


Cela fait longtemps que je n’ai pas été à la mer en France. Cette photo est ancienne ; je ne faisais du reste que passer. (Mais ne fait-on pas que ça, ou trop?)

Kristin Lagerqvist écrit elle le 21 juin – ça se passe sur la Méditerranée (en France) devine-t-on :

« Jag badade fem gånger. Och läste länge på både rygg och mage. Nu är jag både salt och härligt trött. »

« Je me suis baignée cinq fois. Puis j'ai lu, longtemps, à plat ventre, sur le dos... Je suis maintenant pleine de sel et formidablement fatiguée. »

Puis il y a une photographie de drapeau français se tendant dans le vent marin.

« Det är så himla fint att vara här och jag känner mig tacksam från topp till tå. »

« C'est le pied d’être ici et j’en suis reconnaissante, des pieds à la tête. »

La France apparaît là – et pourquoi pas – comme le lieu idéal où fêter un Midsommar légèrement exotique.
Où, aussi, trouver une paix familiale intemporelle ?


Claude Monet, Terrasse à Sainte-Adresse, Metropolitan Museum of Art, New York, capture d’écran 

Les « priorités », là-dedans, me demandera-t-on ? Mais c’est que le lendemain 22 juin, la même blogueuse, au même endroit, semble s’ennuyer, mais de ces ennuis riches de promesses, temps rincés des nécessités de quotidiens que d’aucuns diraient aliénants. L’article (illustré comme d’autres fois par de belles photos de maison un peu hors d’âge) s’intitule : « All ledig tid – vad gör man då ? » – « Tout ce temps libre ; mais qu’en fait-on? ») On y lit :

« Dagarna går långsamt och på schemat står återhämtning. Vid ett tillfälle plockade jag till och med fram ett pussel.
Men va – nä, sådant tålamod och lugn kunde jag absolut inte uppbringa hur mycket jag än hade velat.
(...)
Knske bör jag gå ut med min hund och en podd i öronen istället? Eller kolla en film? Dammsuga och våttorka golvet?
Ovan situation. Minns den gången min man var själv hemma utan varken mig eller barn och hade ett helt smörgåsbord av lustfyllda saker han ville ge sig hän med men inte visste hur han skulle prioritera (…) »

« Les journées passent lentement, avec la récupération à l’ordre du jour. J’en suis même venue à un moment à me mettre à un puzzle.
Mais… Non : je ne pourrais fournir tant de patience, de calme, quelque soit la volonté que j’y mette.
(...) 
Peut-être je devrais plutôt sortir avec mon chien et de la musique ? Ou regarder un film ? Passer l’aspirateur ou faire le sol ?
Cette situation n’est pas banale. Elle me rappelle cette fois où mon mari est resté à la maison sans moi ni les enfants et avait tout un panel de choses qu’il voulait faire sans savoir à quoi s’adonner en priorité. »

On y est. Que faire quand on a tant de choses à faire.
J'ai moi-même terminé mes cours à l’université dont les préparations me tenaient éloigné de ce genre de considération, et la rédaction d’un article qu’on m’avait demandé… D’autres menues tâches du temps…
Priorités ?
Quelqu’un à l’autre bout de la terre m’écrit qu’il est préoccupé par le vote à venir en France.
Les électeurs se rendent-ils bien compte que le vote est affaire de priorité ? Il ne s’agit pas de voter pour quelqu’un avec qui on voudrait passer sa vie, mais d’éviter au moins le pire.

NB - Bretagne

À Gammalsvenskby – c’est un symbole comme un autre, l’église allemande a été détruite le 17 juin par un drone kamikaze russe. (Voir, en lien, le site Föreningen Svenskbyborna, cliquer sur « Kriget/War-information »...)
Et si les relations (de la France, d'autres États européens) avec la Russie venaient à empirer au point que, par exemple, on en soit amené à décréter un état d’urgence ? Un état d’urgence avec l’extrême droite au pouvoir ? Ça ferait vraiment beaucoup.


Nils Blanchard

samedi 22 juin 2024

24 minutes

Quand on a l’impression que le monde s’est écroulé, une solution parmi d’autres : aller regarder ce qui se passe sur les blogs suédois en lien de celui-ci (plutôt vers le bas de la liste…), en l’occurrence celui de Julia Eriksson.

