lundi 1 septembre 2025

Schwindratzheim, un témoignage (et sortie de zone?)

Promenades plutôt de hasard qui me ramènent au bord du canal de la Marne au Rhin, somme toute agréable à longer.

NB

Une fois n’est pas coutume, on trouve un – rare – témoignage intéressant dans un journal local alsacien, les DNA… L’article est de Guénolé Baron ; il a été publié le 28 juin 2018 à l’occasion d’une exposition au centre culturel de la petite commune fluviale.
On y lit – à propos du petit camp annexe du KL Natzweiler qui se trouvait là – qu’un habitant de la commune, Charles Baltzer, se souvient du temps de guerre et « revoit son père, forgeron, tenter d’amadouer les Allemands dans son atelier de la rue de la Zorn. Ils venaient avec un ou deux prisonniers pour faire aiguiser ou réparer des outils. Alors mon père proposait un café aux soldats et leur demandait au passage s’il pouvait donner un petit bout de pain ou de lard aux détenus. »

On retrouve là un trait évoqué à propos d’autres camps annexes, notamment celui de Bisingen – celui où Elmar Krusman est mort –, lesquels se situaient au milieu de zones habitées et où des détenus pouvaient être « prêtés » à des habitants. (Ainsi Elmar Krusman, tailleur de métier, recousant un manteau pour une habitante : témoignage assez rare de précision (et poignant) de l’évocation d’un détenu, une cinquantaine d’années après, par une habitante, a priori sans rapport avec les activités du camp de concentration…)

L'article poursuit un peu plus loin : « Les détenus étaient logés dans un baraquement en grès des Vosges, cerclé de barbelés, juste à côté du canal.
Quand ils n’étaient pas de garde, les soldats allemands n’y restaient pas. Ils étaient hébergés dans l’ancienne laiterie, raconte Charles Baltzer. Les gradés, eux, se partageaient une maison, derrière la mairie historique de la commune. »

NB

Autre point qui recoupe – c’est étrange, ces promenades qui me ramènent à ces thèmes… – des remarques de mon livre. Le témoin évoque la libération de Paris apprise à la radio par son père. « Une victoire capitale des troupes alliées qui n’a pas découragé les Allemands de Schwindratzheim. Même s’ils venaient jusqu’au Rhin, la guerre ne serait pas perdue ! s’est exclamé un des soldats devant le père de Charles Baltzer. »
Ce fanatisme de certains Allemands, qui a expliqué aussi le « dynamisme » du système concentrationnaire, jusqu’aux derniers jours de la guerre, parce que certains croyaient que celle-ci n’était pas perdue – il y aurait des armes secrètes qui apparaîtraient, etc. –, j’en parle aussi dans Elmar Krusman. Et cela a été de pair avec la priorité donnée à la « politique raciale » sur l’intérêt stratégique.
La folie au pouvoir véritablement.

NB

Il y a aussi dans l’article un étrange souvenir du témoin : réel souvenir, passé recomposé par la mémoire à partir d’autres récits ? Ce n’est pas que je veuille remettre en cause (je précise…) l’honnêteté de Charles Baltzer, mais – renvoi à mon livre, là encore – la mémoire, surtout d’événements aussi anciens, peut être pour le moins surprenante… Ce souvenir : « J’ai vu les prisonniers nager dans le canal, sous la surveillance de deux SS qui avaient des pistolets-mitrailleurs. Le bain terminé, ils sont rentrés nus dans le camp. »


Nils Blanchard


Ajout. Me promenant cet été précisément à Schwindratzheim, je tombe sur cette étiquette que de hauts esprits du lieu (ou d’ailleurs) ont collée sous le nom de la localité : "Im Elsass".

NB

Braves gens. Visiblement, ils voulaient être sûrs de ne pas se tromper de panneau (…) ; ils ont mis leur petit autocollant aussi là-dessus.

NB


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Schwindratzheim, un témoignage (et sortie de zone?)

Promenades plutôt de hasard qui me ramènent au bord du canal de la Marne au Rhin, somme toute agréable à longer. NB Une fois n’est pas coutu...