lundi 28 juillet 2025

Lumière nordique

Je ne suis pas particulièrement féru de musique lyrique, sauf bien sûr quand il s’agit de Vivaldi, Mozart, Schubert parfois ; d’autres encore certes.
Là : compositeurs (de moi en tout cas) peu connus.
Mais c’est que ça se passe en Suède, au XVIIe siècle, à la cour de Charles XI…

NB - Bohuslän

 Le CD s’appelle Northern Light – pourquoi pas ? –, avec comme sous-titre : Echoes from 17th-century Scandinavia. Interprète : Lucile Richardot, , accompagnée par Sébastien Daucé avec l’Ensemble Correspondances. C’est chez Harmonia Mundi.



Bon, mais pas de titre en anglais. On a du suédois, de l’allemand, du latin ; pièces de Franz Tunder, Vincenzo Albrici, Johann Christoph Bach (grand-oncle de…) – d’autres…

Pour ce qui est de lumière nordique, Charles XI (1655-1697) – au règne duquel donc les morceaux du CD sont attachés – monarque absolu, fut appelé le Soleil du Nord – réplique septentrionale de Louis XIV. (Le livret du CD parle aussi de « sol inocciduus », le soleil qui ne se couche jamais, en référence au solstice d’été.)

NB - Bohuslän

On voit dans la culture musicale de la Suède de l’époque un lien avec la France ; on n’en est pas encore à la francophilie d’un Gustave III, rompant avec l’aversion que le français inspirait à un Charles XII. La Suède, dans le domaine musical, s’ouvre aux autres cultures ; Huub van der Linden (traduit par Martine Sgard) écrit dans le booklet du CD : « Si la cour de Louis XIV avait élaboré un style musical à la française, reflétant l’apparat royal de l’identité “nationale”, la cour suédoise se présentait délibérément comme un carrefour de musiques et de musiciens européens. Cette ouverture musicale s’inscrivait dans la continuité d’une tendance initiée par la reine Christine de Suède, qui, au milieu du XVIIe siècle, avait fait venir à Stockholm des musiciens italiens et de nombreux instrumentalistes à cordes français. »

NB - Bohuslän

On retrouve donc l’énigmatique reine Christine (que Patrick Reumaux laisse ses personnages passablement maltraiter dans ses derniers livres…)
Or le tableau de Savery, auquel Martin Fahlén a consacré son livre, est peut-être passé entre les mains de cette dernière. Dans Le tableau de Savery, justement, on lit, page 42 :

« Les œuvres d’art qui arrivaient au château [de Rodolphe II] résultaient de transactions liées aux évolutions diplomatiques et de vols. On envoyait en mission des ambassadeurs et des artistes pour assembler des objets. Les magnifiques œuvres du palais relevaient à la fois de la vie privée de l’empereur et de sa propagande. Mais sa diplomatie échoua et la Guerre de Trente Ans entraîna le
pillage des œuvres à Prague. Démantelée, la collection passa de mains en mains de différents souverains. C’est ainsi qu’en 1648, des militaires suédois acheminèrent un grand ensemble de prises de guerre à la reine Christine. (…) Le Vertumne d’Arcimboldo faisait partie du lot [et de la récente exposition au Louvre à Paris], et on peut le voir aujourd’hui au château de Skokloster. »


Le monde est petit, pas ? J’avais pensé à un moment intituler la traduction du livre de Martin Fahlén Paradis perdus/retrouvés, notion (du Paradis) qu’on retrouve dès la première strophe de la première pièce du CD (en suédois, ce morceau de Franz Tunder) :

« Ack Herre, låt dina helga änglar / Uti min dödsstund föra min själ, I Abrahamas sköte föra. » (« Ah, Seigneur, fais que tes anges saints, / À l’heure de ma mort, accompagnent mon âme / Dans le sein d’Abraham. »)

NB - Bohuslän


Nils Blanchard

mercredi 23 juillet 2025

Avant de quitter les « réseaux » « sociaux », déjà : n’y entrez pas !

Il avait été question dans l’avant-dernier billet de ce blog d’un article de Terrestres (en lien indirect de ce blog, via Alluvions…) appelant à quitter les « réseaux sociaux ». Bon, mais j’avais déjà fait remarquer alors que le mieux serait de n’y pas entrer du tout !