NB - soir de juin

En rentrant d’une bonne semaine de travail – elle raconte ça le 14 juin dernier –, il peut lui arriver de faire un petit somme le vendredi en début de soirée. 24 minutes.
Elle tente d’écouter (quelle idée!) quelque artiste de musique moderne (si, j’ai été voir aussi, du coup, celui qu’elle évoque. Grand Dieu…) et a cette réaction somme toute aussi saine que celle des 24 minutes :

« (...) vilket får mig att känna ett instinktivt nej till all modern musik och istället vända mig till Shostakovich. »

« (...) ce qui entraîne chez moi un non instinctif à toute musique moderne pour me tourner en revanche vers Chostakovitch. »

Bon, j’avoue : j’ai essayé de forcer un peu le destin : cherché un morceau de Chostakovitch qui aurait duré 24 minutes (sur internet – où il n’y a pas que réseaux sociaux et faquineries). Pas trouvé ; tombé en revanche sur les Vingt-quatre préludes et fugues, opus 34.

NB - soir de juin


Puis il est question d’un dîner préparé un peu à tâtons, parce qu’on est seule ; peu après vingt heures (c’est tard, pour une Suédoise – c’est mon heure), puis de la visite à une boîte mail :

« (...) technoevent som jag självklart inte kommer att gå på, det var många år sedan jag gick på den typen av fester och ändå har jag inte kommit mig för att ta bort min epostadress från utskicken, förmodligen av samma anledning som anteckningsböckerna ligger kvar i hurtsen, för känslan av att det kanske finns något där och om jag en dag plötsligt skulle vilja så har jag det åtminstone någorlunda inom räckhåll. »

« (...) une soirée techno à laquelle je n’irai évidemment pas, ça fait déjà plusieurs années que je ne vais plus à ce genre de fêtes et cependant je ne me suis pas résolue à me désabonner de ces milieux, probablement de la même manière que des carnets traînent encore dans les tiroirs, parce que j’ai le sentiment que quelque chose pourrait s’y trouver, que je les aurai à portée de main si l’envie me prend un jour d’y jeter un coup d’œil. »

Eh, moi aussi j’ai des carnets, des cahiers qui s’empilent ; des pages… Pas loin… derrière un mur de désordre ; de temps.

Et de l’époque d’avant, que restera-t-il ? (Outre mes carnets…) Pour l’heure :

« Utanför fönstret har solen sakta börjat sjunka och ett varmt ljus spiller in i lägenheten, i spellistan har Shostakovich bytts mot Sibelius (…) »

« Par la fenêtre le soleil a commencé de baisser et une lumière chaude se répand dans l’appartement, sur la playlist Chostakovitch a été remplacé par Sibelius (…) »

NB - soir de juin



Nils Blanchard

mercredi 19 juin 2024

Noms de Zeus ! – Temps, idées, Grèce

Je connais un ensemble de communes reliées à un collège, où le vote extrême droite dépasse allègrement les 50 %, lors même que les équipements publics y sont largement supérieurs à ce qu’on trouve ailleurs en France, que le taux de personnes d’origine étrangère y est plutôt faible, la criminalité itou sans doute…


Et je sais aussi que tous les enfants du bassin – hormis une année pendant la pandémie, et ceux d'un des villages rajouté plus récemment à l'ensemble – ont bénéficié d’une visite du site de l’ancien camp de concentration du Struthof (le KL Natzweiler), depuis au moins vingt à vingt-cinq ans, plus sans doute, visite faite, pour autant que je puisse en juger, par des professeurs sérieux.
Difficile de ne pas se poser des questions ; qu’est-ce qui a été manqué ?

(Du reste, rien n’est absolument simple bien sûr. Le Rassemblement national n’a-t-il pas déclaré le 21 mai dernier qu’il ne siégerait plus avec l’AfD allemande dans son groupe du parlement européen au motif d’« une flopée de déclarations visant à réhabiliter la SS, tenues par la tête de liste de l’AfD pour les européennes du 9 juin » (information de Libération) ?)

