Je me faisais cette réflexion devant des panneaux publicitaires et autres opérations « communicationnelles » que, via notamment le numérique, la communication tue la communication.
NB - Anjou, travaux sur rivière en hiver |
J'enfonce une porte ouverte, me dira-t-on ?
Quelqu’un récemment m’a reproché de me tenir à l’écart des réseaux sociaux, « applications » de « smartphones »… Mais alors que nous nous étions retrouvés dans la salle d’attente d’un hôpital, où nous attendîmes, nous deux seuls, peut-être entre une demi-heure et une heure, nous échangeâmes certes quelques banalités, puis la conversation de tourner court, vu que mon vis-à-vis maintint les yeux rivés sur son « smartphone » pendant toute l’attente qui suivit.
Un peu après, alors que nous sortions de l’hôpital, cette personne me dit benoîtement : « Nous devrions essayer de nous voir pour discuter. » Certes.
Capture d'écran |
Mais encore, j’ai évoqué (K)ungälv en septembre dernier notamment. La commune a un site internet – on pourrait dire, une plateforme, allez, un « hub » de communication – assez bien fait (refait récemment je crois) ; toujours est-il que je n’ai reçu aucune réponse à mes sollicitations. Il était pourtant question d’abus de « pouvoir » d’une société privée, voire de xénophobie…
C'est que « communiquer », contrairement à ce que croient certains journalistes (voir parfois une émission comme « Les informés » sur France-info), mais aussi certains politiques ou universitaires, n’a aucun intérêt (au contraire) s’il n’y a pas un travail en amont, si, en d’autres termes, il n’y a rien à dire.
(D'où l’exaspération, par exemple, de professeurs (plus ou moins) obligés d’assister à des réunions de plus en plus nombreuses et inintéressantes. Les professeurs, eux, ont des élèves qui les attendent ensuite…)
Gravure, 1861, illustration du Laboureur et ses enfants |
La « communication », encore, n’empêche-t-elle pas le travail ?
Pour rester dans le domaine de l’éducation (une fois n’est pas coutume), on peut évoquer la sortie récente de la nouvelle ministre de l’éducation nationale, qui dans les pas d’un Claude Allègre, alors qu’elle n’a peut-être encore pas eu le temps depuis sa nomination de s’asseoir une seule minute à un bureau pour étudier un dossier, conspue le personnel dont elle a la charge (source, RTL, 12 janvier 2023) ; elle évoque son fils aîné scolarisé un temps dans une école publique, ce qui entraîna :
« (…) la frustration de ses parents, mon mari, et moi, qui avons vu des paquets d’heures qui n’étaient pas sérieusement remplacées [à l’école primaire, si l’on comprend bien. Mais comment fait un professeur de l’école primaire malade quand il n’a pas de remplaçant ?]. Y’a un moment on en a eu marre, comme des centaines de milliers de familles, qui à un moment ont fait un choix, voilà, d’aller chercher une solution différente. On habitait rue Stanislas, scolariser nos enfants à Stanislas était un choix de proximité, et depuis de manière continue nous nous assurons que nos enfants sont non seulement bien formés avec de l’exigence dans la maîtrise des savoirs fondamentaux, et qu’ils sont heureux, qu’ils sont épanouis, qu’ils ont des amis, qu’ils sont bien, qu’ils se sentent en sécurité, en confiance, et c’est le cas pour mes trois petits garçons, mes trois enfants, qui sont là-bas. Alors je pense que... avant de stigmatiser les choix des parents d’élèves, il est important de rappeler que l’école, c’est celle de la République, et que la République travaille avec tout le monde, dès lors que… on est au rendez-vous, voilà, de ses exigences et de ses valeurs. »
« Voilà ». En creux : dans le public, les enfants ne sont pas bien formés, ils sont malheureux, pas épanouis, n’ont pas d’amis, ne sont pas en sécurité, pas en confiance…
Cette ministre aurait travaillé, au lieu de « communiquer », elle ne se serait peut-être pas mis à dos certaines gens.
*
Alors que je finissais cet article, j’ai entendu que la ministre avait présenté des « regrets » à « certains professeurs ».
C'est alambiqué. Qui sont ces « certains professeurs » ?
La communication aussi se travaille, surtout si l’on veut absolument ne faire que ça. Cette dame devait envisager (ou son « coach » comme elle dit de Matignon) qu’on l’interrogerait sur le sujet de la scolarisation de ses enfants. Elle pouvait alors prévoir de répondre qu’elle ne souhaitait pas commenter ce qui relevait de sa vie privée. Elle aurait pu aussi (si c’était le cas) arguer qu’elle avait agi ainsi du fait de ses opinions morales, personnelles, ou de celles de son époux ou compagnon.
Voilà, voilà...
Nils Blanchard
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