Nils Asplund, L’été, 1943 - Capture d’écran

Pourquoi diable les gens sont-ils si grégaires qu’ils se croient, qu’ils se sont cru par millions obligés de pénétrer ces choses ?
Évidemment, refuser d’entrer sur certains « réseaux » numériques, c’est prendre le risque d’une certaine exclusion. Mais, réfléchissons un peu : exclusion de quoi ? De slogans à moitié crétins : « Hachtag j’aime bien ton nouveau look. »
Y a-t-il vraiment tant à perdre ?
Ah, me répliquera-t-on (avec raison…) : on perd contact avec des groupes, avec des gens. Avec des « groupes » ? Pourquoi (moi le premier) se croit-on obligé de mettre des guillemets à réseaux, et sociaux ? Des groupes, vraiment ? De vagues entités binaires numériques ; mais après…
De manière plus inquiétante, on perdrait le contact avec des gens, qui ne « communiquent » plus que là. Soyons un peu sérieux : si on perd contact avec des gens, réellement, c’est qu’on n’a plus besoin d’avoir de relations avec eux, ou en tout cas, qu’on ne ressent pas la nécessité d’échanger avec eux des avis, toutes les dix minutes sur tout et rien.

Nils Asplund, 1954 - Capture d’écran

Deux choses un peu gênantes dans l’article de Matthieu Amiech, Gary Libot, Valentin Martinie : l’utilisation du mot « fascisme » sans, semble-t-il, qu’il réponde à une définition précise. Ce mot balancé et mélangeant diverses tendances, idées, courants, pas forcément sympathiques mais dissemblables, voilà une simplification – un simplisme – qui m’énerve passablement.

Autre point, la Chine n’est quasiment pas évoquée au long de ce long texte – à l’exception de deux occurrences d’un « réseau » « social » chinois dans la longue citation consacrée à l’ancienne Allemagne de l’Est.

Nils Asplund, 1953 - Capture d’écran

Par contre, l’idée qu’à « À mesure que le rythme de production-publication s’accélère, les messages sont de plus en plus brefs ; les images elles-mêmes sont de plus en plus dynamiques, « multimédia », synthétiques. En conséquence de cet aplatissement, les représentations collectives deviennent de plus en plus schématiques. » Cela ne manque pas de pertinence. Ne rejoint-on pas là ce qu’écrivait Bernur et que j’ai cité ?
Et il faudra, décidément, oui, revenir à Robert Antelme.

Pertinence aussi des auteurs quand ils évoquent des « chatbots  de nombreux sites Internet depuis plusieurs années. Ils sont un résultat du productivisme informationnel (…). Partant, ils vont approfondir les logiques psychiques, sociales et politiques déjà à l’œuvre avec les réseaux sociaux, c’est-à-dire le déploiement d’une société de l’absence, où le monde est de plus en plus livré à domicile aux individus, et où une place inédite est laissée à la dimension pulsionnelle de nos existences ».

Une « société de l’absence », oui ; c’est bien vu.

Aussi : « Il est grand temps de réaliser que sur les réseaux prétendument sociaux, les extrême-droites sont chez elles. » C’est malheureusement le constat qu’on est obligé de faire. Mais il ne doit pas dispenser de s’interroger sur ces mouvements politiques, les conditions de leurs succès (j’ai essayé de comparer ici même les expériences des extrême droites soutenant le pouvoir en Suède (les accords de Tidö) et en France (le gouvernement Barnier). Ces deux cas montrent des mécanismes, des cultures politiques particuliers.) Mais il serait bien difficile de ne pas lier la tendance mondiale à la progression des extrême droites au développement indigeste des outils numériques.

Nils Asplund - Capture d’écran

Dernier commentaire que je voudrais faire sur cet article, en lien à la résurgence récemment dans  mes billets de volatiles métalliques inquiétants. On lit dans l’article de Terrestres : « Beaucoup, à gauche, pensent encore qu’il faut leur faire barrage pour qu’elles ne rentrent pas dans les têtes, comme on ferait barrage à une nuée d’oiseaux malfaisants. »

Bon, au moins ces « oiseaux malfaisants » pourraient-ils nous ramener à André Dhôtel. Lisez donc L’Île aux oiseaux de fer ; Julien Grainebis leur joue un vilain tour.


