Je connais un ensemble de communes reliées à un collège, où le vote extrême droite dépasse allègrement les 50 %, lors même que les équipements publics y sont largement supérieurs à ce qu’on trouve ailleurs en France, que le taux de personnes d’origine étrangère y est plutôt faible, la criminalité itou sans doute…
Et je sais aussi que tous les enfants du bassin – hormis une année pendant la pandémie, et ceux d'un des villages rajouté plus récemment à l'ensemble – ont bénéficié d’une visite du site de l’ancien camp de concentration du Struthof (le KL Natzweiler), depuis au moins vingt à vingt-cinq ans, plus sans doute, visite faite, pour autant que je puisse en juger, par des professeurs sérieux.
Difficile de ne pas se poser des questions ; qu’est-ce qui a été manqué ?
(Du reste, rien n’est absolument simple bien sûr. Le Rassemblement national n’a-t-il pas déclaré le 21 mai dernier qu’il ne siégerait plus avec l’AfD allemande dans son groupe du parlement européen au motif d’« une flopée de déclarations visant à réhabiliter la SS, tenues par la tête de liste de l’AfD pour les européennes du 9 juin » (information de Libération) ?)
NB - Musée Michaelis, juin 2024 |
Est-ce simplement le fait que l’« on » donne trop la parole à n’importe qui, que de la sorte toutes les paroles s’équilibrent (via les réseaux « sociaux »), l’anonyme, l’aviné, le jaloux… y ont en apparence autant de poids que le professeur qui a consacré plusieurs années de sa vie à faire des études difficiles, que le scientifique qui utilise un langage que les « contradicteurs » de ces réseaux n’entendent pas (aux deux sens du mot).
La solution : l’interdiction, la censure ? Le professeur, le scientifique sont précisément allergiques à ces procédés qui fleurent (pas si bon) certaines dictatures de l’est du monde. Ils pourraient citer Voltaire à qui mieux mieux, qui écrit à propos du Contrat social de Rousseau – brûlé à Genève :
« Si ce livre était dangereux, il fallait le réfuter. Brûler un livre de raisonnement, c’est dire : nous n’avons pas assez d’esprit pour lui répondre. »
Et de poursuivre : « Ce sont les livres d’injures qu’il faut brûler et dont il faut punir sévèrement les auteurs, parce qu’une injure est un délit. » (Idées républicaines, 1762.)
Oui, mais encore faut-il qu’on puisse se battre à armes égales contre ces raisonnements : et pas mouliner dans le vide contre des pseudonymes, des menteurs…
NB - Musée Michaelis, juin 2024 |
NB - Musée Michaelis, juin 2024 |
Bon, mais pourquoi ces illustrations me demandera-t-on ?
Cela vient d’une visite (avec des élèves) récente du Musée Adolf Michaelis, au Palais universitaire de Strasbourg. Comme je l’écrivis au dernier billet, il s’agit d’une sorte de ricochet de mémoire : l’histoire grecque – c’est surtout d’elle dont il est question dans ce musée, avec notamment des plâtres de la frise des Panathénées – m’est devenue assez lointaine. Je retrouvais pourtant mes marques. Et indépendamment du plaisir à fréquenter cette culture : n’est-elle pas au cœur de notre politique, de notre politesse ?
NB - Musée Michaelis, juin 2024 |
Ça me ramène au Tableau de Savery, de Martin Fahlén (traduction de votre serviteur ; cf. page de ce blog, en haut, à droite – pardon, je ne le fais pas exprès…) L’auteur rencontre, par hasard, à deux reprises, une collègue de travail dans des musées en Grèce, d’abord à Athènes, puis à Egine. Cette seconde fois, la rencontre a lieu devant une statue d’éphèbe retrouvée par des pêcheurs au large de Marathon en 1925 :
« (...) cette répétition fortuite du même événement m’a fait comprendre que la sensation du temps peut se raccourcir, ainsi des sculptures grecques, céramiques, qui semblent comme du pain frais d’hier. » (P. 101.)
NB - Musée Michaelis, juin 2024 |
Nils Blanchard
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