On a déjà parlé ici un peu de la question du langage, dans les camps, évoquant notamment un possible isolement d’Elmar Krusman (ici notamment).
Et plus généralement le langage, la communication, peuvent apparaître
comme une opposition au mal (on en parlait là...) , mais tout aussi
bien, le mal, à travers le serpent, peut travestir ce moyen… Alors…
Sans forcément remonter au texte biblique, on peut lire (je l’ai fait sur
l’heureuse recommandation d’Héloïse Combes) Claudie Hunzinger, Les
grands cerfs.
– À noter que, peu de temps après cette recommandation, l’auteure
obtenait le prix Femina (que Dhôtel obtint en 1956…) pour Un chien à ma
table, lors que le prix Femina de l’essai était attribué à… Annette
Wieviorka… –
Page 88 (éditions J’ai lu), il est question des bois des cervidés, des cerfs
en l’occurrence, qui attirent bien sûr la convoitise de chasseurs :
« Parce que, qu’est-ce que c’est ce “trophée” si ce n’est un mirage
donnant l’illusion à celui qui s’en empare de posséder enfin ce qui lui
manque, lui manquera toujours : une souveraineté perdue avec
l’acquisition du langage. »
Mais, les animaux : êtres totalement sans langage ? Ce n’est pas dit…
Êtres sans passé : pas dit non plus complètement (on connaît la mémoire
des lieux des éléphants…) Alors : sans passé reformulé, raconté, ça, sans
doute, oui. Sans passé articulé au langage.
Tenez, page 134, il est question d’étudiants des Beaux-Arts. Qui arrivent
dans les Vosges, non loin de Colmar, au domaine de la narratrice,
ensauvagé pour le moins… et certains y arrivent… d’Angers… Ville des
Apocalypses… Et la forêt, puisque l’ensauvagement, et les Vosges à un
endroit un peu enclavé – perte de certains repères alors (temporels,
spatiaux…), on en reparlera –. Et la narratrice a un compagnon qui
s’appelle Nils. Vous ne comprenez rien ? Tant pis, il faut suivre…
Page 134 :
« Ils ne savaient rien en arrivant. Ils savaient seulement qu’ils n’allaient
pas s’ennuyer en ce coin de montagne. Hélène leur avait raconté un tas
de trucs sur nous et sur les Hautes-Huttes pour les décider à venir. (…)
Elle leur avait (…) parlé (…) de la faute des pères, du capitalisme, du fric,
et elle leur avait annoncé qu’elle allait les emmener dans un écart
temporel, une petite poche de passé dans le présent, c’est-à-dire une
petite poche d’avenir. Un minuscule topos utopique. Politique. Un îlot non
amalgamé. Elle leur avait parlé de la force du passé. De la scandaleuse
force révolutionnaire du passé. Une force capable d’agir sur le présent. De
faire bloc. Alors quand ils ont débarqué le premier soir, à leurs yeux
brillants, à leur silence, j’ai bien senti qu’ils s’attendaient à je ne sais quoi.
(…) Disposer de livres en quantité, sur place, à portée du lit, dormir avec
des livres, c’était pour eux le rêve. »
![]() |
Tenture de Apocalypse, Musée du Château d'Angers |
Et on retrouve des anges ; des messagers.
Bon, mais dans l’Apocalypse, il n’y a pas que des livres. Mais aussi des
lapins, parmi des fleurs auxquelles on peut donner des noms. On y
reviendra sans doute.
![]() |
Tenture de l'Apocalypse, Musée du Château d'Angers |
Lapins ; érotisme au Moyen Age.
Lit.
Et on en arrive donc à la bibliothèque, au livre, le besoin d’histoire avant le
sommeil ; on est là au cœur de l’enfance humaine.
Nils Blanchard
P.-S. Bon, mais meilleurs vœux bien sûr, aux quelques lecteurs de ce blog.
Peut-on espérer que cette année marque la fin de l'agression russe en
Ukraine...
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