À l’été 2008, Le Figaro avait publié une série de nouvelles rédigées par divers auteurs, commençant toutes par la même phrase de «L'Odyssée» d'Homère : «Ulysse prit le sentier rocailleux qui monte à travers bois, du port vers la falaise. Il allait à l'endroit qu'avait dit Athéna…»
NB - Bohuslän, près d'une falaise |
Boris Pahor se prêta à l’exercice le 17 juillet (« Son étonnante Callypso »,
traduit du slovène par Antonia Bernard).
Sa nouvelle mettait en scène un personnage, Adrien (de l’Adriatique…), sous
les traits duquel on devinait l’auteur lui-même, et surtout sa vie. Deux conflits
mondiaux, et Dachau notamment au second.
L’allusion à l’Odyssée est intéressante, évidemment. Il ne s’agit pas tant de
rapprocher la guerre de Troie originelle de la Seconde Guerre mondiale, mais
de marquer précisément, par l’impossibilité d’un rapprochement (les cadres
culturels, l’abîme de l’Antiquité à la période contemporaine, les sources…)
l’humanité irréductible, quelle que soit l’époque, dans les notions d’exil,
d’exode.
Le texte de Boris Pahor se terminait ainsi, lors qu’Adrien avait rencontré et
commencé d’aimer une infirmière, à l’avant-port de quelque Ithaque – Trieste,
toujours – sans doute : « Un jour il lui avoua, heureux : « Tu es ma Calypso. »
Elle protesta, malicieuse : « La comparaison avec Ulysse ne tient pas. Toi, tu
n'as nullement besoin d'une Athéna qui prendrait ta défense, et moi, je ne
t'empêche pas de partir, j'irai en ta compagnie, comme nous l'avons dit, dans
cette ville qui ressemble à un jardin sous la haute falaise. »
« Tu es ma Calypso », répéta-t-il, « ma merveilleuse Calypso. »
Eléonore de Moffarts, Calypso (Art Center Horus) |
Conférence vendredi dernier, à un colloque au Collège doctoral européen à
Strasbourg (on y reviendra…) C’était fort bien organisé par des étudiants du
Master 2 Plurilinguisme et interculturalité. (Je suis intervenu quant à moi
sur les Suédois d'Estonie. J'y reviendrai...)
À une pause, autour d’un café, on discute de l’« actualité » chargée de l’histoire
du système concentrationnaire en Alsace, avec cette exposition sur les relations
entre l’université de Strasbourg et le camp du Struthof…
J’ai fait remarquer la masse des témoignages qui continuent de se publier.
Directs : moins.
Mais s’il y a eu la disparition récemment de Boris Pahor, mes amis qui
m’avaient envoyé cette revue Regards d’histoire m’ont signalé aussi,
avoir assisté récemment à une conférence de Simone Polak,
rescapée d’Auschwitz, dont l’exposé a été « remarquable et bouleversant ».
Je me dis (plus rien à voir avec ce colloque) qu’en regard d’une telle masse
documentaire – j’évoquerai bientôt les archives d’Arolsen –, il est aberrant
qu’il puisse se trouver encore – on en entend –, parmi des gens qui présentent
par ailleurs un niveau d’instruction élevé, des propos révisionnistes ;
de telles abîmes d’ignorance et de bêtise.
Nils Blanchard
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