mercredi 25 mai 2022

Suède, Finlande, Södergran, Dhôtel

Récemment, dans le Göteborgs Posten du 17 mai dernier, un article de Karin Pihl (suite à la demande récente d’entrée dans l’OTAN de la Suède et de la Finlande) : « Vi svenskar borde bry oss mer om Finland – Nous, Suédois, devrions plus nous intéresser à la Finlande ».

NB - Près d'Ekenäs

Et de développer, notamment :

« Men det är också tragiskt att det ska till ett krig för att vi i Sverige ska inse att Finland är viktigt för Sverige. I Finland är kunskapen om vad som händer i Sverige generellt hög. Detsamma kan man tyvärr inte säga om svenskars kunskap om Finland.
Vi svenskar kan faktiskt pinsamt lite om vårt grannland i öst. (…) »

« Mais c’est désolant, aussi, qu’il faille une guerre pour que nous autres Suédois considérions que la Finlande est importante pour la Suède. En Finlande, on est généralement très au fait de ce qui se passe en Suède. On ne peut pas en dire autant malheureusement des connaissances des Suédois sur la Finlande.
En fait nous en savons ridiculement peu sur notre voisin de l’Est. (…) »

Après, elle évoque un sondage tendant à montrer le manque de connaissances des Suédois sur la Finlande. Puis elle rappelle l’existence (et l’importance) de la minorité suédoise en Finlande, les arguments à son encontre, du parti d’extrême droite « Les Vrais Finlandais » notamment.

Enfin, elle conclut son article :

« Svenskan är inte bara en del av vår gemensamma historia och det språk som bägge våra nationalsånger är skrivna på. Det är också en nyckel till gemenskap och samarbete mellan länderna »             
« Le suédois n’est pas qu’une part de notre histoire commune – et la langue de nos deux hymnes nationaux. C’est aussi une clé vers le rapprochement, la coopération entre nos deux pays. »

Je ne peux m’empêcher de sourire un peu. Penser que les Suédois vont pouvoir se rapprocher de la Finlande par le biais des suédophones de Finlande, n’est-ce pas sous-estimer un… léger agacement viscéral des Finnois à l’encontre des Suédois (suédophones de Finlande compris), pour plusieurs raisons plus ou moins raisonnables :
– le passé de dominateur de la Suède (jusqu’en 1809 en effet),
– une certaine position d’élite des finlando-suédois,
– un ressentiment (en reste-t-il?) plus ou moins justifié contre l’attitude de la Suède pendant la Seconde Guerre mondiale,
– une certaine différence culturelle (en gros : les Suédois – de Suède – assimilés à des bobos, ou à des nouveaux riches un peu vulgaires…)

Étrange, par ailleurs, que l’article ne fasse nulle mention des tensions récentes liées à la pandémie du Covid, le mépris, les quolibets que la politique suédoise (qui est celle de tous les Européens aujourd’hui) a suscités.

NB - Près d'Ekenäs

Il est grand temps, là, d’évoquer en ce blog une grande plume suédoise de Finlande : Edith Södergran, dont on peut en partie lire l’œuvre sous le prisme des complications de son appartenance nationale (compliquée d’autant plus qu’elle venait – et a fini – de Carélie, qui sera prise plus tard par les Soviétiques, qui à son époque subit durement la guerre civile (1918).
Mais de cela on reparlera bien sûr…

Puisqu’il fut indirectement question d’André Dhôtel au dernier billet – via la parution d’un article sur le Cahier André Dhôtel n° 19 dans le blog Argoul [lien] –, je veux ici initier une comparaison, assez étrange sans doute, qui m’est venue en lisant ces temps-ci précisément les poèmes d’E. Södergran.

L'un de ses plus connus est Jag – Je.
Il commence ainsi : « Jag är främmande i detta land, » (« Je suis étrangèr(e) en ce pays, »).

Or j’évoquais ce thème du… pays problématique, dans un article dans un autre Cahier André Dhôtel, le 17, consacré aux Derniers écrits de l’écrivain.


C'est que dans un de ses derniers poèmes, Le départ, Dhôtel « devient cet étranger qui nous est si proche : Comment donc ce pays / que je connais trop bien / a-t-il pu devenir / un pays étranger ? (…) »

Ah, le recueil (posthume) des poèmes auxquels travaillait Edith Södergran à sa mort s’intitule : Landet som icke är – Le pays qui n’est pas.
On connaît, évidemment, de Dhôtel Le pays où l’on n’arrive jamais.

Suédois de Finlande, André Dhôtel ?


Nils Blanchard

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