Nils Blanchard


Triche. Rajout d’étiquettes n’ayant pas trouvé place en fin du billet précédent : Choderlos de Laclos, Haguenau.

jeudi 17 juillet 2025

Et soudain les fantômes reviennent

Une petite série de billets de ce blog met les fantômes en tête de gondole, pour ainsi dire. La dernière fois, c'était en lien avec la nudité. Là, ce serait plutôt du côté des lieux qui plient face à la mercadence, ou à une certaine modernité ?
(Oui, quand j’aurai de la place, je rajouterai l’étiquette « vieux con ».) 


Il a déjà été fait mention dans ce blog du livre Le pays où l’on arrive un jour, paru aux éditions Invenit, avec c’est vrai des illustrations de Julie Faure-Brac, avec aussi quelques pépites.
Ainsi il me faut citer la fin du texte de Roland Frankart, qui lui-même cite Hubert Juin (page 11) :

« Dans bon nombre de ses romans, un lecteur familier de la région peut situer certains de ces lieux [dhôteliens, donc] (…). Dans d’autres, c’est moins évident (…) Sa cartographie romanesque [à André Dhôtel] ne coïncide que très approximativement avec la réalité de son pays ardennais. (…)
L'Ardenne d’André Dhôtel n’est plus vraiment celle de notre XXIe siècle (…). Il y a cinquante ans, Hubert Juin écrivait déjà : “Le lecteur d’André Dhôtel remarquera qu’en quittant le livre pour l’Ardenne réelle, il découvre un paysage défiguré. Il en va ici comme partout : l’avidité mercantile souille la parole des lieux et détruit la géographie du poème. Il n’empêche qu’un pays, qu’une contrée, qu’une ville mettent longtemps à mourir. On les jette bas, on les bouscule, on les modifie, mais il suffit d’un accord furtif de l’air et du regard pour que le site d’aujourd’hui soit envahi par le fantôme (…) du site d’hier.” »

Nous y voilà. Et l’histoire parfois (j’entends par là celle avec un grand H) est aussi histoire de discussion avec des fantômes.



C'est ce qui apparaît dans le livre d’Emmanuel de Waresquiel, Juger la reine (Tallandier, 2016), sur le procès de Marie-Antoinette.
À la fin du livre, dans la postface – quelle mouche le pique ? – voilà que l’auteur évoque les lieux d’archives (pages 278-279) et :

« Aujourd’hui, la partie contemporaine des Archives nationales est conservée dans la banlieue parisienne, à Pierrefitte-sur-Seine. (…) On prend la ligne 13 du métro et on débouche en face des bâtiments de l’université de Saint-Denis. Ah ! Les banlieues d’autrefois. Lorsque j’étais enfant (…). Cela ressemblait encore à ce qu’on lit dans la Recherche, lorsque Robert de Saint-Loup va rendre visite à sa maîtresse dans le pavillon de pierre meulière d’un village dont on ne sait pas le nom. (…) Des poiriers, des pommiers, des cerisiers, tout un univers de maraîchage et d’horticulture où l’on devinait comme la trace de ces folies anciennes qui servaient de villégiatures aux financiers ou aux maîtresses du roi.
À Pierrefitte, cette banlieue-là, de pavillons et de jardins a disparu. »

Eh, que voulez-vous. Financiers et maîtresses, titre d’un roman, non ?

De Waresquiel poursuit : « Des séries de cubes et de rectangles. On a quitté les confins improbables des banlieues de Gracq à demi envahies par la forêt. »

NB - Haguenau, juin 2025

Proust, Gracq, bien sûr. L’auteur aurait pu évoquer aussi Le ciel du faubourg, d’André Dhôtel (eh ! Ne retombons-nous pas sur nos pattes?)
Il est un ouvrage vaguement collector peut-être, compte-rendu d’une série de conférences lors des journées Littérature en Lagast ; je parle du Cahier n° 8, consacré à André Dhôtel bien sûr (en 2016) (où je commis quant à moi de longues réflexions sur la géographie passablement erratique de l’auteur). Philippe Blondeau, lui, évoqua le faubourg, dans un texte de « tentation de définition d’un lieu dhôtelien ». On y lit (entre autres, entre autres…) page 63 :

« Lieu privilégié d’un certain égarement, le faubourg se caractérise, plutôt que par une situation précise, par une poétique des lieux, un certain sentiment d’étrangeté, l’impression d’être ailleurs, là où les repères de la ville s’effacent ou se brouillent. »

Quelle impression aujourd’hui. Cubes, rectangles et fantômes ; un tout autre égarement.

