mardi 3 janvier 2023

Parole, histoire, dévoilement / et anges encore

 On a déjà parlé ici un peu de la question du langage, dans les camps, évoquant notamment un possible isolement d’Elmar Krusman (ici notamment).

Et plus généralement le langage, la communication, peuvent apparaître 

comme une opposition au mal (on en parlait là..., mais tout aussi 

bien, le mal, à travers le serpent, peut travestir ce moyen… Alors…

Sans forcément remonter au texte biblique, on peut lire (je l’ai fait sur 

l’heureuse recommandation d’Héloïse Combes) Claudie Hunzinger, Les

grands cerfs.


À noter que, peu de temps après cette recommandation, l’auteure 

obtenait le prix Femina (que Dhôtel obtint en 1956…) pour Un chien à ma

table, lors que le prix Femina de l’essai était attribué à… Annette 

Wieviorka… –


Page 88 (éditions J’ai lu), il est question des bois des cervidés, des cerfs

en l’occurrence, qui attirent bien sûr la convoitise de chasseurs :


« Parce que, qu’est-ce que c’est ce trophée si ce n’est un mirage 

donnant l’illusion à celui qui s’en empare de posséder enfin ce qui lui

manque, lui manquera toujours : une souveraineté perdue avec 

l’acquisition du langage. »


Mais, les animaux : êtres totalement sans langage ? Ce n’est pas dit…

Êtres sans passé : pas dit non plus complètement (on connaît la mémoire 

des lieux des éléphants…) Alors : sans passé reformulé, raconté, ça, sans

doute, oui. Sans passé articulé au langage.



Tenez, page 134, il est question d’étudiants des Beaux-Arts. Qui arrivent 

dans les Vosges, non loin de Colmar, au domaine de la narratrice,

ensauvagé pour le moins… et certains y arrivent… d’Angers… Ville des

Apocalypses… Et la forêt, puisque l’ensauvagement, et les Vosges à un

endroit un peu enclavé – perte de certains repères alors (temporels

spatiaux…), on en reparlera –. Et la narratrice a un compagnon qui

s’appelle Nils. Vous ne comprenez rien ? Tant pis, il faut suivre…

Page 134 :


« Ils ne savaient rien en arrivant. Ils savaient seulement qu’ils n’allaient 

pas s’ennuyer en ce coin de montagne. Hélène leur avait raconté un tas

de trucs sur nous et sur les Hautes-Huttes pour les décider à venir. (…) 

Elle leur avait (…) parlé (…) de la faute des pères, du capitalisme, du fric,

et elle leur avait annoncé qu’elle allait les emmener dans un écart 

temporel, une petite poche de passé dans le présent, c’est-à-dire une

petite poche d’avenir. Un minuscule topos utopique. Politique. Un îlot non

amalgamé. Elle leur avait parlé de la force du passé. De la scandaleuse

force révolutionnaire du passé. Une force capable d’agir sur le présent. De

faire bloc. Alors quand ils ont débarqué le premier soir, à leurs yeux

brillants, à leur silence, j’ai bien senti qu’ils s’attendaient à je ne sais quoi. 

(…) Disposer de livres en quantité, sur place, à portée du lit, dormir avec

des livres, c’était pour eux le rêve. »

Tenture de Apocalypse, Musée du Château d'Angers

Et on retrouve des anges ; des messagers.

Bon, mais dans l’Apocalypse, il n’y a pas que des livres. Mais aussi des

lapins, parmi des fleurs auxquelles on peut donner des noms. On y 

reviendra sans doute.

Tenture de l'Apocalypse, Musée du Château d'Angers

Lapins ; érotisme au Moyen Age.

Lit.

Et on en arrive donc à la bibliothèque, au livre, le besoin d’histoire avant le

sommeil ; on est là au cœur de l’enfance humaine.


Nils Blanchard



P.-S. Bon, mais meilleurs vœux bien sûr, aux quelques lecteurs de ce blog. 

Peut-on espérer que cette année marque la fin de l'agression russe en 

Ukraine... 



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