mardi 31 mai 2022

Enfer, paradis…

 Assez étrangement près d’un endroit où je me promène régulièrement, demeure un bâtiment qui est le dernier témoin d’un éphémère et tardif Kommando (KZ) du KL Natzweiler, à Schwindratzheim, au bord du joli canal de la Marne au Rhin.

NB

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J’y suis allé pour des raisons en partie pédagogiques. Je voulais voir de plus près cet 

endroit évoqué par l’excellente brochure réalisée par des lycéens et étudiants français

et allemands, Camp de concentration Natzweiler et ses camps annexes sur les deux rives 

du Rhin (pour une série d’expostions en 2019, je crois ; la brochure n’est pas datée).




Eh, non, ce n’est pas la pédagogie qui est infernale ici.


Contrairement à Bisingen ou Haslach, ce camp annexe était du côté actuellement

français de la frontière. Cela explique qu’il n’ait existé qu’à peine plus d’un mois (de 

fin août 1944 à début octobre 1944). Environ 600 déportés, transportés d’autres camps

annexes, y seraient tout de même passés.

A priori, le nombre de victimes est inconnu.


Le but de ce camp était d’aménager une mine pour y transférer des ateliers de 

fabrication d’avions Junker. La durée d’existence du camp ne laissa la possibilité que

de travaux préparatoires.

Il y a aujourd’hui ce panneau qui met en garde contre la dangerosité de galeries,

quelque part dans la colline qui jouxte le canal.


NB

En marchant un peu le long du canal, vers l’Ouest, vers Saverne, on est frappé par la

profusion de fleurs, la beauté de ces coins riverains de campagne intemporelle, posés

là par les ingénieurs du XIXe siècle. Puis on arrive à un petit regroupement de 

péniches – certaines semblent habitées – et de petits bateaux de tourisme. Coin que j’ai

trouvé étrangement idyllique, à deux pas (à peine plus), de l’ancien camp.


NB

NB

Il y a quelque chose avec les lieux (porte ouverte, là encore… et le mieux, comme 

souvent, est de se reporter à la lecture de Dhôtel...) Ce lieu-ci de me rappeler des

souvenirs, tout personnels et quasi- incommunicables, du bord de la Mayenne.


Pour revenir à la notion de pédagogie – qui, sortie systématiquement et

malencontreusement de son contexte par toutes sortes de baratineurs, me met

ordinairement en rogne ; « péda » vient de « enfant » : on ne devrait donc pas parler de

« pédagogie », par exemple, pour des citoyens adultes –, j’ai assisté lundi dernier à une

présentation de projet de coopération entre les archives d’Alsace, le Centre européen

du Résistant-Déporté et des collèges et lycées.

Cela avait lieu aux archives « d’Alsace », en fait celles du Bas-Rhin (?) et commença

par une conférence de Hans-Joachim Lang, journaliste et historien allemand qui a mis 

des noms – parfois plus encore : un parcours, une photographie… – sur les 86 Juifs

assassinés en août 1943 dans la chambre à gaz du KL Natzweiler pour enrichir la

collection de squelettes du professeur Hirt (de l’université de Strasbourg alors

allemande). Ils avaient été transportés exprès, à cette fin, d’Auschwitz.




Il y a quelque chose avec les lieux… H.-J. Lang de s’étonner à un moment que 

quelqu’un lui ait dit, à l’université de Strasbourg : « Die Mauren sind unschüldig » –

« Les murs sont innocents ».


Les murs de cette bâtisse au bord du canal ? Mais il ne s’agissait pas d’université, de

réserve et matrice de savoir…


En tout cas – je reviens aux archives –, malgré mon allemand imparfait, je me sentais

en « terrain connu » en entendant H.-J. Lang évoquer son désir de « connaître » les 

victimes, ne pas les laisser simplement à l’état de noms sur une liste. « Die Menschen

kennen zu lernen » – « Faire connaissance avec les personnes ».



Nils Blanchard



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