Mais quant aux fantômes, et dans sa postface, toujours (page 286), Waresquiel y vient, ou presque, après nous avoir promenés dans différents lieux d’archives :

« Dans l’introduction à son Histoire de France, Michelet convoque toute la galerie des rois et leur parle comme s’il les voyait. On peut dialoguer avec des ombres. (…) Ce sont des conversations utiles. On y apprend des choses sur le temps qu’il fait, sur le temps qui passe et sur celui qui ne passe pas (…) »


Nils Blanchard


Ajout. On en avait un peu parlé: publication en Suède d’une nouvelle traduction des Liaisons dangereuses de Laclos.
Bon, mais Jenny Högström de noter (dans le Göteborgs Posten du 28 juin :

« (...) på det stora hela har Jan Henrik Swahn lyckats med den äran med sin nyöversättning till svenska – den första på 70 år – utan att det låter krångligt eller konstlat. Han har ju tjuvtränat med att översätta Madame de Staël. »

« (...) dans l’ensemble, Jan Henrik Swahn [le traducteur] a franchi avec les honneurs l’étape ded cette nouvelle traduction – après 70 ans – sans qu’il y ait quoi que ce soit de compliqué ou d’affecté. Il est vrai qu’il s’est entraîné en traduisant Madame de Staël. »

Et de Madame de Staël, E. de Waresquiel parle, évidemment, dans son livre…


vendredi 11 juillet 2025

Revue de revue de revues de…

Peut-être vais-je finir par devenir un homme de revues ; un « moitié fou » dit (je cite de mémoire, ça ne doit pas être exactement ça) Morand (ou Chardonne?) à propos de Léautaud et de son travail au Mercure de France.
Il y a mes travaux sur 84 (je ne vais pas vous enserrer de liens ; allez voir, l’index, version ordinateur…), textes dans La Route inconnue…

NB - Tallinn, 2018

Et voilà qu’un travail sur un étrange hebdomadaire, Sovjet-Estland, suite à un colloque auquel j’ai participé à l’INALCO en 2021 (déjà…) vient de paraître dans la revue numérique Nordiques (elle aussi en lien de ce blog…)

En voici le résumé : Sovjet-Estland, une revue soviétique pour les Suédois d’Estonie.

« Sovjet-Estland, édité à Tallinn d’octobre 1940 à août 1941, est un hebdomadaire en langue suédoise, à destination des Suédois d’Estonie (environ 8000 habitants) qui paraît pendant la première annexion de l’Estonie par l’URSS, jusqu’à l’arrivée des troupes allemandes du plan Barbarossa. Organe du parti communiste local (Läänemaa), il est particulier d’abord parce qu’il s’adresse à une petite minorité, et parce que cette minorité est a priori peu à même d’épouser son communisme militant. L’hebdomadaire doit donc s’adapter aux caractéristiques des Esto-Suédois, en reprenant en partie la tradition de leur revue précédente qu’était Kustbon, tout en menant une opération de communication politique, au long de ses 43 numéros. Sovjet-Estland pointe ainsi les efforts du gouvernement soviétique à destination des Esto-Suédois et tâche de les convaincre de renoncer à l’idée d’émigrer vers la Suède. En même temps, Sovjet-Estland peut apparaître comme une tribune pour développer l’image d’un contre-modèle à destination de l’Occident. »

NB - Tallinn, 2018, vers l'ancienne prison Patarei 

Il se trouve que peu avant a paru le numéro 73 de La revue des revues (en lien de ce blog, cela aussi, en lien…) Celui-ci, je me le suis procuré (maintenant, je suis abonné…) à cause d’un de ses titres (je parlais récemment de mes dispersions… de Jules Roy aussi…) : « Henri Bosco, Aguedal ».
Pour être plus précis, c’est un article de Guy Dugas, « Henri Bosco au Maroc (1931-1955) et l’aventure d’Aguedal ». Seize pages (avec illustrations) sur un sujet (qui m’intéresse…) sur lequel on trouve peu de choses sur le net et ailleurs…
Résumé ? Résumé…