NB - Musée Michaelis, juin 2024


Est-ce simplement le fait que l’« on » donne trop la parole à n’importe qui, que de la sorte toutes les paroles s’équilibrent (via les réseaux « sociaux »), l’anonyme, l’aviné, le jaloux… y ont en apparence autant de poids que le professeur qui a consacré plusieurs années de sa vie à faire des études difficiles, que le scientifique qui utilise un langage que les « contradicteurs » de ces réseaux n’entendent pas (aux deux sens du mot).
La solution : l’interdiction, la censure ? Le professeur, le scientifique sont précisément allergiques à ces procédés qui fleurent (pas si bon) certaines dictatures de l’est du monde. Ils pourraient citer Voltaire à qui mieux mieux, qui écrit à propos du Contrat social de Rousseau – brûlé à Genève :

« Si ce livre était dangereux, il fallait le réfuter. Brûler un livre de raisonnement, c’est dire : nous n’avons pas assez d’esprit pour lui répondre. »

Et de poursuivre : « Ce sont les livres d’injures qu’il faut brûler et dont il faut punir sévèrement les auteurs, parce qu’une injure est un délit. » (Idées républicaines, 1762.)

Oui, mais encore faut-il qu’on puisse se battre à armes égales contre ces raisonnements : et pas mouliner dans le vide contre des pseudonymes, des menteurs…

NB - Musée Michaelis, juin 2024


NB - Musée Michaelis, juin 2024


Bon, mais pourquoi ces illustrations me demandera-t-on ?
Cela vient d’une visite (avec des élèves) récente du Musée Adolf Michaelis, au Palais universitaire de Strasbourg. Comme je l’écrivis au dernier billet, il s’agit d’une sorte de ricochet de mémoire : l’histoire grecque – c’est surtout d’elle dont il est question dans ce musée, avec notamment des plâtres de la frise des Panathénées – m’est devenue assez lointaine. Je retrouvais pourtant mes marques. Et indépendamment du plaisir à fréquenter cette culture : n’est-elle pas au cœur de notre politique, de notre politesse ?

NB - Musée Michaelis, juin 2024

Ça me ramène au Tableau de Savery, de Martin Fahlén (traduction de votre serviteur ; cf. page de ce blog, en haut, à droite – pardon, je ne le fais pas exprès…) L’auteur rencontre, par hasard, à deux reprises, une collègue de travail dans des musées en Grèce, d’abord à Athènes, puis à Egine. Cette seconde fois, la rencontre a lieu devant une statue d’éphèbe retrouvée par des pêcheurs au large de Marathon en 1925 : 

« (...) cette répétition fortuite du même événement m’a fait comprendre que la sensation du temps peut se raccourcir, ainsi des sculptures grecques, céramiques, qui semblent comme du pain frais d’hier. » (P. 101.)

NB - Musée Michaelis, juin 2024


Nils Blanchard

samedi 15 juin 2024

Ricochets et hasards – Conférence à Bisingen ; 1

« Partout où il y a des hommes, il y a des camps. » On se souvient peut-être de cette réplique que j’ai évoquée l'année dernière. Aux Pays-Bas, a existé ce camp, d’« internement » plus que de « concentration » au sens où on l’entend, de Westerbork.

Westerbork, Wikipedia


Il en a été question lors d’une conférence à Bisingen, au musée consacré à l’ancien camp du lieu, organisée le 11 juin dernier par l’association en charge du musée (dirigée par Dieter Grupp) : Surviving and Remembering - The Untold Story of the 222 Transport Holocaust Survivors.
Hasards, et ricochets de la mémoire, au cours de cette soirée.

Premier hasard, en ce qui me concerne, il m’est arrivé plusieurs fois lors de mon deuxième semestre de cours à l’université sur les pays nordiques de rattacher (partiellement en l’occurrence) les Pays-Bas aux autres États étudiés.

Aussi, arrivé un peu en avance sur les lieux, devant le musée du camp de Bisingen, lui-même (le musée), à côté de l’église catholique, je prends le temps de photographier ce saint Nicolas. C’est que j’en ai croisé quasiment dans toutes les églises entre Aube et Haute-Marne où j’ai fait une marche au printemps, déjà un peu évoquée ici

NB - Bisingen, 11 juin 2024


On y reviendra peut-être, mais ma (courte) déambulation dans Bisingen (ce n’est pas la première fois bien sûr que je viens dans cette commune où fut construit le camp dans lequel mourut Elmar Krusman, mais je n’avais pas auparavant pris le temps de me promener ainsi dans la ville) m’a donné l’impression d’une bourgade allemande très ordinaire, et pourquoi ne le serait-elle pas ? Du reste, l’endroit n’est pas désagréable. Mais je me suis demandé, forcément peut-être, si cette ville était aussi ordinaire du temps du camp annexe de concentration qui s’était construit à ses portes (août 1944 à avril 1945). Sans doute ; le lieu avait été choisi avant tout pour le schiste qui s’y trouvait. Et il semble – le sujet reste encore à étudier plus avant – qu’il y ait eu une (relative) solidarité d’une partie de la population à l’égard des déportés.

