Il avait été question dans l’avant-dernier billet de ce blog d’un article de Terrestres (en lien indirect de ce blog, via Alluvions…) appelant à quitter les « réseaux sociaux ». Bon, mais j’avais déjà fait remarquer alors que le mieux serait de n’y pas entrer du tout !
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Nils Asplund, L’été, 1943 - Capture d’écran |
Pourquoi diable les gens sont-ils si grégaires qu’ils se croient, qu’ils se sont cru par millions obligés de pénétrer ces choses ?
Évidemment, refuser d’entrer sur certains « réseaux » numériques, c’est prendre le risque d’une certaine exclusion. Mais, réfléchissons un peu : exclusion de quoi ? De slogans à moitié crétins : « Hachtag j’aime bien ton nouveau look. »
Y a-t-il vraiment tant à perdre ?
Ah, me répliquera-t-on (avec raison…) : on perd contact avec des groupes, avec des gens. Avec des « groupes » ? Pourquoi (moi le premier) se croit-on obligé de mettre des guillemets à réseaux, et sociaux ? Des groupes, vraiment ? De vagues entités binaires numériques ; mais après…
De manière plus inquiétante, on perdrait le contact avec des gens, qui ne « communiquent » plus que là. Soyons un peu sérieux : si on perd contact avec des gens, réellement, c’est qu’on n’a plus besoin d’avoir de relations avec eux, ou en tout cas, qu’on ne ressent pas la nécessité d’échanger avec eux des avis, toutes les dix minutes sur tout et rien.
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Nils Asplund, 1954 - Capture d’écran |
Deux choses un peu gênantes dans l’article de Matthieu Amiech, Gary Libot, Valentin Martinie : l’utilisation du mot « fascisme » sans, semble-t-il, qu’il réponde à une définition précise. Ce mot balancé et mélangeant diverses tendances, idées, courants, pas forcément sympathiques mais dissemblables, voilà une simplification – un simplisme – qui m’énerve passablement.
Autre point, la Chine n’est quasiment pas évoquée au long de ce long texte – à l’exception de deux occurrences d’un « réseau » « social » chinois dans la longue citation consacrée à l’ancienne Allemagne de l’Est.
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Nils Asplund, 1953 - Capture d’écran |
Par contre, l’idée qu’à « À mesure que le rythme de production-publication s’accélère, les messages sont de plus en plus brefs ; les images elles-mêmes sont de plus en plus dynamiques, « multimédia », synthétiques. En conséquence de cet aplatissement, les représentations collectives deviennent de plus en plus schématiques. » Cela ne manque pas de pertinence. Ne rejoint-on pas là ce qu’écrivait Bernur et que j’ai cité ?
Et il faudra, décidément, oui, revenir à Robert Antelme.
Pertinence aussi des auteurs quand ils évoquent des « chatbots de nombreux sites Internet depuis plusieurs années. Ils sont un résultat du productivisme informationnel (…). Partant, ils vont approfondir les logiques psychiques, sociales et politiques déjà à l’œuvre avec les réseaux sociaux, c’est-à-dire le déploiement d’une société de l’absence, où le monde est de plus en plus livré à domicile aux individus, et où une place inédite est laissée à la dimension pulsionnelle de nos existences ».
Une « société de l’absence », oui ; c’est bien vu.
Aussi : « Il est grand temps de réaliser que sur les réseaux prétendument sociaux, les extrême-droites sont chez elles. » C’est malheureusement le constat qu’on est obligé de faire. Mais il ne doit pas dispenser de s’interroger sur ces mouvements politiques, les conditions de leurs succès (j’ai essayé de comparer ici même les expériences des extrême droites soutenant le pouvoir en Suède (les accords de Tidö) et en France (le gouvernement Barnier). Ces deux cas montrent des mécanismes, des cultures politiques particuliers.) Mais il serait bien difficile de ne pas lier la tendance mondiale à la progression des extrême droites au développement indigeste des outils numériques.
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Nils Asplund - Capture d’écran |
Dernier commentaire que je voudrais faire sur cet article, en lien à la résurgence récemment dans mes billets de volatiles métalliques inquiétants. On lit dans l’article de Terrestres : « Beaucoup, à gauche, pensent encore qu’il faut leur faire barrage pour qu’elles ne rentrent pas dans les têtes, comme on ferait barrage à une nuée d’oiseaux malfaisants. »
Bon, au moins ces « oiseaux malfaisants » pourraient-ils nous ramener à André Dhôtel. Lisez donc L’Île aux oiseaux de fer ; Julien Grainebis leur joue un vilain tour.
Nils Blanchard
Triche. Rajout d’étiquettes n’ayant pas trouvé place en fin du billet précédent : Choderlos de Laclos, Haguenau.
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