On en a déjà un peu parlé avec Mikaela Blomqvist, à cet endroit , le mot « trauma » est à la mode. Et il a tendance à agacer certaines observatrices suédoises (et pas que).
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Halbout du Tanney |
Par l’étymologie, grecque comme souvent ce qui est lié au corps, à l’être, notre mot (via l’anglais me semble-t-il) est tout droit dérivé de τρα
ύμα, à savoir la blessure.
Dans le Göteborgs Posten du 5 mai dernier, Joanna Gorecka note : « Det sägs att vi lever i en meritokrati, men vi lever kanske i en traumakrati? I serier som ”Bachelor” och ”Love is Blind” blir deltagarna alldeles saliga om deras tilltänkta respektive varit med om något jobbigt. Genast attribueras den traumatiserade med ädla och soliga egenskaper. Alla vill ligga med en martyr. »
« On dit que nous vivons dans une méritocratie, mais ne faut-il pas parler plutôt de traumacratie ? Dans des séries comme ”Bachelor” et ”Love is Blind”, les personnages semblent atteindre au parfait bonheur du fait que leur partenaire potentiel soit passé par des épreuves. Le traumatisé est tout de suite affublé de qualités nobles et solaires. Tout le monde veut coucher avec un martyr. »
Bon. Mais dois-je préciser que je ne sais à peu près rien des séries évoquées ni des « réseaux » « sociaux » dont parle aussi par ailleurs la chroniqueuse ? (Presque rien, à savoir suffisamment pour les fuir coudes aux côtes…)
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Halbout du Tanney |
Pour l’historien, il pourrait être plus intéressant de s’arrêter sur la notion de « trauma » dans le cadre de sociétés (la France d’aujourd’hui : attentats, crises des gilets jaunes et de la pandémie… ont infligé bien des blessures en partie partagées). Sans parler d’évolutions plus profondes (changements de la société, crise environnementale…) Est-ce un hasard si l’expression démocratique des gens devient erratique à tel point qu’on ne parvient plus à dégager des alternatives fréquentables mais qu’on aboutit à des « choix » comme obligatoires, face à des extrêmes peu ragoûtants ? (Cela, on le sait, pas qu’en France.)
Un lien est-il à faire avec la manière de redonner vie à la mémoire commune ?
Là, on arrive à des concepts difficiles, trop facilement employés par des bavasseurs qui s’imaginent pourvoir les utiliser dans leur logorrhée presque comme de simple types de langage, n’entendant de toute façon rien aux sujets qu’ils prétendent évoquer ; on entend alors parler de « devoir de mémoire », « travail mémoriel »…
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Halbout du Tanney |
J'ai regardé la
vidéo de la Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation du 30 avril dernier, au Struthof. Dans son discours, phrase intéressante de la secrétaire d’État auprès du ministre des Armées, Patricia Miralles : «
Notre mémoire est vivante, et elle est l’effort de tous. » (En tout cas de tous ceux qui travaillent – le marbre ou le bois tout aussi bien –, qui écoutent, qui ne se contentent pas des anathèmes, des
a priori, des fantasmes…)
Et de rappeler que Simone Veil n’aimait pas l’expression « devoir de mémoire ». Le seul devoir, c’est d’enseigner et de transmettre, expliquait-elle.
On me demandera ce que viennent faire ici toutes ces sculptures.
C'est qu’elles sont de Halbout du Tanney, le sculpteur du Gisant que l’on voit sur le site de l’ancien camp de Natzweiler.
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Halbout du Tanney, Site de l’ancien camp de Natzweiler Struthof |
Nils Blanchard
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