NB - Bisingen, 11 juin 2024


Ricochet de mémoire, cette fois, les paysages magnifiques en traversant la Forêt-Noire puis en descendant vers le Neckar (Elmar Krusman, lui, a dû arriver de l’autre côté…) Les énormes oiseaux de proie et le château Hohenzollern au loin (on reviendra sur tout cela…) La voie ferrée longée à un moment ; à chaque fois : Elmar Krusman n’est-il pas venu par là ? Non, encore une fois, il venait de l’Est. Un point plus anecdotique : les routes coupées ici ou là ; je m’étais une année retrouvé complètement paumé, sans boussole, sans carte locale ; mon GPS n’ayant de cesse que me ramener à la même voie impraticable. J’avais fini par m’orienter au bon vieux soleil.

NB - Forêt Noire, 11 juin 2024


Puis la conférence elle-même a commencé. J’ai écrit encore quelque part que je comprenais de moins en moins l’allemand ; elle était en partie en cette langue (introduction de Dieter Grupp, interventions et parfois traductions de Nina Wolf, s’exprimant du reste dans un allemand à peu près compréhensible pour moi).
Plaisir cependant à écouter l’exposé clair, détaillé d’anecdotes bien choisies et sérieux, dans un bon anglais de New York, de Monika Jalili. Songé vaguement aux films de Woody Allen, dont une horde d’inquisiteurs de prisunic nous a privés.
Elle a raconté notamment l’histoire de son père, passé vers les dix-douze ans par Westerbork. Elle avait perdu contact quelques années avec lui à la suite du divorce difficile de ses parents ; le retrouver a été aussi prendre connaissance plus avant avec l’histoire de la déportation. Et en cela, elle a retrouvé quelque chose d’elle-même, ou en tout cas la conscience d’une perte ; elle représente la génération d’après.


Nils Blanchard


P.-S. :  En lien de ce blog, celui de Gabrielle Björnstrand, Gabis Annex. Cette citation de Hannah Arendt : « The death of human empathy is one of the earliest and most telling signs of a culture about to fall into barbarism. »

            Cérémonies il y a quelques jours à Tulle et Oradour-sur-Glane. Cela fait 80 ans. *

           – Étiquette "Edgar Degas", du dernier billet, rajoutée à celui-ci. 

lundi 10 juin 2024

Eau ; fleuve, hygiène sauvage

Il y avait il y a peu encore une exposition à Strasbourg, galerie Decorde, que j’ai vue en son dernier jour. Intitulée Bleu. Là, notamment, des tableaux du Rhin de Roger Dale, auteur de l’illustration d’Elmar Krusman.

Recto prospectus galerie Decorde, Roger Dale


Or on parla de bains d’anciens temps, en bord de rivière. Plus généralement, j’ai découvert récemment (furetant dans des ex-libris) un illustrateur, peintre, belge – beaucoup de choses à explorer de ces côtés ! –, Armand Rassenfosse.
Chez ce peintre, beaucoup de scènes de toilettes – certaines pouvant faire penser à Degas.
Qui plus est : on retrouve certaines dates évoquées dans des billets antérieurs. 1921…

Armand Rassenfosse -- Capture d'écran


1917. Bassine. On n’est pas loin du tub.

Armand Rassenfosse -- Capture d'écran

Le tub, on y arrive, et la baignoire.



