dimanche 15 décembre 2024

Norvégiens à Cernay, 1

Le 28 novembre dernier, conférence d’une cinéaste connaissant son sujet (elle est la fille d’un des étudiants en question, mais ça ne suffit pas bien sûr contrairement à ce qu’on croit par ci par là, elle s’est documentée aussi), Elsa Kvamme. Son thème "Les étudiants norvégiens de Cernay (1943-44) : une tentative d'incorporation dans la SS qui a échoué”.

NB - Strasbourg, avenue de la Marseillaise

Venue avec des compatriotes au café Michel à Strasbourg – avenue de la Marseillaise –, elle a fait un tour à la fois personnel et, j’insiste, sérieux, sur la question.

(Ce témoignage-recherche, issu d’une personne de la génération d’après, me ramène à cette autre conférence, à Bisingen, qui m’a amené à parler ici du camp de Westerbock…)

Est intervenu notamment aussi, spontanément du public, Maurice Carrez (auteur avec Jean-Marc Olivier de Histoire des pays nordiques, 19e-21e siècle, Armand Colin, 2023) pour contextualiser cette page de la résistance norvégienne dans l’histoire, l’importance de cette résistance à l’échelle du pays. Une quarantaine de milliers de résistants (à l’échelle du pays…), des pasteurs, des instituteurs, professeurs, qui refusent en masse de prêter allégeance aux nazis.
Face à eux, doublement marionnette car peu estimé somme toute des Allemands, Quisling, et son « Rassemblement national »… Mais le vrai maître de l’occupation était Josef Terboven, avec le titre de commissaire du Reich.



Évidemment, cela ramène à certaines pages du Tableau de Savery (pages 58-66). Il y est question du grand-père (maternel) de Martin Fahlén, ancien ministre norvégien des affaires étrangères, Arnold Raestad (il en a déjà été question ici, voir l’index, à droite…)

Pages 60-61 : « Arnold avait dirigé la radio norvégienne avant la Seconde Guerre mondiale, et il avait fait plusieurs exposés sur les ondes contre le nazisme. Il en prédit très vite l’issue dans une de ses émissions, avec ces mots : « Le gouvernement allemand a décidé une fois pour toutes de se débarrasser de l’État norvégien. Ce sera peut-être plus difficile que ne le pense l’envahisseur. »
Le 9 avril 1940, Märta et lui durent fuir précipitamment. Arnold avait alors 62 ans et Märta 58. Ensuite, au temps de l’exil, Arnold devint l’un des conseillers les plus écoutés du gouvernement en exil.
Il rédigea des lois et organisa des contacts radio avec la flotte de commerce norvégienne pour qu’elle soit intégrée au camp allié et groupée sous une même bannière : Nortraship. Avec plus de 1000 navires, cette compagnie devint la plus grande du monde, et eut une certaine part dans l’issue de la guerre. Il eut en plus la responsabilité du transport de l’or et fut pendant les années de guerre le chef de la banque norvégienne à Londres. La réserve d’or devait 60être évacuée de Norvège dans le plus grand secret, en partie sur des bateaux de pêche. »

Johannes Grenness, capture d'écran


Quant aux étudiants de Cernay, un article de Claude Mitschi, dans une revue « Le Courrier du Mémorial » (liée au mémorial du Schirmeck, dont une association était par ailleurs organisatrice de la conférence du 28 novembre à Strasbourg), pages 22 à 35 d’un numéro d’avril 2019, offre un panorama intéressant et sérieux sur cette étrange page d’histoire.

Petit résumé chronologique des événements : le 30 novembre 1943, 1200 étudiants norvégiens sont raflés à Oslo. (La Norvège est occupée par les nazis depuis le printemps 1940, son gouvernement légal en exil.) Certains d’entre eux étaient par ailleurs résistants, mais ce n’est pas à ce titre qu’ils ont été arrêtés ; l’université norvégienne était remuante, et Terboven crut faire coup double en matant les étudiants et en espérant en faire en même temps des SS, mais son initiative provoqua des protestations importantes (en Suède, par exemple) et mécontenta sa hiérarchie.
Les étudiants refusèrent l’« offre » d’intégrer la SS et la plupart des étudiants sont d’abord envoyés dans un camp de Stavern (fjord d’Oslo). 500 d’entre eux environ sont très vite relâchés.

Les plus de 600 restant vont former deux groupes : un premier (291 étudiants) part pour l’Allemagne le 9 décembre 1943, un deuxième (353 étudiants) le 7 janvier 1944.

Sigmund Strømme, cité par Claude Mitschi, se souvient bien plus tard « des lumières le long des côtes de la Suède, mais personne n’osa prendre le risque de se jeter à l’eau. Il faisait trop froid, nous n’avions aucune chance de nous en sortir. »
Peut-être ces côtes étaient celles du Bohuslän, où je me suis souvent baigné, depuis ma tendre enfance, mais, il est vrai, en été…

Johanness Grennes


Le premier groupe se retrouve à Cernay (Sennheim pour les Allemands), qui était par ailleurs un SS-Ausbildungslager (centre de formation SS, où se côtoyaient les volontaires de plusieurs nationalités). Parmi eux, les malades sont envoyés dans divers hôpitaux militaires, les récalcitrants aboutissent à Bitschwiller-lès-Thann, pour travailler dans une usine.

Le deuxième groupe est d’abord dirigé vers Buchenwald (13 janvier). Après une première période où ils sont traités comme des déportés « ordinaires », ils connaissent ensuite un sort privilégié, et reçoivent des cours de professeurs de l’université d’Iéna.
Entre juillet et octobre 1944, ils finissent par rejoindre Cernay.


À suivre.


Nils Blanchard


Triche. Je suis assailli d’étiquettes sur mes derniers billets : suis obligé de rajouter celles-ci, du dernier (9 décembre) : Dixikon, Thomas Nydahl, Paris, France Culture.
Et certaines manquent, qui paraîtront au billet suivant. 

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