« C'est chose peu connue : l’écrivain provençal Henri Bosco (1888-1976) a passé près de 25 années au Maroc, entre 1931 et 1955. Outre la publication de plusieurs ouvrages importants, notamment Le Mas Théotime (éd. Charlot, 1945) prix Renaudot, il y dirigea durant cette période très compliquée la revue Aguedal (une vingtaine de numéros avec une suspension au début de la guerre, et quelques tirés-à-part).
Par sa longévité comme par la richesse de ses sommaires, son ancrage en milieu arabe et berbère sans équivalent parmi les revues nord-africaines de la période coloniale, Aguedal représente un élément majeur de l’histoire littéraire au Maghreb. Elle a été le creuset d’une réflexion, contrariée par la guerre, sur une « métaphysique orientale » inspirée de la Doctrine guénonienne qui irriguera une partie de la littérature marocaine contemporaine, de langue arabe ou française, grâce à des intellectuels tels que Mohamed-Aziz Lahbabi ou Ahmed Sefrioui. » (Guy Dugas.)



Jules Roy et Henri Bosco ont entretenu une correspondance pendant la guerre. Jules Roy reçut les lettres d’abord en Afrique du Nord, puis en Angleterre, où il servait sur un équipage de bombardier – il en a parlé (notamment encore) dans La Vallée heureuse. Ou, voyez-vous ça, dans un livre évoqué récemment par Argoul, Le navigateur.– Puis à Paris…
Les lettres de Henri Bosco (1942 à 1969, mais en fait surtout jusqu’à 1946) ont été gardées par Jules Roy et publiées par l’Amitié Henri Bosco, dans le vingt-cinquième de leurs Cahiers Henri Bosco (1985).
Comme Jules Roy le note dans un texte introductif, l’amitié des deux hommes fut de quelques années, et semble-t-il surtout épistolaire. Il semble que ce soit Jules Roy qui écrivit d’abord à son aîné ; il se souvient : « Son âme sensible avait compris à quel point j’étais coincé entre mes devoirs et mes affections et combien j’avais peu d’espoir de m’en sortir. Durant cette longue période de nuit semée de feux et de terreur, il veilla sur moi. » (Cahiers Henri Bosco, 25, 1985, pages 89-90.)

On peut penser peut-être, même s’il semble que les drones ont remplacé en grande partie les bombardiers, à certains combattants d’Ukraine.


Nils Blanchard


Triche. Ajout d'étiquette du dernier billet : Garçon au poisson. 

jeudi 3 juillet 2025

Lieux, réels et numériques – manuels, mémoire, « réseaux »

Je reprends là une série de billets qui sont censés s’interroger sur la nécessité de poursuivre ce blog, sur son intérêt. Ce n’était peut-être pas très évident – c’est que c’est un peu l’ADN de ce blog que de tourbillonner en digressions, parenthèses…

Juhan Raudsepp, 1935 - Capture d’écran


Au départ : articles de Thomas Nydahl, s’interrogeant sur son âge, sa maladie, sur la pertinence, dans ces conditions, de poursuivre son blog… Plusieurs fois, il a annoncé qu’il l’arrêtait, s’y est remis. Au moins, si j’ai bien compris, a-t-il quitté « Facebook » et autres « réseaux » « sociaux »…

Il écrivait le 3 septembre 2024 (début et fin de son article) :

« Det digitala livet kan vi varken fördriva eller bortse ifrån.
(...)
Digital på deltid som jag är, är sannerligen inget alternativ. Det är en form av koketteri mitt i pensionsynkedomen. »

« La vie numérique, nous ne pouvons ni la mettre de côté, ni l’ignorer.
(...)
Être connecté à mi-temps, comme moi, ce n’est vraisemblablement pas une alternative.C’est une forme de coquetterie de retraité. »

Juhan Raudsepp, Chapelle de Kasmu - Capture d’écran

 
Plus sérieusement, peut-être, je m’interroge sur l’exercice même du blog. Évidemment, toutes les informations que je partage ont des sources précises et sérieuses ; mes opinions m’engagent et je les signe – je me permets d’en émettre après avoir publié aussi des travaux sur certains sujets. Ainsi (pour rappel), un article sur une revue de propagande (!) soviétique en 1940-1941, mon livre bien sûr sur le déporté Elmar Krusman. Différents textes, aussi, sur le monde littéraire d’après-guerre, notamment sur 84… Je ne cite pas tout cela pour me justifier de quoi que ce soit, c’est simplement qu’en voyant les errements dans lesquels tombent certaines personnes, groupes, aux manettes de sites internet plus ou moins glorieux… je ne peux m’empêcher de craindre de leur ressembler de près ou de loin…