E. Degas, capture d'écran


Mais si on quitte la ville, qu’on va vers le dehors (foris – à l’extérieur), vers la forêt… On fait une toilette d’air pur, quoi qu’on dise ; autant qu’on aime Paris, par exemple, on ne peut se défaire de cette sorte de suie que l’on y attrape dans le nez, sur la peau, sans parler du bruit.
Encore plus dehors encore, si l’on peut dire… on peut retrouver la singulière Nastassja Martin, en Russie. Croire aux fauves raconte l’attaque par un ours subie par l’auteure au Kamchatka.
Elle est d’abord soignée dans un hôpital russe, avant d’être ramenée à Paris.
Page 42 (édition Folio), encore en Russie, elle écrit dans ce qu’elle appelle son « cahier noir » :

« Tension de leurs rencontres inattendues, inavouables, improbables, en devenir, pourtant. Puisque seuls ils [les prédateurs solitaires] se perdent, puisque seuls ils s’enferment, puisque seuls ils oublient. Le croisement de leurs regards les sauve d’eux-mêmes en les projetant dans l’altérité de celui qui fait face. Le croisement de leurs regards les maintient en vie. »

Peut-être. Il est question d’animisme dans tout cela.
Mais ça nous ramène étrangement au verso (ou au recto, peu importe) du prospectus de la galerie Decorde ; peinture de Cécile Duchêne.

Verso prospectus galerie Decorde, Cécile Duchêne

De là, si vous cliquez dans l’orange et allez voir d’un peu plus près, via écran, l’œuvre de cette artiste, peut-être ses cerfs vous feront penser à Claudie Hunzinger, évoquée ici, ou ses personnages feuillus, à Julien Grainebis, le héros d’André Dhôtel.



Nils Blanchard


P.-S.: encore des étiquettes en retard du dernier article: Bernur, Franz Kafka. 

mercredi 5 juin 2024

De la tuberculose, I

On a parlé dans ces parages de La Montagne magique, où Hans Castorp, de Hambourg, rejoint un sanatorium à Davos (Suisse), et y séjourne – lors même qu’il y vint d’abord en visiteur – sept ans. (Au passage, chef-d’œuvre traduit en suédois par… Karin Boye.)


On a parlé aussi d’Edith Södergran, qui visita très tôt les sanatorium de Nummela (Finlande), de Davos… avant de mourir à 31 ans, en 1923. Dans un éclair, Kerstin Söderholm – et on en reparlera.
Bien d'autres encore.
En dehors du monde suédophone, Kafka bien sûr, mort un 3 juin… 1924.

Bernur, le 3 juin dernier, à propos des dernières lettres de Kafka :

« Ja, han åker på rekreationsresor, tills tuberkulosen i struphuvudet gör honom stationär och leder till att han mot slutet får förmaningar att endast viska och tvingar honom till att kommunicera med lappar, och dessa lappar avslutar breven. »

« Oui, il voyage encore pour le plaisir, jusqu'à ce que la tuberculose atteigne le larynx, l’immobilisant, et à la fin sommé de chuchoter seulement, puis réduit à ne plus communiquer qu’avec des notes, qui concluent les lettres. »

On l’a compris : il s’agit ici d’évoquer la plaie des temps passés (à peu près avant la Seconde Guerre mondiale, mais ce n’est pas si net, Jacques Prevel est mort lui, de ce mal, en juin 1951, à la fin de l’aventure 84 à laquelle il avait participé...)



On peut ici replacer les choses sur le plan historique... On pense que quand Koch en découvre le bacille en 1882, une personne sur sept en Europe mourait de la tuberculose. En France : environ 80 000 morts par an à la fin du XIXème siècle.
Puis en 1921 a lieu la première vaccination par le BCG ; 1921, voyez-vous ça !
1928 : Fleming découvre la pénicilline et à partir de 1939, des antibiotiques sont utiisés contre la tuberculose.
 
Mais bien sûr, on y reviendra, il y a plusieurs types de tuberculoses. Et le mal n'est pas éradiqué aujourd'hui, notamment dans ce qu'on appelle les "pays en développement".
 
Pour l'heure, je ne peux m'empêcher de faire un rapprochement entre, d'une part, l'"artificialisation" démente de notre environnement, de l'autre cette maladie qui progresse à l'intérieur d'un corps humain. 
Tenez, sur l'A 69 (son nom au moins est sympathique...)

Nils Blanchard


P.-S.: Rajouté les étiquettes Charles Trenet, Fontevraud, Nadia Khouri-Dagher de l'article précédent... 

Cernay – Sennheim ; camp annexe et autres – Et précisions

Cernay (germanisé en Sennheim par les nazis) a été le lieu d’élection d’un camp de formation SS  comme il en a été question ici , et là , à ...