vendredi 17 juin 2022

Puisqu’il est question d’Ulysse

 À la recherche de je ne sais trop quoi, je feuilletais mon Que sais-je ? Sur Homère, de Jacqueline de Romilly.

Page 116, l’auteure remarque : « Le fossé entre Grecs et barbares 

[au temps des poèmes d’Homère] n’est pas encore creusé. Dans l’Iliade il 

n’y a absolument aucune différence entre Troyens et 

Achéens. Personne ne s’étonne qu’ils parlent la même langue, 

qu’ils observent les mêmes usages, que leurs règles morales 

ou sociales soient les mêmes, ou que leurs dieux soient les mêmes. 

(…) Homère ne conçoit pas un instant que l’ennemi puisse 

être différent. »


Les temps n’ont-ils pas beaucoup changé ?


On reparlera de la manière de voir les Russes, de certains de 

leurs voisins. Elmar Krusman, comment voyait-il ses ennemis ? 

Étaient-ils ses semblables, ses frères ? La brute, Ehrmanntraut, qui 

l’a mené devant cette employée de mairie de Bisingen, qui a décrit 

E. Krusman, sans le nommer, « tout à fait tremblant »…


Les Suédois d’Estonie en général ?


Lors de ce colloque que j’évoquais au dernier billet, sur 

l’évolution des contacts de langues et de cultures, je 

m’interrogeais sur la place des Esto-Suédois parmi les 

autres peuples, nations. Étaient-ils un simple groupe,

une ethnie, un peuple ? Ils étaient moins de 10 000, mais 

furent reconnus comme une minorité. Ils n’étaient plus seulement 

des Suédois (au moment de la guerre, ils avaient été séparés de 

leur patrie d’origine depuis au moins sept siècles).

Une nation ? Ce qui semblait les caractériser, précisément, est qu’ils

n’avaient pas d’ennemis jurés. Peu de traces de batailles, de 

révoltes, de massacres dans leur histoire, mais des dominateurs 

dont on s’accommode comme on peut, des relations de voisinage 

plus ou moins tendues sans doute, une constante diplomatie, 

semble-t-il, pour préserver un mode de vie authentique 

– les fameux « privilèges » suédois – dans la durée. 

Quelque chose à mettre en rapport avec la neutralité suédoise 

depuis Bernadotte…

Carte des zones esto-suédoises; années 30 

Plus loin (pages 116-117), J. de Romilly remarque qu’Achéens 

(Grecs, donc) et Troyens partagent les mêmes croyances, les 

mêmes dieux. Puis : « Le fait est d’autant plus remarquable 

qu’Homère n’a rien d’un pacifiste, blâmant la guerre en tant 

que telle. Elle est comme un donné de la civilisation d’alors.

Elle a ses douleurs, mais aussi ses beautés. On peut, certes, 

évoquer avec nostalgie le temps de paix. (…) Et l’on n’y trouve 

pas non plus, nulle part, rien qui suggère une guerre nationale, 

entre peuples différenciés. La lutte entraîne une âpre 

compétition, mais point de haine : Troyens et Achéens

sont les uns et les autres des héros et des mortels, qui en tout 

se ressemblent. »

NB - Bohuslän

Pour ce qui est de la Seconde Guerre mondiale, c’est en quelque sorte 

l’inverse, surtout vue sous le prisme du système concentrationnaire.

Pour Boris Pahor, de Trieste (comme pour Elmar Krusman et les Esto-

Suédois), les choses ont commencé à se gâter avant même la 

guerre, avec l’arrivée du fascisme (avec le climat délétère pour 

les minorités qui s’est installé au cours des années trente en 

Estonie). De quoi rêvait Boris Pahor en invoquant Calypso ? 

D’un paradis à reconquérir ?



Nils Blanchard



P.-S. Sans rapport ?


Hier, J’ai vécu des heures vaguement kafkaïennes – j’évoquerai 

bientôt, en passant, l’Autriche-Hongrie –. Une batterie morte, 

en Allemagne, avant-hier  soir, très tard. Un réparateur fort gentil 

fait redémarrer ma voiture ; « Peut-être cela marchera-t-il ; après, 

il faudra la faire tester... » Je rentre chez moi, en France, sans 

couper une seule fois le moteur. Las, ce matin : obligé d’appeler 

à nouveau un réparateur, pour me relancer à nouveau et me 

permettre d’aller à un garage. On me promet quelqu’un pour 

neuf heures trente, puis dix heures. Je prends rendez-vous au 

garage, commande une batterie. Le temps passe…

Truc assistance (une personne dont j’ai oublié le prénom, 

appelons-la G) : – Vous comprenez… Effectivement… [Cet adverbe, 

tic de langage des sots de nos temps.] »

Onze heures.

G : – Ils ont peut-être un imprévu. Il faut comprendre.

Mais pourquoi ne communiquent-ils pas ?

À midi, j’appelle un taxi. Je ne peux plus attendre ; dois me rendre 

à mon travail. À treize heures, le garage de dépannage 

m’appelle : « On est chez vous. Pourquoi n’êtes-vous pas là ? »

Mais parce que je suis à mon travail. De petit fonctionnaire 

récemment mal noté (mais je crois que c’est un honneur – 

j’expliquerai peut-être pourquoi...)


D’autant plus ennuyé d’être sans véhicule que je dois nourrir, 

pour deux ou trois jours, des chats d’amis, en Allemagne.

Et Thomas Nydahl, hier justement, citation dans un billet intitulé : 

« Vänskapen gångbroar". Il est illustré par une photographie d'arbres 

entre le printemps et l'été.


« Skriv om stunderna

då vänskapens gångbroar

verkar hållfastare

än förtvivlan


Adam Zagajewski, ur Törst, i översättning av Anders Bodegård »


(« Écris sur les moments

où les pontons de l’amitié

semblent s’accrocher davantage

que le désespoir


Adam Zagajewski, extrait de Soif, traduit [en suédois] par Anders

Bodegård »)


(Bon, mais en ce qui me concerne, le désespoir… Il ne faut 

rien exagérer.)



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