vendredi 1 avril 2022

Aucun rapport, quoique… Le lieu, l’enfance, la guerre

Cela n’a aucun rapport (avec les Suédois d’Estonie et d’ailleurs), quoique… En fin d’année dernière, la Route inconnue, association des amis d’André Dhôtel, a publié son cahier numéro 19, consacré à la revue d’après-guerre 84.

Récemment, le site Ent'revues s'en est fait l’écho.
André Gide, entre autres, a participé à 84.
En période de guerre en Ukraine, cela ramène à André Dhôtel qui, dans la maison de sa cousine au Mont-de-Jeux (en face du Roche de Rimbaud dans les Ardennes), avait écrit un poème étrange, en 1952. Étrange, parce que si la guerre apparaît un peu (mais en arrière-plan) dans l’œuvre de Dhôtel, on ne trouve pas de raison à son évocation à ce moment. Était-ce simplement qu’en vacances sur des lieux où il avait été dans son enfance, et dont la guerre l’avait tenu éloigné (la première notamment), des souvenirs ont mêlé en lui ces trois thèmes : le lieu, l’enfance, la guerre ?

Ballade des dommages de guerre

Ah! mes amis quel beau ciel!
Mais tout d'un coup plus d ciel
Ni de gens ni de maisons
Les abeilles sans miel
Ont empli tout l'horizon.

Elles ont tué une église
Un berger, deux peupliers, trois paresseux
Qui jouaient aux cartes et perdaient leurs mises
Les enfants ont fermé les yeux.

Il y avait selon les statistiques
Cent trois soldats, mille roses et deux grands trains
Qui ont dû partir de bon matin
Pour des raisons politiques.

Les roses sont parties avec le jardinier,
Les trains emportaient leurs fardeaux immenses
Les soldats n'ont pas oublié les papiers
Qui justifient l'éternelle absence.

Prince, excusez nos maladresses
Désormais nous discuterons moins vivement
Seigneur ne partez pas sans laisser d'adresse
Et ressuscitez d'abord les enfants.

André Dhôtel, 19 septembre 1952.
(Bulletin de la Route inconnue, n° 14.)


On a vu dans ce blog qu’au travers notamment de cette revue 84 (le peintre écrivit dans le numéro 12), Dhôtel avait noué une amitié avec Camille Claus, qui envoya cette lettre illustrée à La Route inconnue.
En attendant, le Mont-de-Jeux est un endroit magnifique dans le sud de ces Ardennes qui ont été au cœur des conflits successifs des dix-neuvième et vingtième siècle (guerre de 70, 14-18, 39-45…)
On en a un écho dans l’entretien que donne François Dhôtel, le fils de l’écrivain, à Roland Frankart (Mont-de-Jeux), dans le cahier sur 84.

NB - Mont-de-Jeux



NB - Mont-de-Jeux

Cette petite brume est du matin, comme pour faire la toilette du jour qui se lève.

Hier, au Struthof (fameuse visite de classes), le camp était dans un brouillard complet quand nous arrivâmes. À peine distinguions-nous les formes de la flèche. Perçant cela, près de l’ancienne maison du commandant, la lueur de la « lanterne des morts ».


Errata

(J'en profite pour revenir sur mon dernier billet, cette photo de SS devant l’auberge du Struthof dont je parlai. J’ai vu qu’un article de Loïc Lutz, de décembre 2019, «  La vie et le quotidien des bourreaux du camp de concentration de Natzweiler-Struthof » qui paraît sérieux, présente l’image datée de 1944 (et donc pas de 1943).) – Blog Hypotheses. –


Nils Blanchard


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Kungälv blues

 À vrai dire, malgré la beauté notamment de sa rue (son ancienne rue) principale, cette ville m’a toujours semblé un peu tristounette. (Ce b...