Ainsi, tout récemment de ces gens (sur le site internet « malgre-nous.eu »), se vautrant en répliques d’uniformes de la Wehrmacht (un « article » du 23 juin 2025), pour « jouer le rôle » de résistants d’une photo localement célèbre…
Je songeais à eux car leur site que j’ai consulté parfois a fait état plusieurs fois de la nécessité de corriger selon leurs volontés les manuels d’histoire du secondaire.

Or je lisais dans le Göteborgs Posten – et on retrouve là étrangement des thèmes de Sovjet-Estland ! – un article sur un certain retour en grâce de la mémoire de Staline dans la Russie poutinienne, article dans lequel on parle, précisément, de manuels d’histoire corrigés…

« Parallellt har andra viktiga minnesmärken och museer försvunnit eller tagits bort, skriver SVT. Exempelvis fick Gulagmuseet i Moskva stänga ned i fjol när man hänvisade till säkerhetsskäl.
Förutom statyer och minnesmärken har studieböcker omarbetats och Stalins brott har tonats ned. Medförfattaren till de nya historieböckerna som används i ryska skolor är Vladimir Mdinskij, som även arbetar som president Putins rådgivare, enligt DW. »

« En parallèle [à la fièvre stalinienne], des repères mémoriels et des musées ont disparu ou ont été enlevés, écrit SVT [la télévision suédoise]. Par exemple, le Musée du Goulag à Moscou a fermé l’année dernière pour raisons de sécurité…
Outre les statues, les repères de mémoire, ce sont les livres scolaires qui ont été refaits, avec une atténuation des crimes du stalinisme. L’un des co-auteurs des nouveaux livres d’histoire utilisés dans les écoles russes est Vladimir Medinski, qui est aussi un conseiller du président Poutine, d’après DW [Deutsche Welle]. »


Pour en revenir à quitter tel ou tel média, renoncer à telle ou telle façon de s’exprimer, toujours dans le Göteborgs Posten, Joel Arvidsson a écrit le 3 mars (2025) un article intitulé : « Efter bråket i Ovala rummet – många svenskar vill bojkotta varor från USA. » (« Après l’altercation dans le salon ovale – beaucoup de Suédois veulent boycotter des biens des États-Unis. »

« Allt fler svenskar vill bojkotta varor från USA. Sedan bråket mellan presidenterna Trump och Zelenskyj har en bojkottgrupp på Facebook lockat till sig över 33 000 medlemmar. »

« De plus en plus de Suédois veulent boycotter des biens des États-Unis. Depuis l’altercation entre les présidents Trump et Zelensky, un groupe favorable au boycott s’est créé sur Facebook et a dépassé les 33 000 membres. »

Sovjet-Estland, peut-on considérer qu’il a été boycotté par les lecteurs esto-suédois ? C’est peut-être un peu plus compliqué ; il est à peu près certain en tout cas que l’hebdomadaire ne fut quasiment pas lu. (Mais les gens « lisent »-ils vraiment des choses sur les « réseaux » « sociaux » ?
Bon, ces gens (de l’article de Joel Arvidsson) sont sans doute très bien intentionnés… Mais n’est-ce pas précisément par « Facebook », sur quoi ils fondent leur groupe, qu’il faudrait commencer ?


Nils Blanchard


P.-S. : Juhan Raudsepp est le sculpteur du garçon au poisson, emblème de ce blog (statue qui se trouve à Hapsal, sur la place de l’ancien marché suédois).

P.-S. 2 : J’avais à peu près la matière de ce petit billet quand je suis tombé sur ce texte de Terrestres (en lien indirect de ce blog, via Alluvions, ou ce lien…) « Quittons tous les réseaux sociaux ! », du 25 juin 2025. (Eh ! Et déjà : n’y entrons pas…) On y reviendra vraisemblablement.

Triche : ajout d’étiquettes d’un dernier billet : Julien Grainebis, Macintosh.

Objets de placard (pas en plastique!) / Wera von Essen

Voyage étrange et à peu de frais dans le temps ; objets de placards laissés passablement intacts par mon grand-père, en Suède. En même temps...