vendredi 20 décembre 2024

Nord(s), dhôteliens et autres

J'ai évoqué la publication récente (novembre 2024) du Cahier André Dhôtel n° 22. Deux textes de votre serviteur : « Mars » (la guerre dans la vie d’André Dhôtel) et une étude sur « La guerre dans L’homme de la scierie ». Bon, mais bien d’autres choses encore, entre autres un extrait (les années de guerre) de la correspondance de Dhôtel avec Pierre Leprohon.

A. F. van der Meulen, Le siège de Lille (Wikipedia)

Or comme le note Roland Frankart dans son introduction à ces lettres, c’est à Gravelines, près de Saint-Omer (et entre Calais et Dunkerque) en 1924 qu’André Dhôtel a rencontré Pierre Leprohon, qui a été en fait son premier éditeur. Et homme d’art, de cinéma, Pierre Leprohon a été aussi un homme de revue (Le Rouge et le Noir aux éditions desquelles Dhôtel a publié son premier livre.

D'autres revues encore ; Corymbe, Cinémonde

Ce séjour de Dhôtel dans le Nord (six mois) a fait l’objet d’un livre récent.



Cela – la guerre, et des revues – me ramène à un tout autre sujet, à ce colloque qui a eu lieu à Paris (à l’Inalco) en novembre 2021, de l’Association pour les Études nordiques : « Entre Scandinavie et Baltique orientale ».
J'y évoquai la revue Sovjet Estland, petit journal hebdomadaire de propagande édité pendant la première et courte occupation soviétique de l’Estonie (automne 1940 à l’été 1941) par le Parti communiste de la province de Läänemaa, région du nord-ouest de l’Estonie, édité à TallinnLes actes de ce colloque devraient paraître bientôt dans la Revue nordique (en lien de ce blog, les liens, à droite…)
Or en attendant, le dernier numéro (numérique) de cette revue porte sur le thème de la solitude et de la nature.

Y est publié un texte (traduit par Camille Deschamps-Vierø) de Fridtjof Nansen, « Friluftsliv », discours prononcé en juin 1921 – date de naissance d’Elmar Krusman – lors d’un rassemblement de l’Association Norvégienne de Randonnée Pédestre pour les écoliers. (On est trois ans avant la rencontre entre Pierre Leprohon et André Dhôtel ; et tous les deux étaient des marcheurs, un peu différents : Dhôtel, un promeneux, flâneur, Leprohon : quelque chose d’un randonneur…)

Nansen en vient très vite à des changements en faveur de la nouvelle génération :

« Il existe désormais une toute nouvelle perception du sport et de sa valeur, une accélération sans précédent dans son essor et sa popularité auprès de la jeunesse de Norvège. C’est tout particulièrement le ski qui a ouvert la voie, et c’est là que la différence avec ma jeunesse est particulièrement frappante. Je me souviens que je pouvais aller skier dans la Nordmarka et retrouver les traces que j’y avais laissées quatorze jours auparavant. Aujourd’hui, je pense qu’il ne faudrait pas attendre longtemps avant qu’il ne devienne difficile de les retrouver. Mais peut-être qu’il n’y a pas que du positif dans cette évolution. Il est possible qu’elle ait engendré trop de compétition sportive au détriment du simple exercice physique ; trop de « records » et de spécialisation. »

NB - Auvergne


Difficile de ne pas suivre du regard certain sport actuellement très en vogue, d’autant plus quand on lit un second avertissement de Nansen :

« À mon avis, un autre aspect de la vie sportive contemporaine a pris trop d’importance, et il s’agit de son caractère grégaire.
Tout se passe comme si l’on ne pouvait plus faire de sport sans attroupement. Il faut des clubs et des associations, des compétitions sportives, des rencontres régulières en société et dans des chalets.
Mais une composante importante du sport devrait être la friluftsliv : s’éloigner des foules, de la course incessante, du bruit confus où nous passons l’essentiel de nos vies pour nous retrouver dans la nature, dans l’immensité des grands espaces. Voilà à mes yeux le cœur de la friluftsliv. »

Friluftsliv, vie en plein air mot à mot, s’opposant explique Nansen à la vie des villes, où les êtres humains vont essentiellement d’un bâtiment à l’autre, d’une boîte à une autre.

NB - Auvergne


Bon, à rebours de ce qu’il annonçait au début de son article, l’explorateur se fait un peu vieillard grincheux. Néanmoins, je ne puis m’empêcher de trouver de ses propos assez adaptés à nos temps aussi :

« Mais si les jeunes ne recherchent pas les grands espaces et l’éloignement de cette vie ordinaire, ce n’est certainement pas par manque d’attrait. Bien au contraire. C’est plutôt parce que la plupart d’entre eux suit simplement le même troupeau que les autres, et qu’ils ne savent pas comment s’en échapper, ni combien il est en réalité facile d’apprendre à se débrouiller par soi-même en dehors des sentiers battus – ils pensent que c’est une affaire coûteuse et compliquée. Mais celui qui a goûté une fois à la vie libre, sans entrave, indépendante de tout et de tous, celui-là ne retourne pas facilement dans le troupeau. »

Ce texte interroge au vu de ce refus évoqué au billet précédent, refus de masse, des étudiants norvégiens d’entrer dans la SS, de la Norvège en général de se plier au joug nazi.
Question… d’éducation, peut-on se demander ? La question fut posée lors de cette conférence avenue de la Marseillaise. J’en touchai mot quelques mois plus tôt aussi à mes étudiants. On en reparlera.


Nils Blanchard

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