samedi 15 juin 2024

Ricochets et hasards – Conférence à Bisingen ; 1

« Partout où il y a des hommes, il y a des camps. » On se souvient peut-être de cette réplique que j’ai évoquée l'année dernière. Aux Pays-Bas, a existé ce camp, d’« internement » plus que de « concentration » au sens où on l’entend, de Westerbork.

Westerbork, Wikipedia


Il en a été question lors d’une conférence à Bisingen, au musée consacré à l’ancien camp du lieu, organisée le 11 juin dernier par l’association en charge du musée (dirigée par Dieter Grupp) : Surviving and Remembering - The Untold Story of the 222 Transport Holocaust Survivors.
Hasards, et ricochets de la mémoire, au cours de cette soirée.

Premier hasard, en ce qui me concerne, il m’est arrivé plusieurs fois lors de mon deuxième semestre de cours à l’université sur les pays nordiques de rattacher (partiellement en l’occurrence) les Pays-Bas aux autres États étudiés.

Aussi, arrivé un peu en avance sur les lieux, devant le musée du camp de Bisingen, lui-même (le musée), à côté de l’église catholique, je prends le temps de photographier ce saint Nicolas. C’est que j’en ai croisé quasiment dans toutes les églises entre Aube et Haute-Marne où j’ai fait une marche au printemps, déjà un peu évoquée ici

NB - Bisingen, 11 juin 2024


On y reviendra peut-être, mais ma (courte) déambulation dans Bisingen (ce n’est pas la première fois bien sûr que je viens dans cette commune où fut construit le camp dans lequel mourut Elmar Krusman, mais je n’avais pas auparavant pris le temps de me promener ainsi dans la ville) m’a donné l’impression d’une bourgade allemande très ordinaire, et pourquoi ne le serait-elle pas ? Du reste, l’endroit n’est pas désagréable. Mais je me suis demandé, forcément peut-être, si cette ville était aussi ordinaire du temps du camp annexe de concentration qui s’était construit à ses portes (août 1944 à avril 1945). Sans doute ; le lieu avait été choisi avant tout pour le schiste qui s’y trouvait. Et il semble – le sujet reste encore à étudier plus avant – qu’il y ait eu une (relative) solidarité d’une partie de la population à l’égard des déportés.

NB - Bisingen, 11 juin 2024


Ricochet de mémoire, cette fois, les paysages magnifiques en traversant la Forêt-Noire puis en descendant vers le Neckar (Elmar Krusman, lui, a dû arriver de l’autre côté…) Les énormes oiseaux de proie et le château Hohenzollern au loin (on reviendra sur tout cela…) La voie ferrée longée à un moment ; à chaque fois : Elmar Krusman n’est-il pas venu par là ? Non, encore une fois, il venait de l’Est. Un point plus anecdotique : les routes coupées ici ou là ; je m’étais une année retrouvé complètement paumé, sans boussole, sans carte locale ; mon GPS n’ayant de cesse que me ramener à la même voie impraticable. J’avais fini par m’orienter au bon vieux soleil.

NB - Forêt Noire, 11 juin 2024


Puis la conférence elle-même a commencé. J’ai écrit encore quelque part que je comprenais de moins en moins l’allemand ; elle était en partie en cette langue (introduction de Dieter Grupp, interventions et parfois traductions de Nina Wolf, s’exprimant du reste dans un allemand à peu près compréhensible pour moi).
Plaisir cependant à écouter l’exposé clair, détaillé d’anecdotes bien choisies et sérieux, dans un bon anglais de New York, de Monika Jalili. Songé vaguement aux films de Woody Allen, dont une horde d’inquisiteurs de prisunic nous a privés.
Elle a raconté notamment l’histoire de son père, passé vers les dix-douze ans par Westerbork. Elle avait perdu contact quelques années avec lui à la suite du divorce difficile de ses parents ; le retrouver a été aussi prendre connaissance plus avant avec l’histoire de la déportation. Et en cela, elle a retrouvé quelque chose d’elle-même, ou en tout cas la conscience d’une perte ; elle représente la génération d’après.


Nils Blanchard


P.-S. :  En lien de ce blog, celui de Gabrielle Björnstrand, Gabis Annex. Cette citation de Hannah Arendt : « The death of human empathy is one of the earliest and most telling signs of a culture about to fall into barbarism. »

            Cérémonies il y a quelques jours à Tulle et Oradour-sur-Glane. Cela fait 80 ans. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

24 minutes

Quand on a l’impression que le monde s’est écroulé, une solution parmi d’autres : aller regarder ce qui se passe sur les blogs suédois en li...