jeudi 17 avril 2025

Blogs en lien, vagues questions de traduction

Un jour après l’autre, sur des sujets différents, sont parus deux articles, sur deux blogs que je suis (et qui sont en lien, etc., à droite de l’écran, etc., pas si on est en mode « smartphone, là ça ne marche pas, etc.) régulièrement, l’un en français, Alluvions, l’autre en suédois, Bernur… deux articles, donc, où apparaît T. S. Eliot.

NB

 
Bon, mais alors ici, ça va devenir comme une tradition de l’évoquer en avril (index, à droite de l’écran, etc.) « April is the cruellest month »… Ça, c’est fait.

L'article de Patrick Bléron (Alluvions) du 3 avril s’intitule « Eloge de la poussière ». Il commence de la sorte : « Il semble que les motifs apparaissent de deux façons très différentes. Le plus souvent ils s'imposent, ils surgissent avec une sorte d'évidence. »
À partir de là, on passe, entre autres, de la revue dadaïste Littérature à Rodez, à Pierre Soulages, en passant par Christian Bobin… Et : « le même mois d'octobre 1922 [où parut un numéro de Littérature] (…), T.S. Eliot écrivait dans The Waste Land les vers suivants :

Et je te montrerai quelque chose qui n’est
Ni ton ombre le matin marchant derrière toi
Ni ton ombre le soir venue à ta rencontre ;
Je te montrerai ta peur dans une poignée de poussière. »

Patrick Bléron précise qu’il s’agit de la traduction de Pierre Vinclair sur le site de Florence Trocmé, Poezibao (devenu Poesibao…)

Je regarde mon édition, celle de la traduction de Pierre Leyris. Les différences sont minimes :

« Et je te montrerai quelque chose qui n’est
Ni ton ombre au matin marchant derrière toi,
Ni ton ombre le soir surgie à ta rencontre ;
Je te montrerai ton effroi dans une poignée de poussière. »

Pour l’infime différence au matin plutôt que le matin ; j’aurais tendance à donner raison à Pierre Vinclair : Eliot écrit at morning et at evening ». Mais la versification fonctionne mieux avec le « au matin » de Pierre Leyris… Par contre, venue / surgie ; Eliot écrit rising to meet you. C’est plus surgie, non ? Et quant à traduire fear par effroi ou peur…
On va dire, donc, match nul. En fait, bien sûr, ce qui précède n’a guère d’importance ; on sait que les traducteurs, pour donner une substance à leur production, jonglent entre trahison, tradition, traduction bien sûr…

NB

Le lendemain 4 avril, Bernur parle d’un livre de traductions des poèmes de T. S. Eliot entre 1915 et 1945 (Modernista), traductions anciennes (parmi elles, de Karin Boye) et plus récentes.
Björn Kohlström commence par remarquer que T. S. Eliot est quelque peu oublié ; il nuance : « Låt gå för att han inte är helt bortglömd, men nog får man säga att han är underskattad. »
(« Concédons au moins qu’il n’est pas complètement oublié, mais il faut bien dire qu’il est sous-estimé. »)
Là – peut-être me voyait-on venir : Pierre Leyris, Christian Bobin… – des auteurs à la page, souvent, parlant d’André Dhôtel, se pressent de le définir comme un écrivain qui n’est plus lu, qui mériterait de, etc. Membre actif de l’association de ses amis, je n’en suis plus bien sûr au stade de la vexation face à de telles introductions… Néanmoins, combien y a-t-il eu de rééditions de Dhôtel mettons ces vingt dernières années ? (Sans compter celles à l’actif précisément de cette association de ces amis…) Vingt, trente ? Plus ? Ce n’est pas complètement rien.

Bon, mais Bernur ne manque pas de comparer les différentes traductions (suédoises) de T. S. Eliot. Et comme répondant à cette interrogation sur la postérité des auteurs :

« (...) och jag kan gott föreställa mig Boye sitta där och mysa över rader som dessa: ”Vad kan slå rot, och vilka grenar växer / ur grus och bråte? Du människobarn, / vad vill du svara eller gissa – allt du känner / är bilder, splittrade under solens tyngd”.

Till viss del är Eliot helt förankrad i sin tid, men även helt tidlös. »

(Je remets la citation anglaise originale.) « (…) Et j’imagine bien Boye dans son coin et faisant son miel de lignes telles que celles-ci [quelques vers avant les précédents cités en ce billet] : What are the roots that clutch, what branches grow / Out of this stony rubbish ? Son of man, / You cannot say, or guess, for you know only / A heap of broken images, where the sun beats,

Par certains aspects, Eliot est totalement dans son époque, mais il est aussi tout à fait hors du temps. »

NB


Allez, la traduction de Pierre Leyris : « Quelles racines s’agrippent, quelles branches croissent / Parmi ces rocailleux débris ? Ô fils de l’homme, / Tu ne peux le dire ni le deviner, ne connaissant / Qu’un amas d’images brisées sur lesquelles frappe le soleil : ».


Nils Blanchard

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